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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1188/2009

ATA/177/2010 du 16.03.2010 sur DCCR/1093/2009 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.04.2010, 2D_22/2010
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1188/2009-PE ATA/177/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 16 mars 2010

1ère section

dans la cause

 

Monsieur M______
représenté par Me Alain Droz, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 8 septembre 2009 (DCCR/1093/2009)


EN FAIT

1. Monsieur M______, ressortissant kosovar né en 1978, a été interpellé par la police genevoise au mois d'avril 2003. Il avait déposé une demande d'asile en France, qui avait été refusée. Il a été refoulé vers ce pays.

2. Le 26 août 2005, M. M______ a saisi l'office cantonal de la population (ci- après : OCP) d'une demande de permis de séjour à titre humanitaire. En 1996, il était arrivé à Genève pour rejoindre son frère. Il s'y était bien intégré et travaillait en qualité d'ouvrier agricole pour le même employeur depuis le mois de janvier 2000.

3. Le 4 octobre 2005, l'OCP a délivré à M. M______ une autorisation de travail, révocable en tout temps, jusqu'à droit connu sur sa demande d'autorisation de séjour.

4. Le 3 mars 2006, l'OCP a informé M. M______ qu'il était prêt à accepter sa demande d'autorisation de séjour, sous réserve de l'approbation de cette décision par l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM).

5. Le 31 mai 2006, l'ODM a refusé d'accorder à M. M______ une exception aux mesures de limitation. L'intéressé ne se trouvait pas dans une situation représentant un cas d'extrême gravité au sens de la législation et de la pratique restrictive en la matière.

6. Le 6 juillet 2006, M. M______ a saisi le département fédéral de justice et police d'un recours contre cette décision. La procédure a été transmise au Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) pour raison de compétence, lors de la création de ce dernier le 1er janvier 2008.

Par arrêt du 29 octobre 2008, le TAF a rejeté le recours, M. M______ ne se trouvant pas dans un cas personnel d'extrême gravité. Cette décision est définitive et exécutoire.

7. Le 26 février 2009, l'OCP a ordonné à M. M______ de quitter la Suisse dans un délai échéant au 30 avril 2009. Le renvoi était possible, licite et pouvait être raisonnablement exigé au sens de l'art. 83 de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142.20).

8. Le 1er avril 2009, M. M______ a recouru contre la décision précitée, notifiée le 2 mars 2009, auprès de la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA). Il séjournait dans le canton de Genève depuis bientôt douze ans et y avait toujours travaillé. Il s'était montré respectueux des lois et des us et coutumes et maîtrisait parfaitement le français.

En cas de renvoi dans son pays, il ne pourrait retrouver un emploi. Son père, âgé de 65 ans, était à la retraite et deux de ses frères ainsi que ses trois sœurs habitaient toujours au domicile familial. Les deux frères n'avaient pas d'emploi stable. Le renvoi n'était pas raisonnablement exigible dans cette situation.

9. Le 8 septembre 2009, la CCRA a entendu les parties en audience de comparution personnelle. M. M______ a exposé qu'il travaillait toujours chez le même employeur. Un de ses frère, domicilié à Genève, avait un passeport suisse. Il ne désirait pas retourner au Kosovo car il n'y avait pas de travail. L'ensemble de sa famille dans ce pays vivait au moyen de la retraite perçue par son père. Il n'était jamais retourné au Kosovo depuis son arrivée en Suisse en 1996.

De son côté, l'OCP a souligné que la situation familiale du recourant n'avait pas à être analysée dans le cadre du contrôle de la décision de renvoi.

10. Par décision du 8 septembre 2009, la CCRA a rejeté le recours. Aucune des trois conditions alternatives prévues à l'art. 83 al. 1 LEtr n'était remplie. M. M______ était en possession de documents suffisants, ou à tout le moins pouvait les obtenir et, dès lors, aucun obstacle insurmontable d'ordre technique ne s'opposait au renvoi. Ce dernier n'était pas contraire aux engagements internationaux de la Suisse. Il n'était ni allégué, ni établi, que M. M______ puisse subir une persécution de la part des autorités de son pays ou qu'il risquerait des traitements contraires à l'art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du 4 novembre 1950 (CEDH ; RS 0.101). Le renvoi n'exposerait pas l'intéressé à une mise en danger concrète au sens de l'art. 83 al. 4 LEtr.

11. Le 7 décembre 2009, M. M______ a recouru auprès du Tribunal administratif contre la décision précitée, concluant à l'octroi d'une admission provisoire en application de l'art. 83 al. 3 et 4 LEtr.

Il était venu en Suisse parce que son frère, ressortissant helvétique, y habitait. Il n'était jamais retourné au Kosovo depuis lors. En cas de renvoi, il ne pourrait être soutenu par sa famille, au vu de la situation de cette dernière, et n'avait aucun espoir d'y trouver un emploi.

Préalablement, il demandait que l'effet suspensif lié au recours soit restitué.

12. Le 18 janvier 2010, l'OCP s'est opposé à la restitution de l'effet suspensif ainsi qu'à l'octroi de mesures provisionnelles.

13. Le 2 février 2010, l'OCP a conclu au rejet du recours.

Le Kosovo faisait partie des Etats considérés comme sûrs par le Conseil fédéral depuis le 1er avril 2009.

Les difficultés mises en avant, d'ordre socio-économique, n'étaient pas déterminantes au regard des art. 83 al. 3 et al. 4 LEtr. L'intéressé ne pouvait soutenir qu'il n'avait plus de contact dans son pays alors qu'il avait indiqué, dans un entretien du 4 octobre 2005, avoir des contacts téléphoniques avec sa famille et lui envoyer un peu d'argent lorsqu'il le pouvait. Il avait en outre sollicité un visa de retour de trois mois, au mois de juillet 2008, pour lui rendre visite.

14. Par courrier du 8 février 2010, le Tribunal administratif a accordé un délai échéant au 23 février 2010 afin que les parties formulent d'éventuelles requêtes complémentaires d'actes d'instruction. Passé cette date, la cause serait gardée à juger.

Ni l'OCP, ni M. M______ ne se sont déterminés dans le délai imparti.

15. La CCRA a transmis au Tribunal administratif son dossier le 5 mars 2010.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 66 al. 1 et 2 LEtr, les autorités compétentes renvoient de Suisse tout étranger dont l’autorisation est refusée, en assortissant cette décision d’un délai de départ raisonnable.

Lorsque l’exécution du renvoi est impossible, illicite ou ne peut être raisonnablement exigé, l’ODM doit accorder à l’étranger une admission provisoire (art. 83 al. 1 LEtr). L’al. 2 de cette disposition précise que l’exécution n’est pas possible lorsque l’étranger ne peut quitter la Suisse pour son état d’origine, son état de provenance ou un état-tiers, ni être renvoyé dans un de ces états ; elle est illicite lorsque le renvoi de l’étranger dans un de ces états est contraire aux engagements de la Suisses relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEtr) et ne peut être raisonnablement exigée lorsque le renvoi d’un étranger dans son pays d’origine ou de provenance le mettrait concrètement en danger, par exemple en cas de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEtr).

3. Le recourant a vu sa demande d’autorisation de séjour refusée, la décision rendue par le TAF étant définitive et exécutoire.

Le renvoi litigieux ne peut, selon le recourant, être raisonnablement exigible et serait illicite ; il contreviendrait à l'art. 83 al. 3 et al. 4 LEtr et à l’art. 8 CEDH.

Selon cette dernière disposition, toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, à son domicile et à sa correspondance. Une ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit n’est admissible que si cette dernière est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés publiques.

Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH ne garantit pas le droit d’un étranger d’entrer ou de résider sur le territoire d’un pays déterminé. Cependant, exclure une personne d’un pays où vivent ses parents proches peut constituer une ingérence dans le droit au respect de la vie familiale protégée par l’art. 8 par. 1 CEDH (ACEDH Boultif c. Suisse du 2 août 2001, n° 54’273/00).

En l'espèce, si l’existence d’une ingérence ne peut être contestée, cette dernière est manifestement fondée sur une base légale claire, soit l’art. 66 LEtr et est donc prévue par la loi (ACEDH Lubsa c. Roumanie du 8 juin 2006, n° 10’337/04, ad n° 32). Au surplus, le Tribunal administratif relève que les liens familiaux de l’intéressé avec la Suisse sont ténus puisqu’un seul de ses frères y habite, les autres membres de sa famille résidant au Kosovo. Au surplus, le recourant ne met pas en avant l’éventuelle rupture avec son frère qu’entraînerait son renvoi, mais bien les difficultés économiques auxquelles il devrait faire face au Kosovo, avec son père et ses cinq frères et sœurs qui y résident. Ces éléments ne relèvent pas de la protection accordée par l’art. 8 CEDH et ne s’opposent pas au renvoi, selon la jurisprudence (ATAF D-6864/2006 du 21 novembre 2008).

De plus et ainsi que le relève l’autorité intimée, le renvoi de M. M______ au Kosovo ne risquerait pas de le soumettre à des traitements interdits par l’art. 3 CEDH, ce pays étant maintenant considéré par le Conseil fédéral comme ne présentant pas de tels dangers.

4. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Aucune des exceptions prévues à l’art. 83 LEtr n’étant remplie.

Le prononcé du présent arrêt rend la demande de restitution de l'effet suspensif sans objet.

Un émolument de procédure de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 LPA).

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 janvier 2010 par Monsieur M______ contre la décision de la commission de cantonale de recours en matière administrative du 8 septembre 2009 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 400.- ;

dit que, les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Droz, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative ainsi qu'à L'office cantonal de la population et l’office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.