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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3504/2007

ATA/179/2008 du 15.04.2008 ( DES ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3504/2007-DES ATA/179/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 15 avril 2008

dans la cause

 

H______ Sàrl

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE LA SANTÉ

 


 


EN FAIT

Monsieur X______, né en 1957, est titulaire d’une autorisation de pratique de chauffeur de taxis depuis le 21 janvier 2005.

De plus, associé-gérant de H______ Sàrl (ci-après : la société) disposant de la signature individuelle, il dispose d’une carte professionnelle de dirigeant d’entreprise, limitée au service de taxis.

Le 31 mai 2006, M. X______ a indiqué au service des autorisations et patentes (ci-après : SAP) du département de l’économie et de la santé (ci-après : le département) qu’il refusait de payer l’émolument annuel taxis de l’année 2005 fixé à CHF 200.-, au motif que le montant de cette taxe devait être déterminé après consultation des milieux professionnels. Or, celle-ci n’avait pas eu lieu.

Par courrier du 22 septembre 2006, le SAP a indiqué à M. X______ qu’il suspendait la perception de cet émolument.

Le 16 août 2007, le SAP a envoyé à M. X______ :

- une facture en CHF 200.-, relative à l’émolument annuel taxis 2006 pour le véhicule immatriculé GE 85 ;

- une facture en CHF 600.- concernant l’émolument annuel taxis 2007 pour les trois voitures immatriculées GE___, GE ___ et GE ___.

Le 22 août 2007, M. X______ a contesté les factures précitées. Il a rédigé sa réclamation sur du papier à lettres à entête de la société.

Les émoluments en question étaient destinés à assurer la rémunération des personnes s’occupant du guichet des taxis à l’aéroport. Or, ce guichet n’avait commencé à fonctionner qu’au mois de mars 2007. La commission consultative, qui devait préaviser le montant de l’émolument, ne s’était réunie qu’à la fin de l’année 2006 et aucun contrat de prestations n’avait été signé. Le montant maximum de l’émolument avait été retenu sans budget et sans participation de l’aéroport, sous réserve de la mise à disposition du guichet.

Par courrier électronique du 13 septembre 2007, le SAP a indiqué à M. X______ que le montant de l’émolument avait été fixé par le département et accepté par la commission consultative des taxis. Le guichet à l’aéroport était en place depuis le mois de décembre 2005 et l’institution commune des taxis et limousines (ci-après : institution commune) participait activement à sa gestion. L’émolument annuel taxis était dû pour les années 2006 et 2007.

Par courrier mis à la poste le 14 septembre 2007, M. X______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision du SAP du 16 août 2007 de percevoir un émolument de CHF 200.- par taxi, pour les années 2005 et 2006. Au surplus, il a repris les arguments développés dans son pli du 22 août 2007 adressé au SAP. Il a joint à son recours la facture concernant l'émolument 2006.

Le 18 octobre 2007, le SAP s’est opposé au recours.

Le principe d’un émolument annuel avait été repris de l’ancienne loi sur les taxis, du 26 mars 1999 (aLTaxis).

La nouvelle loi sur les taxis et limousines (transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles) du 21 janvier 2005 - entrée en vigueur le 15 mai 2005 - (LTaxis - H 1 30) prévoyait la perception d’un émolument maximum de CHF 200.- par permis de service public, qui devait être affecté à des tâches d’intérêt général concernant lesdits taxis. Le législateur avait prévu la création de l'institution commune à laquelle ces tâches seraient déléguées, dans le cadre d’un contrat de prestations.

L’institution commune avait été créée le 30 octobre 2006 et le contrat de prestations était encore à l’étude.

Toutefois, en décembre 2005, les milieux des chauffeurs de taxis avaient insisté pour qu'un « guichet taxis » soit ouvert à l’aéroport. Des contrôleurs avaient été mandatés afin de vérifier l’application des dispositions spéciales concernant l’aéroport, figurant au chapitre 4 du règlement d’exécution de la loi sur les services de taxis du 4 mai 2005 (RTaxis – H 1 30.01). La loi permettait au département de conserver une partie de l’émolument pour financer directement de telles activités, ce qu’il avait fait.

De plus, un registre des milieux professionnels avait été mis sur pied et cela avait pris un certain temps. La première séance de la commission consultative des taxis et limousines n'avait pu se tenir que le 21 janvier 2006.

A ce pli était joint la facture d'émolument de 2007 que le SAP avait adressé à M. X______.

Au cours de la procédure, le département a versé à la procédure les pièces suivantes :

- procès-verbal de la séance du 21 juin 2006 de la commission consultative instaurée par la LTaxis : aucune mention ne concerne la perception de l'émolument litigieux ;

- procès-verbal de la séance du 27 septembre 2006 de la commission consultative instaurée par la LTaxis : il y est mentionné que la création d'un groupe « taxi » est nécessaire, ce dernier ayant deux sujets urgents à aborder : le guichet de l'aéroport et la couleur unique ;

- statuts de l'institution commune, adoptés le 30 octobre 2006, lesquels prévoient, à l’article 4 alinéa 2 lettre e, qu’elle doit se doter des moyens nécessaires et des infrastructures et services nécessaires pour atteindre ses objectifs, notamment afin de se voir déléguer par l'Etat de Genève tout ou partie des tâches de droit public prévu à l'article 78 RTaxis.

Les parties ont été entendues en comparution personnelle le 26 novembre 2007.

a. M. X______ a repris et développé son argumentation antérieure, tout en attirant l’attention du tribunal sur le fait qu’en dépit de la procédure en cours, le SAP persistait à réclamer l’émolument aux autres chauffeurs de taxis. Il a souligné que les milieux concernés n’avaient pas été valablement consultés ; il n’y avait pas de contrat de prestations et l’émolument ne pouvait être prélevé.

Dans une écriture déposée en cours d’audience, il a encore précisé qu’il avait agi en qualité de représentant de la société, laquelle louait ses taxis à des indépendants, dont lui-même faisait partie.

b. Le SAP a précisé que l’émolument contesté était dû pour la période allant de mai 2006 à mai 2007. Quant à celui courant de mai 2005 à mai 2006, il avait été suspendu. Au surplus, l’intimé à maintenu ses conclusions.

c. Au terme de cette audience, le juge délégué a accordé au SAP un délai pour se déterminer.

Le 7 janvier 2008, le SAP a persisté dans ses conclusions. C’était bel et bien la société qui était titulaire d’une autorisation d’exploiter une entreprise de taxis et non M. X______. Contrairement à ce qui avait été indiqué lors de l'audience de comparution personnelle, les émoluments annuels querellés concernaient les années civiles 2006 et 2007.

La consultation à laquelle le SAP devait procéder avant de fixer le montant de l’émolument ne liait pas le département, qui pouvait choisir un montant autre que celui proposé. Le SAP avait décidé d’agir en décembre 2005, car il était important que le guichet de l’aéroport fonctionne, même si le contrat de prestations n’avait pas encore pu être conclu.

Le 9 janvier 2008, M. X______ a transmis au tribunal des écritures spontanées, qui lui ont été retournées.

 

EN DROIT

Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

Le recours de la société est dirigé uniquement contre la décision du SAP du 16 août 2007 relatif à l'émolument 2006. En effet, celle du 16 janvier 2006 concernant l'émolument 2005 est sans objet, car suspendue depuis le 22 septembre 2006.

Selon l’article 32 alinéa 5 LTaxis « un émolument annuel d’un montant maximum de CHF 200.- par permis de service public peut être perçu des titulaires de l’autorisation d’exploiter au sens des articles 11 et 12 et affecté en tout ou partie à des tâches d’intérêt général confiées au milieu professionnel représentatif des exploitants de taxis de service public dans le cadre d’un contrat de prestations. Le montant de l’émolument est fixé par le département après consultation des milieux professionnels ».

De plus, selon l'article 24 alinéa 1 RTaxis, le département, en collaboration avec la direction de l'aéroport et en concertation avec les milieux professionnels, peut établir un guichet à proximité de la sortie des voyageurs au niveau "Arrivées" de l'aéroport et de la tête de la station de taxis. L'alinéa 2 de cette disposition précise que les tâches de ce guichet sont remplies par des personnes choisies par l'autorité sur proposition des milieux professionnels ; ces personnes sont rémunérées au moyen de l'émolument prévu à l'article 32 alinéa 5 LTaxis, dans la mesure où leur rémunération n'est pas supportée par l'aéroport.

Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique ; ATF 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d’interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 125 II 206 consid. 4a p. 208/209). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

Le Tribunal administratif relèvera en premier lieu que l'émolument litigieux est dû par le titulaire de l'autorisation d'exploiter, et non par celui de la carte professionnelle de dirigeant d'entreprise. Les factures litigieuses auraient dès lors dû être adressées à la société, et non à M. X______ personnellement. Toutefois, cette erreur n'a pas eu de conséquence, puisque tous les courriers adressés par M. X______ au tribunal ou au département ont été rédigés sur du papier à en-tête de la société, et que l'intéressé, associé gérant, peut engager cette dernière par sa seule signature.

Au vu de ce qui précède, il sera procédé à une substitution de partie, la destinataire de la facture litigieuse et recourante dans la présente procédure étant la société et non M. X______ personnellement.

L’article 32 alinéa 5 LTaxis n’est pas équivoque et sa simple lecture permet de comprendre que le département est autorisé à percevoir un émolument maximum de CHF 200.-, pour autant que, cumulativement :

cette somme soit affectée en tout ou en partie à des tâches d'intérêt général ;

les tâches d'intérêt général soient confiées aux milieux professionnels représentatifs des exploitants de taxis de service public ;

un contrat de prestations lie ces milieux professionnels et le département ;

les milieux professionnels soient consultés par le département avant que ce dernier ne fixe le montant de l'émolument.

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'émolument perçu soit affecté à des tâches d'intérêt général. En revanche, il ressort de la procédure que lesdites tâches ne sont pas exécutées par les milieux professionnels représentatifs des exploitants de taxis, mais directement et intégralement confiées à des tiers par le département. De plus, aucun contrat de prestations n'avait été signé lorsque les parties ont été entendues en audience de comparution personnelle. En dernier lieu, aucune trace d'une consultation desdits milieux concernant la fixation du montant de l'émolument ne ressort des pièces produites.

Dans ces circonstances, les conditions nécessaires à la perception de l'émolument ne sont pas remplies. Le recours sera donc admis et la facture litigieuse annulée.

Au vu de cette issue, un émolument de CHF 1'000.-, sera mis à la charge du département, qui succombe (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2007 par H______ Sàrl contre la décision du département de l'économie et de la santé du 16 août 2007 ;

au fond :

l'admet ;

annule la facture de CHF 200.- notifiée par le département de l'économie et de la santé à H______ Sàrl le 16 août 2007 ;

met à la charge de l'autorité intimée un émolument de CHF 1'000.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à H______ Sàrl ainsi qu'au département de l'économie et de la santé.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :