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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4074/2010

ATA/288/2012 du 08.05.2012 sur JTAPI/925/2011 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.06.2012, rendu le 06.03.2014, REJETE, 2C_585/12
Descripteurs : DROIT FISCAL; IMPÔT; DÉDUCTION DU REVENU(DROIT FISCAL); DROIT D'ÊTRE ENTENDU; PRIMAUTÉ DU DROIT INTERNATIONAL; IMPOSITION SELON LA CAPACITÉ ÉCONOMIQUE; DROIT TRANSITOIRE; PRINCIPE DE LA BONNE FOI; ASSUJETTISSEMENT(IMPÔT)
Normes : Cst.29.al2 ; Cst.190 ; Cst.127.al2 ; Cst.8.al1 ; Cst.9 ; LPA.46.al1 ; LIFD.6 ; LIPP.71 ; LIPP.72 ;
Résumé : L'excédent de charges et frais d'entretien d'un immeuble sis en France ne peut être pris en considération que pour la fixation du taux de l'impôt, et non pour la détermination du revenu net, dans le cadre de l'imposition de contribuables domiciliés en Suisse. En vertu des principes de périodicité et d'étanchéité des exercices fiscaux, la taxation erronée d'un exercice précédent ne peut être assimilée à une assurance donnée par l'autorité. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4074/2010-ICCIFD ATA/288/2012

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 mai 2012

1ère section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur K______
représentés par Me David Minder, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2011 (JTAPI/925/2011)


EN FAIT

1) Madame K______, née le ______ 1961 et Monsieur K______, né le ______ 1959 (ci-après : les époux K______), tous deux de nationalité suisse, sont contribuables dans le canton de Genève et ont deux enfants mineurs.

Ils sont locataires de leur logement situé à X______ et ont par ailleurs acquis en 1995 une résidence sise à Y______ (France) dont ils sont propriétaires.

2) Dans leur déclaration d'impôt sur le revenu 2008, les époux K______ ont annoncé un revenu imposable de CHF 243'575.- pour les impôts cantonaux et communaux (ci-après ICC) et de CHF 210'235.- pour l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD).

Ils ont ainsi déclaré un revenu brut immobilier (valeur locative de l'immeuble français) de CHF 4'500.- pour l'ICC et CHF 7'500.- pour l'IFD, contrebalancé, pour le même immeuble, par des charges et frais d'entretien de CHF 75'941.- pour l'ICC et CHF 77'540.- pour l'IFD, leurs intérêts hypothécaires s'élevant à CHF 5'970.-.

L'immeuble avait une valeur de CHF 312'500.- et était détenu à 25 % par M. K______, à 25 % par Mme K______ et à 50 % par leurs enfants.

3) Le 12 août 2010, l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur a fait parvenir leur bordereau ICC 2008, qui s'élevait à CHF 75'070.- (revenu net de CHF 319'096.- imposé au taux de CHF 262'001.-) et IFD 2008 qui s'élevait à CHF 21'302,55 (revenu net de CHF 284'100.- imposé au taux de CHF 230'000.-). La fortune imposable des contribuables s'élevait à CHF 66'133.- au taux de CHF 63'607.-.

Dans les éléments retenus par l’AFC-GE, pour les deux types d'impôt, les intérêts hypothécaires étaient admis en déduction en totalité, tandis que les charges et frais d'entretien d'immeuble étaient admis à concurrence de CHF 57'710.-. La remarque suivante était adjointe : « La facture de Clerc Renaud Didier concernant l'aménagement d'une cour privée n'est pas déductible, car ces travaux sont considérés comme des plus-values (19564) - Les factures de Emcom concernant l'achat de Collerette de décoration thermox blanc ne sont pas déductibles (266) - Total charges ICC [ou IFD] = 77'540 - (19564 + 266) = 57'710 ».

Toutefois, ces CHF 57'710.- n'étaient pris en compte que pour le taux de l'impôt, un décompte séparé des éléments concernant Genève et la France (éléments de répartition internationale) étant fourni aux contribuables.

4) Le 23 décembre 2008, pour la taxation 2007, l'AFC-GE avait retenu pour le taux de l'impôt et déduit du revenu des époux K______, en vue de la détermination de leur revenu imposable, les CHF 35'820.- annoncés par ceux-ci au titre des charges et frais d'entretien de leur immeuble en France. En matière d'ICC comme d'IFD, les montants correspondant aux rubriques « [revenu] imposable » et « au taux de » étaient identiques (CHF 265'273.- pour l'ICC et CHF 245'100.- pour l'IFD).

5) Le 2 septembre 2010, M. K______ a eu un entretien avec un collaborateur du service immobilier de l'AFC-GE. Ce dernier a indiqué comme suit le motif de la « réclamation » : « la facture de la cour privée est une rénovation donc pris en frais d'entretien ».

6) Le 7 septembre 2010, les époux K______ ont élevé réclamation contre leurs taxations ICC et IFD 2008. Suite à un coup de téléphone à l'AFC-GE, ils avaient compris que celle-ci avait appliqué avec effet rétroactif une loi fiscale entrée en vigueur en janvier 2010. Ils contestaient cette rétroactivité, et allaient faire appel à une fiduciaire pour mieux comprendre les méthodes de calcul et les bordereaux.

7) Le 29 septembre 2010, l'AFC-GE a implicitement admis en partie la réclamation, dès lors qu'elle a transmis aux époux K______ des bordereaux rectificatifs « qui tiennent compte de leurs remarques ».

Le bordereau rectifié retenait un revenu imposable ICC de CHF 318'900.- au taux de CHF 242'241.-, IFD de CHF 284'500.- au taux de CHF 210'500.-. Les charges et frais d'entretien admis s'élevaient désormais à CHF 77'274.-, mais n'étaient toujours pris en compte que pour la détermination du taux de l'impôt. De même, la fortune imposable des contribuables s'élevait à CHF 66'133.- au taux de CHF 63'607.-.

8) Le 1er novembre 2010, les époux K______ ont interjeté recours contre la décision précitée et leurs bordereaux ICC et IFD 2008 rectifiés auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA), devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), en concluant à leur annulation et à ce qu'il soit dit et constaté que les pertes réalisées à l'étranger devaient être prises en compte aussi bien pour la base imposable en Suisse que pour le taux d'imposition applicable, « sous suite de frais et dépens ».

9) Par jugement du 5 septembre 2011, le TAPI a rejeté le recours.

Dans un arrêt du 9 octobre 2003, le Tribunal administratif du canton de Vaud avait jugé que l'art. 6 al. 3 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) prévoyait que les pertes subies à l'étranger découlant de la prise en compte d'intérêts passifs attribués aux immeubles hors de Suisse n'étaient pas déductibles des éléments imposables en Suisse, et ne devaient être prises en considération que pour le taux de l'impôt ; une exception n'était prévue par la loi que dans le cas de pertes subies par un établissement stable à l'étranger, hypothèse qui n'entrait pas en compte dans le cas d'un immeuble détenu à titre privé. Le Tribunal administratif genevois - devenu dès le 1er janvier 2011 la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) - avait fait sienne cette jurisprudence en 2007. L'excédent de frais d'entretien des recourants ne pouvait ainsi être pris en considération que pour déterminer le taux de l'impôt.

Il n'y avait pas eu changement de pratique prohibé, l'administration ayant fait une application conforme de la loi. Le principe de la bonne foi avait de plus une portée limitée en droit fiscal, l'administration étant tenue de fixer les éléments imposables pour chaque période distincte sans être liée par des décisions prises pour les périodes antérieures.

10) Par acte posté le 14 octobre 2011, les époux K______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, en concluant à son annulation et à celle de la décision sur réclamation du 29 septembre 2010 et des bordereaux rectificatifs, et à ce qu'il soit dit et constaté que les pertes réalisées à l'étranger devaient être prises en compte aussi bien pour la base imposable en Suisse que pour le taux d'imposition applicable, ceci sous suite de frais et dépens.

Le jugement attaqué violait leur droit d'être entendu. Le rejet du grief tiré du principe de la bonne foi était motivé de façon insuffisante et lacunaire.

Il consacrait également une double imposition contraire à la Convention entre la Suisse et la France en vue d’éliminer les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir la fraude et l’évasion fiscale du 9 septembre 1966 (CDI-F - RS 0.672.934.91). L'absence de prise en compte en Suisse, au niveau de la base imposable, des pertes afférentes à l'immeuble en France entraînait une surimposition. Et si la CDI-F n'avait pas cette portée, cela aurait pour conséquence que la réserve placée à la fin de l'art. 6 al. 3 LIFD n'aurait aucune portée, ce qui n'était pas concevable.

Les bordereaux rectificatifs violaient le principe de l'imposition selon la capacité contributive, car les taxations litigieuses aboutissaient à l'imposition en Suisse d'un revenu et d'une fortune à hauteur de montants supérieurs au revenu global net réalisé.

Rien ne permettait de considérer que la réserve des « autres hypothèses » prévue à l'art. 6 al. 3 LIFD s'appliquait aux immeubles sis à l'étranger. Cette conclusion était encore plus évidente pour la réserve prévue par l'art. 5 al. 4 de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Objet de l’impôt - Assujettissement à l’impôt du 22 septembre 2000 (aLIPP-I - D 3 11), cette clause se trouvant dans un alinéa spécifiquement dédié aux entreprises. Dans la mesure où la déduction des pertes subies à l'étranger en relation avec un immeuble détenu dans la fortune privée n'était pas clairement réglée par la loi, qu'elle demeurait controversée en doctrine et que le Tribunal fédéral n'avait a priori pas encore tranché cette question, il convenait d'appliquer au cas d'espèce la solution prévue en matière de double imposition intercantonale.

Même s'il ne valait que de manière limitée en droit fiscal, le principe de la bonne foi restait applicable. En l'espèce, il devait prévaloir dès lors qu'ils s'étaient fondés sur la pratique de l'AFC-GE des années antérieures pour entreprendre des travaux d'entretien de leur propriété française en 2008 et 2009 à hauteur de CHF 34'000.-.

11) Le 27 octobre 2011, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La CDI-F ne contenait aucune disposition spécifique sur la déduction des intérêts passifs. Chaque Etat était donc libre de choisir le système de répartition des dettes qui lui convenait. Selon le Tribunal fédéral, s'il devait résulter de l'application concurrente du droit interne des deux Etats qu'une partie des dettes ne soit finalement pas admise en déduction, le contribuable serait néanmoins tenu de supporter la surimposition découlant de la disparité des méthodes fiscales nationales. Même si cette solution était remise en cause par une partie de la doctrine, celle-ci admettait qu'une autre manière de procéder se heurterait au texte clair de l'art. 6 al. 3 LIFD.

Il ressortait de cette dernière disposition que les dettes liées aux charges et frais d'entretien d'un immeuble détenu à titre privé faisait partie des « autres hypothèses », et ne pouvaient dès lors avoir de répercussions que sur le taux de l'impôt. Cette manière de voir avait été adoptée par la jurisprudence vaudoise en 2003 et par celle du Tribunal administratif genevois en 2007 et 2009.

S'agissant du principe de la bonne foi, le TAPI avait relevé à juste titre dans son jugement qu'en vertu des principes de périodicité et d'étanchéité des exercices fiscaux, chacun de ceux-ci devait être considéré de manière autonome sans que le résultat de l'un puisse avoir une influence sur les suivants. L'AFC-GE n'avait jamais donné d'assurances précises et concrètes aux recourants quant à la pratique applicable en matière de répartition de charges sur le revenu immobilier réalisé à l'étranger. Si elle ne pouvait plus revenir sur la taxation 2007, erronée mais effectuée en faveur des contribuables, ceux-ci ne pouvaient pas se prévaloir de cette erreur pour contester leur taxation 2008.

Il n'y avait enfin pas violation du principe de la capacité contributive car la taxation litigieuse, conforme à la loi, était identique à celle de tous les autres contribuables se trouvant dans la même situation.

12) Le 5 janvier 2012, les époux K______ ont répliqué, en persistant dans les conclusions de leur recours.

L'art. 6 al. 3 LIFD n'était pas clair. Rien ne permettait de savoir si les « autres hypothèses » englobaient également la détention à titre privé d'immeubles sis à l'étranger. Il fallait dès lors interpréter cette disposition conformément au droit supérieur, en particulier au principe constitutionnel de l'imposition selon la capacité contributive. Même en cas d'interprétation allant dans le sens de celle retenue par le jugement attaqué, et donc de contrariété avec la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101)., seul l'art. 6 LIFD devait ce nonobstant être appliqué ; la base légale cantonale équivalente n'était quant à elle pas immunisée.

13) Le 31 janvier 2012, l'AFC-GE a dupliqué, en persistant dans ses conclusions.

14) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées le 2 février 2012.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte exclusivement sur la prise en compte, pour des contribuables domiciliés en Suisse, de l'excédent de charges et frais d'entretien d'un immeuble sis en France. Dans les taxations litigieuses, l'AFC-GE n'a pris cet excédent en considération que pour le taux de l'impôt. Selon les recourants, il devrait venir en dégrèvement de leur revenu brut, tout comme le ferait un excédent de charges d'un immeuble qu'ils posséderaient en Suisse. La question relève dès lors de l'assujettissement à l'impôt.

3) Les recourants se plaignent d'un défaut de motivation de la décision entreprise quant au rejet du grief lié à la bonne foi de l'administration.

Le droit d’être entendu garanti par l’art. 29 al. 2 Cst. implique l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, la motivation d’une décision est suffisante lorsque l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’est toutefois pas tenue de se prononcer sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives pour l’issue du litige (ATF 134 I 83 consid. 4.1 p. 88 et les arrêts cités).

La garantie constitutionnelle fédérale du droit d’être entendu est concrétisée à l’art. 46 al. 1 LPA. Cette disposition légale n’offrant pas une protection supérieure, c’est à l’aune de l’art. 29 al. 2 Cst. que le cas d’espèce doit être apprécié.

En l'espèce, il est clairement indiqué dans le jugement du TAPI, au consid. 12, que l'administration est tenue de fixer les éléments imposables pour chaque période distincte sans être liée par des décisions prises pour les périodes antérieures (cf. infra consid. 12). Même si le considérant en cause aurait sans doute pu être plus explicite, il ne consacre pas pour autant une violation du droit d'être entendu.

Impôt fédéral direct

4) L'art. 190 Cst. prévoit que le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international.

Selon la jurisprudence, en cas de contrariété entre une loi fédérale et la Cst., l'autorité qui statue peut relever ladite contrariété, mais n'en doit pas moins appliquer la disposition de la loi fédérale en cause (ATF 135 II 384 consid. 3.1 et les arrêts cités).

En revanche, en cas de contrariété entre une loi fédérale et le droit international, ce dernier prévaut en principe (ATF 133 V 367 consid. 11.1.1 ; 125 II 417 consid. 4c, et les arrêts cités).

5) Selon l'art. 6 ch. 1 CDI-F, les revenus provenant de biens immobiliers (y compris ceux des exploitations agricoles ou forestières) sont imposables dans l’Etat contractant où ces biens sont situés.

Les conventions internationales de double imposition visent à déterminer quel pays est compétent pour lever l'impôt ; la manière dont celui-ci est prélevé (en particulier l'assiette ou encore, comme en l'espèce, le genre et le montant admissible des déductions), ainsi que son taux, restent de la compétence de chaque ordre juridique interne (Arrêts du Tribunal fédéral 2C_625/2008 du 30 janvier 2009 consid. 4.2 ; 2C_265/2007 du 8 octobre 2007 consid. 2.1 ; X. OBERSON, Précis de droit fiscal international, 3e éd., Berne 2009, n. 368 ; P. LOCHER, Einführung in das internationale Steuerrecht der Schweiz, 3e éd., Berne 2005, pp. 98 s. et 292). Ainsi, la CDI-F - à l'instar de la très grande majorité des conventions de double imposition - ne contient-elle aucune disposition sur la déductibilité des intérêts passifs ou des excédents de charges et frais d'entretien des immeubles.

6) En l'espèce, les recourants ne se plaignent pas d'avoir été effectivement imposés deux fois (double imposition réelle), ni même d'avoir été imposés par la collectivité non habilitée à ces fins par la CDI-F (double imposition virtuelle), mais seulement de n'avoir pu bénéficier de déduction de l'excédent de charges liées à l'immeuble ni au lieu de situation de celui-ci ni à celui de leur domicile. Ils invoquent donc une péjoration de leur situation (Schlechterstellung), laquelle est considérée comme une double imposition prohibée en matière intercantonale (ATF 137 I 145 consid. 2.1 et 2.2 et les arrêts cités ; 131 I 285 consid. 3.1 pour le type de frais en cause ici) - dès lors que l'interdiction de celle-ci concrétise l'égalité de traitement -, mais non en matière internationale.

Le grief de violation de la CDI-F doit donc être écarté.

7) Concernant les griefs relatifs au principe de l'imposition selon la capacité contributive ou économique (art. 127 al. 2 Cst.) et de la bonne foi (art. 9 Cst.), comme les recourants l'admettent eux-mêmes, même en cas de contrariété à l'une ou l'autre de ces dispositions constitutionnelles, l'art. 6 al. 3 LIFD devrait néanmoins se voir appliquer en vertu de la règle prévue à l'art. 190 Cst. Ces griefs seront dès lors examinés exclusivement en lien avec le droit cantonal (cf. infra consid. 10 et 11).

8) L'art. 6 LIFD, en vigueur depuis 1995 et donc également lors de la période fiscale 2008, a la teneur suivante :

1 L’assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité ; il ne s’étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés à l’étranger.

2 L’assujettissement fondé sur un rattachement économique est limité aux parties du revenu qui sont imposables en Suisse selon les art. 4 et 5. Au moins le revenu acquis en Suisse doit être imposé.

3 L’étendue de l’assujettissement pour une entreprise, un établissement stable ou un immeuble est définie, dans les relations internationales, conformément aux règles du droit fédéral concernant l’interdiction de la double imposition intercantonale. Si une entreprise suisse compense, sur la base du droit interne, les pertes subies à l’étranger par un établissement stable avec des revenus obtenus en Suisse et que cet établissement stable enregistre des gains au cours des sept années qui suivent, il faut procéder à une révision de la taxation initiale, à concurrence du montant des gains compensés auprès de l’établissement stable ; dans ce cas, la perte subie par l’établissement stable à l’étranger ne devra être prise en considération, a posteriori, que pour déterminer le taux de l’impôt en Suisse. Dans toutes les autres hypothèses, les pertes subies à l’étranger ne doivent être prises en considération en Suisse que lors de la détermination du taux de l’impôt. Les dispositions prévues dans les conventions visant à éviter la double imposition sont réservées.

4 Les personnes imposables conformément à l’art. 3, al. 5, doivent l’impôt sur leurs revenus qui sont exonérés des impôts sur le revenu à l’étranger en vertu de conventions internationales ou de l’usage.

9) Se pose dès lors la question de savoir si l'excédent de charges liées aux immeubles sis à l'étranger fait ou non partie des « autres hypothèses » prévues à l'art. 6 al. 3 3ème phr. LIFD.

Contrairement à l'opinion émise par les recourants, le Tribunal fédéral a déjà pris position sur ce point. Dans un arrêt de 1999, il a considéré qu'en matière de pertes subies à l'étranger, la LIFD retenait expressément que les pertes provenant d'établissements stables à l'étranger pouvaient être prises en compte lors de la détermination du revenu pour autant qu'il ne soit pas fait de bénéfice subséquent (art. 6 al. 3, 2ème phr. LIFD), mais que dans tous les autres cas la prise en compte des pertes faites à l'étranger devait être refusée, et ne pouvait se voir prises en considération que pour la détermination du taux (art. 6 al. 3, 3ème phr. LIFD) ; une telle prise en compte devait donc être refusée pour les immeubles étrangers, sous réserve de dispositions contraires contenues dans une convention de double imposition applicable (Arrêt du Tribunal fédéral in NStP 2000 19 consid. 2b).

Le Tribunal fédéral a confirmé cette manière de voir en 2007, considérant à nouveau que selon l’art. 6 al. 3, 3ème phr. LIFD, et exception faite des établissements stables, les pertes subies à l’étranger n'étaient prises en considération en Suisse que pour déterminer le taux d’imposition ; les corrections de valeurs ne pouvaient par conséquent être déduites du revenu imposable en Suisse, mais n'étaient prises en considération que pour fixer le taux d’impôt, pour autant que les critères formels soient à cet égard remplis (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.36/2007 du 21 août 2007 consid. 2.2 ; voir aussi D. DE VRIES REILINGH, Répartition proportionnelle des intérêts passifs des commerçants d'immeubles également en matière internationale, in Commentaires de jurisprudence numériques, Push-Service des arrêts [Weblaw], publié le 25 novembre 2008).

Cette interprétation a été adoptée par presque toutes les juridictions cantonales s'étant penchées sur la question, soit celles de Genève (ATA/632/2009 du 1er décembre 2009 consid. 3 ; ATA/218/2007 du 8 mai 2007 consid. 3), du Tessin (décision de la commission cantonale en matière d'impôts du 27 octobre 1995 in RDAT 1996 I 379), de Thurgovie (Arrêt du Tribunal administratif thurgovien du 13 janvier 1999 in RF 1999 470 consid. 2e), de Schwytz (décision de la commission cantonale en matière d'impôts du 13 juin 2000 in RF 2001 274 [rés.]), de Vaud (Arrêt du Tribunal administratif vaudois du 9 octobre 2003 in RF 2004 446 consid. 2b) et de St-Gall (décision de la commission de recours administrative du 26 mars 2009 in StE 2009 B 11.3 n° 19 consid. 2.3.2). Seul Argovie connaît une interprétation différente ; celle-ci ne concerne toutefois que sa législation fiscale cantonale, et ce justement parce que le texte de cette dernière diverge de celui de l'art. 6 al. 3 LIFD (AGVE 2005 354 consid. 5c).

Enfin, la doctrine largement majoritaire admet également cette solution (F. RICHNER/W. FREI/S. KAUFMANN/H.-U. MEUTER, Handkommentar zum DBG, 2e éd., Zurich 2009, n. 74 ad art. 6 LIFD ; R. CADOSCH, DBG - Kommentar, Zurich 2008, n. 3 ad art. 6 LIFD ; D. YERSIN/Y. NOEL [éd.], Impôt fédéral direct - Commentaire romand, Bâle 2001, n. 35 ad art. 6 LIFD ; P. LOCHER, Kommentar zum DBG, Bâle 2001, p. 433 ; E. HÖHN/ P. ATHANAS [éd.], Das neue Bundesrecht über die direkten Steuern, Berne - Stuttgart - Vienne 1993, n. 14 et 43 ad art. 6 LIFD).

Une fois reconnu que l'excédent de charges liées aux immeubles sis à l'étranger fait partie des « autres hypothèses » prévues à l'art. 6 al. 3 3ème phr. LIFD, la conséquence, expressément prévue par cette dernière disposition, en est que cet excédent ne peut pas être pris en considération pour la détermination du revenu net, mais seulement pour celle du taux de l'impôt.

En l'absence de tout litige sur la répartition internationale, la taxation IFD 2008 des recourants apparaît ainsi conforme à la loi. La jurisprudence de la juridiction de céans ne peut dès lors qu'être maintenue. Le grief de violation de l'art. 6 LIFD sera ainsi écarté.

Impôt cantonal et communal

10) a. Sur le plan cantonal, la nouvelle loi sur l’imposition des personnes physiques adoptée le 12 juin 2009 par le Grand Conseil a été acceptée en votation populaire le 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08). Cette loi unifie les cinq lois issues de l’adaptation de la législation fiscale genevoise sur l’imposition des personnes physiques aux exigences de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). A teneur de son art. 69 al. 1 let. a, la LIPP abroge la loi sur l’imposition des personnes physiques - Objet de l’impôt - Assujettissement à l’impôt du 22 septembre 2000 (aLIPP-I - D 3 11).

b. Conformément à son art. 71, la LIPP est entrée en vigueur le 1er janvier 2010. D’après son art. 72 al. 1, elle s’applique pour la première fois aux impôts de la période fiscale 2010. Les impôts relatifs aux périodes fiscales antérieures demeurent régis par les dispositions de l’ancien droit, même après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi.

c. Le litige concerne la période fiscale 2008 et doit ainsi être examiné à l’aune du régime juridique mis en place par l’aLIPP-I, entrée en vigueur le 1er janvier 2001.

11) L'assujettissement fondé sur un rattachement personnel est illimité ; il ne s'étend toutefois pas aux entreprises, aux établissements stables et aux immeubles situés hors du canton (art. 5 al. 1 aLIPP-I).

Si une entreprise ayant son siège ou son administration effective dans le canton compense, sur la base du droit interne, les pertes subies à l'étranger par un établissement stable avec des revenus obtenus dans le canton et que cet établissement stable enregistre des bénéfices au cours des sept années qui suivent, le département doit procéder à une révision de la taxation initiale, à concurrence du montant des bénéfices compensés auprès de l'établissement stable ; dans ce cas, la perte subie par l'établissement stable à l'étranger ne devra être prise en considération, a posteriori, que pour déterminer le taux de l'impôt dans le canton. Dans toutes les autres hypothèses, les pertes subies à l'étranger ne doivent être prises en considération dans le canton que lors de la détermination du taux de l'impôt (art. 5 al. 4 aLIPP-I).

La rédaction de l'alinéa précité est identique à celle de l'art. 6 al. 3 LIFD, et a du reste été sciemment calquée sur ce modèle (« Le libellé de l'article 3 [recte : 6] alinéa 3 LIFD, plus clair, a été repris à l'article 5 alinéa 4 LIPP[-I]. Cela permet une harmonisation verticale qui est souhaitable » : MGC 1999 45/VIII 7379, exposé des motifs).

L'on ne peut dès lors que reprendre l'interprétation développée ci-dessus au consid. 7 à propos de l'IFD. A cet égard, le fait que la seule exception prévue à l'art. 5 al. 4 aLIPP-I concerne les entreprises n'infirme nullement que le reste de l'alinéa ne concerne que les entreprises ; l'ensemble de l'alinéa étant du reste repris de l'art. 6 al. 3 LIFD, l'interprétation systématique ne permet nullement d'aboutir à une autre solution que celle déjà exposée.

Reste à examiner la conformité de l'art. 5 al. 4 aLIPP-I aux principes constitutionnels de l'imposition selon la capacité contributive et de la protection de la bonne foi.

12) Dans la mesure où la nature de l’impôt le permet, les principes de l’universalité, de l’égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés (art. 127 al. 2 Cst.).

Selon la jurisprudence, en matière fiscale, l'art. 8 al. 1 Cst. est concrétisé par les principes de la généralité et de l'égalité de l'imposition ainsi que par le principe de l'imposition selon la capacité économique (art. 127 al. 2 Cst.). Les principes régissant l'imposition sont des principes de politique financière, sociale et fiscale. Le principe de la généralité de l'impôt exige que toute personne ou groupe de personnes doit être imposé selon la même règlementation juridique : les exceptions qui ne reposent sur aucun motif objectif sont inadmissibles. Ce même principe prohibe par ailleurs la surimposition d'un petit groupe de contribuables en relation avec leur capacité économique. Le principe de l'égalité de l'imposition exige d'imposer de la même manière les personnes qui se trouvent dans la même situation et d'imposer de manière différenciée les personnes qui se trouvent dans des situations de faits comportant des différences importantes. Quant à l'imposition selon la capacité économique, il commande de prendre en considération la capacité contributive pour imposer les contribuables. Ainsi, toute personne doit contribuer à la couverture des dépenses publiques, compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens. Trois règles fondamentales peuvent être dégagées du principe de la capacité contributive : les personnes qui ont des revenus différents doivent être imposées différemment ; quelqu'un qui a un bas revenu ne saurait payer autant d'impôts que quelqu'un qui a un haut revenu ; et l'on ne peut pas réclamer le paiement d'un impôt à quelqu'un qui n'en a pas les moyens (ATF 133 I 206 consid. 7.1 et 7.2 traduit in RDAF 2007 II 505).

Les recourants invoquent la violation du principe de l'imposition selon la capacité contributive, car la taxation litigieuse aboutirait à l'imposition en Suisse d'un revenu et d'une fortune à hauteur de montants supérieurs au revenu global net réalisé. Or le présent litige concerne l'absence de prise en compte d'une déduction en raison de l'assujettissement limité du contribuable, si bien que d'une part l'aspect de l'égalité entre contribuables se trouvant dans une situation similaire est respecté, et que par ailleurs l'on ne voit pas en quoi le principe de l'imposition selon la capacité contributive - et les recourants ne l'indiquent pas - pourrait limiter la marge de manœuvre du législateur dans le choix et le montant des déductions permettant de déterminer le revenu net ou revenu imposable.

Ce grief ne peut ainsi qu'être écarté.

13) Selon l'art. 9 Cst., toute personne a le droit d’être traitée par les organes de l’Etat sans arbitraire et conformément aux règles de la bonne foi.

Le principe de la bonne foi régit aussi les rapports entre les autorités fiscales et les contribuables ; le droit fiscal est toutefois dominé par le principe de la légalité, de telle sorte que le principe de la bonne foi ne saurait avoir qu'une influence limitée, surtout s'il vient à entrer en conflit avec le principe de la légalité (131 II 627 consid. 6.1 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C_99/2010 du 6 septembre 2010 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erroné de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que a) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, b) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et c) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et e) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 137 I 69 consid. 2.5.1 ; 131 II 627 consid. 6.1 ; 129 I 161 consid. 4.1).

En l'espèce, il n'est pas possible, en vertu des principes de périodicité et d'étanchéité des exercices fiscaux, d'assimiler la taxation erronée concernant un exercice précédent à une assurance donnée par l'autorité, comme le serait par exemple la réponse à une demande sur la manière dont serait traité tel ou tel point sur le plan fiscal (cf. Arrêt du Tribunal fédéral 2C_84/2011 du 18 mai 2011 consid. 3.2).

Ce grief doit par conséquent être écarté.

14) En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 octobre 2011 par Madame et Monsieur K______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2011 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge conjointe et solidaire de Madame et Monsieur K______ ;

dit qu’il ne leur pas alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Minder, avocat des recourants, au Tribunal administratif de première instance, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu’à l'administration fédérale des contributions.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière de juridiction :

 

 

M. Tonossi

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :