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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4419/2018

ATA/242/2019 du 12.03.2019 ( EXPLOI ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4419/2018-EXPLOI ATA/242/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mars 2019

 

dans la cause

 

A______ Sàrl
et
B______ SA
toutes deux représentées par Me Pascal Pétroz, avocat

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1. A______ Sàrl exploite le fitness à l’enseigne « A______ », sise à la rue de C______ à D______. Il s’agit d’un fitness précédemment exploité par « E______ ».

B______ SA est associée dans la Sàrl.

2. Par courrier du 24 janvier 2018, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a imparti un ultime délai à la propriétaire et à l’exploitation du E______ pour déposer une requête complète en autorisation d’exploiter à la suite de l’entrée en vigueur le 1er janvier 2016 de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22). À défaut, une sommation de fermeture serait notifiée.

3. Répondant dans le délai imparti, B______ SA a indiqué qu’elle avait acquis les actions de F______ SA le 7 avril 2017. Elle contestait l’assujettissement à la LRDBHD des sociétés G______ qu’elle détenait, notamment celle du fitness à l’enseigne « A______ » (ci-après : « A______ »). G______ SA avait pour but l’exploitation de salles de sport permettant un entraînement autonome et indépendant. La société ne vendait que des bouteilles en pet, du café et des barres protéinées. Ces denrées n’étaient pas périssables et aucun aliment frais n’était vendu. La vente s’effectuait à l’accueil des fitness. La marge était minime par rapport au chiffre d’affaires global. En outre, aucun service n’était effectué par le personnel du fitness, mis à part l’encaissement du prix. Elle demandait ainsi au PCTN de lui confirmer qu’aucune requête en autorisation d’exploiter ne devait être déposée pour ses établissements.

4. Par courrier du 22 août 2018, le PCTN a demandé au conseil des sociétés de G______ de confirmer que ces établissements n’offraient pas la possibilité aux clients de consommer des boissons ou des barres protéinées sur place, par le biais de tables et chaises ou de mange-debouts prévus pour la consommation sur place.

5. Celui-ci a répondu, le 25 octobre 2018, que les clients des fitness pouvaient consommer des boissons ou barres protéinées sur place, à savoir à l’accueil. Les fitness ne possédaient cependant pas de buvette permanente ou de cantine.

6. Le secteur inspectorat du PCTN a effectué un contrôle sur place le 8 novembre 2018, qu’il a documenté par des photos.

Il ressort de celles-ci que des boissons en bouteille sont exposées dans des vitrines et dans un réfrigérateur et que sont proposés à la vente, selon un tableau intitulé « liste des prix », des bouteilles d’eau et de protéine, du café, du thé, des sels minéraux, des compléments alimentaires en forme de boissons (« Whey », « Gainer protéine », « Burner », « Carbo », « Amino » et « Gatorade »), des barres protéinées, une boisson « maxi », des « gourde + sels minéraux » et des gants. Le tableau précise si ces boissons sont vendues au verre ou à la bouteille et en quelle quantité (en décilitres). Les photos montrent également deux fauteuils devant lesquels se trouve une table basse, situés près de l’accueil et des boissons précitées. Le comptoir d’accueil est large.

7. Le 14 décembre 2018, le secteur inspectorat du PCTN a constaté lors d’un autre contrôle de l’établissement qu’un changement d’exploitant était survenu, le nouvel exploitant étant Monsieur I______.

8. Par décision du 14 décembre 2018, notifiée le jour même à Madame H______, répondante sur place, le PCTN a intimé l’ordre de cesser immédiatement l’exploitation de l’établissement « A______ », exploité par M. I______. L’établissement devait en conséquence rester fermé jusqu’à l’obtention d’une autorisation d’exploiter celui-ci. Il constatait que l’établissement n’était plus au bénéfice d’une autorisation d’exploiter, telle que requise par les art. 8 LRDBHD et 18 al. 1 RRDBHD. La décision était exécutoire nonobstant recours.

Lors la notification de la décision, Mme H______ a exposé que l’offre de thé et de café avait été retirée. Celle des boissons protéinées et de sels minéraux sous forme de breuvages vendus dans des bouteilles scellées ou mixés à la demande du client dans sa gourde ainsi que des bouteilles d’eau était maintenue. Les boissons étaient consommées sur le lieu d’entraînement ou à l’extérieur.

9. Par recours déposé le 17 décembre 2018 au greffe de la chambre administrative de la Cour de justice, A______ Sàrl et B______ SA ont recouru contre cette décision, dont elles ont demandé l’annulation. Elles ont conclu à ce qu’il soit dit que l’établissement « A______ » géré par A______ Sàrl n’était pas assujetti à la LRDBHD. Préalablement, elles ont requis la restitution de l’effet suspensif.

A______ Sàrl exploitait le fitness éponyme. Le PCTN n’avait donné aucune suite à sa demande de statuer sur son assujettissement à la LRDBHD, commettant ainsi un déni de justice. En lui intimant l’ordre de cesser son exploitation sans avoir statué préalablement sur son assujettissement, le PCTN l’avait empêchée de faire valoir ses droits procéduraux.

La LRDBHD visait à régler les conditions d’exploitation d’entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place. Le fitness n’entrait pas dans cette catégorie d’entreprises. Il n’était pas voué à la restauration et/ou débit de boisson à consommer sur place, et la vente de boissons et barres protéinées ne se faisait pas à titre professionnel. Il ne s’agissait pas non plus d’un lieu de divertissement public ni d’une buvette. Enfin, la mesure était disproportionnée. La simple interdiction de vente des produits litigieux aurait permis d’atteindre le but visé. L’atteinte portée aux intérêts économiques des recourantes était importante puisque l’activité principale était l’exploitation d’un fitness et non d’un café-restaurant ou d’un bar.

10. Statuant à titre superprovisionnel jusqu’à droit jugé sur effet suspensif, la juge déléguée a restitué l’effet suspensif, compte tenu du préjudice difficilement réparable et du fait que le recours ne paraissait, prima facie et sans préjudice de l’examen au fond, pas dépourvu de chances de succès.

11. Se déterminant dans le délai prolongé tant sur effet suspensif que sur le fond, le PCTN a conclu au rejet du recours et de la requête en restitution de l’effet suspensif.

Il y avait une buvette au fitness, dès lors que l’espace consacré à l’accueil faisait partie intégrante de celui-ci. En outre, des fauteuils et tables étaient prévus pour les clients et le comptoir pouvait faire office de mange-debout. Le seul fait de proposer des boissons à la vente était en soi un service. Ce qui était déterminant était qu’il soit possible de les consommer sur place. Par ailleurs, certaines boissons (« whey », «  gainer protéine », « burner », « carbo », « amino », « maxi » et « gourde + sels minéraux ») étaient préparées sur place par le personnel du fitness, ce qui constituait un service. Cela étant, le seul fait de proposer des boissons à la vente à consommer sur place entraînait l’assujettissement de l’activité à la LRDBHD. Les recourantes avaient d’ailleurs indiqué dans leur courrier du 25 octobre 2018 que les clients du fitness pouvaient consommer les boissons achetées sur place, à l’accueil.

Par son courrier du 26 février 2018, la société propriétaire n’avait pas sollicité le prononcé d’une décision. Elle avait uniquement demandé la confirmation qu’elle n’avait pas à solliciter d’autorisation. Le PCTN n’avait pas à rendre de décision constatatoire, dès lors qu’il pouvait rendre une décision formatrice, ce qu’il avait fait. En outre, il ressortait de son courrier du 22 août 2018 que l’activité de débit de boisson était soumise à autorisation, sauf si les boissons ne pouvaient être consommées sur place. Les recourantes avaient répondu que tel était le cas ; elles ne pouvaient ainsi ignorer qu’elles étaient soumises à la LRDBHD.

Par ailleurs, la décision ne violait pas le principe de la proportionnalité, dès lors qu’elle n’impliquait pas la fermeture du fitness, mais visait uniquement le service de boisson et/ou restauration à consommer sur place.

12. Dans leur réplique, les recourantes ont relevé qu’elles étaient fondées à s’attendre, de bonne foi, à ce que le PCTN rende une décision formelle relative à leur assujettissement à la LRDBHD. Par ailleurs, la sommation n’était pas une décision formatrice. En outre, l’arrêt cité par le PCTN à l’appui de son argumentation se rapportait à une sandwicherie-boulangerie, situation non comparable à la présente espèce. L’accueil et les fauteuils et tables n’avaient pas pour but principal d’offrir la possibilité de consommer les boissons et barres protéinées sur place. Les clients pouvaient les consommer en même temps qu’ils s’entraînaient. Enfin, la sommation était une mesure d’exécution ; il ne s’agissait pas d’une décision formatrice.

13. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Chaque recourante est directement touchée dans ses intérêts, la Sàrl en sa qualité de société propriétaire de l’enseigne et la holding en tant qu’associée de celle-ci. Le recours est donc recevable.

2. Les recourantes se plaignent d’un déni de justice.

a. Une autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation, commet un déni de justice formel. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101; ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3).

Le justiciable qui s’estime victime d’un déni de justice doit mettre en demeure l’autorité en cause de statuer. Si celle-ci ne se prononce pas ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA). L’administré peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 62 al. 6 LPA).

b. En l’espèce, les recourantes n’ont pas expressément sollicité de l’autorité intimée une décision formelle relative à l’assujettissement de la sàrl à la LRDBHD. Elles se sont bornées à demander à celle-ci, dans leur courrier du 26 février 2018 en réponse à la mise en demeure du PCTN de se conformer à l’obligation de requérir une nouvelle autorisation d’exploiter, de bien vouloir leur confirmer qu’il n’y avait pas lieu de requérir une telle autorisation. Elles n’ont ensuite pas relancé le PCTN afin qu’il rende une décision relative à l’assujettissement à la LRDBHD. Dans leur courrier du 25 octobre 2018, elles n’ont pas non plus mis le PCTN en demeure de rendre une décision constatatoire. Le PCTN ne peut ainsi se voir reprocher un déni de justice.

3. Reste à examiner la question de savoir si la recourante A______ Sàrl est assujettie à la LRDBHD et à son règlement.

a. La LRDBHD a pour but de régler les conditions de toute forme d’exploitation d’une activité vouée à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement ou encore au divertissement public, exercée contre rémunération ou à titre professionnel (art. 1 al. 1 et 3 let. a LRDBHD).

Les cafés-restaurants, les buvettes permanentes et les buvettes permanentes de service restreint font partie des établissements soumis à la LRDBDH (art. 5 al. 1 let. a, c et d LRDBHD). Sont considérés comme cafés-restaurants et bars, au sens de la LRDBHD, les établissements où un service de restauration et/ou de débit des boissons est assuré, et qui n’entrent pas dans la définition d’une autre catégorie d’entreprise (art. 3 let. f LRDBHD).

La loi définit les buvettes de la manière suivante (art. 3 let. h à l LRDBHD :

« h) buvettes : les entreprises mobiles ou accessoires à des installations, établissements ou activités de loisir, de culture, de divertissement, de sport, d’étude, de commerce, ou servant des fins analogues; les buvettes sont vouées au débit de boissons et leur activité de restauration est déterminée par leur catégorie, soit celles qui figurent aux lettres i, j, k, l;

i) buvettes permanentes : les buvettes, qui sont exploitées à l'année par un même exploitant et dont l'offre de restauration exclut tout plat du jour ou formule du même type ;

j) buvettes permanentes de service restreint : les buvettes permanentes, dont l'offre de restauration est limitée aux aliments non confectionnés par l'exploitant ; »

ainsi que k) les buvettes associatives (à savoir les buvettes exploitées à l'année par les membres d'une entité libérée de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée) et l) les buvettes d'événements (à savoir les buvettes exploitées durant un événement de divertissement public ou un événement d'importance cantonale).

b. Selon l’art. 13 du règlement d'exécution de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l'hébergement et le divertissement (RRDBHD - I 2 22.01), les buvettes permanentes sont destinées principalement au service de boissons à consommer sur place (boissons avec ou sans alcool). Elles peuvent proposer un service de restauration, à l'exception de plats du jour ou formules de même type. Lorsqu'elles proposent un service de restauration, elles doivent disposer d'une cuisine adaptée à l'offre de restauration proposée. Elles doivent être mobiles ou accessoires à l'activité principale à laquelle elles sont rattachées. Une buvette est considérée comme mobile, lorsqu'elle change régulièrement d'emplacement, soit au minimum tous les deux mois, et qu'elle peut être tractée ou se déplacer de manière autonome et comme accessoire, lorsque la surface d'exploitation qui lui est destinée est inférieure à la surface accessible au public dévolue à l'activité principale à laquelle elle est rattachée. Elle est accessoire à des installations, établissements ou activités de loisirs, de culture, de divertissement, de sport, d'étude, de commerce, ou servant à des fins analogues.

La buvette permanente de service restreint se distingue de la buvette permanente par son offre restreinte de restauration, laquelle se compose exclusivement d'aliments ou de mets non confectionnés par l'exploitant, à l'exclusion de tout plat du jour ou formule de même type. Un aliment ou mets est considéré comme non confectionné par l’exploitant lorsqu’il est déjà, en tout ou partie, transformé au moment de son achat par l'établissement. L'aliment n'a besoin que d'être cuit, réchauffé ou servi directement froid. Une petite transformation de l'aliment, telle qu'assaisonnement, découpage ou assemblage de plusieurs mets transformés, est possible. Pour le surplus, cette catégorie d’établissements a les caractéristiques des établissements visés à l’art. 13 RRDBHD (art. 14 al. 1 à 3 RRDBHD).

Lorsque des mets et boissons sont servis par les entreprises, elles doivent clairement indiquer les prix nets à la clientèle. Pour les boissons, les quantités auxquelles se rapportent les prix doivent être également indiquées, conformément au droit fédéral (art. 28 LRDBHD). Dans la mesure où la vocation de l'établissement est d'accueillir une clientèle spécifique précisément identifiée, le département peut, sur demande écrite et motivée de l'exploitant propriétaire de l'établissement, respectivement de l'exploitant et du propriétaire de l'établissement, autoriser la restriction de l'accès dans l'établissement à cette seule clientèle (art. 27 LRDBHD).

c. Toute forme d’exploitation d’une entreprise vouée à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l’hébergement, ou encore au divertissement public, exercée contre rémunération ou à titre professionnel, est soumise à autorisation. Cette autorisation doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l’entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (art. 8 al. 1 et 2 LRDBHD et art. 18 al. 1 let. a et al. 3 RRDBHD).

Le département intime l’ordre de cesser immédiatement l’exploitation de toute entreprise exploitée sans autorisation en vigueur (art. 61 al. 1 LRDBHD).

d. L’art. 2 LRDBHD énumère les entreprises non soumises à la LRDBHD, à savoir les établissements scolaires ou éducatifs, les maisons et foyers d’accueil pour enfants et adolescents ou autres établissements analogues, les établissements de détention préventive et d’exécution de peines et mesures, les établissements médicaux privés et publics etc. Les entreprises ainsi visées doivent obtenir du département chargé de l’application de la loi la constatation selon laquelle elles ne sont pas soumises à son application (art. 2 al. 3 LRDBHD).

4. a. En l’espèce, il ressort des photos prises par le PCTN que la recourante A______ Sàrl offre, dans ses locaux, des boissons à la vente. Dans leur courrier du 25 octobre 2018, les recourantes ont d’ailleurs confirmé que les clients pouvaient consommer les boissons sur place. Par ailleurs, certaines boissons (« whey », «  gainer protéine », « burner », « carbo », « amino », « maxi » et « gourde + sels minéraux ») sont préparées sur place par le personnel du fitness, comme cela ressort de la « liste des prix ». En effet, celle-ci comporte, outre l’indication des quantités (en dl) vendues, la précision « bouteille » pour certaines boissons. Il en découle que certaines boissons sont vendues au verre, comme le montre d’ailleurs la photo prise d’une boisson « maxi ».

Les boissons proposées par le fitness comportent donc tant des boissons en bouteille que des boissons nécessitant une préparation par les employés. Il n’est pas contesté que ces boissons et barres protéinées sont vendues, comme cela ressort au demeurant de l’indication de leur prix sur les bouteilles et du tableau précité. Par ailleurs, les recourantes ne soutiennent pas que la consommation de ces produits serait interdite dans leurs locaux. Au contraire, elles ont exposé que certains clients les consommaient pendant leur entraînement dans leurs locaux. Par ailleurs, quelques fauteuils et une table basse sont disposés dans les locaux du fitness et le comptoir de l’accueil est relativement large. Ces meubles permettent également de s’y installer, respectivement de les utiliser pour consommer les boissons vendues par les employés du fitness. Les recourantes ne font pas non plus valoir qu’elles auraient interdit la consommation desdites boissons à ces endroits, se bornant à indiquer que l’accueil, les fauteuils et la table n’avaient pas pour but principal d’offrir la possibilité à leurs clients de consommer les boissons et barres protéinées sur place.

Au vu de ces éléments, il convient de retenir que les recourantes proposent, dans leurs locaux, la vente de boissons, dont certaines sont préparées par leurs employés, ainsi que des barres protéinés que leurs clients peuvent consommer sur place, que ce soit à l’accueil, à l’endroit où sont disposés les fauteuils et la table basse ou dans ses salles d’entraînement.

L’activité de vente de boissons est accessoire à l’activité principale des recourantes, qui exploitent principalement le fitness. Il n’est pas contesté que l’espace utilisé pour la vente des boissons et barres protéinées est inférieur à celui consacré aux salles d’entraînement. Par ailleurs, le service lié aux produits comestibles vendus se rapporte exclusivement à la vente des boissons et des barres protéinées et à la préparation de boissons pouvant être consommées sur place, aucune confection des barres protéinées n’ayant lieu sur place.

Dès lors que le service en lien avec la vente de boissons et de barres énergétiques est exclusivement lié à celui des boissons à consommer sur place et que ce service est accessoire à l’activité principale des recourantes, leur activité de vente de boissons remplit les critères de la définition de buvette au sens de l’art. 3 let. h LRDBHD. Plus spécifiquement, elle peut être qualifiée de buvette accessoire permanente de service restreint, au sens des art. 3 let. j LRDBHD et 14 RRDBHD, dès lors que son offre d’aliments est limitée à des aliments qu’elle ne confectionne pas.

Il sied de relever que la vente d’aliments ne constitue pas un élément caractéristique d’une buvette ; il permet uniquement de distinguer les types de buvettes qui en proposent et de délimiter les buvettes servant de la restauration des cafés-restaurants. En effet, l’art. 3 let. h LRDBHD indique que l’activité de restauration détermine la catégorie de buvette, et l’art. 13 RRDBHD précise que les buvettes peuvent proposer un service de restauration, le type de restauration servie étant ensuite défini et permettant de distinguer les buvettes permanentes des buvettes permanentes de service restreint, et plus généralement, les buvettes des cafés-restaurants. Ainsi, le fait que les recourantes ne proposent qu’un service de boissons et pas de service de restauration, mais uniquement des aliments qu’elles ne confectionnent d’aucune manière ne faisant que les vendre, ne permet pas de retenir que leur activité ne correspondrait pas à celle d’une buvette au sens de la LRDBHD et du RRDBHD.

Par ailleurs, le fait que seuls les membres du fitness puissent se voir servir les boissons à consommer sur place ne permet pas, comme le plaident les recourantes, de retenir que l’activité de vente de boissons telle qu’elles la proposent ne serait pas soumise à autorisation. En effet, les conditions définissant une buvette demeurent remplies, les recourantes pouvant cependant demander à l’autorité intimée d’être autorisées à restreindre l’accès à leurs locaux à leur seule clientèle (art. 27 LRDBHD). Cet élément n’est toutefois pas déterminant pour apprécier la question de savoir si le débit de boissons à consommer sur place qu’elles pratiquent est soumis à la LRDBHD.

Enfin, les recourantes ne soutiennent, à juste titre, pas que leur activité serait comparable à celle des établissements énumérés à l’art. 2 LRDBHD, tels qu’un établissement scolaire ou éducatif, des maisons et foyers d’accueil pour enfants et adolescents et établissements de détention préventive, qui ne sont pas soumis à la LRDBHD et doivent obtenir une décision le constatant. C’est le lieu de relever que, contrairement à ce que semblent croire les recourantes, la systématique de la loi prévoit que seuls les établissements non soumis à la LRDBHD peuvent obtenir une décision constatant leur non assujettissement à cette loi. Les autres établissements ont l’obligation d’obtenir une autorisation préalable pour le débit de boissons à consommer sur place ; la loi ne prévoit pas que, pour les établissements soumis à la LRDBHD, l’obligation de s’y soumettre fasse l’objet d’une décision constatatoire distincte de la décision d’octroi ou de refus de l’autorisation.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu de retenir que l’activité de buvette déployée par les recourantes est sujette à autorisation. Le PCTN a ainsi, à juste titre, exigé qu’une autorisation d’exploiter la buvette se trouvant dans le fitness soit requise.

b. L’autorité intimée a dûment mis en demeure les recourantes, par courrier du 24 janvier 2018, de se conformer à leur obligation d’obtenir une autorisation. Bien qu’adressé à « E______ », il est valablement parvenu aux recourantes, qui y ont réagi le 26 février 2018. Le courrier du PCTN du 22 août 2018 demandait expressément aux recourantes, qui considéraient ne pas être soumises à la LRDBHD, de confirmer qu’elles n’offraient pas la possibilité à leurs clients de consommer les boissons ou barres protéinées vendues sur place. Dès lors que les recourantes ont répondu que leurs clients pouvaient consommer les boissons et barres protéinées sur place et qu’elles ne se sont pas conformées à leur obligation de requérir une autorisation, le PCTN était fondé, conformément à l’art. 61 al. 1 LRDBHD, à leur intimer l’ordre de cesser immédiatement l’exploitation de la buvette.

Dans sa réponse au recours, le PCTN a exposé que la fermeture immédiate ordonnée par ses soins ne concernait que la buvette et non le fitness. Or, la décision querellée, adressée à l’exploitant de l’enseigne « A______ », ordonne la fermeture de l’établissement à ladite enseigne. Elle ne permet pas de comprendre que seule la fermeture de la buvette de l’enseigne précitée était visée par la mesure. Les recourantes pouvaient ainsi, de bonne foi, comprendre qu’elles devaient cesser toute activité exercée sous l’enseigne visée par la décision. Une telle injonction était toutefois, comme le font valoir les recourantes et le reconnaît d’ailleurs l’autorité intimée, disproportionnée. En effet, la fermeture de la seule activité de buvette était mieux à même d’atteindre le but visé par la loi, à savoir de s’assurer que seuls des établissements autorisés procèdent au débit de boissons à consommer sur place. En outre, la loi exige une autorisation pour l’exploitation de la buvette et non pour celle d’un fitness. Ainsi, elle ne permet pas d’ordonner la fermeture du fitness.

Le recours sera ainsi partiellement admis, en ce sens que la décision querellée sera annulée en tant qu’elle ordonne la fermeture de l’enseigne « A______ ». Il sera rejeté en ce qui concerne la fermeture de la buvette.

Le présent arrêt rend sans objet la requête de restitution d’effet suspensif.

5. Les recourantes obtenant partiellement gain de cause, un émolument réduit de CHF 400.- sera mis à leur charge conjointe (art. 87 al.1 LPA) et une indemnité réduite de procédure de CHF 500.- leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 décembre 2018 A______ Sàrl et B______ SA contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 14 décembre 2018 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision précitée en tant qu’elle ordonne la fermeture de l’enseigne « A______ » ;

la confirme en ce qui concerne la fermeture de la buvette exploitée dans l’enseigne « A______ » ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ Sàrl et B______ SA, solidairement entre elles ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- à A______ Sàrl et B______ SA, solidairement entre elles, à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pascal Pétroz, avocat des recourantes, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Thélin, Mme Junod, M. Pagan,
Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :