Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/3012/2016

ATA/839/2016 du 07.10.2016 sur JTAPI/945/2016 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3012/2016-MC ATA/839/2016

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 octobre 2016

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Aude Baer, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2016 (JTAPI/945/2016)


EN FAIT

1. Par décision du 5 juin 2014, entrée en force sans recours, le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté la demande d’asile déposée à son entrée en Suisse le 10 décembre 2012 par le soi-disant A______, déclarant être né le ______1989 et originaire du Mali, mais dépourvu de tout document d’identité. Sa nationalité n’a pu être établie. Le SEM a prononcé son renvoi de Suisse et lui a imparti une échéance au 31 juillet 2014 pour quitter le territoire helvétique.

Dans la cadre de la procédure, l’intéressé a déclaré, en novembre 2013, être venu en Suisse pour des raisons économiques et ne pas vouloir retourner dans son pays.

2. Bien que dûment convoqué en temps utile, M. A______ ne s’est pas présenté à l’audition centralisée organisée le 15 octobre 2014 par les autorités maliennes.

3. Le 30 octobre 2014, M. A______ a disparu du foyer de l’Hospice général où il était hébergé, pour réapparaître le 24 février 2015 et demander, avec succès, sa réintégration.

4. Lors de différentes auditions centralisées organisées avec les autorités maliennes (18 février 2016) et sénégalaises (24 mai 2016), ces dernières n’ont pas reconnu M. A______ comme ressortissant de leur pays.

5. Le 24 mai 2016, le commissaire de police a ordonné la mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d’un mois, en vue d’exécuter son renvoi.

Il ressort de cette décision que l’intéressé a fait l’objet, entre juin 2013 et septembre 2015, de six ordonnances pénales totalisant trente jours-amende et douze mois de peine privative de liberté pour infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup -  RS 812.121) et à la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20). Lors des auditions par la police, l’intéressé avait persisté à se dire malien, fait des déclarations contradictoires au sujet de l’existence d’un passeport dont il serait titulaire, et réitéré son refus de retourner dans son pays, comme de coopérer à l’exécution de son renvoi.

6. Par jugement du 27 mai 2016 (JTAPI/536/2016) non contesté, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé, dans son principe et dans sa durée, l’ordre de mise de détention administrative susmentionné, en raison d’un risque de fuite, mais aussi de ce que l’intéressé n’avait pas respecté une interdiction de pénétrer au centre-ville genevois.

7. Lors d’une audition centralisée organisée le 1er juin 2016 par les autorités gambiennes, ces dernières n’ont pas reconnu M. A______ comme originaire de Gambie.

8. Par jugement du 21 juin 2016 (JTAPI/649/2016), remis en mains propres aux parties le même jour, le TAPI a prolongé la détention administrative de
M. A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu’au 24 septembre 2016, les investigations destinées à établir la nationalité du recourant étant prévues et les conditions d’un maintien en détention administratives perdurant.

9. Lors d’une audition centralisée organisée le 27 juin 2016 par les autorités guinéennes, ces dernières n’ont pas reconnu M. A______ comme ressortissant guinéen.

10. Par arrêt du 8 juillet 2016, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté un recours de M. A______, lequel persistait à affirmer être de nationalité malienne. Vu les démarches en cours, l’ensemble des conditions permettant une prolongation de la détention étaient réunies. En particulier, les autorités suisses, qui agissaient avec célérité, mettaient tout en œuvre pour déterminer l’identité du recourant en vue d’exécuter le renvoi, lequel n’était pas impossible. La détention était proportionnée.

11. Le 14 septembre 2016, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de deux mois.

12. Par courriel du 16 septembre 2016, le SEM a informé l’OCPM que suite à l’audition centralisée du 14 septembre 2016 l’intéressé avait été reconnu par les autorités de Guinée Bissau comme un ressortissant de ce pays.

13. M. A______ en a été informé lors de son audition devant le TAPI. Il est resté sur sa position, maintenant qu’il n’était pas de nationalité bissau-guinéenne, et persistant à se prévaloir d’une origine malienne. Il s’opposait à se rendre en Guinée-Bissau, mais aussi au Mali.

Selon le représentant de l’OCPM, un laissez-passer des autorités de la Guinée-Bissau, valable du 26 septembre 2016 au 26 décembre 2016, avait été délivré. Un vol non accompagné (DEPU) pouvait être organisé rapidement dans les deux à trois semaines. Des démarches avaient cependant été entreprises pour que l’intéressé soit préinscrit sur un vol spécial qui devrait avoir lieu en novembre 2016.

14. Par jugement du 20 septembre 2016, le TAPI a prolongé de deux mois la détention administrative de M. A______, soit jusqu’au 24 novembre 2016. Toutes les conditions étaient réunies. Elles l’étaient d’autant plus que l’identité de l’intéressé avait été établie et qu’il pouvait être renvoyé en Guinée-Bissau. L’opposition déterminée de l’intéressé à son renvoi justifiait la prolongation de la détention.

15. Par acte déposé au greffe de la chambre administrative, le 30 septembre 2016, M. A______ a interjeté un recours contre le jugement du TAPI du 20 septembre 2016 précité. Il contestait être de nationalité bissau-guinéenne. Les autorités de ce pays avaient tendance à reconnaître comme ressortissants de ce pays des personnes qui ne l’étaient pas. Il était originaire du Mali. Dès lors, son renvoi en Guinée-Bissau ne pouvait intervenir, car il était illégal. Il y avait un doute important sur la véracité de la reconnaissance intervenue par les autorités de Guinée-Bissau. Il ne parlait pas portugais. Il n’avait pas d’accent portugais lorsqu’il parlait français ou anglais, ceci alors que le portugais était la langue nationale de ce pays. Son renvoi n’était pas exécutable. Dès lors, son maintien en détention était contraire au droit. Subsidiairement, la détention devenait disproportionnée, puisque son renvoi ne pouvait intervenir en Guinée-Bissau et qu’aucune autre démarche n’avait été mise en place.

16. Le 3 octobre 2016, le TAPI a transmis son dossier sans formuler d’observations.

17. Le 5 octobre 2016, l’OCPM a conclu au rejet du recours. Concernant les erreurs qu’auraient pu commettre les autorités de Guinée-Bissau dans la reconnaissance de leur ressortissant, le recourant n’apportait aucun élément concret ni indice permettant de penser à ce stade que ces autorités l’avaient reconnu à tort, et qu’il était malien, contrairement à ce qu’avaient retenu les autorités maliennes suite à son audition centralisée. En l’espèce, un sauf-conduit avait été délivré pour permettre le renvoi de l’intéressé. Celui-ci refusait de se rendre en Guinée-Bissau. Compte tenu de l’opposition de l’intéressé à retourner dans son pays par vol de ligne, un vol spécial devait être organisé. Pour cette raison, une prolongation de la détention jusqu’au 24 novembre 2016 était nécessaire et adéquate.

18. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile - c'est-à-dire dans le délai de dix jours dès la notification du jugement querellé - devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10 ; art. 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Selon l’art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 30 septembre 2016, et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

La chambre administrative est en outre compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 2ème phr. LaLEtr).

3. La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 du 10 avril 2013 consid. 4.1 ; 2C_1017/2012 du 30 octobre 2012 consid. 3 et les jurisprudences citées) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (arrêts du Tribunal fédéral 2C_256/2013 précité consid. 4.1 ; 2C_478/2012 du 14 juin 2012 consid. 2.1).

4. a. En vertu de l'art. 76 al. 1 let. b LEtr, lorsqu’une décision de renvoi ou d’expulsion de première instance a été notifiée, l’autorité compétente peut, afin d’en assurer l’exécution, mettre en détention la personne concernée si des éléments concrets font craindre qu'elle entende se soustraire au renvoi ou à l’expulsion, en particulier parce qu’elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l’art. 90 LEtr ou de l’art. 8 al. 1 let. a ou al. 4 de la loi sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi - RS 142.31 ; ch. 3), ou si son comportement permet de conclure qu’elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (ch. 4).

b. Ces chiffres 3 et 4 décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition ; ils doivent donc être envisagés ensemble (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

5. Dans son arrêt du 8 juillet 2016, la chambre de céans a confirmé que les conditions d’un maintien en détention en vue de renvoi du recourant en raison d’un risque de fuite étaient réalisées alors même que la nationalité de celui-ci était en cours d’établissement. Depuis lors aucune circonstance nouvelle ne s’est réalisée, qui permettrait d’avoir une autre appréciation. Le fait qu’entretemps la Guinée Bissau ait reconnu l’intéressé comme l’un de ses ressortissants vient au contraire confirmer le bien-fondé de la mesure, notamment sous l’angle de la proportionnalité puisque une condition supplémentaire permettant l’exécution du renvoi est maintenant réalisée.

6. Le recourant continue à affirmer, nonobstant la reconnaissance de nationalité intervenue, qu’il est un ressortissant du Mali, alors même que les autorités de ce pays ne l’ont pas reconnu comme tel. Il n’appartient pas à la chambre de céans de remettre en question les décisions des autorité d’autres États, ou le bien-fondé des démarches entreprises par le SEM en vue d’assister les autorités cantonales chargées du renvoi sur la base de l’art. 3 de l’ordonnance du Conseil fédéral sur l’exécution du renvoi et de l’expulsion d’étrangers du 11 août 1999 (OERE – RS 142.281). Dès lors, dans l’examen du présent recours il sera retenu que le recourant est un ressortissant bissau-guinéen, pays dont la chambre administrative relève qu’il est principalement lusophone, mais compte également une communauté francophone, est à ce titre membre de l’organisation internationale de la francophonie.

7. C’est de manière conforme au droit que le TAPI a prolongé la détention administrative de M. A______, pour une durée respectant le principe de la proportionnalité car devant permettre l’exécution du renvoi y compris par vol DEPU.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

8. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA- E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 30 septembre 2016 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 20 septembre 2016 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’aucun émolument de procédure ne sera prélevé ni aucune indemnité ne sera allouée ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Aude Baer, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations, ainsi qu'au centre Frambois LMC, pour information.

Siégeants : M. Thélin, président, MM. Dumartheray et Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :