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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1213/2009

ATA/241/2010 du 13.04.2010 ( LAVI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1213/2009-LAVI ATA/241/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 13 avril 2010

2ème section

dans la cause

 

Monsieur P______
représenté par Me David Metzger, avocat

contre

INSTANCE D'INDEMNISATION DE LA LAVI


EN FAIT

1. Monsieur P______, né en ______, exerce la profession de peintre-décorateur. Il est enregistré à l'AVS en qualité d'indépendant.

2. Dans la nuit du mardi 18 juillet au mercredi 19 juillet 2006, aux alentours de minuit, il a été blessé à la jambe lors d'une altercation avec un inconnu, survenue devant un "sex-center" à Genève.

3. Le 2 août 2006, M. P______ a déposé une plainte auprès de la gendarmerie des Pâquis pour ces faits. Il a renouvelé sa plainte auprès du Procureur général de la République et canton de Genève le 11 octobre 2006 et s'est constitué partie civile.

Le 27 mars 2007, le Ministère public a classé la procédure, les enquêtes n'ayant pas abouti. M. P______ ne savait pas exactement devant quel "sex center" il avait été agressé. Il n'avait pu identifier aucune des personnes qu'il avait suspectées.

4. Selon le compte-rendu opératoire du 21 juillet 2006 du département de chirurgie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG), le tibia droit ainsi que la tête du péroné droit de M. P______ avaient été fracturés lors de l'agression. Une intervention chirurgicale pour placer un clou centromédullaire tibial avait été rendue nécessaire et, pour ce faire, M. P______ avait été hospitalisé du 19 au 26 juillet 2006. Il avait ensuite suivi une physiothérapie du 25 août 2006 au 28 février 2007. L'intéressé avait également suivi cinq séances de psychothérapie entre le 3 mai et le 11 juin 2007, pour une prise en charge psychologique.

5. Par attestation du 2 mai 2007, Mme Builliard, physiothérapeute, a indiqué qu'en date du 28 février 2007, M. P______ n'était pas en mesure d'exercer une activité professionnelle à plein temps.

Il ressort du certificat médical du 5 juillet 2007, du Dr. Haluzicky, spécialiste en chirurgie orthopédique, que l'intéressé a subi une incapacité de travail totale du 19 juillet 2006 au 18 mars 2007, retrouvant une pleine capacité de travail dès le 19 mars 2007.

6. Du 1er octobre 2006 au 30 juin 2007, M. P______ a été assisté par l'Hospice général (ci-après : l’hospice) qui lui a versé chaque mois une somme de CHF 2'902,80.

7. Le 7 mai 2008, M. P______ a déposé une requête en indemnisation auprès de l'instance d'indemnisation (ci-après : l'instance) instaurée par la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 23 mars 2007 (LAVI – RS 312.5). Il concluait notamment à se voir allouer un montant de CHF 67'187.- (avec intérêt de 5 % à compter de la date moyenne du 7 janvier 2007) à titre de dédommagement du préjudice financier subi suite à son incapacité de travail du 19 juillet 2006 au 30 juin 2007.

Quatre attestations étaient produites relatives à des chantiers qui lui auraient été confiés et auxquels il avait dû renoncer (ci-après : les attestations), émanant de Mme et M. S______ (ci-après : les époux S______), pour neuf semaines de travaux, sans autre précision, à plein temps, du 17 juillet 2006 au 15 septembre 2006, pour un budget total de CHF 18'900.- ; de la société de M. M______, peinture et papiers-peints, pour CHF 5'400.- de" travaux de peinture et papiers-peints" à réaliser "du 19 juillet au 11 août 2006" ; de la société V______ S.A., pour CHF 4'800.- de travaux de peinture à réaliser "en date du : 29 janvier 2007 au 9 février 2007" ; de la société I______, peintre en bâtiment, pour CHF 6'500.- des travaux de peinture à réaliser "en date du 19 février au 8 mars 2007".

Tenant compte du "chiffre d'affaires" réalisé du 1er janvier au 18 juillet 2006 (CHF 18'799.-) et du montant des travaux qui "auraient dû être exécutés" entre le 19 juillet et le 30 septembre 2006 (CHF 18'900.- + CHF 5'400.-) il fallait escompter un revenu de CHF 43'000.- pour les neuf premiers mois de l'année, soit CHF 4'777.- par mois. Par extrapolation sur l'année entière, le revenu prévisible en 2006 se serait élevé à CHF 57'324.-. La perte de chiffre d'affaires pour l'année 2006 résultait de la différence entre le chiffre d'affaires hypothétique annuel et celui qui avait été effectivement réalisé (CHF 57'324.- - CHF 18'799.-), soit CHF 38'525.-.

Pour la perte de gain de 2007, les chantiers auxquels il avait dû renoncer permettaient de conclure que le chiffre d'affaires aurait été sensiblement le même qu'en 2006, soit CHF 4'777.- par mois. La perte y relative entre le 1er janvier et le 30 juin 2007 s'élevait à CHF 28'662.- représentant six fois le revenu mensuel escompté.

8. Lors d'une audience de comparution personnelle qui s'est tenue le 3 juin 2008 devant l'instance, M. P______ a pris note du fait que deux entreprises attestaient d'un projet de chantier à plein temps sur une même période et que conformément au certificat médical produit, l'incapacité de travail avait duré huit mois. Son mandataire a indiqué qu'il complèterait la requête en tenant compte des bénéfices, charges, fournitures et contribution, et en déduisant les contributions de l'hospice.

Pour le surplus, M. P______ a maintenu sa requête. Il n'avait pas pu travailler physiquement avant le mois de juillet 2007. De plus, il avait encore des craintes lorsqu'il sortait le soir.

9. Le 23 octobre 2008, M. P______ a complété sa demande. Il a conclu à l'audition de M. S______, à l'allocation d'un montant de CHF 8'000.- à titre d'indemnité pour tort moral plus intérêts à 5 % dès le 18 juillet 2006, d'une somme de CHF 35'600.- à titre de réparation du préjudice subi (perte de gain) plus intérêt à 5 % dès le 7 janvier 2007 et de CHF 2'000.- à titre d'indemnisation pour les honoraires d'avocat.

La somme due à titre d'indemnité pour perte de gain devait encore prendre en compte un montant de CHF 30'000.- de chiffre d'affaires perdu en 2007 en rapport avec des travaux supplémentaires que les époux S______ lui auraient confiés s'il n'avait pas été incapable de travailler, ainsi que l'établissait une nouvelle attestation qu'il produisait.

Il n'avait pu travailler que durant les six derniers mois de 2007. Selon son compte de pertes et profits pour l'année 2007, il avait réalisé un chiffre d'affaires de CHF 12'880.- pour des charges, principalement fixes, de CHF 5'642.- et son bénéfice net était de CHF 6'938.-.

L'indemnité pour perte de gain devait se calculer en fonction de la perte du gain qu'il aurait pu percevoir pour les différents chantiers prévus durant la période où il était en incapacité de travail, soit durant une année de juillet 2006 à juin 2007 s'élevait à CHF 65'600.-. Il avait perçu une aide de CHF 27'000.- de l'hospice. Ses charges professionnelles s'élevaient à CHF 3'000.-. Après déduction de ces deux montants, il avait droit au solde, soit CHF 35'600.-.

10. Le 17 décembre 2008, M. P______ a informé l'instance avoir été hospitalisé du 27 au 28 novembre 2008 en vue de l'ablation programmée du matériel d'ostéosynthèse (vis et clou). Il se réservait le droit de chiffrer séparément, par la suite, la perte de gain y relative.

11. Par décision du 26 février 2009, l'instance a alloué à M. P______ une somme de CHF 8'000.- à titre de réparation du tort moral et de CHF 2'000.- pour contribuer au règlement de ses frais d'avocat. Elle a réservé l'indemnisation de la perte de gain alléguée en rapport avec l'intervention chirurgicale du 27 novembre 2008 et rejeté la requête pour le surplus.

Aucune indemnisation pour perte de gain ne pouvait être allouée. Le montant du bénéfice moyen était de CHF 2'776.-, calculé en prenant en considération les chiffres résultant de la comptabilité produite, soit CHF 24'732.- pour l'année 2005, CHF 18'799,40 pour la moitié de l'année 2006 et un montant identique pour l'année 2007, le montant du bénéfice effectif pour 2007 ne pouvant être considéré comme représentatif. Pour huit mois, le montant du bénéfice hypothétique était de CHF 22'205.-, soit un montant inférieur à celui des prestations versées par l'hospice général qui devaient être imputées.

12. Le 2 avril 2009, M. P______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre l'ordonnance précitée. Il conclut à l'annulation du dispositif relatif à la perte de gain et à la confirmation des autres chefs du dispositif, à la condamnation de l'instance à lui verser la somme de CHF 55'300.- avec intérêts à 5 % à compter du 7 janvier 2007, à titre de la réparation du préjudice subi, « avec suite de dépens », ainsi qu'à l'audition des auteurs des attestations produites. L'instance avait violé son droit d'être entendu en n'ayant pas procédé à l'audition des témoins sollicitée, ni tenu compte des attestations produites.

L'indemnité pour perte de gain devait se calculer ainsi : le bénéfice net qu'il aurait pu retirer en 2006 pour les deux chantiers qu'il n'avait pu réaliser était de CHF 22'776.- (CHF 24'300.- sous déduction de CHF 1'524.-). Ce montant correspondait à la perte de gain pour les mois de juillet à septembre 2006, aucune prestation de l'hospice n'étant à déduire pour ces trois mois. Il n'avait pas réalisé de gain entre octobre et janvier 2006 et ayant perçu des prestations de l'hospice, il n'avait subi aucun dommage. Le bénéfice net qu'il aurait pu retirer en 2007 des différents chantiers qu'il n'avait pu réaliser était de CHF 38'329.- (CHF 41'300.- sous déduction de CHF 2'970.- représentant six mois du montant total de frais généraux comptabilisés en 2007). Ce montant correspondait à une perte de gain pour les mois de février et mars 2007. Dans la mesure où il avait reçu des prestations de l'hospice au cours de ces deux mois, son dommage net s'élevait à CHF 32'524,20. Cela représentait un montant de CHF 61'105,90 duquel ne devait être déduit qu'un montant de CHF 5'805.- de prestations reçues de l'hospice. Le montant de son préjudice s'élevait donc à CHF 55'300.-.

13. Le 22 avril, l'instance a renoncé à présenter des observations, persistant dans ses conclusions.

14. a. Le 26 juin 2009, en audience de comparution personnelle par devant le tribunal de céans, M. P______ a notamment déclaré avoir repris son travail au mois de juillet 2007. Il avait adressé une facture aux époux S______ pour les deux jours de travail effectués dans leur propriété (17 et 18 juillet 2006). Il n'avait jamais travaillé pour eux auparavant. Ce chantier devait durer quatre mois car il y avait encore des décorations d'intérieur. Le mandat pour l'entreprise M______ concernait des meubles de jardin à restaurer. Ce travail devait être effectué les soirs dans les locaux de cette société, parallèlement à son activité diurne chez les époux S______. Il ignorait en quoi consistaient les travaux de peinture en sous-traitance qu'il aurait dû réaliser pour l'entreprise V______. "du 9 janvier au 9 février 2007". Il ne pouvait également fournir de précision concernant les travaux à effectuer pour l'entreprise I______. Depuis 2001, ces deux entrepreneurs lui confiaient du travail chaque année.

b. M. S______, entendu en qualité de témoin, a déclaré avoir mandaté M. P______ pour effectuer des travaux à l'intérieur de sa maison. Il s'agissait de travaux de peinture à la cire pour le rez-de-chaussée et les étages ; du crépissage des sous-sols ; de réfection (gypserie-peinture) de plafonds anciens avec poutres apparentes. Il était convenu que M. P______ effectue ce travail en régie au tarif de CHF 50.-/heure. La première attestation qu'il avait établie concernait des travaux du rez-de-chaussée et la réfection des plafonds, pour un montant de CHF 18'900.-. La seconde attestation était relative aux travaux à la cire. Il n'était pas formellement convenu que M. P______ exécute ces travaux mais ceux-ci lui auraient sans aucun doute été confiés. L'ouvrage qui avait finalement été réalisé par une autre entreprise lui avait "coûté CHF 30'000.- de plus". Toutes les factures en rapport avec ce chantier avaient été déclarées, le crédit de construction nécessitant les justifications de son utilisation.

c. A l'issue de l'audience, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56 de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 4 du règlement relatif à l’instance d’indemnisation prévue par la LAVI du 11 août 1993 - RILAVI - J 4 10.02 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 4 octobre 1991 (aLAVI) a été abrogée suite l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'aide aux victimes d'infractions du 23 mars 2007 (LAVI - 312.5 ; art. 46 LAVI). L'ancien droit reste toutefois applicable aux requêtes déposées pour des faits qui se sont déroulés avant l'entrée en vigueur de la novelle (art. 48 let. LAVI). L’aLAVI dans sa teneur jusqu'au 31 décembre 2008 est donc applicable au cas d'espèce (ATA/33/2009 du 20 janvier 2009).

3. Entrée en vigueur le 1er janvier 1993, l'aLAVI a été adoptée pour assurer aux victimes une réparation effective et suffisante dans un délai raisonnable (Message du Conseil fédéral concernant l' aLAVI du 25 avril 1990, FF 1990, vol. II pp. 909 ss, not. 923 ss).

L'instance a été instituée par le règlement du Conseil d'Etat du 11 août 1993 pour appliquer les art. 11 à 17 aLAVI (indemnisation et réparation morale).

L'art. 1er al. 2 aLAVI précise l'objet de l'aide fournie, comprenant notamment la protection de la victime et la défense de ses droits dans la procédure pénale (let b), l'indemnisation et la réparation morale (let. c).

Bénéficie de ces mesures d’aide toute personne qui a subi, du fait d’une infraction, une atteinte directe à son intégrité corporelle, sexuelle ou psychique (victime), que l’auteur ait été ou non découvert ou que le comportement de celui-ci soit ou non fautif (art. 2 al. 1 aLAVI).

4. En l'espèce, seule l'indemnisation consécutive à l'incapacité de travail subie par le recourant, directement après l'intervention chirurgicale du 19 juillet 2006, fait l'objet du présent recours.

5. Selon l'art. 12 al. 1 aLAVI, la victime a droit à une indemnité pour le dommage qu'elle a subi. En mettant en place le système d'indemnisation prévu par l'aLAVI, le législateur n'a cependant pas voulu assurer à la victime une réparation pleine, entière et inconditionnelle de ce dommage. L'indemnisation fondée sur l' aLAVI a au contraire pour but de combler les lacunes du droit positif, afin d'éviter que la victime supporte seule son dommage lorsque l'auteur de l'infraction est inconnu ou en fuite, lorsqu'il est insolvable, voire incapable de discernement (ATF 125 II 169, consid. 2b, p. 173-174 et les références citées). Le législateur délégué a ainsi fixé une limite de revenu au-delà de laquelle aucune indemnité n’est versée (art. 3 al. 2 de l'ancienne ordonnance sur l'aide aux victimes d'infractions du 18 novembre 1992 ; aOAVI - RS 312.51) ; tel est le cas si les revenus de la victime, calculés selon les critères posés à l’art. 11 de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'AVS et à l'AI du 6 octobre 2006 (LPC - RS 831.30), dépassent le quadruple du montant destiné à la couverture des besoins vitaux fixés par l’art. 10 LPC. Lorsque les revenus de la victime couvrent ses besoins vitaux sans dépasser le montant-plafond, l’indemnité sera partielle, ne couvrant qu’une proportion du dommage (art. 3 al. 3 aOAVI). Ce n’est que si les revenus déterminants ne couvrent pas les besoins vitaux que l’indemnité couvre intégralement le dommage (art. 3 al. 1 aOAVI).

6. a. L'art. 46 al. 1 de la loi fédérale complétant le code civil suisse, du 30 mars 1911 (CO - RS 220) régit les conséquences patrimoniales des lésions corporelles. La victime a notamment droit aux dommages-intérêts résultant d’une incapacité de travail.

. b. Selon la jurisprudence relative à l'art. 46 al. 1 CO, le dommage consécutif à l'incapacité de travail doit, autant que possible, être établi de manière concrète. Pour déterminer les conséquences pécuniaires de l'incapacité de travail, il faut estimer le gain que le lésé aurait retiré de son activité professionnelle s'il n'avait pas subi l'accident. Dans cette appréciation, la situation salariale concrète de la personne concernée avant l'événement dommageable doit servir de point de référence. Cela ne signifie toutefois pas que le juge doive se limiter à la constatation du revenu réalisé jusqu'alors ; l'élément déterminant repose davantage sur ce qu'aurait gagné annuellement le lésé dans le futur. Encore faut-il que le juge dispose pour cela d'un minimum de données concrètes. Il incombe au demandeur de rendre vraisemblables les circonstances susceptibles d'influer sur l'appréciation de son revenu. (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.258/2005 du 31 janvier 2006, consid. 2.3 p. 2 et réf. citées). Ce principe n'est autre que la concrétisation de la règle selon laquelle la preuve du dommage incombe en principe au lésé (art. 42 al. 1 CO et 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210).

Le juge doit se montrer très prudent s'agissant d'admettre des variations salariales, car il y a en général trop d'inconnues et d'impondérables pour permettre une estimation satisfaisante (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.258/2005 précité). Lorsqu'il est très difficile, voire impossible d'apporter la preuve stricte du dommage, il appartient au juge de déterminer équitablement le montant du dommage, en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par la partie lésée (art. 42 al. 2 CO).

Ces principes s'imposent également à l'instance qui doit essayer de déterminer le revenu le plus vraisemblable, sur la base de tous les éléments dont elle dispose (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.169/2001 du 7 février 2002). Le tribunal de céans est également tenu, en vertu du plein pouvoir d'examen dont il dispose en la matière (art. 17 aLAVI), d'analyser l'ensemble des preuves disponibles.

7. a. Selon l’art. 68 LPA, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuve nouveaux qui ne l'ont pas été dans les précédentes procédures, sauf exception prévue par la loi. A contrario, cette disposition ne permet pas au recourant de prendre des conclusions qui n'auraient pas été formées devant l'autorité de première instance.

b. La jurisprudence du Tribunal administratif est restrictive. Ainsi, l’objet d’une procédure administrative ne peut pas s'étendre ou se modifier qualitativement au fil des instances. Il peut uniquement se réduire, dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés devant l'autorité de recours (ATA/163/2010 du 9 mars 2010 ; ATA/560/2006 du 17 octobre 2006).

c. Si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions qui ont été traitées dans la procédure antérieure. Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'autorité inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d’un degré de juridiction (ATA/168/2008 du 8 avril 2008 ; ACOM/49/2008 du 17 avril 2008 ; B. BOVAY, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390/391).

Ayant conclu en dernier lieu devant l'autorité de première instance à une indemnisation de CHF 35'600.-, le recourant est lié par ces conclusions qu'il ne peut plus amplifier. Ainsi, les dernières conclusions en paiement d'un montant de CHF 55'300.- qu'il a prises devant le tribunal de céans, sont irrecevable à concurrence de CHF 19'700.- .

8. La période d'incapacité de travail qui doit être retenue correspond à la période allant du 19 juillet 2006 au 18 mars 2007 selon le certificat médical du Dr Haluzicky avec une date moyenne devant être fixée au 17 novembre 2006.

9. En l'occurrence, l'instance a considéré à juste titre que le recourant n'avait pas établi le gain manqué qu'il avait subi pendant sa période d'incapacité de travail. Si l'on peut admettre la réalité du contrat d'entreprise relatif aux travaux que le recourant effectuait chez les époux S______ en été 2006, il n'en va pas de même des autres chantiers évoqués, pour lesquels les documents qu'il a déposés sont trop flous pour établir l'existence d'une relation contractuelle. Interrogé au sujet des travaux qu'il aurait dû effectuer en été 2006 chez M. M______, le recourant a indiqué qu'il s'agissait de meubles de jardin à restaurer, ce qui est en contradiction avec l'attestation produite qui fait état de travaux de peinture et de pose de tapisserie. Les autres attestations constituent des déclarations d'intention ou des expectatives de relations contractuelles qui ne sont étayées par aucun autre document probant, tels des devis ou des contrats, et qui ne justifient pas la prise en considération d'une perte de revenu future certaine pour le calcul de l'indemnisation au sens de l'art. 12 al. 1 aLAVI.

10. Le Tribunal fédéral a précisé que si l’autorité cantonale de recours jouit d’un plein pouvoir d’examen, conformément à l’article 17 aLAVI, cela ne l’empêche pas de respecter, pour les questions d’appréciation, la marge de manœuvre reconnue à l'instance décisionnaire. L’autorité de recours peut se contenter de contrôler le caractère approprié de la somme allouée et, si cette dernière est conforme à l’équité, s’abstenir de modifier la décision attaquée quand bien même, si elle avait eu à trancher en première instance, elle ne serait peut-être pas arrivée au même montant (ATF 123 II 210 consid. 2 c, p. 212).

Ne pouvant se fonder sur des expectatives de gains futurs non établies, et le montant de l'indemnisation devant impérativement résulter d'un calcul fondé sur des données concrètes, c'est à juste titre que l'instance a cherché à déterminer équitablement le préjudice financier subi en considérant le cours ordinaire des choses (art. 42 al. 2 CO). En l'occurence, pour tenir compte des revenus fluctuants du recourant, il était particulièrement approprié et conforme à l'équité qu'elle se fonde sur les bénéfices réalisés durant les années 2005 et 2006, en déterminant un revenu mensuel moyen dont la perte, appliquée à huit mois d'incapacité de travail, donne droit à une indemnisation pour perte de gain de CHF 22'205.-. La décision litigieuse doit ainsi être confirmée.

11. Le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable. Aucun émolument ne sera mis à la charge du recourant, la procédure étant gratuite (art. 30 LAVI ; 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 2 avril 2009 par Monsieur P______ contre la décision de l'instance d'indemnisation de la LAVI du 26 février 2009 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Metzger, avocat du recourant ainsi qu'à l'instance d'indemnisation de la LAVI.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :