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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/248/2010

ATA/88/2010 du 09.02.2010 sur DCCR/44/2010 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/248/2010-MC ATA/88/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 9 février 2010

2ème section

dans la cause

 

Monsieur T______
représenté par Me David Metzger, avocat

contre

OFFICIER DE POLICE

_________


Recours contre la décision de la commission cantonale de recours en matière administrative du 25 janvier 2010 (DCCR/44/2010)


EN FAIT

1. Monsieur T______, né en 1988, ressortissant gambien, a déposé une demande d’asile en Suisse le 8 juillet 2008.

Par décision du 29 octobre 2008, l’office fédéral des migrations (ci-après : ODM) a refusé d’entrer en matière sur la demande d’asile et a prononcé le renvoi de Suisse de l’intéressé.

Cette décision a été confirmée par arrêt du Tribunal administratif fédéral du 18 novembre 2008 (Cour IV D-7031/2008).

Le canton de Genève était chargé de l’exécution du renvoi.

2. Le 1er décembre 2008, M. T______ a eu un entretien à l’office cantonal de la population (ci-après : OCP). Il s’est déclaré d’accord pour un retour volontaire en Gambie.

Le même jour, l’OCP a sollicité de l’ODM le soutien à l’exécution du renvoi.

3. A dater du 23 février 2009, M. T______ est entré dans la clandestinité, ce dont l’OCP a informé l’ODM le 20 mars 2009.

4. Sur le plan pénal, M. T______ a fait l’objet de deux ordonnances de condamnation, à savoir :

le 27 novembre 2008, ordonnance de condamnation du Procureur général de la République et canton de Genève pour infraction à l’art. 19 ch. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121) ;

le 7 avril 2009, ordonnance de condamnation du Procureur général de la République et canton de Genève pour recel, infraction punie par l’art. 160 ch. 1 al. 1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et infraction à l’art. 19 ch. 1 LStup.

5. Le 21 octobre 2009, M. T______ a été interpellé en Ville de Genève, suspecté de trafic de stupéfiants. Il a été écroué à la prison de Champ-Dollon, pour y purger les peines prononcées par les ordonnances de condamnation susmentionnées.

6. En accord avec le service d’application des peines et mesures (ci-après : SAPEM), M. T______ a été libéré cinq jours avant la date prévue pour sa sortie en vue de son refoulement qui devait intervenir le 14 janvier 2010.

Il résulte du rapport de la police judiciaire du 14 janvier 2010 que M. T______ s’est opposé physiquement à embarquer dans l’avion. Entendu par la police judiciaire le 14 janvier 2010, M. T______ a déclaré qu’il avait refusé d’embarquer car il n’était pas gambien. Il venait de Guinée-Conakry. D’ores et déjà, il déclarait s’opposer par tous les moyens à toute nouvelle tentative de refoulement.

En raison des faits précités, M. T______ a été inculpé d’opposition aux actes de l’autorité, infraction réprimée par l’art. 286 CP et a fait l’objet d’une ordonnance de condamnation du juge d’instruction du 18 janvier 2010.

7. Libéré de prison le 23 janvier 2010, M. T______ a été remis à la police.

8. Entendu le 23 janvier 2010 à 11h40 par l’officier de police, M. T______ a déclaré que bien qu’il se soit opposé à son départ par le passé, il était disposé à s’en aller dans les meilleurs délais.

9. Ce même 23 janvier 2010 à 11h40, l’officier de police a ordonné la mise en détention administrative de M. T______ pour une durée de trois mois.

M. T______ faisait l’objet d’une décision fédérale de renvoi de Suisse définitive et exécutoire. Il existait des indices concrets évidents qu’il entendait se soustraire à son refoulement. Il n’avait entrepris aucune démarche concrète en vue d’obtenir les documents de voyage nécessaires à son refoulement et il n’avait pas collaboré activement avec les autorités chargées de son renvoi. De surcroît, il avait disparu dans la clandestinité dès le 23 février 2009, avant d’être interpellé par la police le 20 octobre 2009 pour trafic de stupéfiants. Enfin, il avait expressément déclaré à la police qu’il ne voulait pas retourner en Gambie et il s’était opposé à son renvoi à destination de Banjul le 14 janvier 2010.

Les conditions de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20), renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. g LEtr étaient remplies.

A cela s’ajoutait le comportement délictueux de M. T______ qui s’était adonné au trafic de stupéfiants et pour ce motif, avait été condamné à deux reprises.

Enfin, en raison de la décision de non-entrée en matière au sujet de la demande d’asile, la condition de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 2 LEtr était remplie.

La mise en détention administrative de M. T______ se justifiait pleinement au regard des dispositions légales précitées et était proportionnée aux circonstances pour assurer son renvoi de Suisse.

10. Entendu par la commission de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) le 25 janvier 2010, M. T______ a confirmé qu’il était originaire de Guinée et non pas de Gambie. Il refusait de quitter la Suisse, que ce soit pour l’un ou l’autre de ces deux pays.

Le représentant du commissaire de police a précisé que M. T______ serait entendu par la délégation gambienne au courant du mois de mars 2010. Cette audition était une condition préalable à toute demande de réservation de vol pour exécuter le renvoi de l’intéressé.

11. Par décision du 25 janvier 2010, la CCRA a confirmé l’ordre de mise en détention administrative du 23 janvier 2010 pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 23 avril 2010, faisant siens les arguments développés dans l’ordre de mise en détention.

12. M. T______ a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 1er février 2010.

Il ne connaissait pas sa date de naissance précise et persistait à affirmer être originaire de Guinée. Le motif qui l’avait poussé à quitter son pays était son homosexualité.

Il affirmait être finalement d’accord de respecter la décision de renvoi de Suisse et donc de quitter ce pays. Toutefois, il ne souhaitait pas être renvoyé en Gambie, pays qui n’avait jamais été le sien. Il souhaitait pouvoir retourner en Guinée et serait d’accord de prendre un vol à destination de ce pays. Des démarches pourraient être organisées dans les meilleurs délais et à cet égard la mise en détention administrative pour une durée de trois mois était exagérée. L’octroi d’un laissez-passer pour la Guinée ne devait être ni problématique ni long puisqu’il reconnaissait être ressortissant de ce pays. Un délai de deux mois semblait suffisant aux autorités pour organiser son retour.

Il conclut à la réduction de la durée de la détention à deux mois, soit jusqu’au 23 mars 2010.

13. Le 2 février 2010, la CCRA a produit son dossier sans observations.

14. Dans sa réponse du 4 février 2010, l’officier de police s’est opposé au recours. Le recourant ne contestait pas le principe de sa mise en détention fondée sur l’art. 76 LEtr. L’exécution du renvoi était possible nonobstant l’homosexualité alléguée du recourant. Il convenait d’établir la nationalité du recourant pour être en mesure de procéder à l’exécution du renvoi ; la durée de trois mois de la détention était nécessaire pour effectuer lesdites démarches.

EN DROIT

1. Déposé au greffe du Tribunal administratif le 1er février 2010, le recours interjeté contre la décision de la CCRA du 25 janvier 2010, remise en mains propres des parties le même jour, est recevable (art. 56 al. 1 et 2 de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 17 al. 3 et 63 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 LaLEtr, le Tribunal administratif statue dans les dix jours qui suivent sa saisine, intervenue in casu le 1er février. Statuant ce jour, il respecte ce délai.

3. Le Tribunal administratif est compétent pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant lui (art. 10 al. 2 LaLEtr). Il peut confirmer, réformer ou annuler la décision attaquée ; cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l’étranger (art. 10 al. 3 LaLEtr).

4. Un étranger peut être placé en détention administrative en vue du renvoi si les conditions de l'art. 76 al. 1 let. b LEtr sont réalisées, à savoir, notamment :

s'il menace sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger leur vie ou leur intégrité corporelle et fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condamnée pour ce motif (art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr qui renvoie à l'art. 75 al. 1 let. g LEtr) ;

s'il a été condamné pour crime (art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEtr qui renvoie à l’art. 75 al. 1 let. h LEtr) ;

si l’officier de police a prononcé une décision de non-entrée en matière au sens de l’art. 32 al. 2 let. a à c de la loi sur l’asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31) (art. 76 al. 1 let. b ch. 2 LEtr) ;

si des éléments concrets font craindre que l'étranger entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'il ne se soumet pas à son obligation de collaborer au sens de l'art. 90 LEtr ou de l'art. 8 al. 1 let. a ou al. 4  LAsi (art. 76 al. 1 let. b ch.3 LEtr).

En l’espèce, le recourant a fait l’objet de la part de l’ODM d’une décision de non-entrée en matière sur sa demande d’asile et de renvoi de Suisse, décision confirmée par arrêt du Tribunal administratif fédéral le 29 octobre 2008.

En outre, le recourant a fait l’objet de deux condamnations pénales pour infraction à la LStup d’une part et recel d’autre part, soit un crime au sens du CP.

Enfin, le recourant a démontré qu’il entendait se soustraire à son refoulement. Il n’a pas quitté le territoire de la Confédération helvétique alors qu’il était en mesure de le faire. Il n’a entrepris aucune démarche concrète en vue d’obtenir des documents de voyage nécessaires à son refoulement et il n’a pas collaboré activement avec les autorités chargées de son renvoi. Au contraire, il a disparu dans la clandestinité au début de l’année 2009 avant d’être interpellé en octobre 2009 par la police genevoise. De plus, le recourant s’est physiquement opposé à son refoulement le 14 janvier 2010 et il a confirmé notamment devant la CCRA qu’il refusait toujours de quitter la Suisse, que ce soit pour la Guinée ou pour la Gambie. Dans ces circonstances, son soudain revirement, à savoir qu’il est prêt à quitter la Suisse pour partir en Guinée dans les meilleurs délais doit être apprécié avec circonspection.

Il résulte que les conditions d’application de l’art. 76 al. 1 let. b ch. 1, 2 et 3 LEtr sont remplies.

5. Outre qu’elle doit être fondée sur un motif légal, la détention doit respecter le principe de proportionnalité.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la détention est subordonnée à la condition que les autorités entreprennent sans tarder les démarches nécessaires à l’exécution du renvoi ou de l’expulsion (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les réf. citées).

En l’espèce, le recourant soutient depuis le 14 janvier 2010 qu’il n’est pas ressortissant de Gambie mais de Guinée. Cet élément doit être élucidé avant toute autre mesure d’exécution du refoulement. Une audition par les autorités gambiennes est prévue courant mars 2010. Ce laps de temps est dû à la seule attitude du recourant qui jusqu’au début de l’année 2010 n’a jamais contesté son origine gambienne.

Il s’ensuit que le seul moyen d’assurer la présence de l’intéressé à la séance de la délégation gambienne, puis lors d’une prochaine tentative de renvoi est le maintien en détention administrative. La durée de trois mois respecte pleinement le principe de proportionnalité, un tel délai étant nécessaire pour permettre l’audition de M. T______ par la délégation gambienne ainsi que l’obtention d’un laissez-passer.

6. Les autorités ayant agi avec toute la diligence requise, le recours sera rejeté. Aucun émolument ne sera perçu (art. 12. du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Vu l’issue du litige, il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure au recourant (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2010 par Monsieur T______ contre la décision du 25 janvier 2010 de la commission cantonale de recours en matière administrative ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me David Metzger, avocat du recourant, à la commission cantonale de recours en matière administrative, à l’officier de police, à l’office cantonal de la population, à l’office fédéral des migrations à Berne ainsi qu’au centre Frambois, pour information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, Mme Hurni, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. a.i. :

 

 

F. Rossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :