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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4709/2017

ATA/232/2018 du 13.03.2018 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4709/2017-FORMA ATA/232/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 mars 2018

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant par Madame et Monsieur B______

contre

SERVICE DES BOURSES ET PRÊTS D'ÉTUDES

 



EN FAIT

1) Le 1er juin 2017, Madame A______, née le ______ 2000, a déposé une demande de bourse d’études pour l’année scolaire 2017-2018 auprès du service des bourses et prêts d’études (ci-après : SBPE) en vue de financer sa deuxième année de collège auprès de l’école privée C______ (ci-après : l’école C______).

Elle vivait avec ses parents, Madame et Monsieur B______ (ci-après : les époux B______ ou les parents). Son père percevait des rentes de
l’assurance-invalidité (ci-après : AI). Sa mère était horlogère, sans emploi. La fratrie était en outre composée de D______, née le ______ 2002, E______, né le ______ 2005, et F______, née le ______ 2012. La famille vivait dans un cinq pièces, dont le loyer s’élevait à CHF 1'412.- par mois.

2) Par décision du 12 septembre 2017, le SBPE a informé l’intéressée qu’elle ne remplissait pas les conditions d’octroi pour l’obtention d’une bourse ou d’un prêt d’études. Selon le budget établi, joint à la décision, les ressources de l’étudiante étaient suffisantes pour couvrir ses dépenses pendant l’année scolaire.

3) Les parents ont formé réclamation contre la décision précitée. Le SBPE n’avait pas retenu dans ses calculs les frais d’écolage de l’école C______ en CHF 21'600.- par an, soit CHF 1'800.- par mois. De surcroît, le programme scolaire de A______ impliquait qu’elle se rende en Allemagne pendant deux mois en fin d’année 2017 et à Madagascar en avril 2018. Or, ces déplacements étaient à leur charge.

4) Par décision du 2 novembre 2017, le SBPE a rejeté la réclamation.

5) Par acte du 24 novembre 2017, A______, agissant par ses parents, a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation.

Elle a conclu à un « réexamen » et un « nouveau calcul ». Le SBPE avait retenu CHF 22'820.- de revenus pour la mère de la recourante. Or, celle-là ne travaillait plus depuis le 31 janvier 2015 compte tenu de l’autisme de son fils et de l’état de santé de son mari, victime d’un accident vasculaire cérébral.

6) Le SBPE a conclu au rejet du recours. Les revenus de CHF 22'820.- retenus pour l’épouse consistaient en la moitié, respectivement, des rentes LPP perçues pour les enfants, des allocations familiales, des subsides assurance-maladie 2017 et des prestations complémentaires AVS-AI. Les montants se fondaient sur le dernier avis de taxation disponible, en l’espèce 2016, et sur les pièces remises par la famille.

7) Par réplique du 24 janvier 2018, les époux B______ ont établi un tableau reprenant celui du SBPE, mais modifiant certains chiffres. Les revenus du père ne devaient pas être de CHF 81'994.-, mais de CHF 70'505.84. C’était à tort que CHF 9'000.- avaient été comptés dans ses revenus au titre d’allocations familiales.

Les revenus de l’épouse ne consistaient qu’en CHF 9'000.- d’allocations familiales.

8) À la demande du juge délégué, le SBPE a transmis le 22 février 2018 l’entier du dossier de la famille.

9) Par courrier du 23 février 2018, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 -
LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieuse la décision de refus de bourse pour l’année 2017 - 2018.

3) a. Selon l’art. 1 al. 2 de la loi sur les bourses et prêts d'études du 17 décembre 2009 (LBPE - C 1 20), le financement de la formation incombe aux parents et aux tiers qui y sont légalement tenus ainsi qu’à la personne en formation elle-même.

L’aide financière est subsidiaire (art. 1 al. 3 LBPE).

b. Lorsque la filière de formation choisie n’est pas la plus économique, le montant de l’aide financière est calculé sur la base de la formation la moins onéreuse (art. 7 al. 2 LBPE).

4) a. Aux termes de l’art. 18 al. 1 LBPE, si les revenus de la personne en formation, de ses parents (père et mère), et des autres personnes qui sont tenues légalement au financement de la formation, ainsi que les prestations fournies par des tiers ne suffisent pas à couvrir les frais de formation, le canton finance, sur demande, les besoins reconnus par le biais de bourses ou de prêts.

Le revenu déterminant est celui résultant de la loi sur le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06 ; art. 18 al. 2 LBPE). Le calcul du RDU est individuel (art. 8 al. 1 LRDU).

b. Une aide financière est versée s’il existe un découvert entre les frais reconnus engendrés par la formation, ainsi que par l’entretien de la personne en formation comparés aux revenus qui peuvent être pris en compte selon l’art. 18 al. 1 et 2 LBPE.

Le découvert représente la différence négative entre les revenus de la personne en formation et des personnes légalement tenues de financer les frais de formation et les coûts d’entretien et de formation de ces mêmes personnes (art. 19 al. 2 LBPE).

Le calcul du découvert est établi à partir du budget des parents ou des personnes légalement tenues au financement de la personne en formation. Ce budget tient compte des revenus et des charges minimales pour couvrir les besoins essentiels (art. 19 al. 3 LBPE).

5) La mère de la recourante conteste la prise en compte, dans ses revenus, de la moitié des rentes LPP des enfants. Seuls CHF 2'488.- de rentes LPP devraient être retenus, dans le RDU du père.

6) a. Le socle du RDU comprend l’ensemble des revenus conformément à
l’art. 4 LRDU qui fait une énumération exemplative de ceux-ci. Tous les revenus provenant d’institutions de prévoyance professionnelle en font partie, à l’exception de l’allocation pour impotent et de la contribution d’assistance au sens de l’art. 4 al. 1 let. f LRDU, non pertinentes en l’espèce (art. 25 al. 1 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 - LIPP - D 3 08). Les prestations accordées aux personnes mineures sont reportées dans le revenu déterminant unifié du ou des parents concernés (art. 8 al. 3 LRDU).

b. En l’espèce, il ressort des pièces versées au dossier que les époux B______ ont reçu, par enfant et par trimestre, CHF 311.09, soit CHF 1'244.36 par année et par enfant de la Fondation institution supplétive LPP à Lausanne. Conformément à l’art. 4 al. 1 let. f LRDU ces revenus doivent être comptabilisés en totalité. En application de l’art. 8 al. 1 LRDU, le calcul du SBPE qui en répartit la moitié, soit CHF 2'488.72, dans les revenus de chaque parent est conforme à la loi.

Le même principe vaut pour les subsides d’assurance-maladie et les prestations complémentaires que le couple n’aimerait voir retenu qu’à hauteur de la moitié (art. 13 al. 1 let. a ch. 1, let. b ch 2 et 4 LRDU). Une telle façon de faire ne serait pas conforme à la loi et violerait gravement le principe de la subsidiarité rappelé à l’art. 1 LBPE.

C’est en conséquence à bon droit que le SBPE a retenu les montants de CHF 9'424.-, CHF 1'908.- et CHF 2'488.- dans les revenus de la mère, indépendamment du fait que celle-ci n’est plus active professionnellement, et que son socle RDU se monte à CHF 22'820.-.

7) a. Dans leur réplique, et pour autant que ce grief soit recevable, ce qui souffrira de rester indécis, les parents contestent l’attribution par le SBPE de la moitié, soit CHF 9'000.-, des allocations familiales totales en CHF 18'000.- dans les revenus du père.

b. Les allocations familiales font partie des revenus qui doivent être pris en compte dans le socle RDU conformément à l’art. 4 LRDU (art. 17 al. 1 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 18 al. 1 LIPP ; ATA/976/2014 du 9 décembre 2014 consid. 8 et les références citées).

Aux termes de l’art. 8 de la loi sur les allocations familiales du 1er mars 1996 (LAF - J 5 10), l'allocation pour enfant est de CHF 300.- par mois pour l'enfant jusqu'à 16 ans et CHF 400.- par mois pour l'enfant de 16 à 20 ans (al. 2). L'allocation de formation professionnelle est de CHF 400.- par mois (al. 3). Pour le troisième enfant donnant droit aux allocations et chacun des enfants suivants, les montants précités sont augmentés de CHF 100.- (al. 4 let. b). L'allocation pour enfant est une prestation mensuelle ; elle est octroyée dès et y compris le mois de la naissance de l'enfant, jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 16 ans (art. 7 al. 1 LAF). L'allocation de formation professionnelle est une prestation mensuelle ; elle est octroyée à partir du mois qui suit celui au cours duquel l'enfant atteint l'âge de 16 ans jusqu'à la fin de sa formation, mais au plus tard jusqu'à la fin du mois au cours duquel il atteint l'âge de 25 ans (art. 7A LAF).

Lorsque plusieurs personnes peuvent faire valoir un droit aux allocations familiales pour le même enfant en vertu d'une législation fédérale ou cantonale, et qu’aucune n’exerce une activité lucrative le droit aux prestations est reconnu à la personne qui détient l'autorité parentale ou qui la détenait jusqu'à la majorité de l'enfant (art. 38 al. 1 let. b LAF).

c. Les époux B______ ne contestent pas le montant de CHF 18'000.- retenu par le SBPE au titre d’allocations familiales. Ils considèrent que seuls CHF 9'000.- doivent être comptabilisés dans les revenus de la mère. Or, la famille, composée de quatre enfants, a perçu au minimum CHF 1'400.- mensuels, soit annuellement CHF 16'800.-, les montants mensuels se modifiant notamment en fonction de l’âge de chacun des enfants. Le décompte devant être individuel, il est conforme à la loi de partager le total perçu entre les deux parents.

Il est de surcroît relevé une erreur de calcul dans la réplique des époux B______. Le total des montants que le père reconnaît avoir perçu s’élève à CHF 72'993.84 et non CHF 70'505.84. Le montant correct, augmenté des CHF 9'000.- litigieux, correspond aux CHF 81'994.- de revenu RDU du père, tel que retenu à juste titre par le SBPE.

Le grief est infondé.

8) a. Il ressort en conséquence du procès-verbal de calcul du budget de la famille, un excédent de CHF 21’703.-.

b. Si le budget présente un excédent de ressources, il est divisé par le nombre d’enfants et pris en considération dans le calcul du budget de la personne en formation (art. 9 al. 4 let. a RBPE). Compte tenu de la fratrie de quatre enfants, CHF 5’425.- ont, à juste titre, été pris en considération par l’intimé dans le budget de l’étudiante, étant précisé que celui-ci a été établi conformément aux art. 19, 20 LBPE et 10 RBPE principalement.

c. La recourante présentant un budget déficitaire de CHF 175.-, il peut être couvert par la contribution précitée des parents.

En l’absence de découvert, les conditions pour l’octroi d’une bourse ou d’un prêt d’études ne sont pas remplies.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

9) La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera mis à la charge de la recourante (art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 novembre 2017 par Madame A______ agissant par Madame et Monsieur B______, contre la décision sur réclamation du service des bourses et prêts d’étude du 2 novembre 2017 ;

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur B______, ainsi qu'au service des bourses et prêts d'études.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, MM. Thélin et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :