Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/149/2022

ATA/1173/2022 du 22.11.2022 ( TAXE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/149/2022-TAXE ATA/1173/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 novembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Cassandre Dähne, avocate

contre

SERVICE DE LA TAXE D'EXEMPTION DE L'OBLIGATION DE SERVIR

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 



EN FAIT

1) Monsieur A______ est né à B______ (Italie) le ______ 1984 et possède la nationalité italienne depuis sa naissance.

2) Le 25 septembre 2002, soit lors de son dix-huitième anniversaire, il habitait C______ (Italie).

3) Le 6 novembre 2002, M. A______ a été convoqué à la visite de conscription par l'arrondissement militaire de D______ (Italie). Sur demande de M. A______, qui effectuait alors ses études universitaires, ladite visite a été reportée.

4) Le service militaire obligatoire a été supprimé en Italie avec effet au 1er janvier 2005.

5) M. A______ a alors été suspendu de la conscription et du service militaire en Italie.

6) M. A______ s'est installé en Suisse, dans le canton de Genève, à partir du 1er septembre 2008, au bénéfice d'une autorisation de séjour avec activité lucrative.

7) Le 5 décembre 2019, M. A______ a acquis la nationalité suisse par voie de naturalisation ordinaire.

8) Par décision du 5 mai 2020, le service (ci-après : STEO) de la taxe d'exemption de l'obligation de servir (ci-après : TEO) de l'administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) a exonéré M. A______ de la TEO pour l'année 2019, au motif de sa naturalisation et en se référant à l'art. 4 al. 1 let. e de la loi fédérale sur la taxe d’exemption de l’obligation de servir du 12 juin 1959 (LTEO - RS 661). Il était indiqué en outre : « dans les années suivantes vous aurez à payer la taxe ».

9) Le 1er mai 2021, le STEO a adressé à M. A______ une facture provisoire pour la TEO 2020.

10) Par courriel du 6 mai 2021, M. A______ a sollicité des autorités militaires italiennes un certificat concernant sa situation militaire en Italie. Après avoir été convoqué en novembre 2002, il avait été dispensé de ses obligations militaires.

11) Le 24 mai 2021, les autorités militaires italiennes (soit le « Comando Forze Operative Nord ») a envoyé à M. A______ un formulaire D basé sur l'art. 6 de la convention entre la Confédération suisse et la République italienne relative au service militaire des doubles-nationaux (sic), du 26 février 2007 (RS 0.141.145.42, ci-après : la convention).

Était cochée la case « n'est pas astreint aux obligations militaires en raison de la suspension/suppression du service militaire obligatoire » (Non è tenuto ad adempiere gli obblighi militari, a seguito della sospensione/soppressione del servizio militaro obblligatorio).

Étaient en revanche tracées différentes hypothèses concernant sa situation militaire, notamment : « a été exempté en raison de son inaptitude physique » (È stato esentato a causa della sua inattitudine fisica) et « a été exempté ou dispensé des obligations militaires » (È stato esonerato o dispensato dagli obblighi militari).

12) Par décision de taxation du 27 août 2021, le STEO a arrêté définitivement le montant de la TEO 2020 de M. A______ à CHF 5'397.-, dont CHF 600.- avaient déjà été versés sur la base du bordereau provisoire.

13) Le 22 septembre 2021, M. A______ a formé réclamation contre la décision de taxation précitée, concluant à son annulation.

Sa conscription avait été reportée pour cause d'études. À la fin de celles-ci, le service militaire obligatoire avait été suspendu, de sorte qu'il était en règle avec ses obligations à l'égard de l'État italien. Ainsi, au moment de sa naturalisation, il était considéré comme ayant « servi l'Italie ». Il devait donc être considéré qu'au regard de la convention il était libéré de ses obligations militaires, celles-ci devant être tenues pour accomplies.

14) Par « décision d'exonération » du 29 septembre 2021, le STEO a rejeté la « demande d'exonération de la TEO pour l'année 2020 ».

La circulaire 2017/1 relative à l'assujettissement des doubles nationaux avec convention prévoyait que le double national était soumis aux obligations militaires dans l'État où il avait sa résidence habituelle le 1er janvier de l'année au cours de laquelle il atteignait l'âge de 18 ans.

Selon l'art. 1 let. b de la convention, par « obligations militaires », on entendait pour l'Italie le service militaire sous toutes ses formes, ou tout autre service ou prestation jugés équivalents. Avec la suspension de l'obligation du service militaire, différentes formes de service volontaire avaient été créées. Toutes les formes d'accomplissement des obligations militaires en Italie, que ce soit le service militaire obligatoire jusqu'en 2005 ou l'un des nouveaux services volontaires conduisaient en principe à l'exonération de la TEO en Suisse. Celui qui n'avait pas accompli de service était assujetti à la TEO en Suisse.

Une mise en pratique uniforme de la convention devait toutefois être garantie, dans laquelle une limite inférieure de nonante jours de service était fixée. Ces nonante jours correspondaient à la durée de l'instruction de base généralisée et de l'instruction de base à la fonction dans l'armée. Au regard du dossier de M. A______, ce dernier n'avait effectué aucun jour de service militaire ni de service civil en 2020, si bien que son assujettissement à la TEO était maintenu.

15) Par décision du département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (ci-après : DDPS) du 15 octobre 2021, M. A______ a été mis au bénéfice de la convention ; il ne pouvait pas être incorporé dans l'armée suisse, était affecté aux doubles nationaux non incorporés et n'était pas astreint au service militaire.

16) Le 27 octobre 2021, M. A______ a formé réclamation contre la « décision d'exonération » du 29 septembre 2021.

17) Par décision sur réclamation du 17 décembre 2021, le STEO a rejeté la réclamation de M. A______.

En raison de sa double nationalité, les autorités militaires suisses avaient décidé d'exempter ce dernier d'incorporation dans l'armée suisse, par décision du 15 octobre 2021. Il demeurait toutefois soumis aux obligations militaires suisses conformément aux dispositions légales en vigueur. Pour le surplus, la motivation de la décision du 29 septembre 2021 était reprise, et l'assujettissement à la TEO qu'elle prévoyait était maintenu.

18) Par acte déposé le 17 janvier 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision sur réclamation précitée, concluant préalablement à la production par le STEO de la circulaire 2017/1, ainsi qu'à son audition et à celle d'un représentant de l'AFC-GE, et principalement à l'annulation de la décision attaquée, à ce qu'il soit exempté de la TEO et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

La décision attaquée mentionnait la circulaire 2017/1 mais lui en avait refusé l'accès, violant son droit d'être entendu. La convention avait été mal appliquée. Selon l'art. 4 al. 2 de la convention, le double national qui, avant sa naturalisation, avait été exempté ou libéré des obligations militaires dans l'État duquel il possédait déjà la nationalité, ne restait astreint qu'à l'égard de ce dernier pays, et devait être considéré par le pays dont il acquérait la nationalité comme non astreint.

En l'espèce, avant son arrivée en Suisse, il avait été suspendu de la conscription après la suppression du service militaire obligatoire en Italie. Dès lors, il avait été libéré de ses obligations militaires en Italie, où il restait astreint. Ainsi, à l'égard de la Suisse, ses obligations militaires devaient être considérées comme accomplies, et devait être exempté de la TEO conformément à l'art. 4 al. 2bis LTEO.

19) Le 28 février 2022, le STEO a conclu au rejet du recours.

M. A______ n'avait pas été exempté (esonerato) ou libéré (dispensato) du service militaire en Italie, ce qui n'était envisageable que dans la situation d'avant 2005, mais sa conscription avait été reportée et il n'avait pas été rappelé en raison de la suppression du service militaire obligatoire, ce qui était différent.

Le STEO a joint en annexe, conformément à la demande du juge délégué, la circulaire 2017/1.

20) Le 15 mars 2022, l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) a conclu au rejet du recours.

L'intéressé n'était pas astreint aux obligations militaires en Italie en raison de la suspension/suppression du service militaire obligatoire. Or ne pas être astreint dans une telle hypothèse ne permettait pas une exonération de la TEO en Suisse. Pour cela, il faudrait soit avoir accompli le service militaire obligatoire, soit avoir effectué un service volontaire d'au moins nonante jours, soit avoir été exempté, libéré/dispensé ou exclu du service militaire obligatoire italien. M. A______, ayant uniquement reporté sa visite de conscription, ne remplissait aucune de ces conditions. Il ne pouvait donc pas être considéré comme ayant accompli ses obligations militaires en Italie.

21) Le 22 mars 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 29 avril 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

22) Le 29 avril 2022, M. A______ a persisté dans les termes de son recours.

En refusant de donner accès à la directive demandée à plusieurs reprises, l'AFC-CH avait violé son droit d'être entendu de manière irréparable.

L'application de la convention selon la circulaire 2017/1 était problématique du point de vue de l'égalité de traitement, et contrevenait à l'art. 4 al. 2bis LTEO, selon lequel celui qui s'était acquitté de la totalité de son obligation de servir était exonéré de la taxe. Il était clair qu'il avait été exempté ou libéré au sens de l'art. 4 al. 2 de la convention.

23) Les autres parties ne se sont pas déterminées, si bien que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant invoque dans un premier grief d'ordre formel la violation de son droit d'être entendu, et sollicite son audition ainsi que celle d'un membre de l'AFC-GE.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu garantit notamment au justiciable le droit de s'expliquer avant qu'une décision soit prise à son détriment, le droit d'avoir accès au dossier et le droit d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 143 III 65 consid. 3.2 ; 142 II 218 consid. 2.3). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

Une décision entreprise pour violation du droit d'être entendu n'est pas nulle mais annulable (ATF 136 V 117 ; 133 III 235 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3). La réparation en instance de recours d'une violation du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure et peut ainsi contrôler librement l'état de fait et les considérations juridiques de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 526 s. n. 1554 s.). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/395/2020 du 23 avril 2020 consid. 5b).

b. En l'espèce, le STEO a fourni la directive demandée pendant la procédure de recours, et le recourant a pu s'exprimer à son sujet. Ladite ordonnance administrative étant un texte de nature juridique, la chambre de céans a à son égard le même pouvoir d'examen que l'autorité intimée, si bien qu'une éventuelle violation du droit d'être entendu du recourant devrait être considérée comme réparée. De plus, comme il ressort des considérants qui suivent, la circulaire en cause n'est nullement nécessaire à la résolution du litige.

Le grief de violation du droit d'être entendu sera écarté.

c. S'agissant de son audition et de celle d'un membre de l'AFC-GE, le recourant n'a pas renouvelé ces requêtes dans ses dernières écritures. Il n'a de plus aucunement motivé ce que ces auditions, qu'il n'a pas un droit d'obtenir, seraient susceptibles d'apporter qui ne figurerait pas déjà au dossier. Ce dernier apparaissant au contraire suffisamment complet pour pouvoir statuer en connaissance de cause, les demandes d'actes d'instruction seront rejetées.

3) Le litige porte sur l'assujettissement à la TEO du recourant pour l'année 2020.

a. Tout homme de nationalité suisse est astreint au service militaire (art. 59 al. 1 Cst. ; art. 2 al. 1 de la loi fédérale sur l’armée et l’administration militaire, loi sur l’armée - LAAM - RS 510.10). L'obligation générale du service militaire pour les hommes concrétise le principe de l'armée « de milice ». Elle trouve son fondement dans la considération politique selon laquelle le fardeau du service militaire doit être réparti si possible d'égale façon, de manière à ce que l'intérêt général pour la chose militaire soit ancré dans le sentiment populaire. Elle n'est pas absolue et sans restriction, mais relative. Il appartient à la législation et à la jurisprudence de définir plus précisément la notion d'obligation de servir. La loi peut en outre prévoir des exceptions, qui doivent toutefois respecter le principe de l'égalité devant la loi (Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale [ci-après : Message 1996], FF 1997 I 1ss, p. 242-243).

b. La révision de la LAAM, entrée en vigueur le 1er janvier 2018, a prévu que l'obligation de servir dans l'armée s'éteint pour les militaires de la troupe et les sous-officiers à la fin de la douzième année après l'achèvement de l'école de recrues (art. 13 al. 1 let. a LAAM). Les personnes astreintes au service militaire accomplissent l'école de recrues au plus tôt au début de l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de 19 ans et au plus tard pendant l'année au cours de laquelle elles atteignent l'âge de 25 ans. Le moment est déterminé par les besoins de l'armée. Les souhaits des conscrits sont pris en compte dans la mesure du possible (art. 49 al. 1 LAAM). Les conscrits qui n'ont pas accompli l'école de recrues à la fin de l'année au cours de laquelle ils atteignent l'âge de 25 ans sont libérés de l'obligation d'accomplir le service militaire (al. 2). Les personnes astreintes au service militaire accomplissent des cours de répétition chaque année (art. 51 al. 1 1ère phr. LAAM).

Selon l’art. 7 LAAM, non modifié au 1er janvier 2018, intitulé « conscription » et figurant sous le chapitre « définition des obligations militaires », les personnes astreintes au service militaire sont enrôlées au début de l’année au cours de laquelle elles atteignent l’âge de 18 ans (al. 1). Elles s’annoncent aux autorités militaires compétentes pour être inscrites aux rôles militaires et fournir les données visées à l’art. 27. L’obligation de s’annoncer s’éteint à la fin de l’année au cours de laquelle elles atteignent l’âge de 29 ans (al. 2). L’art. 27 al. 1 LAAM, également non modifié au 1er janvier 2018, impose l’obligation aux conscrits et personnes astreintes au service militaire de communiquer spontanément au commandant d’arrondissement de leur canton de domicile certaines données personnelles les concernant.

Selon l’art. 9 LAAM, modifié le 1er janvier 2018, les conscrits passent le recrutement au plus tôt au début de leur 19ème année et au plus tard à la fin de l’année au cours de laquelle ils atteignent l’âge de 24 ans. Le Conseil fédéral peut prévoir un recrutement ultérieur si les services d’instruction obligatoires (art. 42) peuvent encore être accomplis dans les limites d’âge visées à l’art. 13. Le recrutement ultérieur est soumis au consentement des personnes concernées (art. 9 al. 3 LAAM).

À leur demande, le « cdmt Instr » peut prévoir un recrutement ultérieur pour les Suissesses et les Suisses qui n’ont pas été convoqués au recrutement jusqu’à la fin de l’année au cours de laquelle ils ont atteint l’âge de 24 ans ou qui n’ont pas fait l’objet d’une décision définitive quant à leur aptitude dans ce délai, pour autant que les conditions de l’art. 9 al. 3 LAAM soient remplies et que le besoin de l’armée soit avéré. La demande ne peut être déposée qu’une seule fois (art. 12 al. 2 ordonnance sur les obligations militaires du 22 novembre 2017 - OMi - RS 512.21, entrée en vigueur le 1er janvier 2019).

Les limites d’âge prévues à l’art. 13 LAAM sont fonction du grade militaire. Pour les militaires de la troupe et les sous-officiers, cette limite est fixée à la fin de la douzième année après l’achèvement de l’école de recrues (al. 1 let. a). Pour les soldats, les appointés, les caporaux, les sergents et les sergents-chefs n’accomplissant pas de service long, les obligations militaires durent jusqu’à la fin de la dixième année civile suivant leur promotion au grade de soldat (art. 19 al. 1 OMi, inchangé en 2018).

c. Les personnes astreintes au service militaire qui ne peuvent concilier ce service avec leur conscience accomplissent sur demande un service civil de remplacement (service civil) d’une durée supérieure au sens de la présente loi (art. 1 de la loi fédérale sur le service civil du 6 octobre 1995 - LSC - RS 824.0). L’astreinte au service civil commence dès que la décision d’admission au service civil entre en force. L’obligation de servir dans l’armée s’éteint simultanément (art. 10 al. 1 LSC). L’astreinte au service civil prend fin dès l’instant où la personne astreinte est libérée ou exclue du service civil (art. 11 al. 1 LSC). La libération du service civil a lieu pour les personnes qui n’étaient pas incorporées dans l’armée, douze ans après le début de l’année suivant l’entrée en force de la décision d’admission (art. 11 al. 2 let. a LSC). Tout homme astreint au service civil qui ne remplit pas, ou ne remplit qu’en partie, ses obligations sous forme de service personnel, doit fournir une compensation pécuniaire (art. 15 al. 1 LSC).

d. Celui qui n'accomplit pas son service militaire ou son service de remplacement doit s'acquitter d'une taxe (art. 59 al. 3 Cst.). Ce principe est rappelé à l'art. 1 LTEO, selon lequel les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou qu'en partie leurs obligations de servir sous forme de service personnel (service militaire ou service civil) doivent fournir une compensation pécuniaire.

Le service militaire comprend les services prévus par la législation militaire (art. 7 al. 1 LTEO). En font partie les services d'instruction, qui comprennent notamment l'école de recrues (art. 12 let. a, 41 al. 1 et 49 LAAM). Le service civil comprend les jours de service pris en compte conformément à la LSC (art. 7 al. 1bis LTEO). Le service militaire est réputé non effectué lorsque l'homme astreint au service militaire n'a pas accompli un service entier au cours de l'une des années qui suivent celle au cours de laquelle il a effectué l'école de recrues (art. 8 al. 1 LTEO). Le service civil est, quant à lui, réputé non effectué lorsque l'homme astreint n'a pas accompli au moins vingt-six jours de service imputables au cours de l'une des années qui suivent celle au cours de laquelle la décision d'admission est entrée en force (art. 8 al. 2 LTEO). Par ailleurs, si les conditions de l'assujettissement à la taxe sont remplies au cours de l'année d'assujettissement, ce dernier subsiste pour l'année entière (art. 9 LTEO).

La taxe prévue à l'art. 59 al. 3 Cst. est le corollaire du non-accomplissement de l'obligation de servir personnelle. Elle présuppose une obligation de servir. C'est le service militaire ou civil non accompli qui provoque l'obligation de verser la taxe d'exemption. Les citoyens suisses qui n'accomplissent pas ou qui n'accomplissent que partiellement leur service personnel doivent acquitter une taxe d'exemption, réserve faite des exceptions admises par la loi (Message 1996, FF 1997 I 1ss, p. 242-243). Celle-ci est calculée sur les bases de l'impôt fédéral direct (ci-après : IFD), étant entendu, d'une part, que le revenu imposable de l'assujetti à la taxe est déterminant, d'autre part, que l'année de taxation est celle qui suit l'année d'assujettissement, ce qui implique que la taxe est perçue en fonction du service militaire ou civil effectué l'année précédente (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5840).

L'objectif poursuivi par la taxe n'est pas de sanctionner un comportement, mais d'astreindre celui qui n'accomplit pas ses obligations militaires à une contribution publique de remplacement (ATF 121 II 166 consid. 4 ; ATA/640/2020 du 30 juin 2020 ; ATA/741/2016 du 30 août 2016). La taxe militaire a pour but d'éviter, parmi les personnes soumises aux obligations militaires, les inégalités criantes entre celles qui effectuent un service et celles qui n'en font pas. Elle constitue à ce titre une contribution de remplacement. Le militaire qui est dispensé d'un service en tire normalement un avantage par rapport aux autres astreints de sa classe d'âge. La perception d'une taxe doit compenser cet avantage, sous la forme d'une prestation financière (ATA/1094/2022 du 1er novembre 2022 consid. 3d). Le rapport entre le service militaire et l'obligation de s'acquitter d'une taxe d'exemption de celui-ci est purement formel. Celui qui est astreint au service militaire doit payer une taxe parce que et aussi longtemps que, pour une raison quelconque, il ne peut accomplir ce service. Le paiement de la taxe n'est toutefois nullement comparable au service militaire et ne peut être raisonnablement tenu pour l'accomplissement, sous une autre forme, de celui-ci. La taxe d'exemption est imposée pour des motifs d'équité et d'égalité devant la loi. Tels sont son sens et son but (ATF 118 IV consid. 3b = JdT 1994 IV 89 ; 115 IV 66 consid. 2b = JdT 1990 IV 70).

e. Sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service qui sont domiciliés en Suisse ou à l'étranger et qui, au cours d'une année civile (année d'assujettissement) ne sont, pendant plus de six mois, ni incorporés dans une formation de l'armée ni astreints au service civil (art. 2 al. 1 let. a LTEO) et n'effectuent pas le service militaire ou le service civil qui leur incombent en tant qu'hommes astreints au service (let. c). La LTEO modifiée prévoit, comme jusqu’en 2018, que sont assujettis à la taxe les hommes astreints au service militaire ou au service civil qui sont libérés de l'obligation de servir sans avoir accompli la totalité des jours de service obligatoires (art. 2 al. 1bis LTEO). L'assujettissement à la taxe commence au plus tôt au début de l'année au cours de laquelle l'homme astreint atteint l'âge de 19 ans. Il se termine au plus tard à la fin de l'année au cours de laquelle il atteint l'âge de 37 ans (art. 3 al. 1 LTEO). Il dure onze ans (art. 3 al. 2 LTEO).

Conformément à une tradition ancienne, le citoyen suisse participe aux opérations de recrutement au cours de sa 19ème année et accomplit son école de recrues l'année suivante (Message du Conseil fédéral du 13 septembre 1978 concernant la modification de la LTEO [ci-après : Message 1978], FF 1978 II 933, p. 941). Les hommes astreints au service militaire sont incorporés pendant douze ans au plus dans l'armée, année d'accomplissement de l'école de recrues non comprise, et effectuent leur service entre leur 19ème et leur 37ème année. Les hommes astreints au service civil accomplissent nouvellement leur service entre leur 20ème et leur 37ème année. La durée de l'assujettissement doit ainsi être modifiée de façon qu'elle s'étende de la 19ème à la 37ème année comprise. Durant cette période seront perçues onze taxes d'exemption au plus. Comme la période durant laquelle l'obligation de servir peut être accomplie s'étendra de la 19ème à la 37ème année comprise, il est garanti que les hommes recrutés seulement au cours de la 24ème année par exemple et déclarés inaptes au service acquittent aussi les onze TEO prescrites (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5843 à 5845).

L'un des objectifs poursuivis par la modification de la LTEO était d'harmoniser la durée du service militaire et du service civil introduite par les modifications des bases légales du « développement de l'armée » (ci-après : DEVA) à celle de l'assujettissement à la TEO. Ces modifications-là auraient une incidence sur la TEO un an après leur entrée en vigueur. La mise en œuvre du DEVA étant prévue à partir du 1er janvier 2018, l'entrée en vigueur de la modification de la LTEO devait ainsi intervenir le 1er janvier 2019. La taxation de la première année d'assujettissement 2018 aurait lieu l'année suivante. Les premières décisions de taxation selon la nouvelle législation seraient rendues au 1er mai 2019 (Message 2017, FF 2017 5837, p. 5840 s. et 5851-52).

4) a. La possession d’une autre nationalité n’a en principe aucune influence sur les obligations militaires d’un citoyen suisse. Toutefois, les Suisses qui possèdent la nationalité d’un autre État et dans lequel ils ont accompli leurs obligations militaires ou des services de remplacement ne sont pas astreints au service militaire en Suisse ; le Conseil fédéral peut prévoir des exceptions (art. 5 al. 1 LAAM). Demeurent réservées l’obligation de s’annoncer et l’obligation de s’acquitter de la taxe d’exemption (art. 5 al. 2 LAAM). Le Conseil fédéral règle les détails, et peut conclure des conventions avec d’autres États concernant la reconnaissance réciproque de l’accomplissement du service militaire par les doubles nationaux (art. 5 al. 3 LAAM). La Suisse a conclu de tels accords avec la France, l'Allemagne, les États-Unis d’Amérique, la Colombie, l’Argentine (convention non ratifiée), l’Autriche et l'Italie. En tant que double national italo-suisse, le recourant est donc soumis à la convention, et il a été reconnu par les autorités militaires suisses comme non astreint au service militaire en Suisse, et affecté aux doubles nationaux non incorporés.

b. Est exonéré de la TEO quiconque, au cours de l’année d’assujettissement, a acquis ou perdu la nationalité suisse (art. 4 al. 1 let. e LTEO). Est également exonéré de la taxe celui qui s’est acquitté de la totalité de son obligation de servir, conformément à la législation sur le service militaire ou sur le service civil (art. 4 al. 2bis LTEO).

5) a. La convention est entrée en vigueur le 1er janvier 2008, soit après l'abolition du service militaire obligatoire en Italie. Selon son art. 4 al. 1, sous réserve de l’al. 2, le citoyen de l’un des deux États contractants qui acquiert la nationalité de l’autre État après le 1er janvier de l’année au cours de laquelle il atteint l’âge de 18 ans est astreint aux obligations militaires de l’État dans lequel il a sa résidence habituelle au moment de sa naturalisation. Il peut néanmoins, dans le délai d’une année dès sa naturalisation, déclarer vouloir accomplir ses obligations militaires à l’égard de l’autre État contractant.

b. Le double national qui, avant sa naturalisation, a déjà accompli des obligations militaires à l’égard de l’État dont il possédait déjà la nationalité, ou en a été exempté ou libéré, ne reste astreint à d’éventuelles autres obligations militaires qu’à l’égard de son État d’origine ; vis-à-vis de l’État dont il acquiert la nationalité par naturalisation, les obligations militaires sont considérées comme accomplies (art. 4 al. 2 de la convention ; dans la version italienne, « a déjà accompli des obligations militaires ( ) ou en a été exempté ou libéré » se lit « ha già adempiuto ad obblighi militari ( ) o ne è stato esonerato o dispensato »).

c. À la demande du double national, l’autorité compétente de l’État à la législation duquel il est soumis, soit par sa résidence, soit par son choix, établit un certificat conforme au modèle D annexé à la convention et le lui remet ; ce certificat lui sert à prouver sa situation à l’égard de l’autre État (art. 6 al. 1 de la convention).

6) En l'espèce, le recourant était de nationalité italienne et résidait en Italie lors de ses 18 ans et est devenu suisse par naturalisation en 2019. Il a reporté sa conscription en Italie et n'a plus été rappelé par les autorités militaires italiennes à la suite de l'abolition, en 2005, du service militaire obligatoire.

Selon le formulaire D, conforme au modèle figurant en annexe à la convention, qu'ont rempli les autorités militaires italiennes, le recourant « n'est pas astreint aux obligations militaires en raison de la suspension/suppression du service militaire obligatoire » (Non è tenuto ad adempiere gli obblighi militari, a seguito della sospensione/soppressione del servizio militaro obblligatorio). Les hypothèses « a été exempté en raison de son inaptitude physique » (È stato esentato a causa della sua inattitudine fisica) et « a été exempté ou dispensé des obligations militaires » (È stato esonerato o dispensato dagli obblighi militari) ont été biffées.

Selon l'art. 6 al. 1 de la convention, c'est ce certificat qui lui sert à prouver sa situation à l’égard de l’autre État, en l'occurrence la Suisse. Conformément à l'art. 4 al. 2 de la convention, dont le recourant se prévaut du reste, les obligations militaires seraient, pour la Suisse, considérées comme accomplies dans trois cas de figure : s'il avait déjà accompli des obligations militaires en Italie, ou s'il en avait été exempté ou libéré. Or tel n'est pas le cas ici, les autorités militaires italiennes n'ayant coché aucune des trois cases correspondantes. Son cas est en fait autre et s'assimile à celui des personnes n'ayant jamais subi de conscription. Il ne s'est donc pas acquitté de la totalité de son obligation de servir (en Italie) conformément à l'art. 4 al. 2bis LTEO, si bien que même s'il a été reconnu par les autorités militaires suisses comme non astreint au service militaire en Suisse, il reste assujetti à la taxe militaire jusqu'à l'âge limite prévu par la législation pertinente.

Il découle de ce qui précède que le recours, mal fondé, sera rejeté.

7) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA et 31 al. 2 LTEO), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 janvier 2022 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation du service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir du 17 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Cassandre Dähne, avocate du recourant, au service de la taxe d'exemption de l'obligation de servir ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :