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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/985/2008

ATA/305/2011 du 17.05.2011 sur DCCR/1219/2010 ( ICC ) , REJETE

Recours TF déposé le 22.06.2011, rendu le 08.05.2012, REJETE, 2C_520/2011
Descripteurs : ; IMPÔT ; DROIT FISCAL ; INTÉRÊT FISCAL ; TAUX D'INTÉRÊT ; ACOMPTE
Normes : aLCP.360 ; aLCP.361.al4 ; aLCP.363 ; aLCP.364 ; aLCP.367A
Résumé : Dies a quo pour le calcul des intérêts financiers dus sur l'impôt cantonal: le montant résultant de la différence entre le total des acomptes provisionnels versés et l'impôt échu, supérieur au total des acomptes provisionnels, porte intérêt dès le premier jour qui suit la période fiscale (art. 361 al. 4 aLCP) et non dès la notification de la décision de taxation comme le soutiennent les recourants.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/985/2008-ICC ATA/305/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 mai 2011

1ère section

dans la cause

 

Madame C______ G______
et
Monsieur G______
représentés par Me Michel Lambelet, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 30 août 2010 (DCCR/1219/2010)


EN FAIT

1. En date du 31 octobre 2007, Madame Sabine C______ G______ et Monsieur G______ (ci-après : les contribuables) ont adressé leur déclaration fiscale 2006 à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC).

2. Le 19 décembre 2007, l’AFC a adressé aux époux C______ G______ et G______ un bordereau de taxation pour les impôts cantonaux et communaux 2006 (ci-après : taxation 2006), d’un montant de CHF 28'758,90.

En annexe au bordereau était joint un relevé de compte récapitulant les dix versements effectués par les contribuables sous forme d’acomptes provisionnels mensuels de CHF 416.- payés entre février et novembre 2006, mentionnant les montants de la taxation 2006, et de l’impôt anticipé, tous deux à la date valeur du 1er janvier 2007 et ajoutant un intérêt financier en CHF 500,60.

3. En date du 16 janvier 2008, les époux C______ G______ et G______ ont réclamé contre la taxation 2006 sur le seul point de l’intérêt financier, rajouté indûment sur le relevé de compte, la motivation étant « défaut de terme général d’échéance différent de l’échéance de l’art. 360 LCP et exigibilité prévue à l’art. 363 LCP ».

4. Par décision du 4 mars 2008, l’AFC a rejeté la réclamation. Les intérêts financiers étaient prévus par l’art. 361 al. 4 de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) et ils couraient dès le 1er avril qui suivait la période fiscale.

5. En date du 14 mars 2008, les contribuables ont recouru auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts, remplacée le 1er janvier 2009 par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), elle-même devenue le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance, contre la décision susmentionnée, concluant principalement à l’annulation de l’intérêt financier figurant sur le relevé de compte annexé à la taxation 2006.

Le canton de Genève avait un système d’imposition postnumerando perçu selon le système praenumerando avec perception provisoire. Ainsi, le montant dû par le contribuable ne pouvait être porteur d’intérêts que depuis son échéance, à savoir selon l’art. 360 LCP, l’émission de la décision de taxation. L’impôt étant échu à l’émission du bordereau, il devenait exigible trente jours après son échéance. Depuis le changement de système d’imposition, soit le passage du système praenumerando au système postnumerando, au 1er janvier 2001, l’art. 361 al. 4 LCP était dans tous les cas contraire à l’art. 360 al. 1 LCP. L’impôt ne pouvait pas être échu avant la fin de l’année fiscale, aucun intérêt financier ne pouvait être calculé sur d’éventuels versements volontaires survenus avant l’émission d’un bordereau. Dans le cas d’espèce, le rajout d’intérêts financiers était indû.

6. Le 16 juin 2010, l’AFC s’est opposée au recours. L’art. 361 al. 4 LCP prévoyait expressément la perception d’un intérêt au taux légal dès le premier jour suivant la période fiscale lorsque le montant résultait de la différence entre le total des acomptes provisionnels versés et l’impôt échu supérieur à ce montant. Cet intérêt courait dès le 1er avril suivant la période fiscale. La perception de l’impôt ne faisant pas partie du champ d’application de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14), il était possible d’instaurer un tel système. Les intérêts financiers n’avaient pas un caractère positif mais visaient à compenser la possession par le contribuable d’un montant finalement dû au fisc.

7. Par décision du 30 août 2010, la commission a rejeté le recours des époux C______ G______ et G______. Les textes légaux et réglementaires genevois applicables étaient clairs. Le système choisi par le législateur genevois n’était pas contraire au droit fédéral, la LHID ne s’appliquant à la perception de l’impôt. Le fait que la solution soit différente en matière d’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) n’avait pas d’influence.

8. Les époux C______ G______ et G______ ont recouru le 7 octobre 2010 auprès du Tribunal administratif, devenu la chambre administrative de la section administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision susmentionnée, concluant à l’annulation de l’intérêt financier figurant sur le relevé de compte annexé à la taxation 2006, après constatation de caractéristiques de la législation fiscale genevoise qui seraient reprises en tant que de besoin. Ils reprenaient en substance leur argumentation antérieure.

9. Le 26 octobre 2010, la commission a transmis son dossier, persistant dans sa décision.

10. Le 5 novembre 2010, l’AFC a conclu au rejet du recours, persistant également dans ses arguments précédemment développés.

11. Le 15 décembre 2010, les contribuables ont indiqué au juge délégué, en réponse à l’interpellation de ce dernier, qu’ils n’avaient pas de requête complémentaire à formuler.

12. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1. Depuis le 1er janvier 2011, suite à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ - E 2 05), l’ensemble des compétences jusqu'alors dévolues au Tribunal administratif a échu à la chambre administrative de la Cour de justice, qui devient autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative (art. 131 et 132 LOJ).

Les procédures pendantes devant le Tribunal administratif au 1er janvier 2011 sont reprises par la chambre administrative (art. 143 al. 5 LOJ). Cette dernière est ainsi compétente pour statuer.

2. Interjeté en temps utile devant la juridiction alors compétente, le recours est recevable (art. 56A LOJ ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 dans leur teneur au 31 décembre 2010).

3. Le litige porte sur la perception d'intérêts financiers sur l'impôt cantonal dû.

Le 1er janvier 2009 est entrée en vigueur la loi relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales (LPGIP - D 3 18), qui règle notamment les modalités de perception des impôts et a abrogé les dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) sur ce point.

Le litige étant antérieur à l’entrée en vigueur de la LPGIP, il sera tranché à la lumière des dispositions pertinentes de l’aLCP et ses dispositions d’application, en particulier le règlement transitoire relatif à la perception des acomptes provisionnels, du 28 novembre 2001 (RTAP - D 3 05.05).

4. Selon l’art. 360 al. 1 aLCP, l’impôt est échu dès la notification de la décision de taxation. Le terme d’échéance est maintenu même si le contribuable a déposé une réclamation ou un recours contre la taxation (art. 360 al. 2 aLCP). Les impôts doivent être acquittés dans les trente jours suivant l’échéance (art. 363 aLCP).

Il peut être perçu en cours d’année des acomptes provisionnels, calculés sur la base des impôts de l’année précédente, ainsi que des majorations ne dépassant pas 3% en cas de retard dans le versement de ces acomptes, le Conseil d’Etat en fixant les modalités par voie règlementaire (art. 361 al. 3 aLCP). Le montant résultant de la différence entre le total des acomptes provisionnels versés et l’impôt échu, supérieur au total des acomptes provisionnels, porte intérêt au taux légal dès le premier jour qui suit la période fiscale (art. 361 al. 4 aLCP). Pour les personnes physiques, l’art. 5 al. 1 RTAP précise que l’intérêt financier court dès le 1er avril suivant la période fiscale. Enfin, selon l’art. 364 al. 1 aLCP, les montants des impôts, taxes, majorations, frais et amendes portent intérêt au taux légal après l’expiration d’un délai de trente jours à compter de la notification de la décision.

De la même manière, le contribuable qui a payé pour ses impôts, taxes, majorations, frais et amendes des montants supérieurs à ceux qu’il doit finalement en vertu de taxations et décisions entrées en force a droit au remboursement du trop perçu (art. 367A al. 1 aLCP). Les montants perçus en trop et remboursables portent intérêt au taux légal à partir de la date de la perception, mais au plus tôt à partir de l’échéance de la notification de la décision de taxation (art. 367A al. 2 aLCP). Le montant résultant de la différence entre le total des acomptes provisionnels versés et l’impôt définitif, inférieur au total des acomptes provisionnels, porte intérêt dès le premier jour qui suit la période fiscale (art. 367A al. 3 aLCP), sans que le RTAP ne fixe de date particulière dans ce cas.

La lecture des dispositions susvisées laisse apparaître une contradiction entre, d’une part, les art. 360 al. 1, 363, 364 al. 1 et 367A al. 2 aLCP, qui retiennent la notification de la décision de taxation comme date d’échéance de l’impôt et dies a quo pour le calcul des intérêts, et, d'autre part, les art. 361 al. 4 et 367A al. 3 aLCP, qui prévoient, en cas de perception d’acomptes provisionnels, que les intérêts sont perçus dès le premier jour suivant la période fiscale.

Cette contradiction disparaît toutefois à la lecture des travaux préparatoires de révision de l’aLCP en 1994. C’est à ce moment que la Conseil d’Etat a proposé l’introduction des art. 361 al. 4 et 367A al. 3, avec la motivation suivante : « L’alinéa 4 est une conséquence du passage du système d’'imposition praenumerando au système postnumerando. Il est rappelé en effet qu'avec le nouveau système, l’impôt 1995 ne pourra être calculé qu'en 1996. Il est donc juste, pour le cas où les acomptes provisionnels s'avèrent inférieurs au montant de l'impôt définitif, que le contribuable doive s'acquitter d'un intérêt "financier" dès le 1er jour qui suit la période fiscale (fin de l'exercice social pour les personnes morales, fin de l'année civile pour les personnes physiques), ce d'autant plus que ce système permet d'assurer une égalité de traitement entre le contribuable qui se verrait notifier son bordereau dans les trois mois qui suivent la période fiscale et celui qui ne le recevrait que huit mois plus tard. (…) Cette disposition entraînera donc pour conséquence que chaque contribuable se verra notifier un bordereau comportant un intérêt sans que la question d'un éventuel retard dans le paiement de l'impôt soit déterminante. Les éventuels intérêts "moratoires", c'est-à-dire ceux dus après l'écoulement du délai de paiement (cf art. 363 nouvelle teneur) sont réglés à l'art. 364 (nouvelle teneur). En revanche, tout montant payé en trop par le contribuable bénéficiera d'intérêts rémunératoires tels que prévus à l'art. 367A nouvelle teneur » (Mémorial du Grand Conseil 1994 II 1478). Et, à propos de l’intitulé de l’art. 364 aLCP : « Concrètement, le titre marginal de cet article s’intitule désormais "Intérêts moratoires", ce qui différencie les intérêts qui seront réclamés au contribuables (sic), sur cette base des intérêts "financiers", qui seront perçus, pour des raisons techniques sur la base de l'art. 361, al. 4 (nouvelle teneur) » (Mémorial du Grand Conseil 1994 II 1479). Le Grand Conseil a adopté sans changement les propositions du Conseil d'Etat (Mémorial du Grand Conseil 1994 IV 3909).

Ainsi, l’art. 361 al. 4 aLCP vise donc une autre hypothèse que celle réglée par les art. 360 et 363 aLCP. Son application n’est liée ni à l’échéance, ni à l'exigibilité du bordereau, éléments sur lesquels les recourants fondent, de manière erronée, leur argumentation. Pour le surplus, ils ne remettent pas en question l’exactitude du calcul des intérêts financiers qui leurs sont réclamés.

5. Il reste à examiner si ce dispositif, qui n’existe pas pour l’impôt fédéral direct, est admissible en regard des règles de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes, du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14).

Cette loi désigne les impôts directs que les cantons doivent prélever et fixe les principes selon lesquels la législation cantonale les établit (art. 1 al. 1 LHID). Lorsqu’aucune réglementation particulière n’est prévue, les impôts cantonaux et communaux sont établis en vertu du droit cantonal (art. 1 al. 3 LHID). Les modalités de perception des impôts directs prélevés par les cantons demeurent de la compétence de ces derniers. L’art. 361 al. 4 aLCP n’est donc pas contraire à la LHID, contrairement à ce qu'affirment, sans démonstration, les recourants.

6. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 750.- sera mis à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement et aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 octobre 2010 par Madame C______ G______ et Monsieur G______ contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 30 août 2010 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 750.- à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Lambelet, mandataire des recourants, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'à l’administration fiscale cantonale.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :