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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3401/2012

ATA/287/2013 du 07.05.2013 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit

république et

canton de genève

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3401/2012-FORMA ATA/287/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 mai 2013

2ème section

 

dans la cause

 

Madame M______

représentée par sa mère, Madame A______ M______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D’ÉTUDES

 



EN FAIT

Le 28 août 2012, Madame M______ (ci-après : l’étudiante), née le ______1988, domiciliée à Thônex, a adressé au service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE), rattaché à l’office pour l’orientation et la formation professionnelle et continue du département de l’instruction publique, de la culture et du sport, une demande de bourse ou prêt d’études.

Il s’agissait de sa première demande. Elle envisageait d’entreprendre une formation à l’Université de l'Essex en Grande-Bretagne en vue d’obtenir un baccalauréat (bachelor) en biologie marine. Les études débutaient en octobre 2012 pour se terminer en juillet 2015. Elle a complété le formulaire ad hoc mis à disposition par le SBPE fournissant des renseignements au sujet de sa situation familiale et financière. Sa mère, Madame A______ M______, avait divorcé vingt ans auparavant de Monsieur M______, son père, et elle n’avait plus aucun contact avec celui-ci depuis lors à tel point que cette personne lui était totalement inconnue.

Après avoir fréquenté le Collège Rousseau, elle avait obtenu, en juin 2008, un certificat de l’école de culture générale (ci-après : ECG), option santé. Elle avait fréquenté l’école d’assistantes de médecin durant une année, puis elle avait travaillé jusqu’en juin 2012. Pendant cette période, elle avait obtenu à l’Université de Cambridge, en juillet 2010, un certificat Edexcel, soit un diplôme d’anglais « International English Language System » (ci-après : Edexcel IELTS).

Elle n’avait aucun revenu. Sa mère réalisait un revenu brut de CHF 19'477.-. Elle ignorait les moyens financiers de son père, de même que la situation personnelle et familiale de celui-ci. Elle ne savait pas où ce dernier habitait.

Selon le site internet de l’Université de l'Essex, celle-ci propose plusieurs formations en biologie marine :

- un enseignement intitulé « Bsc Marine Biology » sur trois ans portant le numéro de code UCAS (Universities and Colleges Admissions Service) C164 ou sur quatre ans (UCAS CC60) s’il inclut un séjour d’un an à l’étranger (« Year Abroad »), qui conduit à la délivrance d’un baccalauréat (http://www.essex.ac.uk/coursefinder/?search=&ug=&keyword=Bsc %20Marine%20biology ; consulté le 1er mai 2013) ;

- une formation intitulée « MMarbiol Marine Biology » (UCAS C160 d’une durée de quatre ans conduisant à un diplôme de maîtrise en biologie marine (Integrated Masters in Marine Biology; (http://www.essex.ac.uk/coursefinder/course_details.aspx?course=MMB+C160).

Selon les sites internet précités, les conditions d’admission aux études conduisant au diplôme de baccalauréat sont moins sévères que celles menant à la maîtrise s’agissant de la formation préalablement obtenue : pour le « Bsc Marine Biology », exigence d’un diplôme de fin d’études supérieures incluant la biologie ; pour le « MMarBiol Marine Biology », exigence d’un diplôme de fin d’études supérieures incluant la biologie et une deuxième branche scientifique ou les mathématiques.

Le 24 septembre 2012, le SBPE a refusé d’entrer en matière sur une bourse ou un prêt d’études en faveur de l’étudiante. Le calcul des aides financières était établi sur la base d’un budget des parents et d’un budget de la personne en formation. La requérante n’avait fourni aucun renseignement concernant la situation financière de son père. Dès lors, le SBPE n’était pas en mesure d’effectuer les calculs des budgets permettant de déterminer son droit à une prestation d’aide aux études.

Le 24 septembre 2012, l’étudiante a écrit au SBPE. Elle avait appris à l’occasion d’un téléphone de ce service qu’elle allait recevoir une décision de refus d’octroi d’allocation d’études dans les jours qui allaient suivre. Elle formait d’ores et déjà une réclamation à l’encontre de cette décision. Sa mère la représenterait dans la procédure puisqu’elle allait quitter la Suisse pour commencer ses études de biologie marine en Grande-Bretagne.

Le 28 septembre 2012, l’étudiante a informé le SBPE qu'elle avait trouvé les coordonnées de son père. Ce dernier avait été « extradé » [recte : renvoyé] de Suisse pour des infractions commises sous le nom de M______. Il n’avait jamais assumé son rôle de père vis-à-vis d’elle. Il était cependant revenu en Suisse. Il était marié, père de deux filles et vivait à Perly sous le nom de O______.

Par courriers des 9 octobre et 23 novembre 2012, le SBPE a écrit à Monsieur O______ M______ à différentes adresses qu’il avait pu obtenir par la consultation des registres de l’OCP ou de l’administration fiscale. Il l’informait de la demande de bourse formée par sa fille pour l’année 2013. Il devait savoir que ses données personnelles seraient collectées et traitées pour le calcul de l’aide financière requise. Il était prié de transmettre au SBPE divers documents relatifs à sa situation de revenu et de fortune. M. M______ n’a jamais donné suite à cette demande.

Le 9 octobre 2012, l’étudiante a adressé un courriel au SBPE. Elle lui transmettait divers documents demandés. Elle était domiciliée à C______ dans l'Essex et suivait des cours avec assiduité depuis le 4 octobre 2012.

Annexés à ce document figuraient une copie du certificat Edexcel IELTS, de son diplôme de l’ECG, ainsi qu’une copie de son immatriculation à l’Université de l'Essex.

Le 9 octobre 2012, Madame G______, gestionnaire au SBPE, a adressé un courriel à Monsieur H______, conseiller aux études à la faculté des sciences de l’Université de Genève. Elle désirait avoir son avis concernant une étudiante candidate à une aide financière pour l’année académique 2012-2013. Celle-ci était titulaire d’un certificat de l’ECG et était inscrite au bachelor en biologie marine à l’Université de l'Exxex. Elle avait obtenu un certificat Edexcel IELTS avant d’être acceptée dans ladite université. Pour l’immatriculation à l’Université de Genève il fallait avoir une maturité gymnasiale ou, pour les détenteurs d’une maturité professionnelle, avoir suivi une « classe-passerelle ». Elle désirait savoir si le certificat Edexcel IELTS pouvait être considéré comme un certificat permettant d’accéder à une formation de niveau universitaire, selon les normes genevoises.

Par courriel du 11 octobre 2012, Monsieur L______, gestionnaire des admissions de la faculté des sciences, auquel M. H______ avait délégué le traitement de la demande de renseignements de Mme G______, a répondu. Le certificat Edexcel IELTS n’était pas un titre donnant accès à l’Université de Genève.

Le 12 octobre 2012, Mme A______ M______ a adressé un courriel au SBPE. Le certificat Edexcel IELTS avait permis à sa fille d’être admise à l’Université de l'Essex. Sa fille avait également réussi un examen de traductrice communautaire français-anglais degré 3, correspondant à la troisième année des études de traduction. Sa fille, avant de s’inscrire à l’Université de l'Essex, avait parlé avec deux collaborateurs du SBPE, qui lui avaient affirmé qu’elle remplissait toutes les conditions pour avoir droit à une bourse. Il semblait qu’un problème avait surgi parce qu’elle n’avait pas de maturité fédérale. Elle demandait des précisions à propos des bases légales d’un éventuel refus.

Le 15 octobre 2012, le SBPE a écrit à l’étudiante à l’adresse qui était la sienne avant son départ, soit ______, avenue Z______ à Thônex. Elle a également adressé une copie de ce document à Mme A______ M______ le 22 octobre 2012.

Il rejetait sa réclamation du 24 septembre 2012. Selon la faculté des sciences de l’Université de Genève, un certificat Edexcel IELTS obtenu en Angleterre, accompagnant un diplôme de l’ECG, ne pouvait être considéré comme un titre donnant accès à l’Université de Genève car il ne s’agissait pas d’un titre équivalent au sens des art. 7 al. 3 de la loi sur les bourses et prêts d’études du 17 décembre 2009 (LBPE – C 1 20) et 4 al. 3 du règlement sur les bourses et prêts du 2 mai 2012 (RBPE – C 1 20.01). Elle suivait une formation universitaire à l’étranger. Comme elle ne remplissait pas les conditions requises en Suisse pour suivre une formation équivalente, elle ne pouvait pas bénéficier d’une bourse d’études pour l’année académique 2012-2013. Au demeurant, le père de l’étudiante n’avait transmis aucune information au sujet de sa situation financière, alors que de telles données étaient nécessaires au calcul d’une éventuelle bourse d’études.

Par acte du 11 novembre, posté le 12 novembre 2012, l’étudiante, représentée par sa mère, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation précitée, reçue le 29 octobre 2012, en concluant à son annulation, à ce qu’il soit ordonné à son père de fournir tous les renseignements nécessaires au calcul de l’aide financière, à ce que le SBPE finance sur demande les besoins reconnus par le biais de bourse ou prêt en ne prenant en considération que les moyens financiers du parent assumant son devoir d’entretien lorsque l’autre parent faisait défaut depuis plus de cinq ans.

Lorsqu’elle avait entrepris les démarches en vue de s’inscrire à l’Université de l'Essex, elle s’était renseignée auprès du SBPE pour savoir si elle pouvait obtenir une bourse. Celui-ci l’avait oralement assurée que tel serait le cas. Elle s’était donc décidée à commencer ses études et se trouvait dans une situation difficile vu le refus. Elle avait dû solliciter un prêt d’urgence de l’Université de l'Essex en attendant sa bourse.

Elle poursuivait une formation « de niveau tertiaire B » et à ce titre devait avoir droit à une allocation d’étude.

Elle considérait que les exigences du SBPE à l’égard de son père étaient exagérées. Ce service devrait s’aligner sur la position de son homologue vaudois, qui, dans les cas de parents divorcés, renonçait à l’exigence de connaître la situation financière du père s’il était établi qu’il n’y avait plus aucun contact entre le parent et son enfant depuis plus de cinq ans.

Le 17 décembre 2012, le SBPE a conclu au rejet du recours. Selon la LBPE, il était nécessaire de connaître la situation financière des deux parents au vu des obligations d’entretien qui leur incombaient, même après la majorité selon l’art. 277 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210). En effet, l’octroi d’une aide financière était subsidiaire à l’obligation d’entretien des parents. Avant de demander des documents à la personne en formation concernant le parent absent, le service effectuait des recherches via les bases de données de l’office cantonal de la population ou de l’administration fiscale cantonale. C’était seulement si celles-ci s’avéraient infructueuses qu’il invitait la personne en formation à les lui fournir.

Un droit à l’octroi d’une aide financière n’était reconnu que si la personne en formation remplissait les conditions requises en Suisse pour suivre une formation équivalente. En l’espèce, les titres dont disposait l’étudiante ne remplissaient pas ces exigences. En effet, la formation suivie en Angleterre ne représentait en aucun cas une formation professionnelle non universitaire, mais plutôt une formation professionnelle supérieure universitaire préparant aux examens professionnels fédéraux supérieurs universitaires.

Le 3 janvier 2013, le juge délégué a demandé à M. L______ de préciser pourquoi il arrivait à la conclusion que le certificat Edexcel IELTS obtenu par la recourante ne représentait pas un certificat d’entrée à l’université selon les normes genevoises.

Le 22 janvier 2013, M. L______ lui a répondu. Les diplômes suisses donnant accès à l’Université de Genève au regard des conditions d’admission dans le canton étaient le certificat de maturité gymnasiale, le certificat de maturité suisse, le baccalauréat universitaire délivré par les hautes écoles spécialisées, les hautes écoles pédagogiques, les hautes écoles de musique, les hautes écoles d’arts appliqués, ainsi que la maturité professionnelle suisse lorsqu’elle était accompagnée du certificat d’examen complémentaire dit « examen-passerelle ». Les diplômes anglais (en référence au certificat Edexcel IELTS de la recourante) donnant accès à l’Université de Genève, au regard des conditions d’admission dans celle-ci, étaient les suivants :

General Certificate of Secondary Education ;

General Certificate of Education ;

Advanced Subsidiary Level ;

General Certificate of Education - Advanced Level.

Le diplôme d’études secondaires supérieures devait comprendre six sujets d’étude indépendants, dont il donnait le détail.

La détention d’un diplôme délivré par l’ECG combinée avec un certificat Edexcel IELTS ne permettait pas d’accéder au cursus universitaire.

Le 6 février 2013, l’étudiante a persisté dans les termes et conclusions de son recours. Après avoir obtenu le diplôme de l’ECG et le diplôme Edexcel IELTS, elle s’était inscrite dans une haute école spécialisée (ci-après : HES) en Angleterre. Elle y suivait des cours de BSC Marine Biology dans l’optique d’obtenir un bachelor en biologie marine. La HES qu’elle fréquentait faisait partie de celles agréées par la Confédération selon la liste présentée sur le site de la conférence des recteurs des universités suisses (CRUS). Cette formation pouvait donc donner droit à des bourses, selon l’art. 11 LBPE, puisqu’il s’agissait d’une formation dispensée par une HES, qui aboutissait à un baccalauréat.

Parmi les pièces qu’elle a produites, figurait un courriel du 23 août 2012 émanant de l’Université de l'Essex, confirmant son inscription au sein de cette université pour y suivre le cours de biologie marine C 164, mais l’informant que, selon l’opinion de l’entité chargée de la sélection des candidats à l’admission, elle n’avait pas les qualifications suffisantes permettant son admission à la formation conduisant à la maîtrise en biologie marine (Integrated Masters in Marine Biology).

Le 6 mars 2013, la recourante a sollicité l’audition de deux témoins mères célibataires ou divorcées qui n’avaient jamais été aidées par le père de leurs enfants pour l’entretien de ceux-ci et qui pourraient témoigner au sujet des défaillances du système d’aide sociale sur ce point.

Le 11 mars 2013, le juge délégué a convoqué les parties pour une audience de comparution personnelle. Le SBPE était représenté par son directeur, M. N______ et par Mme G______. L’étudiante étant absente, Mme A______ M______ a été autorisée à s’exprimer pour son compte.

Selon Mme A______ M______, tant sa fille qu’elle-même n’avaient plus aucun contact avec le père de cette dernière qui n’avait jamais payé les pensions alimentaires dues pour l’entretien de sa fille. Elle ignorait son adresse exacte. Elle savait que sa situation financière était extrêmement obérée.

Selon le directeur du SBPE, la LBPE prévoyait des cas de rigueur dans lesquels on ne tenait pas compte des revenus de l’un des deux parents. Il fallait toutefois qu’il soit établi par pièces que la personne était inatteignable et qu’il était impossible de déterminer la situation financière de celui-ci. Le SBPE avait effectué toutes les démarches possibles en vue d’obtenir des informations du père sur sa situation financière, mais en vain.

En l’espèce, le problème pour l’octroi d’une bourse à la recourante résultait du niveau d’études à l’étranger qu’elle avait choisi. Contrairement à ce qu’elle considérait, la filière d’études qu’elle poursuivait constituait non pas une formation de niveau tertiaire B mais de niveau tertiaire A, soit de niveau universitaire. Il se référait à un document de l’Université de Berne dont il versait un exemplaire à la procédure. Selon ce tableau qui comparait les caractéristiques des formations de niveau du tertiaire A et B, la formation de niveau A se poursuivait dans des hautes écoles, soit les universités, les écoles polytechniques, les hautes écoles spécialisées et les hautes écoles pédagogiques sous forme d’études à plein-temps, tandis que la formation de niveau B se poursuivait principalement dans des écoles supérieures, par le biais d’examens professionnels au travers d’études en cours d’emploi.

Lorsque l’étudiant qui briguait l’octroi d’une bourse, poursuivait à l’étranger une formation de niveau tertiaire A, le SBPE n’entrait en matière que si celui-ci était détenteur de diplômes de deuxième cycle qui lui permettaient d’être admis dans un parcours universitaire en Suisse, à savoir dans une université, une école polytechnique ou une HES débouchant sur un bachelor. Tel n’était pas le cas de la recourante. Celle-ci, titulaire d’un diplôme de l’ECG et du diplôme IELTS, ne remplissait pas les conditions lui permettant d’être admise dans une université en Suisse.

Selon Mme A______ M______, il n’existait pas, à l’époque où sa fille avait terminé sa formation à l’ECG, de cursus permettant d’accéder, par une formation passerelle, à des études de niveau universitaire.

Le 13 mars 2013, la mère de la recourante a requis le juge délégué d’attendre une réponse à différentes questions qu’elle avait posées par courrier au directeur des hautes écoles de la santé. Elle désirait savoir de ce dernier :

- s’il était exact que les filières d’enseignement proposées par la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (ci-après : HES-SO) n’étaient pas des hautes écoles spécialisées, mais des écoles supérieures, ainsi que le représentant du SBPE l’avait expliqué lors de l’audience de comparution personnelle ?

- à partir de quelle date la HES-SO avait décidé de ne plus admettre en son sein d’une part les étudiants ayant réussi l’examen préalable et d’autre part les porteurs de maturité spécialisée ?

- si en octobre 2012, cette double possibilité d’entrée à la HES-SO existait ?

- si, moyennant la présentation d’un dossier et des examens préalables, sa fille pourrait entrer dans une filière HES, ainsi que cela avait été possible quelques années auparavant.

Le 8 avril 2013, le juge délégué a accepté cette demande et il a fixé un délai au 18 avril 2013 pour transmettre la réponse aux questions posées.

Le 18 avril 2013, Mme A______ M______ a adressé au juge délégué les observations finales ; elle persistait dans ses conclusions. Une bourse d’études devait être accordée à sa fille dès la rentrée scolaire 2012- 2013. La chambre administrative devait dire qu’il n’y avait pas lieu, pour l’octroi de bourses d’études, de prendre en considération la situation financière de l’un des deux parents qui refusait de remplir ses engagements depuis au moins cinq ans et de constater que le diplôme de l’ECG était internationalement reconnu contrairement à la maturité spécialisée.

Selon le directeur de la HES-SO qu’elle avait interrogé et qui « avait acquiescé sur les détails » mais « nié les évidences », les cinq filières de la Haute école de la santé proposées par la HES-SO menaient à un titre de baccalauréat en sciences HES. Depuis la rentrée 2012/2013, et ce de manière stricte, aucun candidat non porteur d’une maturité (professionnelle, spécialisée ou gymnasiale) n’était plus admis à la HES-SO. Pour entrer dans une filière HES, un candidat âgé de plus de 25 ans ne disposant pas d’une maturité spécialisée pouvait présenter une demande d’admission sur dossier.

Pour le surplus, la cause était bien plus complexe que la comparaison entre un diplôme de l’ECG reconnu sur le plan international et la maturité spécialisée, « obligeant un jeune sensibilisé à la cause du handicap et /ou l’exclusion sociale à travailler gratuitement durant six mois au moins ».

22. Le 19 avril 2013, le juge délégué a informé les parties que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La mère de la recourante est autorisée à représenter cette dernière dans la procédure de recours (art. 9 al. 1 LPA).

Il s’agit tout d’abord de déterminer si la recourante a droit à une aide financière sous forme de bourse pour le type d’études qu’elle a choisi d’entreprendre à l’étranger, la question de l’incidence de l’absence de renseignements sur la situation financière de son père étant conditionnée par la résolution de cette première question.

Les bourses d’études sont des prestations uniques ou périodiques non remboursables, qui permettent aux bénéficiaires d’entreprendre, de poursuivre ou de terminer une formation (art. 4 al. 1 LBPE). Le bénéficiaire d’une bourse ne peut qu’être une personne en formation, soit une personne suivant une formation reconnue au sens de l’art. 11 LBPE, et qui est régulièrement inscrite dans un des établissements de formation reconnus selon l’art. 12 LBPE (art. 4 al. 3 LBPE).

a. Selon l’art. 11 al. 1 LBPE, peuvent donner droit à l’octroi de bourses :

- les formations dans les classes préparatoires aux études du degré secondaire II et du degré tertiaire (let. a) ;

- les formations initiales du degré secondaire II, menant au certificat de culture générale, à la maturité spécialisée ou à la maturité gymnasiale, ainsi que les formations professionnelles menant à l’attestation fédérale, au certificat fédéral de capacité ou à la maturité professionnelle fédérale (let. b) ;

- les formations professionnelles supérieures non universitaires du degré tertiaire B, soit les formations dispensées par les écoles supérieures menant à un diplôme supérieur reconnu par la Confédération (ES) (let c ch. 1) ou les formations préparant aux examens professionnels fédéraux et examens professionnels fédéraux supérieurs (let. c ch. 2) ;

- la formation professionnelle supérieure universitaire du degré tertiaire A, soit les formations dispensées par les universités et les écoles polytechniques fédérales aboutissant à un baccalauréat (let. d ch. 1) ou les formations dispensées par les hautes écoles spécialisées (HES) aboutissant à un baccalauréat (let. d ch. 2) ;

- les formations de reconversion rendues nécessaires par la conjoncture économique ou pour des raisons de santé lorsqu’elles ne sont pas financées par une assurance sociale (let. e).

b. Les formations professionnelles du degré tertiaire A sont celles proposées par les institutions régies par la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur les écoles polytechniques fédérales (loi sur les EPF - RS 414.110) la loi fédérale sur l’aide aux universités et la coopération dans le domaine des hautes écoles (LAU – RS 414.2) et la loi fédérale du 16 octobre 1995 sur les hautes écoles spécialisées (LHES – RS 414.71).

Selon le site internet d’information du secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l'innovation SEFRI (www.sbfi.admin.ch/diploma/01800/01808/index.html?lang=fr), dans le système éducatif suisse, le degré tertiaire A désigne le domaine des hautes écoles, comprenant les hautes écoles universitaires et les hautes écoles spécialisées. Les hautes écoles spécialisées délivrent des diplômes bachelor et master, les universités des bachelor, master et des doctorats. En règle générale, les conditions d’accès sont les suivantes: apprentissage avec maturité professionnelle (hautes écoles spécialisées) ou maturité gymnasiale (hautes écoles universitaires). Le degré tertiaire B désigne le domaine de la formation professionnelle supérieure, comprenant les écoles supérieures et les examens professionnels et professionnels supérieurs. La formation professionnelle supérieure est ouverte aux personnes qui ont suivi la formation professionnelle initiale.

6. a. Le libre choix de la formation est garanti (art. 2 let. b et 7 al. 1 LBPE).

b. Toutefois, lorsque la formation choisie est dispensée à l’étranger, l’octroi d’une aide financière est subordonné à la condition que la personne en formation remplisse les conditions requises en Suisse pour suivre une formation équivalente (art. 7 al. 3 LBPE).

c. Ainsi, selon l’art. 4 al. 3 RBPE, pour bénéficier d'une aide financière pour une formation tertiaire à l'étranger, la personne en formation doit :

a) bénéficier d'un certificat fédéral de maturité ou d'un titre jugé équivalent ;

b) poursuivre sa formation dans un établissement qui possède un dispositif permettant de suivre l'exécution des programmes d'études et d'en apprécier les résultats selon des critères communément retenus dans les établissements de formation suisses.

7. La recourante a choisi d’entreprendre en Angleterre des études qui peuvent conduire à la délivrance d’un baccalauréat en biologie marine et elle a obtenu à cette fin son immatriculation à l’Université de l'Essex. Vu le type d’études poursuivies, soit des études à plein temps dans une université anglaise avec pour objectif la délivrance d’un diplôme de baccalauréat validant les connaissances acquises, il doit être retenu qu’elle y poursuit une formation de caractère universitaire, se rattachant au degré tertiaire A au sens de l’art. 7 al. 1 let. d LBPE - ceci quel que soit le niveau de connaissances atteint à la fin des études -, mais non une formation professionnelle supérieure, consécutive à une formation professionnelle initiale et destinée à l’approfondir, correspondant au degré tertiaire B au sens de l’art. 7 al. 1 let. c LBPE.

Or, la recourante ne dispose pas des certificats de fin d’études supérieures qui lui permettraient d’accéder en Suisse, sans diplôme complémentaire, à une formation du degré tertiaire A. En effet, le diplôme de l’ECG, même complété par le certificat Edexcel IELTS qu’elle a obtenu en Angleterre, ne lui permet pas, à teneur de l’avis requis des services de l’Université de Genève, de s’inscrire en Suisse à de telles études.

Le SBPE s’est conformé à l’art. 7 al. 3 LBPE en lui refusant une allocation d’études parce qu’elle ne disposait pas d’un titre équivalent à une maturité fédérale qui lui aurait permis en Suisse d’entrer dans une institution proposant de suivre une formation professionnelle supérieure universitaire.

8. Puisque la recourante n’a pas droit aux allocations d’études pour les raisons précitées, point n’est besoin d’examiner dans quelle mesure le SBPE devait prendre en considération la situation financière du père de l’étudiante.

9. Le recours sera rejeté. Aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante, la procédure étant gratuite (art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 novembre 2012 par Madame M______, représentée par sa mère, Madame A______ M______, contre la décision du service des bourses et prêts d’études du 15 octobre 2012 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame M______, au domicile de sa mère, Madame A______ M______, qui la représente, ainsi qu’au service des bourses et prêts d’études.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

 

 

Genève, le 

 

 

la greffière :