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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3767/2005

ATA/284/2006 du 23.05.2006 ( FIN ) , ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3767/2005-FIN ATA/284/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 23 mai 2006

dans la cause

 

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

 

contre

 

 

 

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPÔTS

 

 

 

et

 

 

X______ S.A.



1. X______ S.A. (ci-après  : la société) de siège à Genève, a pour administrateur unique M. B______.

2. La société n’a pas renvoyé à l’administration fiscale cantonale (ci-après  : l’AFC) sa déclaration fiscale pour l’impôt cantonal et l’impôt fédéral direct 2001 dans les délais usuels.

3. L’AFC a indiqué avoir adressé à la société un premier rappel par courrier simple le 6 août 2002. Copie de ce courrier n’est cependant pas produite.

4. Le 16 août 2002, la société a sollicité de l’AFC un délai supplémentaire pour lui renvoyer sa déclaration. L’AFC a alors accordé à l’intéressée un délai au 15 septembre 2002.

5. Dans l’intervalle, l’AFC a adressé à la société un deuxième rappel par lettre-signature expédiée le 26 août 2002. A sa réception, la société a répondu à l’AFC par un courrier daté du 27 août 2002 qu’elle s’exécuterait d’ici le 15 septembre 2002 conformément au délai qui venait de lui être imparti.

6. Au début décembre 2002, l’AFC n’avait toujours pas reçu la déclaration de la société, raison pour laquelle elle a adressé à celle-ci une taxation d’office datée du 3 décembre 2002 indiquant que l’impôt était échu le 5 décembre 2002 et qu’un délai de paiement au 6 janvier 2003 était fixé. Cette taxation comportait une amende de CHF 300.- "selon article 331A".

7. Le 10 décembre 2002, la société a renvoyé sa déclaration à l’AFC qui l’a réceptionnée le 16 décembre 2002. Les montants déclarés différant de ceux figurant dans la taxation d’office, l’AFC a considéré cette déclaration comme valant réclamation. Aussi, a-t-elle demandé à la société le 11 mars 2003 de produire sous huit jours des documents complémentaires.

8. La société ne s’étant pas exécutée dans ce délai, l’AFC lui a adressé une lettre-signature datée du 11 juin 2003 lui fixant un dernier délai au 19 juin 2003 pour fournir les renseignements requis. Ce courrier spécifiait qu’"à l’expiration de ce temps et faute d’une réponse suffisante", l’AFC se verrait dans l’obligation de procéder à une taxation d’office en application des articles 130, 131 et 174 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11), les articles 37, 68, 69, 70, 71 et 74 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc - D 3 17) ainsi que les articles 175, 176, 177 et 181 LIFD demeurant réservés.

9. Par décision du 12 septembre 2003, l’AFC a déclaré maintenir la taxation d’office et l’amende. En effet, la taxation d’office respectait l’article 37 alinéa 1 LPFisc et la quotité de l’amende avait été déterminée selon les dispositions de l’article 68 LPFisc. Il était ensuite fait référence aux articles 69, 70, 71 et 74 LPFisc.

Sans préciser si cette réclamation était rejetée ou admise, l’AFC a spécifié que "les éléments figurant dans la déclaration déposée tardivement font apparaître une différence avec ceux taxés d’office. En conséquence, notre administration vous adresse ci-joint à titre exceptionnel un bordereau rectificatif remplaçant et annulant celui notifié précédemment".

Etait annexée une rectification de taxation d’office datée du 9 septembre 2003, payable au 13 octobre 2003. Si l’amende était maintenue à CHF 300.- le montant total de l’impôt passait de CHF 2’589.- à CHF 9’626,75. L’AFC avait en effet ajouté, dans le calcul du bénéfice imposable, la somme de CHF 37’118.- au titre d’honoraires non justifiés et celle de CHF 26’837.- représentant 2/5ème sur les frais de déplacements. Le bénéfice imposable de la société avait été porté à CHF 30’850.- raison pour laquelle le montant total de l’impôt, y compris l’amende de CHF 300.-, s’élevait à CHF 9’626,75.

10. Par pli daté du 18 septembre 2003 mais posté le 3 octobre 2003, la société a recouru contre cette décision auprès de la commission de recours en matière d’impôts (ci-après  : CCRMI) en demandant que soit déduite du bénéfice net de l’exercice la somme de CHF 37’118.- car celle-ci concernait en réalité des honoraires d’avocat et de fiduciaire. Elle demandait de même que soit déduite du bénéfice net la somme de CHF 26’837.- correspondant à des frais de déplacements qu’elle avait encourus, les employés de la société ayant dû se rendre à de nombreuses foires dans le domaine de l’horlogerie, celles-ci s’étant déroulées à Bâle et au Moyen-Orient notamment. CHF 530.-, correspondant à des amendes d’ordre, pouvaient être comptabilisés.

11. Le 11 juin 2004, l’AFC a conclu au rejet du recours et à la confirmation des deux reprises auxquelles elle avait procédé celles-ci étant conformes à sa pratique.

12. Par décision du 19 septembre 2005, la CCRMI a admis partiellement le recours en procédant à une substitution de motifs.

Le bordereau contesté avait été notifié après l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2002, de la loi de procédure fiscale et en particulier de l’article 37 traitant de la taxation d’office. Or, l’AFC avait accordé à la contribuable un délai au 15 septembre 2002 pour renvoyer sa déclaration et l’AFC avait établi un bordereau de taxation d’office le 5 décembre 2002 sans avoir démontré qu’elle avait fait précéder cette taxation d’office d’une sommation, comme le requérait l’article 37 LPFisc. La taxation d’office avait été notifiée en violation des dispositions de procédure, raison pour laquelle elle devait être annulée. En conséquence, le dossier était renvoyé à l'AFC pour nouvelle taxation.

13. Par acte déposé le 25 octobre 2005 au greffe du Tribunal administratif, l’AFC a recouru contre cette décision reçue le 28 septembre 2005 en concluant à son annulation et au renvoi du dossier à la CCRMI afin que celle-ci statue sur le fond. Contrairement à ce que la CCRMI avait retenu, l’AFC avait bien envoyé une sommation à la contribuable par courrier simple du 6 août 2002, puis par lettre-signature expédiée le 26 août 2002, comme l’attestait l’extrait de la liste des rappels recommandés de ce jour, qu’elle produisait.

Dans une précédente décision, la CCRMI avait jugé que l’article 37 LPFisc était une disposition de fond de sorte qu’un litige afférant à l’année 2001 devait être examiné sous l’ancien droit et la taxation d’office relative à l’année fiscale 2001 soumise à la loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14). Cette question pouvait cependant rester ouverte en l’espèce puisque s’il devait être admis que la LPFisc ne s’appliquait pas au présent litige concernant l’année 2001 également, il conviendrait d’appliquer directement l’article 46 alinéa 3 LHID.

Enfin, la contribuable n’avait déposé sa déclaration que le 16 décembre 2002, soit dans les trente jours suivant la notification du bordereau de taxation d’office du 5 décembre 2002, raison pour laquelle l’AFC avait considéré cette déclaration comme valant réclamation.

Le fait que l’AFC ait accordé à la contribuable une prolongation du délai pour remettre sa déclaration ne changeait rien au fait que la taxation d’office avait été précédée de deux rappels. Soutenir le contraire serait déraisonnable. "Une telle exigence serait d’une part très lourde sur le plan administratif et serait d’autre part de nature à dissuader l’AFC d’accorder à l’avenir des prolongations de délais supplémentaires".

14. A réception du recours, le juge délégué a imparti à la société un délai au 30 novembre pour répondre. Le 15 décembre 2005, ce délai a été prolongé au 23 décembre 2005. Enfin, le 12 janvier 2006, le tribunal de céans a par lettre-signature imparti à la société un ultime délai au 31 janvier 2006 pour se déterminer.

Le 25 janvier 2006, la société a requis une prolongation du délai, la personne en charge de ses comptes étant décédée l’année précédente.

Le 31 janvier 2006, le délai a été prolongé au 28 février 2006 sans plus de succès et le 8 mars 2006 la société a été priée, par retour du courrier, d’adresser sa réponse au Tribunal administratif.

La société ne s’est pas manifestée.

15. Le 3 avril 2006, le juge délégué a invité la recourante à lui faire parvenir les deux courriers qu’elle alléguait avoir adressés à X______, soit celui du 6 août 2002 envoyé par pli simple et celui du 26 août 2002 par pli recommandé.

16. Le 13 avril 2006, l’AFC a précisé qu’en cas de non retour des déclarations fiscales dans le délai initialement imparti, elle avait pour pratique d’envoyer tout d’abord au contribuable un premier rappel par courrier simple avec fixation d’un délai de 10 jours. En l’espèce, ce courrier était celui du 6 août 2002.

Si le contribuable n’avait toujours pas obtempéré dans ce délai de 10 jours, l’AFC lui adressait alors une lettre standard sans signature, émise automatiquement et dont elle ne conservait pas de copie. Ce pli était toutefois envoyé par lettre-signature et elle conservait une liste de tous les rappels expédiés à une date spécifique.

Elle joignait à son courrier une lettre de rappel-type, correspondant à celle adressée à l’intimée le 26 août 2002 selon le n° de rappel recommandé figurant dans la liste précitée, soit 00046251. D’ailleurs, l’intimée ne contestait pas avoir reçu ce pli qu’elle mentionnait expressément dans ses courriers des 16 et 27 août 2002.

Le tribunal devait ainsi trancher la question de savoir si le fait que l’administration fiscale ait accordé un délai supplémentaire au 15 septembre 2002 avait eu pour effet de supprimer les effets attachés au rappel recommandé du 26 août 2002 et par conséquent d’obliger l’administration, dans cette hypothèse, à envoyer un nouveau rappel recommandé si la déclaration n’était toujours pas parvenue à l’échéance du délai supplémentaire précité.

17. Ces documents ont été transmis pour information à l’intimée et la cause gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le 1er janvier 2002 est entrée en vigueur la LPFisc, applicable aux causes encore pendantes à cette date (art. 86 LPFisc).

Le tribunal de céans a jugé à réitérées reprises que cette loi de procédure était d'application immédiate (ATA/19/2005 du 18 janvier 2005), quelle que soit une éventuelle décision contraire de la CCRMI qu'invoque la recourante sans la produire. De plus, la taxation d'office litigieuse en l'espèce est datée du 3 décembre 2002. Elle est donc postérieure à l’entrée en vigueur de la LPFisc et il est irrelevant qu'elle concerne l'exercice 2001.

Ladite taxation devait ainsi respecter l'article 37 LPFisc, et en particulier l'alinéa 2 de cette disposition, selon lequel "la sommation est notifiée au contribuable sous la forme d'un rappel recommandé avec fixation d'un délai de 10 jours et à ses frais".

3. Il convient de déterminer si cette taxation d'office a été précédée ou non d'une sommation sous la forme précitée.

Le courrier recommandé expédié par la recourante le 26 août 2002 satisfait à cette exigence et la contribuable admet l’avoir reçu. Il constitue bien la sommation prévue par l’article 37 LPFisc.

La prolongation du délai au 15 septembre 2002 accordée à la contribuable n’a pas annulé les effets de cette sommation.

4. Exiger de la recourante qu’elle envoie une nouvelle sommation entre le 15 septembre 2002 et la nouvelle taxation d’office datée du 3 décembre 2002 serait faire preuve d’un formalisme excessif.

5. En conséquence, le recours sera admis. La cause sera renvoyée à la CCRMI afin qu’elle tranche le fond du litige.

6. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de X______ S.A. Il ne sera pas alloué d’indemnité (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 octobre 2005 par l’administration fiscale cantonale contre la décision de la commission cantonale de recours en matière d'impôts du 19 septembre 2005 ;

 

 

au fond :

l’admet ;

annule la décision prise le 19 septembre 2005 par la commission cantonale de recours en matière d’impôts ;

lui renvoie la cause pour nouvelle décision au fond ;

met à la charge de X______ S.A. un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à la commission cantonale de recours en matière d'impôts ainsi qu’à X______ S.A.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :