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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/657/2013

ATA/166/2013 du 12.03.2013 sur JTAPI/233/2013 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/657/2013-MC ATA/166/2013

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 mars 2013

 

dans la cause

 

Monsieur X______
représenté par Me Magali Buser, avocate

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 février 2013 (JTAPI/233/2013)


EN FAIT

1. Monsieur X______, ressortissant macédonien né en 1974, est arrivé en Suisse le 1er novembre 2005. Il a obtenu, en se légitimant avec un faux passeport français, une autorisation de séjour de courte durée.

2. Le 29 janvier 2010, l'intéressé a été condamné par un juge d'instruction pour vol, dommage à la propriété et violation de domicile, à trois cent soixante heures de travaux d'intérêt général.

3. A la suite de démarches auprès des autorités françaises, au mois d'avril 2010, il est apparu que le passeport détenu par l'intéressé était un faux.

4. Le 27 avril 2010, l'office cantonal de la population (ci-après : OCP) a prononcé à l'encontre de M. X______ une décision de renvoi de Suisse, au sens de l'art. 64 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr   RS 142.20), déclarée exécutoire nonobstant recours.

5. Le 28 janvier 2011, l'office fédéral des migrations a prononcé à l'encontre de M. X______ une interdiction d'entrée, notifiée le 2 février 2011, valable jusqu'au 27 janvier 2007.

6. L’intéressé a été mis en détention administrative le 21 juillet 2010 (DCCR/1104/2010 du 22 juillet 2010 confirmé par ATA/548/2010 du 10 août 2010).

Il a refusé de prendre place sur un vol pour Skopje (Macédoine) le 4 août 2010, s’opposant physiquement à son renvoi.

Le 15 septembre 2010, l’OCP a ordonné sa mise en liberté, dès lors que M. X______ s’était engagé à quitter la Suisse pour Sarajevo le 17 septembre 2010.

7. Le 4 avril 2012, M. X______ a été interpellé par la police, alors qu'il quittait le local d’accueil et de consomation de stupéfiants «Quai 9».

Lors de son audition, l'intéressé a indiqué qu'il avait quitté la Suisse peu de temps après que l'interdiction d'entrée en Suisse lui avait été notifiée, au mois de février 2011. Il était revenu au mois de mai 2011 afin de rejoindre sa compagne, domiciliée à Nyon. Il désirait reconnaître leur enfant commun, alors âgé de huit mois. Il avait recommencé à consommer de l'héroïne par injection quatre jours auparavant.

8. Par ordonnance pénale du 5 avril 2012, le Ministère public du canton de Genève a condamné M. X______ à une peine pécuniaire de trente jours-amende, assortie d’un sursis, à CHF 30.- le jour-amende, pour infraction à l'art. 115 al. 1 let. a et b LEtr.

9. Par ordonnance pénale du 16 novembre 2012, le Ministère public de l'arrondissement de la Côte / VD a condamné M. X______ à une peine privative de liberté de cent vingt jours et une amende de CHF 300.-, pour vol, dommage à la propriété, violation de domicile, infraction à la LEtr et contravention à la LStup. Il lui était reproché d'avoir consommé quotidiennement de l'héroïne entre le 16 novembre 2009 et le 12 avril 2010 et occasionnellement de la cocaïne et de la méthadone, d'avoir été interpellé le 12 avril 2010 en possession de 0,86 gr. d'héroïne, d'avoir pénétré par effraction dans deux kiosques genevois, dans la nuit des 4 au 5 avril 2010 et d’y avoir dérobé de l’argent et des cigarettes.

L’intéressé avait été interpellé le 17 mars 2012 à Nyon. L’ordonnance n’avait pu lui être notifiée car il était sans domicile connu.

10. Le 19 février 2013, M. X______ a été interpellé par la police à Genève pour infraction à la LEtr et à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), à la sortie du Quai 9.

Lors de son audition, il a déclaré être au courant de son interdiction d'entrée en Suisse et être arrivé dans ce pays au mois de novembre 2012 en bus afin de se présenter devant la justice de paix de Nyon dans le cadre d'une procédure de reconnaissance de paternité. Il devait se représenter devant cette juridiction au mois de mars 2013. Le jour de son interpellation, il était venu a Genève en train depuis Nyon pour prendre son traitement médical.

11. Par décision du 20 février 2013, l'OCP a prononcé le renvoi de l'intéressé de Suisse.

12. Par ordonnance pénale du 21 février 2013, le Ministère public du canton de Genève a condamné M. X______ à une peine privative de liberté de deux mois et révoqué le sursis accordé le 5 avril 2012.

Il lui était reproché d'avoir violé l'art. 115 al. 1 let. b LEtr.

13. Relaxé le jour même, M. X______ a été mis à disposition des services de police, et l'officier de police a ordonné à 17h20 sa mise en détention administrative pour une durée de deux mois.

L'intéressé était revenu en Suisse sachant être sous le coup d'une interdiction d'entrée dûment notifiée. Il avait été condamné pour vol, soit un crime. Il n'avait pas de domicile fixe ni de lieu de résidence stable en Suisse et s'était opposé à embarquer dans un avion en 2010, ce qui démontrait l'existence d'un risque de fuite.

14. M. X______ a été entendu par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le 25 février 2013.

La première page du procès-verbal ne porte pas d'indication concernant l'heure. L’heure indiquée sur la deuxième page était 19h00.

Après une suspension, l’audience a été reprise à 20h30.

A la fin du procès-verbal, avec les signatures, la mention « fin 22h30 » a été portée à la main.

L'intéressé a expliqué qu'il était revenu en Suisse, le 18 janvier 2013, afin de reconnaître son fils né le 15 juillet 2011. Il était convoqué chez le juge de paix de Nyon le 20 mars 2013.

Il résidait à Nyon chez son amie, soit la mère de son enfant. Dans son pays, il suivait un traitement à la méthadone. A Genève, il consultait son médecin traitant.

En juillet 2010, il avait refusé d’embarquer dans un avion car il craignait d'être incarcéré à son retour pour désertion, mais la situation s'était arrangée depuis lors.

L'avocate de M. X______ s'est insurgée contre le fait que le TAPI avait refusé de la nommer d'office. Elle avait dû faire remplir le formulaire de demande d'assistance juridique le jour même à 17h15, lorsqu'elle avait vu son client. Le délai de nonante-six heures était dépassé et son client devait être mis en liberté immédiatement.

Après la reprise de l'audience, l'avocate de M. X______ a repris la parole pour exposer que son client ne pouvait pas être considéré comme un danger public et qu'il s'était ressaisi depuis qu'il avait su que sa compagne était enceinte.

L'OCP a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention. M. X______ était un toxicomane, sans moyens financiers, qui commettait des vols pour se procurer sa drogue et était en conséquence un danger public.

15. Par jugement du 25 février 2013, notifié le jour même, le TAPI a confirmé l'ordre de mise en détention pour une durée de trois semaines, soit jusqu'au 14 mars 2013.

L'audience avait été convoquée pour le 25 février 2013 à 17h15, soit pendant le délai de nonante-six heures. M. X______ ne pouvait se prévaloir du fait que le tribunal avait commencé son audience avec une heure quarante-cinq de retard par rapport au délai de nonante-six heures. En tout état, l'intérêt public à garantir le renvoi s'opposerait à une remise en liberté immédiate.

Au surplus, M. X______ faisait l'objet d'une décision de renvoi de Suisse exécutoire, avait multiplié les séjours illégaux en Suisse au cours des sept dernières années, avait cherché à tromper les autorités au sujet de son identité, avait été condamné pénalement à deux reprises pour vol et s'était opposé physiquement à son renvoi au mois d'août 2010.

La mesure prononcée respectait au surplus le principe de la proportionnalité.

16. Le 4 mars 2013, M. X______ a saisi la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) d'un recours contre le jugement précité, concluant à ce que ce dernier soit annulé et à ce que sa libération immédiate soit ordonnée.

Le greffe du TAPI avait avisé son conseil, par téléphone, que l'audience se tiendrait en fin de journée et qu'elle devait se présenter à 17h15 pour pouvoir rencontrer son client au parloir, l'audience devant débuter quinze à vingt minutes plus tard. Elle n'avait en fait commencé qu'à 19h00.

Lors de la plaidoirie, les juges du TAPI l'avaient interrompue lorsqu'elle avait évoqué la question du dépassement du délai de nonante-six heures. L'audience avait repris quarante-cinq minutes plus tard et le jugement avait été prononcé à 22h30.

Le délai de nonante-six heures prévu par l'art. 80 al. 2 LEtr avait été violé. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le respect de ce délai était impératif. Le fait que l'audience ait prétendument été convoquée à 17h15 - en réalité il s'agissait de l'heure fixée pour pouvoir disposer du parloir - n'avait pas d'influence sur le respect du délai. Le fait que le recourant ne représentait pas un danger pour l'ordre et la sécurité publics pouvait entraîner le maintien en détention. Il avait fait l'objet de condamnation pénale en 2010. L'ordonnance pénale vaudoise du 16 novembre 2012 ne lui avait pas été notifiée, dès lors qu'il était à l'étranger au moment de son prononcé. Il suivait un traitement à la méthadone, à Genève.

Les faits qui avaient conduit à ces condamnations ne permettaient pas d'admettre qu'il menaçait la sécurité publique.

17. Le 5 mars 2013, le TAPI a transmis son dossier.

18. Le 7 mars 2013, l'Officier de police a fait de même. Il a persisté dans les termes de sa décision et n’a pas émis d'observations, dès lors que le recours portait exclusivement sur l'inobservation du délai de nonante-six heures.

19. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine.

Ayant reçu le recours le 4 mars 2013 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3. En matière de contrôle de la détention administrative, la chambre administrative est compétente pour apprécier l’opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 LaLEtr). Elle peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, elle ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4. L’art. 80 al. 2 1ère phrase LEtr prévoit que la légalité et l’adéquation de la détention administrative doivent être examinées dans un délai de 96 heures par une autorité judiciaire au terme d’une procédure orale.

Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s’interprète en premier lieu d’après sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 132 V 321 consid. 6 p. 326 ; 129 V 258 consid. 5.1 p. 263/264 et les références citées). Le Tribunal fédéral utilise les diverses méthodes d’interprétation de manière pragmatique, sans établir entre elles un ordre de priorité hiérarchique (ATF 133 III 175 consid. 3.3.1 p. 178 ; 125 II 206 consid. 4a p. 208/209 ; ATA/422/2008 du 26 août 2008 consid. 7). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 119 Ia 241 consid. 7a p. 248 et les arrêts cités).

La simple lecture de la phrase précitée ne permet pas de déterminer précisément si le jugement doit être prononcé avant l’échéance du délai de nonante-six heures, ainsi que le soutient le recourant, ou si l’ouverture, réelle – cas échéant prévue - de l’audience, voire sa convocation, est suffisante pour admettre qu’il est respecté.

Une analyse systématique ou téléologique de cette disposition n’apporte pas de réponse. D’un point de vue historique, le texte de l’art. 80 al. 2 LEtr est identique à celui de l’art. 13c de l’ancienne loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers du 26 mars 1931 (aLSEE - RS 142.20) en vigueur depuis le 1er février 1995. Selon le message du Conseil fédéral à l'appui d'une loi fédérale sur les mesures de contrainte en matière de droit des étrangers du 22 décembre 1993 (FF 1994 1 321), qui l’a introduit, « le deuxième alinéa, tel qu'il est proposé, prévoit qu'une autorité judiciaire statue sur la légalité de la détention dans les 96 heures au plus tard »,.

Il ressort de ce qui précède que, pour que le délai soit respecté, le jugement doit être prononcé avant le terme du délai, ce que la jurisprudence récente confirme (ATF 137 I 23 c. 2.4.4).

Tel n’a pas été le cas en l’espèce.

5. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les règles entourant les mesures de contrainte, tel le délai prescrit à l'autorité judiciaire pour examiner la légalité et l'adéquation d'une première détention, représentent des garanties minimales de procédure importantes qui s'imposent en principe d'office et de manière contraignante aux autorités concernées. Il s’agit d’un délai impératif. Toutefois, la violation des règles de procédure n'entraîne pas nécessairement la libération de l'étranger détenu au titre des mesures de contrainte. Cela dépend des circonstances du cas d'espèce. Il faut notamment tenir compte de l'importance de la règle violée pour la sauvegarde des droits de l'intéressé. Par ailleurs, l'intérêt à garantir l'efficacité d'un renvoi peut s'opposer à une remise en liberté immédiate. Cet intérêt pèse d'un poids tout particulier et peut l'emporter, dans la balance, lorsque l'étranger constitue un danger pour l'ordre et la sécurité publics (ATF 121 II 105 = JdT 1997 I 707, rendue sous l’empire de l’aLSEE ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C_356/2009 précité ; 2C_395/2007 du 3 septembre 2007).

Appliquant ces principes, le Tribunal fédéral a considéré que le dépassement de cinq jours du délai de huit jours prévu à l'art. 80 al. 5 LEtr devait être qualifié de relativement grave (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_356/2009 ; M. S. NGUYEN, Les renvois et leur exécution en droit suisse, in l'ouvrage éponyme, Berne 2011, p. 176).

En l’espèce, la gravité de la violation du délai, de quelques heures, doit être relativisée. De plus, le recourant a été condamné pénalement à trois reprises, notamment pour des vols, soit des crimes. Il a en outre largement démontré qu’il n’était pas disposé à respecter les décisions qui lui ont été notifiées en matière de droit des étrangers.

Dans ces circonstances, c’est à juste titre que le TAPI a, certes dans une motivation subsidiaire, considéré que le dépassement du délai de nonante-six heures ne pouvait entraîner la mise en liberté du recourant, principalement afin d’assurer le départ de Suisse de l’intéressé.

6. A juste titre, le recourant ne conteste pas que les conditions nécessaires à sa mise en détention administrative, prévues par l’art. 76 LEtr, sont réalisées.

7. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Aucun émolument de procédure ne sera perçu, la procédure étant gratuite (at. 11 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 mars 2013 par Monsieur X______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 25 février 2013 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate du recourant, au Tribunal administratif de première instance, à l'officier de police, à l'office fédéral des migrations, à l'office cantonal de la population, ainsi qu'à la maison d'arrêt de Favra, pour information.

Siégeants : Mme Hurni, présidente, M. Thélin, Mme Junod, MM. Dumartheray et Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

la présidente siégeant :

 

 

E. Hurni

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :