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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/227/2022

ATA/1179/2022 du 22.11.2022 sur JTAPI/852/2022 ( ICCIFD ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/227/2022-ICCIFD ATA/1179/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 novembre 2022

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMIMISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 août 2022 (JTAPI/852/2022)


EN FAIT

1) Le présent litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2006-2013 de Monsieur A______.

2) À teneur du registre de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), le contribuable, ressortissant suisse, a été domicilié à la rue B______, à Genève, du 25 septembre 2006 au 1er juillet 2013, date à laquelle il a quitté le canton pour s’établir à Monaco.

3) Madame C______, à qui il a été marié du 25 mars 1983 au 11 novembre 2009, a été domiciliée à la même adresse du 25 septembre 2006 au 4 juin 2009, date de son départ pour D______ (USA). Quatre enfants, un garçon et trois filles, sont issus de cette union.

Madame E______, avec qui il a été marié du 26 juillet 2012 au 27 août 2019 et dont il a vécu séparé depuis le 2 janvier 2013, a été domiciliée à la même adresse du 2 avril 2009 au 9 juin 2011. Elle a ensuite vécu à G______, du 9 juin 2011 au 1er août 2019, avant de prendre un autre domicile à Genève.

4) Dans ses déclarations fiscales 2007-2012, remplies avec l’aide d’une fiduciaire genevoise, il a notamment mentionné comme adresse celle inscrite au registre de la population et a déclaré exercer la profession d’hôtelier, plus spécifiquement une activité dépendante en tant que salarié pour G______, sis rue B______, dont il est propriétaire des murs et qu’il a exploité en entreprise individuelle, et une activé indépendante en tant qu’exploitant d’hôtels, être propriétaire de plusieurs biens immobiliers situés dans le canton de Genève (dont celui sis route de F______) et être actionnaire de trois sociétés actives dans l’hôtellerie, dont l’une a son siège à F______.

Dans sa déclaration fiscale 2013, il a indiqué être domicilié à Monaco.

5) Les bordereaux de taxation 2006-2009 du contribuable lui ont été notifiés à la rue B______. Non contestés, ils sont entrés en force.

6) Le 24 juillet 2014, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a informé le contribuable de l’ouverture à son encontre de procédures en rappel d’impôt et en soustraction pour les années fiscales 2004-2009 et en tentative de soustraction pour les années fiscales 2010-2011. Elle a également informé le contribuable et sa seconde épouse de l’ouverture d’une procédure en tentative de soustraction à leur encontre pour l’année fiscale 2012.

Des éléments portés à sa connaissance laissaient envisager des déclarations inexactes ou incomplètes concernant la fortune et les rendements y relatifs. Elle lui/leur a imparti un délai au 29 août 2014 pour lui remettre les relevés bancaires de tous les avoirs en banque (compte courant, dépôts titres, autres avoirs en banque, etc.) avec la situation du capital, des intérêts bruts, des dividendes et autres rendements relatifs à toute forme de placement au 31 décembre de chaque année concernée, en relation avec les comptes listés en annexe ; l’adresse, la description de l’activité, la copie des comptes au 31 décembre de chaque année (au cas où aucune comptabilité ne serait tenue, la liste des actifs/passifs détenus et un relevé des recettes) ainsi que des informations sur la substance locale (employés, locaux, etc.) et le rôle du contribuable au sein de neuf sociétés basées à l’étranger dont il serait l’ayant droit économique et qui ne figuraient pas dans les états des titres.

7) Le 20 novembre 2014 – date alléguée par l’AFC-GE que M. A______ n’a pas contestée – celui-ci s’est présenté au guichet de l’AFC-GE et a demandé à être taxé de manière limitée en 2010.

Il a produit notamment deux constats médicaux, l’un établi le 8 novembre 2009 par les Hôpitaux universitaires de Genève (il avait été frappé par son amie), l’autre le 17 novembre 2013 par la Clinique H______ (il avait été frappé par sa seconde épouse), une carte de résident au Brésil du 26 novembre 2008 valable neuf ans, une carte de résident de la Principauté de Monaco valable jusqu’au 1er octobre 2015, sa carte de membre de l’assurance-maladie I______(ci-après : I______), deux cartes d’assurance-santé pour lui, sa première épouse, son fils et deux de ses filles, émises par J______(ci-après : J______), un avis de saisie de l’office des poursuites du 4 novembre 2014 lui étant destiné, adressé à la rue B______ et copie de deux courriers manuscrits destinés à l’OCPM. Dans le courrier daté du 26 octobre 2006, il l’informait de son départ de Suisse, du fait qu’il était revenu en septembre 2006 pour renouveler les passeports de la famille, qu’il demeurait domicilié à D______ (USA) et qu’il était résident permanent à K______ (Brésil). Dans le second courrier du 9 avril 2013, il priait l’OCPM « de bien vouloir remettre sa résidence à Genève pour une durée de quelques mois, je vous informerai de mon départ ».

8) À teneur de l’ATA/4______/2016 du 1er mars 2016, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral (arrêt 5______/2016 du 3 octobre 2016), la chambre administrative de la Cour de justice, examinant la situation de M. A______ sous l’angle de la loi fédérale sur l’harmonisation des registres des habitants et d’autres registres officiels de personnes (LHR - RS 431.02), a considéré qu’au vu des pièces aux dossiers, mais aussi des éléments parfois contradictoires y figurant, l’OCPM était fondé à considérer que M. A______ n’avait pas apporté la preuve de l’absence de domicile effectif à Genève pour la période du 26 octobre 2006 au 1er juillet 2013 et avait, à juste titre, refusé de procéder à une modification de son registre de la population.

Selon le consid. 6 de cet arrêt, M. A______ prétendait avoir adressé à l’OCPM deux lettres manuscrites des 26 octobre 2006 et 9 avril 2013 dans lesquelles il annonçait respectivement son départ et son arrivée à Genève. La remise de ces courriers n’était cependant pas établie. Les pièces fournies, censées établir la réalité de son séjour à l’étranger, ne présentaient pas la valeur probante requise pour pallier cette absence de démarches, comportant de nombreuses contradictions et incertitudes s’agissant d’établir qu’il ne résidait plus en Suisse pendant la période considérée. Elles permettaient, certes, de constater que M. A______ a été amené à voyager et à résider dans différents lieux pour des raisons professionnelles ou personnelles, parmi lesquels K______ et D______. Toutefois, elles n’établissaient pas à satisfaction de droit qu’il aurait déplacé sa résidence effective hors de Genève durant la période litigieuse.

En effet, malgré les nombreuses demandes de l’OCPM, M. A______ n’avait pas produit d’attestation des autorités du pays concerné précisant le lieu de sa résidence principale ainsi qu’une attestation fiscale des autorités compétentes précisant son assujettissement pour la période litigieuse. Les attestations fiscales brésiliennes et les cartes « identification certificate » délivrées par les autorités hawaïennes concernaient des périodes antérieures ou postérieures à la période litigieuse. La pièce présentée comme la preuve du paiement des impôts à D______ n’était qu’un extrait d’une page internet des registres de D______, imprimée en 2007, et donnant des informations sur la société L______, dirigée par M. et Mme A______. L’existence d’un permis de conduire ou même d’un droit à s’établir dans des pays tiers ne permettait pas encore de considérer que l’intéressé aurait déplacé sa résidence effective hors de Genève.

Le fait qu’il ait bénéficié d’une assurance santé internationale ou ait réalisé des contrôles médicaux à l’étranger, en particulier aux États-Unis, ne saurait constituer une preuve suffisante de son absence de domicile effectif à Genève. De telles démarches pouvaient par exemple avoir été entreprises pour des raisons pratiques, en raison des voyages fréquents de M. A______, ou financières. La production des bulletins et des factures d’établissements scolaires américains de ses enfants n’était pas non plus de nature à remettre en question la décision de l’OCPM. En effet, les enfants poursuivaient leur scolarité aux États-Unis, pays dans lequel ils résidaient avec leur mère. Les autorisations d’utiliser provisoirement en Suisse des véhicules non dédouanés, délivrées par l’administration fédérale des douanes, étaient liées au fait que les véhicules étaient précisément non dédouanés et n’excluaient pas obligatoirement que le détenteur soit domicilié en Suisse.

Le domicile genevois de M. A______ durant la période litigieuse ressortait de nombreuses pièces au dossier, notamment de documents officiels. Tant l’arrêt de la chambre civile du 5 novembre 2009, relatif à son divorce, que l’arrêt de la chambre administrative du 30 avril 2013, mentionnaient qu’il résidait à Genève. Ces arrêts ne faisaient état d’aucune contestation de cette domiciliation. L’extrait de l’état civil du 26 juillet 2012 relatif à son mariage avec Mme E______ indiquait un domicile à Genève. La décision de la caisse d’allocations familiales à Montreux (M______) du 5 juillet 2010 prononçant la restitution des allocations familiales perçues pour l’année 2009 avait été adressée à M. A______ à son adresse genevoise. De même, dans un courrier du 15 juillet 2011 rédigé par l’ancien mandataire du recourant, il était expressément indiqué que ce dernier vivait à cette date à Genève. Enfin, M. A______ avait sollicité à plusieurs reprises durant les années litigieuses des attestations auprès de l’OCPM, lesquelles indiquaient toutes très clairement qu’il résidait à Genève depuis le 26 octobre 2006. Il n’avait pas entamé de démarche pour faire modifier cette inscription avant le mois de janvier 2015.

9) Le 9 octobre 2019, l’AFC-GE a remis au contribuable deux tableaux intitulés « Détail des revenus non déclarés » et « Détail récapitulatif des éléments non déclarés », relatifs aux ICC/IFD 2010-2013. Les comptes bancaires y figurant et dont le contribuable était le titulaire n’avaient pas été déclarés, les versements en espèces sur les comptes et les apports constituaient du revenu imposable car l’origine des fonds n’était pas justifiée par des prélèvements dans la fortune ou les revenus déclarés, certains prélèvements concernant sa seconde épouse constituaient des produits de G______ qui l’employait et ceux à destination de ses comptes privés ainsi que les retraits en espèces constituaient du revenu, les versements sur les comptes UBS 1______, 2______et 3______ constituaient des produits lui revenant puisqu’il n’avait pas démontré que ces sociétés, auxquelles ces comptes étaient intitulés, avaient une activité commerciale et de la substance.

Un délai lui était octroyé pour produire, en cas de contestation, des justificatifs permettant d’établir et vérifier l’origine des fonds.

10) Lors d’un entretien ayant eu lieu le 12 novembre 2019, le contribuable a remis à l’AFC-GE divers documents concernant ses proches, des sociétés et lui-même.

11) Le 24 juin 2020, l’AFC-GE a l’informé de l’ouverture d’une procédure en tentative de soustraction à son encontre pour l’année fiscale 2013, des comptes bancaires dont il était bénéficiaire économique n’ayant pas été déclarés.

12) Le 3 juillet 2020, l’AFC-GE l’a informé que les procédures en rappel d’impôt et soustraction d’impôt ainsi que les procédures en tentative de soustraction étaient terminées.

Elle lui a remis des bordereaux rappel d’impôt ICC/IFD 2006-2009, des bordereaux d’impôt et d’amende ICC/IFD 2010-2013 ainsi qu’un tableau intitulé « Détail des reprises ». La quotité des amendes a été arrêtée à la moitié du montant des impôts qu’il avait tenté de soustraire.

13) Le 17 juillet 2020, M. A______ a formé réclamations.

Il n’était pas résident en Suisse lors des années en cause, comme le prouvait notamment le fait qu’il n’y avait jamais été assuré pour la maladie. Les taxations comportaient de nombreuses contradictions, ne concordant pas avec la réalité. Des intérêts étaient mis à sa charge alors qu’il avait toujours collaboré avec le fisc et que la durée du contrôle ne pouvait lui être incriminée.

14) Le 3 septembre 2020, il a complété ses réclamations.

Il n’avait jamais été domicilié à Genève lors des années en cause, hormis durant l’année 2012 au cours de laquelle il avait épousé sa seconde femme dont il avait été très vite séparé. Deux lignes du tableau (145 et 149, relatives aux années 2011-2012) étaient inexactes.

15) Les 20 et 30 octobre 2020, M. A______ a été reçu dans les locaux de l’AFC-GE. Il a contesté son assujettissement illimité en Suisse dès l’année 2006, indiquant vivre à l’étranger (Monaco, Bahrein, Brésil et États-Unis) et s’est déterminé sur de nombreuses lignes du tableau intitulé « Détail des reprises ».

16) Par décisions sur réclamation du 20 décembre 2021, l’AFC-GE a maintenu les bordereaux de rappel d’impôt ICC/IFD 2006-2009, a modifié les bordereaux d’impôt ICC/IFD 2010-2013 et a maintenu les amendes ICC/IFD 2010-2013 dont les montants avaient toutefois été recalculés sur la base des taxations rectifiées.

Les procédures de rappel d’impôt, soustraction et tentative de soustraction avaient été ouvertes à la suite de la consultation du dossier du contribuable ouvert auprès du Ministère public. L’AFC-GE avait appris que cette autorité menait une enquête, initiée en 2012 et achevée en 2014, au motif que le précité avait contrevenu à l’obligation d’annoncer le séjour d’une personne qu’il avait hébergée chez lui au courant des années 2011 et 2012 ; cette personne avait indiqué avoir vécu à G______. Dans le cadre de cette enquête, le contribuable avait indiqué comme domicile G______ et fourni le numéro d’un téléphone portable avec l’indicatif de la Suisse (+41).

Malgré les allégations de l’administré, il ressortait de divers documents qu’il était domicilié dans le canton de Genève, ce qu’il avait d’ailleurs lui-même indiqué au Ministère public. Ainsi, une adresse genevoise ressortait des déclarations fiscales et correspondait à celle à laquelle les bordereaux avaient été notifiés ; il résultait de ces déclarations et des certificats de salaire joints qu’il avait été salarié à l’hôtel N______ en 2007 et à G______ en 2008-2013. En outre, il n’avait pas remis les relevés bancaires mensuels 2010-2013 requis pour vérifier le lieu de ses dépenses courantes et n’avait pas effectué de changement d’adresse auprès de ses relations d’affaires (banques, assurance maladie). Il avait annoncé à l’OCPM son arrivée à Genève en date du 25 septembre 2006 et son départ le 1er juillet 2013, avait exploité en raison individuelle, de 2006 à 2013, G______ situé à Genève, s’y était marié avec sa seconde épouse, laquelle y était domiciliée et qui était son employée depuis 2009. Enfin, il avait effectué de nombreux versements en espèces, ce qui démontrait qu’il était présent sur le sol genevois.

Le contribuable ne contestait pas le bien-fondé des intérêts moratoires et compensatoires négatifs, mais reprochait au fisc d’avoir pris trop de temps pour traiter son dossier, ce qui avait contribué à accroître les montants de ces intérêts qui lui avaient été facturés. Il perdait toutefois de vue qu’ils découlaient de l’insuffisance des acomptes provisionnels versés pour les années fiscales en cause, alors qu’il lui incombait de verser des acomptes suffisants pour solder ses impôts.

17) Par acte du 17 janvier 2022, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI).

Il n’avait, durant toutes les années concernées, jamais été domicilié à Genève, hormis en 2012, lors du mariage à Genève avec sa seconde épouse. Il n’avait jamais été assuré en Suisse pour la maladie et les accidents (H______ et I______) et ses enfants, toujours assurés chez I______, n’avaient jamais été scolarisés en Suisse. Il ne passait que sporadiquement à Genève et plusieurs témoins, dont certains magistrats, pouvaient en témoigner. Ses véhicules avaient été immatriculés en plaques Z (non dédouanés).

Le contrôle de l’AFC-GE avait duré de juillet 2014 à juillet 2020, soit six ans durant lesquels il avait toujours collaboré. Il contestait la mise à sa charge des intérêts engendrés par les lenteurs de l’AFC-GE. À plusieurs reprises, il avait dû prendre contact avec l’AFC-GE afin de faire activer son dossier.

Le contrôle effectué par l’AFC-GE avait été pour lui une période intense de stress, ce qui avait d’ailleurs altéré sa santé (AVC et diabète) et l’avait conduit à la dépression. Malgré tout, il avait toujours répondu ponctuellement aux demandes de l’AFC-GE et fourni les documents et/ou informations requises, « aussi je fais recours contre les amendes qui ont été mises à ma charge ».

18) Le 20 janvier 2022, M. A______ a indiqué au TAPI qu’il était prêt à négocier son dossier rapidement avec un solde de tout compte sans les intérêts et les amendes et en préservant tous ses droits. Cette démarche était liée à la pandémie qui l’avait contraint à injecter à maintes reprises des fonds dans ses établissements pour leur éviter la faillite.

19) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours, invité le TAPI, afin d’éviter d’inutiles redites, de se référer à la décision entreprise et a réitéré que l’intéressé était effectivement domicilié à Genève durant les années en cause.

Celui-ci ne contestait pas les bordereaux de rappel d’impôt, et par conséquent les reprises effectuées, ce qui était contradictoire avec sa contestation de non-assujettissement. Son courrier du 20 janvier 2022 équivalait à une demande de remise d’impôt, puisqu’il requérait la réduction d’un état légalement établi ; le TAPI était incompétent, à raison de la matière, pour traiter cette demande. Dans ces circonstances, le recours apparaissait irrecevable.

20) Dans sa réplique, M. A______ a repris les arguments déjà avancés et ajouté que lors de son départ de Suisse pour le Brésil avec sa famille, l’OCPM avait commis des erreurs d’enregistrement dues à une confusion avec le dossier de Monsieur O______, né la même année que lui. L’AFC-GE avait commis cette même erreur en 1995, lors de la liquidation de la S.I. B______.

Il a produit diverses pièces, dont sa lettre du 14 février 2007, avec pour adresse rue B______, par laquelle il avait contesté l’affiliation d’office à une assurance-maladie suisse prononcée le 5 février 2007 par le service genevois de l’assurance-maladie, au motif qu’il vivait à l’étranger au bénéfice d’une assurance I______.

21) Par jugement du 29 août 2022, le TAPI a annulé les bordereaux de rappel d’impôts 2006, année fiscale atteinte par la péremption, et admis dans cette seule mesure le recours.

L’ATA/4______/2016 avait tranché la question du domicile de M. A______ pendant la période allant d’octobre 2006 à juillet 2013. Il n’y avait pas lieu de s’en écarter. Le contribuable était donc assujetti de manière illimitée à Genève pendant cette période. L’intéressé ne formulait aucun grief relatif aux rappels d’impôts. Ils se plaignait, en revanche, des intérêts moratoires et compensatoires mis à sa charge ; ils résultaient du retard de l’AFC-GE dans le traitement de son dossier. Or, ceux-ci découlaient de l’insuffisance des acomptes versés et du fait qu’il n’avait pas déclaré l’ensemble de ses avoirs et revenus.

22) Par acte expédié le 29 septembre 2022, M. A______ a recouru contre ce jugement, qu’il contestait catégoriquement.

Il a repris les arguments avancés devant les premiers juges, insistant sur le fait qu’il résidait, pendant la période fiscale litigieuse, de manière permanente au Brésil, ce qui lui permettait, vu la proximité, de voir ses enfants, qui résidaient à D______. L’adresse à G______ n’était pas un logement, mais un « espace de bureau destiné à récolter et à [lui] transmettre [sa] correspondance. Il n’y avait jamais habité, ce que l’ensemble du personnel pouvait confirmer. Sa profession d’hôtelier définissait ses responsabilités dans les hôtels sis à Genève lui appartenant, mais il n’avait pas exercé d’activité dans le domaine de l’hôtellerie, hormis le fait de superviser le travail de ses équipes.

Depuis 2013, il résidait « entre Monaco et Manama ». Une confusion avait eu lieu dans les démarches entreprises auprès de l’OCPM. Elle résultait de son départ pour le Brésil et une confusion avec M. O______ avait eu lieu, ce dont il n’avait pas « évalué » l’impact sur sa situation fiscale.

Il demeurait prêt à négocier le dossier rapidement, « avec solde de tout compte ». Il avait toujours coopéré et devait dorénavant, faute de moyens, continuer à se défendre sans le concours de tiers.

23) Constatant que le recourant n’apportait aucun élément de motivation nouveau, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours, se référant au jugement et à sa réponse formée devant le TAPI.

24) Dans le délai de réplique, le recourant a indiqué persister dans ses conclusions.

25) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

La chambre de céans n’étant pas habilitée à négocier avec le recourant un arrangement pour solde de tout compte, ce chef de conclusions sera déclaré irrecevable.

2) Est litigieux l’assujettissement illimité du recourant en Suisse d’octobre 2006 à juillet 2013. Les autres points portant sur les rappels d’impôts 2006 à 2009 et les taxations et amendes fiscales 2010 à 2013 ainsi que les intérêts moratoires et compensatoires ne sont plus litigieux.

a. Les personnes physiques sont assujetties à l'impôt à raison du rattachement personnel lorsque, au regard du droit fiscal, elles sont domiciliées ou séjournent en Suisse (art. 3 al. 1 LIFD). Une personne a son domicile fiscal en Suisse lorsqu'elle y réside avec l'intention de s'y établir durablement ou lorsqu'elle y a un domicile légal spécial en vertu du droit fédéral (art. 3 al. 2 LIFD).

L'art. 3 al. 1 et 2 LIFD a son pendant, en droit genevois, à l'art. 2 al. 1 et 2 de la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08).

b. Le domicile au regard du droit fiscal est une notion autonome, même si la définition qui en est donnée par la loi fiscale est très proche de celle que retient le droit civil (art. 23 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 - CC - RS 210 ; Jean-Blaise PASCHOUD/Daniel DE VRIES REILINGH, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN, Commentaire romand de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, ad. art. 3, n. 10 p. 89).

Le domicile fiscal correspond en principe au lieu où se situe le centre des intérêts personnels et professionnels de la personne concernée (ATF 138 II 300 consid. 3.2 ; 132 I 29 consid. 4.1.). Il n'est pas nécessaire à cet égard qu'elle ait l'intention d'y demeurer pour toujours ou pour une durée indéterminée. Il suffit qu'elle veuille faire d'un endroit déterminé le centre de ses relations personnelles et économiques et qu'elle lui confère ainsi une certaine stabilité. Le fait qu'une personne a déposé ses papiers ou exerce ses droits politiques dans un autre lieu n'a pas de portée déterminante. Ces circonstances extérieures peuvent toutefois constituer des indices à l'appui du domicile fiscal lorsqu'ils sont confirmés par ailleurs par le comportement de la personne (ATF 132 I 29 consid. 4.1 ; 131 I 145 consid. 4.2).

Le droit fiscal attache plus d'importance aux circonstances réelles qu'aux indices purement formels (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème éd., 2021, p. 86). Le lieu où les papiers d'identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent ainsi des indices qui ne sauraient toutefois l'emporter sur le lieu où se focalisent un maximum d'éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l'intéressé (ATF 136 II 405 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_747/2015 du 12 mai 2016 consid. 4.2).

c. Pour déterminer le domicile fiscal d’une personne qui alterne les séjours à deux endroits différents, notamment lorsque le lieu où elle exerce son activité ne coïncide pas avec le lieu où elle réside, il faut examiner avec lequel de ces endroits ses relations sont les plus étroites (ATF 132 I 29 consid. 4.2). Le centre des intérêts vitaux se détermine d’après l’ensemble des événements objectifs extérieurs permettant de reconnaître ces intérêts, et non simplement d’après les souhaits exprimés par la personne concernée ou en fonction de ses déclarations (ATF 123 I 289 consid. 2 ; ATA/1400/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4c et les références citées). Ainsi, ce qui importe n’est pas la volonté intime de la personne, mais les circonstances reconnaissables par des tiers. Dans cette mesure, il n’est pas possible de choisir librement un domicile fiscal (ATF 132 I 29 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_971/2020 du 5 août 2021 consid. 7.1).

En matière de droit fiscal international, il ne suffit pas, pour admettre la constitution d’un nouveau domicile, d’avoir coupé les liens avec le domicile antérieur ; il faut au contraire s’être constitué un nouveau domicile fiscal. Ainsi, dans la règle, selon le principe de la rémanence du domicile fiscal, le contribuable qui abandonne son domicile suisse pour se rendre à l’étranger conserve son domicile fiscal au lieu de son ancien domicile tant qu’il ne s’en est pas constitué un nouveau au lieu de sa nouvelle installation. La notion du domicile fiscal reste ainsi très proche de celle du droit civil et l’art. 24 al. 1 CC, qui prévoit que toute personne conserve son domicile aussi longtemps qu’elle ne s’en est pas créé un nouveau, s’applique par analogie en matière de droit fiscal international (ATF 138 II 300 consid. 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2021 du 3 août 2021 consid. 5.3).

Pratiquement, l’existence d’un nouveau domicile ou d’un séjour à l’étranger – ce qui est équivalent sur le plan de l’assujettissement – ne sera admise que si l’intéressé y paie des impôts ou s’il établit qu’il en est dûment dispensé (arrêt du Tribunal fédéral 2A.475/2003 du 26 juillet 2004).

d. En matière fiscale, il appartient à l'autorité d'établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment (ATF 140 II 248 consid. 3.5; 133 II 153 consid. 4.3). Il appartient ainsi à l'autorité d'apporter les éléments de fait nécessaires pour établir le domicile fiscal déterminant pour l'assujettissement (arrêts du Tribunal fédéral 2C_111/2012 du 27 juillet 2012 consid. 4.4 ; 2C_627/2011 précité consid. 4.2). Quand des indices clairs et précis rendent vraisemblable l'état de fait établi par l'autorité, il revient ensuite au contribuable de réfuter, preuves à l'appui, les faits avancés par celle-ci (arrêt du Tribunal fédéral 2C_505/2015 du 8 décembre 2016 consid. 8.2).

e. En l’espèce, bien que le but poursuivi par la LHR lorsqu’il s’agit de déterminer le domicile d’un administré soit différent de celui poursuivi lorsqu’il s’agit d’établir le domicile fiscal d’un contribuable, les éléments de fait ressortant de l’ATA/4______/2016, qui portait exclusivement sur la question du domicile de l’intéressé, peuvent servir pour déterminer le domicile fiscal de celui-ci. La chambre administrative a procédé, dans l’arrêt précité, à une analyse détaillée des pièces au dossier et des allégations du recourant. Dans la présente procédure, ce dernier n’apporte – comme l’a d’ailleurs relevé le TAPI – aucun élément justifiant de s’écarter de l’examen ayant abouti, en 2016, au constat que pendant la période allant d’octobre 2006 à juillet 2013, le recourant était demeuré domicilié à Genève. Les éléments qu’il avance dans son recours, notamment les assurances maladie et accidents pour lui et ses enfants contractées à l’étranger, le lieu de scolarisation de ceux-ci, les plaques d’immatriculation utilisées pour ses véhicules lors de ses séjours en Suisse et la titularité d’une carte de résident brésilienne, ont été examinés dans l’arrêt de 2016.

Comme relevé dans celui-ci, les attestations fiscales brésiliennes et les « identification certificate » hawaïennes concernent des périodes antérieures ou postérieures à la période litigieuse. La pièce présentée comme la preuve du paiement des impôts à D______ n’était qu’un extrait d’une page internet des registres de D______, imprimée en 2007. L’existence d’un permis de conduire ou même d’un droit à s’établir dans des pays tiers ne permettait pas encore de considérer que l’intéressé aurait déplacé sa résidence effective hors de Genève. Le fait que ses enfants poursuivaient leur scolarité aux États-Unis ne constituait pas non plus un indice de ce que le recourant y avait déplacé son domicile, étant précisé que la garde des enfants avait été confiée à leur mère, qui vivait dans ce pays. En outre, l’arrêt de la chambre civile du 5 novembre 2009, relatif à son divorce, mentionnait qu’il résidait à Genève. La décision de la caisse d’allocations familiales à Montreux (M______) du 5 juillet 2010 relative aux allocations familiales perçues en 2009 mentionnait l’adresse genevoise du recourant. Un courrier du 15 juillet 2011 rédigé par le mandataire du recourant indiquait expressément que ce dernier vivait à cette date à Genève. Le recourant a lui-même sollicité à plusieurs reprises durant les années litigieuses des attestations auprès de l’OCPM indiquant qu’il résidait à Genève depuis le 26 octobre 2006, de sorte qu’il ne peut, sauf à agir de manière contradictoire, soutenir désormais le contraire.

La prétendue confusion opérée par l’OCPM entre lui et M. O______ n’est étayée par aucune pièce ; elle n’est nullement rendue vraisemblable. En outre, l’allégation du recourant selon laquelle il n’avait pas logé à G______, dont il est propriétaire, n’est non seulement pas établie, mais pas non plus de nature à modifier l’appréciation faite de l’ensemble des nombreux éléments examinés de manière circonstanciée par la chambre de céans dans son arrêt de 2016, à laquelle elle renvoie expressément.

Partant, l’AFC-GE n’a pas violé la loi ni commis d’abus de son pouvoir d’appréciation en retenant que le recourant était demeuré domicilié dans le canton de Genève entre 2006 et 2013, singulièrement qu’il ne s’était pas constitué un domicile fiscal à l’étranger.

Mal fondé, le recours sera donc rejeté.

3) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du recourant, qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

rejette, dans la mesure de sa recevabilité le recours interjeté le 29 septembre 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 29 août 2022 ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastanelli

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :