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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/490/2018

ATA/155/2020 du 11.02.2020 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/490/2018-AIDSO ATA/155/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 février 2020

1ère section

 

dans la cause

 

Madame A______

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES

 



EN FAIT

1) Madame A______, née le ______ 1987, est mariée et mère de deux enfants, nés les ______ 2014 et ______ 2016.

Le 13 mars 2015, elle a requis des prestations complémentaires familiales (ci-après : PCFam) auprès du service des prestations complémentaires (ci-après : SPC).

2) Par décision du 6 mars 2015, le SPC a octroyé des PCFam à l'intéressée.

3) a. Le 22 novembre 2016, le SPC a rendu deux décisions :

- en matière de PCFam, laquelle comprenait notamment une demande de restitution de CHF 6'798.- ;

- en matière d'aide sociale, laquelle lui était refusée au motif que sa fortune était supérieure aux normes légales en vigueur.

b. Mme A______ a fait opposition le 29 novembre 2016 aux deux décisions.

4) a. Le 8 février 2018, le SPC a rendu une décision en matière de PCFam, laquelle comprenait notamment une demande de restitution de CHF 2'180.- ;

Le lendemain, le SPC a prononcé une décision en matière d'aide sociale. Celle-ci lui était refusée au motif que sa fortune était supérieure aux normes légales en vigueur.

b. Mme A______ a fait opposition le 23 mars 2017 aux deux décisions.

5) Quatre décisions ont été prononcées le 22 janvier 2018 par le SPC, soit deux décisions sur opposition en matière de PCFam, rejetant les oppositions, et deux décisions en matière d'aide sociale, rejetant les oppositions.

6) Le 3 février 2018, Mme A______ a interjeté recours contre « les deux décisions rendues le 2 mars 2017 (sic) ainsi que le 22 novembre 2016 » auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Le recours a été enregistré sous le n° de cause A/490/2018.

7) Par décision du 8 mars 2018, la chambre administrative a transmis le recours interjeté le 3 février 2018 par l'intéressée contre les décisions rendues par le SPC à la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales) pour raison de compétence en ce qui concernait les PCFam, suspendu la procédure en tant qu'elle concernait des prestations d'aide sociale et invité la chambre des assurances sociales à lui transmettre la copie des arrêts qu'elle rendrait suite au recours de l'intéressée.

8) Par arrêt du 19 septembre 2019 (ATAS/888/2019), la chambre des assurances sociales a partiellement admis le recours. Elle a annulé les décisions sur opposition de PCFam du 22 janvier 2018 en matière de PCFam et renvoyé la cause à l'intimé pour nouvelles décisions au sens des considérants.

a. S'agissant de l'épargne de l'intéressée, le SPC avait ajouté au solde résultant des extraits de comptes bancaires les arriérés de PCFam reçues par l'intéressée en juin 2015, soit CHF 6'880.-. Inférieure à CHF 60'000.-, la fortune n'avait pas été prise en compte dans le calcul des PCFam.

L'intimé devait tenir compte pour fixer la fortune de l'ensemble du groupe familial de la recourante, en vertu de l'art. 36D al. 2 de la loi cantonale sur les prestations cantonales complémentaires du 25 octobre 1968 (LPCC - J 4 25), donc également des sommes reçues en cadeau pour son fils, lesquelles avoisinaient CHF 400.- au total.

On pouvait se demander en l'espèce si la pratique du SPC de comptabiliser dans l'épargne non seulement le solde des comptes bancaires, mais également les arriérés versés par lui était légitime et si ladite administration pouvait considérer comme éléments de fortune des prestations complémentaires familiales versées rétroactivement. Ces questions pouvaient toutefois rester ouvertes, car la recourante n'avait pas été lésée par le mode de faire du SPC, dès lors que les montants de la fortune pris en compte n'étaient pas assez élevés pour être intégrés dans les revenus déterminants. La décision de l'intimé devait dès lors être confirmée sur ce point.

b. Le loyer n'avait pas été comptabilisé correctement à l'instar de l'allocation logement.

c. Le revenu hypothétique pour le mois de janvier 2017 était erroné, le contrat de travail de la recourante n'ayant pris effet qu'au 1er février suivant.

9) À réception de l'arrêt de la chambre des assurances sociales et sur interpellation de la chambre de céans, le SPC a indiqué maintenir ses décisions sur opposition du 22 janvier 2018 rendues en matière d'aide sociale. Même si le SPC ne comptabilisait pas les rétroactifs perçus au titre de PCFam, comme le suggérait la chambre des assurances sociales, la recourante dépassait encore les limites de fortune prévues par le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), lui permettant d'accéder aux prestations financières d'aide sociale, unique objet du litige pendant devant la chambre administrative.

10) La recourante a conclu au rejet des demandes de restitution émises par le SPC.

Il n'était pas compréhensible que le SPC maintienne sa décision et demande la restitution du montant qu'elle n'avait jamais reçu. La famille était hors des barèmes de l'Hospice général (ci-après : l'hospice) et du RIASi et ce dès le dépôt de la demande de prestations financières en 2015. La famille n'avait jamais reçu la moindre somme provenant de l'hospice ou d'aide sociale, à l'exception des PCFam.

11) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Aux termes de l'art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) reprend ce principe en prévoyant que toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle.

b. En droit genevois, la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le RIASI concrétisent l'art. 12 Cst.

La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel
(art. 1 al. 1 LIASI), ainsi que de soutenir les efforts des bénéficiaires de la loi à se réinsérer sur le marché du travail et dans la vie sociale en général. Elle vise aussi à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d'existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 LIASI). Ses prestations sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 LIASI). Les prestations d'aide financière versées sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI).

c. Le SPC gère et verse les prestations d'aide sociale pour les personnes au bénéfice de prestations complémentaires familiales (art. 3 al. 2 let. c LIASI).

3) Les familles avec enfant(s) ont droit à un revenu minimum cantonal d'aide sociale, qui leur est garanti par le versement de prestations complémentaires cantonales pour les familles (PCFam ; art. 1 al. 2 LPCC).

Les prestations sont allouées sur demande écrite de l'intéressé ou de son représentant légal (art. 10 al. 1 LPCC).

La demande de prestations, prévue à l'art. 10 LPCC, vaut également demande de prestations d'aide sociale, dues par le service en vertu de l'art. 3 al. 2 let. c LIASI. Au moment de la notification d'une décision, le service examine si le groupe familial remplit les conditions lui permettant de toucher les prestations d'aide sociale prévues par l'art. 3 al. 2 let. c LIASI (art. 26 al. 1 et 2 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 - RPCFam - J 4 25.04).

4) a. S'agissant de l'aide sociale, ont droit à des prestations d'aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 LIASI). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (al. 2).

Selon l'art. 21 al. 1 LIASI, ont droit aux prestations d'aide financière les personnes dont le revenu mensuel déterminant n'atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d'État. L'art. 23 al. 1 LIASI prévoit que sont prises en compte la fortune et les déductions sur la fortune prévues aux art. 6 et 7 de la loi sur le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière étant fixées par règlement du Conseil d'État (art. 23 al. 5 LIASI). Est assimilée à la fortune de l'intéressé celle des membres du groupe familial (art. 23 al. 2 LIASI).

b. L'art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d'aide financière sont de CHF 8'000.- pour un couple (let. b), CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser CHF 10'000.- pour l'ensemble du groupe familial (art. 1 al. 2 RIASI).

c. Le socle du RDU comprend notamment l'argent comptant, les dépôts dans les banques, les soldes de comptes courants ou tous titres représentant la possession d'une somme d'argent (art. 6 let.c LRDU).

5) a. En l'espèce, en application de l'art. 26 al. 1 RPCFam, le SPC, compétent en application de l'art. 3 al. 2 let. c LIASI, avait l'obligation d'examiner si la recourante et sa famille pouvaient bénéficier de prestations d'aide sociale au sens de la LIASI.

C'est en conséquence à bon droit que le SPC a rendu des décisions en matière d'aide sociale, parallèlement à des décisions en matière de PCFam.

b. L'objet du présent litige ne porte que sur les deux décisions sur opposition du 22 janvier 2018 en matière d'aide sociale, singulièrement sur le refus d'octroyer à la recourante des prestations d'aide sociale au motif que la fortune de la famille est supérieure aux limites fixées par l'art. 1 RIASI.

c. Il ressort des décisions querellées l'énumération de quatre comptes auprès de Credit Suisse et de trois comptes auprès de la Banque cantonale de Genève pour des montants supérieurs à CHF 10'000.-, pour toutes les périodes analysées, ce que la recourante ne conteste pas. Les arriérés de PCFam pris en considération le 1er janvier 2016, le 1er juin 2016 et le 1er novembre 2016, discutables selon l'arrêt de la chambre des assurances sociales du 19 septembre 2019 (consid. 5.c), n'ont aucune incidence dès lors que même en les soustrayant, la fortune de la famille dépasse le seuil précité. De même, la somme de CHF 400.- environ reçue en cadeau par leur fils, outre qu'elle est considérée comme fortune au sens de l'art. 23 LIASI, n'a pas d'incidence sur l'issue du litige.

Dans ces conditions, c'est à bon droit que le SPC a rejeté les demandes d'aide sociale automatiquement formulées par le dépôt de la demande de PCFam.

La recourante ne le conteste pas puisqu'elle indique n'avoir jamais sollicité l'intervention de l'hospice ou de prestations d'aide sociale et reconnaît ne pas en remplir les conditions d'octroi.

La recourante s'oppose à toute demande de restitutions émise par le SPC. Celles-ci concernent toutefois les décomptes de PCFam et ne font par conséquent exorbitantes pas l'objet du présent litige.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

6) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 3 février 2018 par Madame A______ contre les décisions sur opposition du service des prestations complémentaires du 22 janvier 2018 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Madame A______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Cuendet, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 


 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière