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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3300/2015

ATA/1043/2016 du 13.12.2016 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : LICENCIEMENT ADMINISTRATIF ; SUPPRESSION(EN GÉNÉRAL) ; ABUS DE DROIT ; PROCÈS DEVENU SANS OBJET
Normes : LPA.67
Résumé : Recours contre une décision de licenciement. L'autorité intimée a retiré sa décision en cours de procédure, après que la recourante avait retrouvé du travail. La recourante ne peut se prévaloir du caractère abusif de ce retrait, puisqu'elle a persisté, après ledit retrait, à conclure principalement à la constatation de la nullité de son licenciement et que de par ce retrait, elle a été placée dans la même situation que celle dans laquelle elle aurait été placée si elle avait obtenu le plein de ses conclusions principales, en constatation de la nullité. Recours irrecevable.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3300/2015-FPUBL ATA/1043/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 décembre 2016

 

dans la cause

 

Mme A______
représentée par Me Christian Dandrès, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE
représentés par Me Pierre Martin-Achard, avocat


EN FAIT

1) Par contrat de durée indéterminée du 20 septembre 2013, les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) ont engagé Mme A______ en qualité d’assistante sociale à compter du 1er novembre 2013.

2) Le 5 juin 2015 s’est déroulé un entretien de service, en présence de Mme A______ – accompagnée d’une représentante syndicale –, de Mme B______, responsable d’équipe sociale et supérieure hiérarchique directe de l’intéressée, et de M. C______, responsable des ressources humaines (ci-après : RH).

3) Le 22 juillet 2015, Mme A______ a formulé ses observations suite à l’entretien de service.

4) Le 5 août 2015, M. C______ a écrit un courriel à l’intéressée. Mme B______ avait transmis sa décision et, avant de formaliser celle-ci par écrit, il lui avait demandé d’en informer Mme A______ directement, en indiquant les éléments pris en considération. L’entretien se déroulerait dans son bureau le lendemain à 8h30.

5) Le jour même, par retour de courriel, Mme A______ a confirmé sa présence à l’entretien du lendemain.

6) Le 6 août 2015, l’entretien fixé a eu lieu.

7) Par courriel du même jour, l’intéressée a informé M. C______ qu’elle serait en état d’incapacité de travailler le lendemain et qu’elle le contacterait dès la fin de la semaine pour régler les modalités de la fin de son contrat.

8) Du 7 au 28 août 2015, puis dès le 31 août 2015, et finalement du 15 octobre au 14 décembre 2015, Mme A______ a été en arrêt de travail total pour cause de maladie, conformément à six certificats de quatre médecins.

9) Par courriel du 10 août 2015, le responsable des RH a convoqué l’intéressée à un « entretien administratif » le 13 août 2015, afin de l’informer des modalités administratives relatives à sa situation.

10) Par courriel du 13 août 2015, faisant suite à un courrier de Mme A______ du même jour, M. C______ a pris note de l’impossibilité de cette dernière de se rendre à l’entretien du jour même et l’a informée qu’elle recevrait dans les prochains jours un courrier, par rapport auquel il avait souhaité s’entretenir avec elle. Dès que sa santé le permettrait, il restait à sa disposition pour d’éventuelles précisions. Elle avait la possibilité de demander à être libérée de l’obligation de travailler durant la période de préavis, si cela était nécessaire pour favoriser ses recherches d’emploi.

11) Par courrier du 18 août 2015, qualifié de décision exécutoire nonobstant recours, les HUG, sous la signature de M. D______, directeur des RH, ont informé l’intéressée qu’ils résiliaient les rapports de service pour le 30 novembre 2015.

12) Par courrier du 27 août 2015, Mme A______ a demandé au directeur général des HUG de lui confirmer que le licenciement, notifié pendant la période de protection de nonante jours en cas de maladie, était annulé, de renoncer au licenciement, de lui donner une nouvelle chance en prolongeant sa période probatoire d’une année et de la déplacer dans un autre site des HUG, sous la responsabilité d’un nouveau supérieur hiérarchique.

13) Par courrier du 9 septembre 2015, le directeur des RH a indiqué à l’intéressée que le courrier du 18 août 2015 constituait une confirmation écrite de la décision de résiliation des rapports de service avec effet au 30 novembre 2015, communiquée oralement le 6 août 2015. Vu son absence pour maladie dès le 7 août 2015, elle bénéficiait d’un délai de protection, de sorte que la fin des rapports de travail serait recalculée en fonction des dispositions légales en vigueur.

14) Le 17 septembre 2015 a eu lieu un entretien en présence du représentant syndical de Mme A______, de M. D______ et de M. E______, directeur des soins.

15) Le 18 septembre 2015, l’intéressée – désormais représentée par un avocat – a demandé au directeur général des HUG de lui confirmer que ces derniers retiraient son congé, donné par courrier du 18 août 2015 alors qu’elle était en arrêt pour cause de maladie et donc notifié en temps inopportun.

16) Par acte du même jour, dans l’attente d’une confirmation du retrait de son licenciement, elle a, à toutes fins utiles, recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier du 18 août 2015, concluant principalement à la constatation de sa nullité, subsidiairement à la proposition de sa réintégration aux HUG, et en cas de refus, à la condamnation de ces derniers au versement d’une indemnité équivalant à six mois de traitement.

17) Le 14 octobre 2015, le directeur des RH a confirmé la position des HUG exposée dans le courrier du 9 septembre 2015.

18) Le 2 décembre 2015, il a informé Mme A______ qu’au terme du délai de protection, la fin des rapports de travail était fixée au 21 mars 2016.

19) Le 18 décembre 2015, l’intéressée a expliqué aux HUG qu’elle était dans l’obligation d’accepter un autre travail, de sorte qu’elle souhaitait les quitter à la fin du mois de décembre 2015.

20) Le 1er janvier 2016, Mme A______ a commencé un nouvel emploi.

21) Le 13 janvier 2016, elle a maintenu son recours, concluant à la constatation de l’illégalité de la décision de licenciement et au versement d’une indemnité pour licenciement contraire au droit.

22) Le même jour, elle a écrit aux HUG, en précisant que ceux-ci n’avaient pas à lui verser son salaire au-delà du 31 décembre 2015. Le rendez-vous avec un médecin conseil, pour lequel elle avait reçu une convocation, apparaissait désormais inutile. Elle considérait qu’ils y avaient renoncé.

23) Le 19 janvier 2016, les HUG ont confirmé que la convocation auprès du médecin conseil n’avait plus d’objet.

24) Le même jour, ils ont fait part à la chambre administrative du retrait de la décision de licenciement et indiqué que la procédure était désormais dénuée d’objet.

25) Le 10 février 2016, Mme A______ a persisté dans son recours, concluant à la constatation du caractère contraire au droit de son licenciement et à l’obtention de l’indemnité maximale à cet égard.

Elle avait été contrainte de prendre un nouvel emploi, afin d’amoindrir les conséquences de son congé, de ne pas faire appel à l’assurance-chômage et de faire face aux frais de son ménage. Le retrait des décisions gênantes pour les HUG ne pouvait priver le fonctionnaire injustement congédié et ayant un nouvel emploi de toute possibilité de voir sa cause examinée par la chambre administrative. Elle devait être autorisée à poursuivre la procédure de recours. Il était important pour la suite de sa carrière professionnelle qu’il soit établi que son travail n’était en réalité pas susceptible de critiques, ce qui lui permettrait d’obtenir un certificat de travail élogieux.

26) Le 16 mars 2016, l’intéressée a complété son recours, concluant principalement à la nullité de son licenciement, subsidiairement à la constatation de son illégalité et à la condamnation des HUG au paiement d’une indemnité équivalant à six mois de son dernier traitement, avec intérêts moratoires à 5 % dès le 19 août 2015, ainsi qu’à la condamnation de ces derniers en tous les frais de la procédure, comprenant une participation équitable à ses honoraires d’avocat.

27) Par réponse du 3 mai 2016, les HUG ont conclu à l’irrecevabilité du recours, à son rejet et à la condamnation de Mme A______ en tous les frais et « dépens ».

28) Par réplique du 24 juin 2016, l’intéressée a maintenu ses conclusions, persistant à contester, en relation avec la nullité de son congé, qu’il lui ait été notifié oralement le 6 août 2015.

29) Par duplique du 30 juin 2016, les HUG ont maintenu leur position.

30) Le 4 juillet 2016, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté devant la juridiction compétente, le recours est de ce point de vue recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

2) L’autorité intimée a retiré sa décision de licenciement pendant la procédure devant la chambre administrative, de sorte qu’il convient d’examiner si le recours garde un objet.

a. Dès le dépôt du recours, le pouvoir de traiter l’affaire qui en est l’objet passe à l’autorité de recours (art. 67 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10). Toutefois, l’autorité de première instance peut, en cours de procédure, reconsidérer ou retirer sa décision. En pareil cas, elle notifie, sans délai, sa nouvelle décision aux parties et en donne connaissance à l’autorité de recours (art. 67 al. 2 LPA). L’autorité de recours continue à traiter le recours dans la mesure où la nouvelle décision ne l’a pas rendu sans objet (art. 67 al. 3 LPA).

b. Le principe de la bonne foi interdit à chacun d’abuser de ses droits. Compris dans cette perspective, il impose aux justiciables et aux parties à une procédure l’obligation d’exercer leurs droits dans un esprit de loyauté. L’interdiction de l’abus de droit représente un correctif qui intervient dans l’exercice des droits (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, 2013, vol. 2, 3ème éd., n. 1183 p. 551). L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger s’avère manifeste (Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 551 n. 1184 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, 2012, vol. 1, 3ème éd., n. 6.4.4 p. 933 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 583 p. 198). L’interdiction de l’abus de droit vaut, en droit administratif, tant pour les administrés que pour l’administration (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 584 p. 198).

c. En l’espèce, l’autorité intimée a retiré sa décision de licenciement, alors que la procédure de recours devant la chambre administrative était pendante.

Ce faisant, elle est allée dans le sens de la demande initiale de la recourante, qui avait sollicité du directeur général des HUG, les 27 août et 18 septembre 2015, de confirmer l’annulation de son congé et de le retirer. Dans son acte de recours du 18 septembre 2015, l’intéressée avait d’ailleurs indiqué interjeter recours à toutes fins utiles.

L’autorité intimée n’a cependant pas retiré sa décision suite aux demandes de la recourante en ce sens. Elle a au contraire attendu pour ce faire le 19 janvier 2016, n’ayant ainsi retiré le licenciement qu’une fois un travail retrouvé par la recourante.

Cette dernière affirme dès lors que ledit retrait serait abusif et que son recours ne pourrait ainsi pas être déclaré sans objet.

Il ressort toutefois du dossier qu’après avoir, d’une part, informé l’autorité intimée, le 18 décembre 2015, qu’elle était dans l’obligation d’accepter un autre travail et souhaitait la quitter à la fin du mois de décembre 2015 et, d’autre part, pris connaissance de courrier de retrait de son congé du 19 janvier 2016, la recourante a persisté à conclure à la constatation de la nullité de son licenciement. En effet, si dans ses courriers des 13 janvier et 10 février 2016, elle a simplement demandé la constatation du caractère contraire au droit de la résiliation des rapports de service, elle a conclu principalement, dans le complément à son recours du 16 mars 2016, comme auparavant dans son acte de recours du 18 septembre 2015, à la constatation de la nullité de son congé, notifié selon son argumentation en temps inopportun, argumentation qu’elle a en outre maintenue dans sa réplique du 24 juin 2016.

Ainsi, de par le retrait, par l’autorité intimée, de sa décision de licenciement, la recourante a de facto été placée dans la même situation que celle dans laquelle elle se serait trouvée si elle avait obtenu le plein de ses conclusions principales, en constatation de la nullité du licenciement, formulées tant avant qu’après ledit retrait.

Par conséquent, vu les circonstances particulières du cas d’espèce et ses conclusions principales maintenues après le retrait de la décision litigieuse, la recourante ne peut se prévaloir du caractère abusif du retrait de son licenciement par l’autorité intimée.

Au vu de ce qui précède, la chambre administrative constatera que les rapports de service ont pris fin au 31 décembre 2015, que l’autorité intimée a retiré sa décision de licenciement et que le recours de l’intéressée, dirigé contre une décision retirée, est devenu sans objet.

Dans ces circonstances, point n’est besoin d’examiner si l’autorité intimée a respecté le droit dans le cadre de la procédure de licenciement et le recours de l’intéressée sera déclaré irrecevable.

3) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l’autorité intimée disposant d’un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/301/2016 du 12 avril 2016 consid. 7 ; ATA/115/2016 du 9 février 2016 consid. 11).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 18 septembre 2015 par Mme A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 18 août 2015 ;

met à la charge de Mme A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les
art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Christian Dandrès, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Pierre Martin-Achard, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, Mme Payot
Zen-Ruffinen, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

J.-M. Verniory

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :