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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/551/2003

ATA/884/2003 du 02.12.2003 ( CE ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.01.2004, rendu le 12.10.2004, ADMIS, 1P.44/04
Descripteurs : AMENAGEMENT DU TERRITOIRE; PLAN DE SITE; PROPORTIONNALITE; INTERET PUBLIC; POUVOIR D'EXAMEN; CE
Normes : LPMNS.38 ss; CST.26 al.1; CST.36 al.1; CST.36 al.2; CST.36 al.3; LAT.17 al.1
Parties : SOCIETE ANONYME DE LA COLLINE-CHAMPEL / CONSEIL D'ETAT
Résumé : L'ensemble formé par "les constructions des quartiers de la Roseraie et de Beau-Séjour, le tissu urbain dans lequel elles s'inscrivent et la végétation qui les englobe" constitue un site protégé. Le pouvoir d'examen du TF, dans le contrôle de la base légale d'un plan limitant les possibilités d'utilisation d'un immeuble, dépend de la gravité des restrictions du droit de propriété du recourant. En l'espèce, la décision prise par le TA ne donne aucune indication sur les critères objectifs retenus. Ni l'appréciation très vague de la valeur de l'immeuble litigieux ni les considérations générales sur les quartiers concernés ne suffisent dès lors à établir l'intérêt public censé justifier les mesures de protection appliquées au bâtiment et au jardin de la recourante.
En fait
En droit
Par ces motifs

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

du 2 décembre 2003

 

 

 

dans la cause

 

 

SOCIÉTÉ ANONYME DE LA COLLINE-CHAMPEL

représentée par Me Bruno Mégevand, avocat

 

 

 

contre

 

 

 

 

CONSEIL D'ÉTAT

 



EN FAIT

 

 

1. La S.A. de la Colline-Champel (ci-après : la S.A.), de siège à Genève, est propriétaire des parcelles 3333 et 1808, plan 72, de la commune de Genève Plainpalais, à l'adresse avenue de Beau-Séjour 6, et avenue de Beau-Séjour 8.

 

La première parcelle abrite un établissement hospitalier, la Clinique La Colline, exploité par la S.A. et la seconde, un bâtiment cadastré sous No G 144, construit en 1837 comme bâtiment d'habitation et actuellement utilisé pour les besoins d'exploitation de la clinique la Colline.

 

2. Le 23 novembre 1998, l'association Action Patrimoine Vivant a adressé au Conseil d'Etat une demande de plan de site visant à préserver le quartier Beau-Séjour-Roseraie. A l'appui de sa requête, elle relevait la très grande qualité du quartier Beau-Séjour lequel comportait un certain nombre de bâtiments remarquables du XIXème siècle et du début du XXème siècle et avait conservé, dans son ensemble, son homogénéité. Au vu des projets de construction menaçant ce quartier quasiment unique à Genève, il y avait urgence à prendre des mesures de protection du patrimoine.

 

3. Sur la base d'une étude approfondie des quartiers de la Roseraie et de Beau-Séjour conduite par les services du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement (ci-après : DAEL), un projet de plan de site n° 29'184 a été élaboré, le 15 mai 2001, d'entente avec les services concernés de la ville de Genève.

 

4. Dans son procès-verbal de séance du 29 mai 2001, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : la CMNS) s'est déclarée favorable, sous quelques réserves non pertinentes pour la solution du présent litige, au plan de site et à son règlement.

5. Le 30 mai 2001, Monsieur Laurent Moutinot, conseiller d'Etat chargé du DAEL a présenté le plan de site envisagé dans un communiqué de presse. Ce dernier pouvait se résumer en trois grandes lignes :

 

- volonté de conserver des ensembles d'immeubles à

valeur patrimoniale ainsi que les jardins et la végétation qui les accompagnent;

- préserver entre deux quartiers à forte densité et à proximité de l'hôpital un secteur d'habitation moins dense comportant une présence marquée de la végétation;

- prendre en compte les droits acquis pour les projets de construction engagés et les autorisations déjà délivrées, tout en respectant des objectifs et un cadre généraux.

 

6. Dans le courant du mois de juin 2001, le DAEL a mis à l'enquête publique le projet de plan de site n° 29'184 comprenant les quartiers de la Roseraie et de Beau-Séjour ainsi que l'abrogation du plan localisé de quartier n° 27756-199 du 15 janvier 1986.

 

Les parcelles n° 1808 et 3333 étaient englobées dans le périmètre de ce plan (sous-périmètre 2 pour celle-là et sous-périmètre 5 pour celle-ci).

 

7. Par courrier du 2 juillet 2001, la S.A. a adressé ses observations au DAEL aux termes desquelles elle indiquait s'opposer catégoriquement au plan de site projeté.

 

Des discussions s'en sont suivies entre la S.A. et les autorités. Celles-ci ont partiellement tenu compte des griefs de celle-la en retranchant la parcelle n° 3333 du périmètre du PLQ.

 

8. Par arrêté du 4 mars 2002, le conseil municipal de la ville de Genève (ci-après : le conseil municipal) a préavisé favorablement le projet de plan de site n° 29184, quartier Roseraie / Beau-Séjour section de Plainpalais.

 

Il a également arrêté :

- "De demander au Conseil administratif d'intervenir auprès du Département de l'aménagement, de l'équipement et du logement pour supprimer la référence à un taux d'utilisation maximal de 0,6, et de modifier en conséquence l'alinéa 2 de l'article 9 du règlement.

 

- De donner un préavis défavorable à l'abrogation du plan localisé de quartier No 27756-199, avenue de la Roseraie "La Colline", adopté par le Conseil d'Etat le 15 janvier 1986, dont la portée est limitée à la parcelle No 3333. L'article 14 du plan de site sera modifié de conséquence.

 

- De demander au Conseil administratif d'intervenir auprès du Conseil d'Etat en vue de l'abrogation partielle du périmètre de la déclaration d'utilité publique No 27696B-66R-66H votée le 25 novembre 1988. Cette abrogation concerne toutes les parcelles ou parties de parcelles situées à l'ouest de l'avenue de la Roseraie et comprises dans le périmètre de validité du plan de site No 29184-66R-66H-199-264.

- A cet effet, le Conseil d'Etat se chargera de saisir le Grand Conseil d'un projet de loi adéquat".

 

9. Le DAEL a apporté au projet de plan de site les modifications préavisées par le conseil municipal dans son arrêté du 4 mars 2002, et le 13 septembre 2002 il a ouvert la procédure d'opposition au projet du plan de site No 29184-66R-66H-199-264.

 

10. Le 11 octobre 2002, la S.A. s'est opposée au dit plan.

 

Le site qu'entendait protéger le plan n'en était pas un au sens des articles 1 lettre b et 35 alinéa 2 de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin l976 (LPMNS - L 4 05). Aussi, à titre principal, la S.A. considérait que le projet de plan de site devait être abandonné.

 

Subsidiairement, la parcelle 1808 devait être exclue du périmètre du projet de plan comme l'avait été la parcelle 3333. Même si cette parcelle comportait quelques arbres intéressants, la protection de ceux-ci était assurée par le règlement sur la conservation de la végétation arborée. Quant au bâtiment édifié sur cette parcelle, il méritait assurément d'être conservé. A cet égard, une mesure de mise à l'inventaire était suffisante et proportionnée aux intérêts de la propriétaire de la parcelle. Enfin, toutes les parcelles comprises dans le sous-périmètre 2 devaient être soumises à un traitement identique. Or, les parcelles 1802 et 1797 pouvaient recevoir des constructions nouvelles alors que tel n'était pas le cas de la parcelle 1808. Cette différence de traitement ne se justifiait aucunement. Dès lors, si la parcelle 1808 devait être maintenue à l'intérieur du plan de site dans le sous-périmètre 2, une aire d'implantation de constructions nouvelles devait être dessinée à l'ouest de la parcelle, de manière à ce que les possibilités d'utilisation du sol (zone 4 B, développement 3) dont bénéficiait la parcelle soient sauvegardées.

 

11. Par arrêté du 5 mars 2003, le Conseil d'Etat a rejeté l'opposition de la S.A.

Le grief d'une prétendue illégalité du projet de plan de site, utilisé comme instrument de protection des quartiers de la Roseraie et de Beau-Séjour était dénué de tout fondement. Cette mesure était la seule qui permettait d'atteindre l'objectif de protection recherché.

 

Il n'y avait pas lieu d'exclure du plan de site la parcelle 1808 qui supportait l'un des immeubles les plus anciens du quartier. La mesure de protection que le projet de plan de site voulait rendre effective, par le biais du maintien du bâtiment, répondait au but et à l'un des objectifs fondamentaux du plan. Quant à mettre la parcelle 1808 au bénéfice de la faculté accordée au propriétaire des parcelles 1802 et 1797 sur lesquelles une construction nouvelle pourra être édifiée, la S.A. feignait de méconnaître les différences qui justifiait un traitement distinct de ces deux situations. L'un des objectifs principaux du projet de plan de site tendait à la conservation des jardins et de la végétation dans une mesure aussi importante que celle des constructions existantes elles-mêmes. Or, la parcelle 1808 abritait un bâtiment particulièrement digne d'intérêt et comportait une arborisation et une végétation de grande qualité, ce qui n'était pas le cas de la parcelle 1797. De plus, la possibilité d'édification d'une nouvelle construction n'avait été envisagée que pour les parcelles 1797 et 1802, à l'exclusion d'autres secteurs compris dans le périmètre du projet de plan de site.

12. Par arrêté du même jour, paru dans la feuille d'avis officielle du 7 mars 2003, le Conseil d'Etat a approuvé le plan de site (no 29184A-66R-H-264-199) et le règlement annexé.

 

13. Le 4 avril 2003, la S.A. a interjeté recours auprès du Tribunal administratif contre cet arrêté. Elle conclut principalement à son annulation et, subsidiairement, à ce que la parcelle 1808 feuille 72 de la commune de Genève Plainpalais soit exclue du périmètre de protection du plan de site No 29184 et très subsidiairement, à ce que le dossier soit retourné au Conseil d'Etat pour qu'il dessine sur la parcelle 1808 une aire d'implantation de constructions nouvelles, après consultation de la recourante.

 

Le périmètre englobé par le plan de site était trop hétérogène pour constituer un site au sens des articles 1 lettre b et 35 alinéa 2 de la loi genevoise sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976 (ci-après : LPMNS; L 4 05).

 

L'adoption d'un plan de site était également infondée à l'aune du droit fédéral et en particulier de l'article 17 alinéa 1 lettre c de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700).

 

Pour le surplus, la S.A. a repris son argumentation concernant l'exclusion de la parcelle 1808 du périmètre du plan et subsidiairement à ce que cette parcelle dispose d'une aire sur laquelle serait susceptible de s'édifier une construction nouvelle.

14. Le DAEL a fait parvenir son mémoire réponse au greffe du tribunal de céans le 30 mai 2003.

 

Les différents biens et objets jugés dignes de protection visés par le plan de site et son règlement correspondaient typiquement aux éléments qu'un plan de site pouvait régir. Les autres mesures de protection instituées par la LPMNS, soit le classement et l'inscription à l'inventaire qui tendent généralement à la protection d'un objet individualisé ou présentant des caractéristiques propres ou très spécifiques, ne sauraient entrer en considération. De même, ce plan répondait aux critères qui présidaient à la délimitation des zones protégées dignes d'intérêt, selon les prescriptions de l'article 17 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700). S'agissant du régime juridique applicable à la parcelle 1808, le DAEL a relevé l'incohérence dans l'argumentation de la S.A., laquelle, tout en reconnaissant les qualités intrinsèques du bâtiment reposant sur ladite parcelle 1808 et en faisait l'un des bâtiments parmi les plus précieux que le plan de site entendait sauvegarder, déniait pourtant l'existence d'un intérêt public attaché à la protection de ce bâtiment. Il en allait de même en ce qui concernait la végétation qui l'entourait.

 

L'objectif de protection recherché et assuré par le plan de site ne portait pas une atteinte au droit de la S.A. autre que celle résultant d'éventuelles autres mesures de protection qui pourraient être envisagées (classement ou inscription à l'inventaire).

 

S'agissant de la différence de traitement entre les parcelles 1808 d'une part et 1797 d'autre part, le DAEL s'est référé aux arguments exposés dans l'arrêté querellé.

 

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

 

 

EN DROIT

 

 

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

 

2. A titre principal, la recourante conclu à l'annulation de l'arrêté d'approbation du plan de site et de son règlement en tant que ces instruments d'aménagement du territoire consacreraient une violation du principe de la légalité et apporteraient des restrictions importantes à son droit de propriété.

 

Subsidiairement, la recourante conclut à ce que la parcelle 1808 soit exclue du périmètre de protection de plan de site et très subsidiairement, au cas où la parcelle 1808 resterait englobée dans le périmètre de protection, à ce qu'une aire d'implantation de constructions nouvelles après consultation de la propriétaire lui soit réservée.

 

3. Considérés par la doctrine comme des plans d'affectation spéciaux, les plans de site ont des effets contraignants pour les particuliers (T. TANQUEREL, La participation de la population à l'aménagement du territoire, p. 260). Lorsque ils comportent des restrictions au droit de propriété, celles-ci ne sont admises que si elles reposent sur une base légale suffisante, sont justifiées par un intérêt public et respectent le principe de la proportionnalité (ATF n.p 1P.801/1999 du 16 mars 2000; ATF 121 I 117 consid. 3b p. 120; 120 Ia 126 consid. 5a p. 142; 119 Ia 348 consid. 2a p. 353, et les arrêts cités).

 

4. a. Le plan contesté et son règlement sont régis par les articles 38 et suivants LPMNS.

 

b. Cette loi a pour but la protection des sites et paysages, espèces végétales et minéraux qui présentent un intérêt biologique, scientifique, historique, esthétique ou éducatif (art. 35 al. 1 LPMNS). Constituent notamment des sites, au sens de cette disposition, les paysages caractéristiques, tels que les rives, les coteaux et les points de vue ainsi que les ensembles bâtis (art. 35 al. 2 let. a et b LPMNS).

 

c. Le terme "notamment" utilisé à l'article 35 alinéa 2 LPMNS indique que la notion de "site" doit être comprise largement, comme cela ressort d'ailleurs de l'examen des travaux préparatoires. Les autorités ont ainsi considéré que : "Dans le cadre genevois beaucoup plus modeste, il convenait de protéger particulièrement certains lieux : monuments, ensembles bâtis ou naturels, paysages particulièrement remarquables, etc. (...)" (Mémorial du Grand Conseil, 1974, p. 3244). De même, le rapport de la commission du Grand Conseil chargée d'examiner le projet de loi qui a donné lieu à l'adoption de la LPMNS précise que :"La commission a voulu introduire la possibilité de protéger des ensembles bâtis, dans le cadre des dispositions sur les sites. Les articles 32 et 35 ont été modifiés dans ce sens. Il semble, en effet, plus judicieux de traiter les ensembles bâtis sous le régime du plan de site que sous celui du classement" (Mémorial du Grand Conseil, 1976, p. 1906).

 

Au vu de ce qui précède, force est de constater que le législateur a refusé de circonscrire la notion de site à celle correspondant au sens courant de ce terme, mais a étendu cette notion en y englobant d'autres objets à protéger, parmi lesquels pourront être inclus les constructions des quartiers de la Roseraie et de Beau-Séjour, le tissu urbain dans lequel elles s'inscrivent et la végétation qui les englobe.

 

5. a. Aux termes de l'article 38 LPMNS, le Conseil d'Etat peut édicter les dispositions nécessaires à l'aménagement ou à la conservation d'un site protégé par l'approbation d'un plan de site assorti, le cas échéant, d'un règlement. Ce plan et ce règlement déterminent notamment les mesures propres à assurer la sauvegarde ou l'amélioration des lieux tels que : maintien des bâtiments existants, alignement aux abords des lisières de bois et forêts ou de cours d'eau, angles de vue, arborisation; les conditions relatives aux constructions, installations et exploitations de toute nature (implantation, gabarit, volume aspect, destination); les cheminements ouverts au public ainsi que les voies d'accès à un site ou à un point de vue; les réserves naturelles (art. 38 al. 1 et 2 LPMNS).

 

b. En adoptant l'arrêté d'approbation du plan de site et de son règlement, le Conseil d'Etat a fait usage de cette compétence.

A cet égard, et contrairement à ce que soutient la recourante, le tribunal de céans constate que la mesure de protection adoptée est la mieux à même d'atteindre les objectifs de protection recherchés, en raison du caractère hétérogène des éléments à protéger et du contexte de développement particulier dans lequel ils s'inscrivent. Les autres mesures de protection instituées par la LPMNS, soit le classement et l'inscription à l'inventaire, sauraient en effet difficilement entrer en considération, dès lors que ces mesures ont essentiellement pour but la protection d'un objet individualisé ou présentant des caractéristiques propres ou très spécifiques. La légalité de l'adoption de plans de site poursuivant des objectifs de protection diversifiés tels que notamment des sites, des villages au caractère typique, des quartiers ou des localités a d'ailleurs été confirmée tant par le Tribunal fédéral que par le Tribunal de céans (ATF n.p IP.801/99 du 16 mars 2002; SJ 1995 87; ATA B. du 16 octobre 1991; G. du 14 juin 1989).

6. a. Enfin, le plan de site et son règlement répondent parfaitement aux critères qui président à la délimitation des zones protégées dignes d'intérêt, selon les prescriptions de l'article 17 alinéa 1 LAT, soit plus précisément de sa lettre c, à teneur de laquelle, les zones à protéger comprennent les localités typiques, les lieux historiques, les monuments naturels ou culturels.

 

b. Selon la doctrine, doivent être considérés comme visés par cette disposition, non pas uniquement un objet isolé mais également des ensembles, mêmes si tel ou tel élément est de moindre valeur. Le critère esthétique n'est pas le seul à être appliqué : ce qui est typique d'une époque, représentatif d'un style, même relativement proche, est également sauvegardé. De même, l'on doit entendre par "localités typiques" des sites qui regroupent en une unité harmonieuse plusieurs constructions et qui s'intègrent parfaitement à leur environnement. Le plus souvent, ce seront des parties - places, rues - qui se distinguent par leur impression d'ensemble, leur identité de proportion, de style d'époque (P. MOOR, Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, ASPAN, ad. art. 17, chiffre 59, p. 19). Enfin, la doctrine souligne que les législations cantonales dont l'objet topique est la protection de la nature, des monuments et des sites, et qui instituent des moyens d'intervention propres (inventaire, classement, expropriation) ont un champ d'application plus large que celui de l'article 17 LAT (P. MOOR, opus cit., ad. art. 17, chiffre 38, p. 17).

c. Partant, au vu de ce qui précède, sous l'angle du droit fédéral également, l'adoption du plan de site et de son règlement ne saurait être remise en cause. Le grief de la recourante tiré de la violation du principe de la légalité sera dès lors rejeté. Reste encore à examiner si les restrictions apportées par ces mesures au droit de propriété de la recourante reposent sur un intérêt public et si, cas échéant, elles sont proportionnées.

7. Dans ses écritures, la recourante critique le fait que la parcelle 1808 soit englobée dans le PLQ.

 

8. a. L'article 4 du règlement a pour objet les bâtiments maintenus et précise en son chiffre 2 que ces derniers ne peuvent faire l'objet que de travaux d'entretien ou de transformations nécessaires à une adaptation des locaux, à un changement d'affectation ou à une amélioration du confort. Les structures porteuses de même que les éléments dignes de protection doivent être sauvegardés.

 

b. L'article 8 du règlement a pour objet les surfaces libres de construction. En particulier concernant le sous-périmètre 2, cet article précise : "Hors de l'aire d'implantation d'une construction nouvelle, sise sur les parcelles 1797 et 1802, les surfaces de terrain non bâties doivent rester libres de constructions et d'installations diverses, sous réserve de constructions ou d'installations de peu d'importance et d'agrandissements mineurs des bâtiments existants".

 

9. a. Selon une jurisprudence bien établie, le tribunal de céans observe une certaine retenue pour éviter de substituer sa propre appréciation à celle des commissions de préavis pour autant que l'autorité inférieure suive l'avis de celles-ci (ATA C.-M. du 15 octobre 1996 et les arrêts cités).

 

b. Lorsque la consultation de la CMNS est imposée par la loi, le préavis de cette commission a un poids certain dans l'appréciation qu'est amenée à effectuer l'autorité de recours (ATA SAP du 15 septembre 1998 et jurisprudences citées). En revanche, le Tribunal administratif ne s'impose pas de réserves face à un préavis négatif de la CMNS lorsque ce dernier a été requis sans nécessité et que l'objet architectural litigieux n'est pas complexe (SJ 1995 p. 596).

 

c. Dans le cadre de l'adoption d'un plan de site, les préavis de la commune et de la CMNS sont obligatoires (art. 40 al. 3 LPMNS et 5 al. 2 let. l du règlement général d'exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 - RPMNS; L 4 05.01).

 

10. En l'espèce, la ville de Genève et la CMNS ont préavisé favorablement le plan de site litigieux et son règlement. Quant au régime appliqué au bâtiment G 144, incorporé dans la catégorie des "bâtiments maintenus" (art. 4 règlement) du fait de ses qualités architecturales, il répond aux préoccupations des milieux de la protection du patrimoine de le préserver.

 

Le service des monuments et des sites s'est également montré favorable au maintien de la végétation existante dès lors qu'elle participe étroitement à la composition et à la qualité du périmètre concerné. Ainsi, pour ce service, le caractère du quartier est pour une large part définie par la complémentarité qui existe entre le cadre bâti et la végétation qui l'accompagne. L'intérêt public à la conservation des éléments visés par le plan de site et son règlement apparaît ainsi certain.

 

11. a. Pour être proportionnée, la restriction aux droits constitutionnels doit être limitée à ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi, adéquate à ce but et supportable pour la personne visée par la mesure; cette règle n'est pas respectée s'il est possible d'atteindre le même résultat par un moyen moins incisif (ATF 124 I 40 consid. 3e p. 44/45, 107 consid. 4c/aa p. 115).

b. Comme vu ci-dessus, le plan de site litigieux a pour fonction d'intégrer dans un périmètre régi par des prescriptions particulières des constructions ou des objets dignes d'intérêt, qui ne sont pas toujours compatibles les unes avec les autres, mais qui n'en révèlent pas moins le caractère spécifique d'un quartier. Cette mesure, moins restrictive que le classement, limite ainsi à ce qui est nécessaire l'objectif de protection poursuivi. Quant à la mise à l'inventaire proposée par la recourante pour le bâtiment G 144, ses effets ne sont pas différents de ceux résultant, pour cet édifice, des dispositions prévues par le plan de site et son règlement. Une telle mesure ne permet cependant pas d'atteindre l'objectif de protection globale recherché.

 

c. Quant à l'article 10 du règlement, qui inclut les jardins longeant l'avenue de Beau-Séjour dans la catégorie de la "végétation maintenue", il entre manifestement dans le cadre des mesures de protection visées aux articles 35 et 36 LPMNS. Seule mesure adéquate à la sauvegarde du périmètre régi par le plan de site et son règlement, le maintien de ces plantations et jardins n'apparaît pas excessif au regard des objectifs recherchés par le plan.

12. Enfin, la recourante fait grief au Conseil d'Etat d'avoir soumis la parcelle 1808 à un régime différent de deux autres parcelles incluses dans le même sous-périmètre.

 

a. Il y a inégalité de traitement interdite par l'article 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101) lorsqu'on est en présence de deux ou de plusieurs décisions, émanant d'une même autorité, qui, bien que conformes à la loi sont contradictoires (AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Berne, 2000, vol. II, p. 499).

 

b. Une décision viole le principe de l'égalité de traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 118 Ia 3).

 

c. Dans le domaine de l'aménagement du territoire le principe de l'égalité de traitement ne peut recevoir qu'une application restreinte, car la délimitation entre les divers modes d'utilisation du sol repose sur des pronostics incertains et conduit nécessairement à traiter inégalement des biens-fonds de mêmes situation et qualité (MÜLLER in Commentaire de la Constitution fédérale, état mai 1995, art. 4, n° 33 et 40). La délimitation des zones repose sur un certain nombre de principes : c'est par rapport à ces objectifs que, dans l'espace concret qu'il doit classer, l'aménagiste arrêtera l'extension de chaque zone. L'égalité de traitement entre les propriétaires, en fonction des caractéristiques intrinsèques de leurs fonds, ne peut y jouer qu'un rôle secondaire, dès lors que l'aménagement général du périmètre en cause présente en lui-même et par rapport à l'ensemble une cohérence suffisante (P. MOOR, Droit administratif, vol. I, 2e éd., Berne, 1994, p. 463). L'analyse comparative de parcelles considérées isolément est donc remplacée par un examen plus large, celui des motifs justifiant des différences de classement dans la cohérence du plan dans son ensemble et dans la concrétisation qu'il donne sur le terrain aux buts, principes et objectifs de l'aménagement du territoire (P. MOOR, Commentaire LAT, 1999, art. 14 n° 42). Le Tribunal fédéral n'accorde ainsi qu'une portée relative au principe constitutionnel de l'égalité de traitement, celui-ci se confondant avec l'interdiction de l'arbitraire (ATF n.p. du 29 novembre 2001 1P.444/2001; n.p. du 3 octobre 2000 1P.416/2000). En matière d'aménagement du territoire, il suffit que la planification soit objectivement défendable pour qu'elle ne soit pas arbitraire (ATF 117 Ia 434, consid. 3e = JdT 1993 I 435).

 

d. Il apparaît que la situation de ces deux parcelles n'est nullement comparable. Comme vu ci-dessus, la parcelle 1808 abrite un bâtiment particulièrement digne d'intérêt et comporte une arborisation et une végétation de grande qualité, ce qui n'est pas le cas de la parcelle 1797, qui ne supporte pas de construction et qui ne présente aucune des caractéristiques de la parcelle de la recourante. Or, c'est précisément pour respecter les caractéristiques du secteur concerné que le Conseil d'Etat a eu recours à l'instrument du plan de site, qui permet de prendre en considération chaque élément à sauvegarder. Le traitement différent qui peut en résulter ne saurait donc être qualifié d'arbitraire.

 

13. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

 

Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

PAR CES MOTIFS

le Tribunal administratif

à la forme :

 

déclare recevable le recours interjeté le 4 avril 2003 par la société anonyme de la Colline-Champel contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 5 mars 2003;

 

au fond :

 

le rejette ;

 

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 2'000.--.-;

dit que conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il est adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

communique le présent arrêt à Me Bruno Mégevand, avocat de la recourante, ainsi qu'au Conseil d'Etat.

 


Siégeants : M. Thélin, président, MM. Paychère, Schucani, Mmes Bonnefemme-Hurni, Bovy, juges.

 

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste : le président :

 

C. Del Gaudio-Siegrist Ph. Thélin

 


Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le la greffière :

 

Mme M. Oranci