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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3602/2008

ATA/826/2010 du 23.11.2010 ( IP ) , ADMIS

Descripteurs : ; FORMATION SCOLAIRE SPÉCIALE ; BESOIN D'UNE FORMATION SCOLAIRE SPÉCIALE ; PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL ; ÉCOLE SPÉCIALE ; MESURE PÉDAGO-THÉRAPEUTIQUE ; AI(ASSURANCE) ; AUTORITÉ CANTONALE ; COMPÉTENCE ; CANTON ; MINORITÉ(ÂGE)
Normes : Cst. féd.61 ; Cst.féd.197 ; LIJBEP.7 ; RFSAI.7
Résumé : Suite au transfert des mesures de formation scolaire spéciale de l'assurance-invalidité (AI) aux cantons, le droit fédéral (Cst. féd.) a imposé à ces derniers de maintenir pendant trois ans les prestations octroyées par l'AI. Le règlement genevois relatif à la reprise des mesures de formation scolaire spéciale de l'AI (RFSAI) supprimant des prestations à l'égard d'enfants ayant été mis au bénéfice de mesures de formation scolaire spéciale par l'AI contrevient dès lors au droit fédéral. Le recourant, mineur, peut donc continuer à bénéficier de séances de logopédie privées dispensées en sus du traitement logopédique de l'école spéciale où il est scolarisé, ce jusqu'au 31 décembre 2010. Dès le 1er janvier 2011, la loi cantonale sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés (LIJBEP) s'applique. Il ne ressort cependant ni de cette loi ni du RFSAI que les mineurs scolarisés dans une école spéciale ne pourraient bénéficier de surcroît de mesures privées de nature pédago-thérapeutique. Dès lors, le secrétariat à la formation scolaire spéciale doit prendre à sa charge les frais des séances de logopédie privées qui complètent l'enseignement spécialisé prodigué au recourant.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3602/2008-IP ATA/826/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 23 novembre 2010

1ère section

dans la cause

 

Enfant R______
représenté par Procap, soit pour lui Madame Caroline Ledermann, titulaire du brevet d'avocat

et

Madame G______

 

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA CULTURE ET DU SPORT

 



EN FAIT

1. L'enfant R______, né le 8 mai 1998, est notamment atteint d'une infirmité motrice cérébrale congénitale et d'une surdité profonde pour laquelle il a été appareillé vers l'âge de sept mois de deux prothèses auditives. Le 25 octobre 2002, R______ a été opéré pour la pose de la partie interne d'un implant cochléaire.

2. L'office cantonal de l'assurance-invalidité, devenu depuis lors l'office genevois de l'assurance-invalidité (ci-après : OAI), a mis R______ au bénéfice de différentes mesures de réadaptation. Par décision du 14 juin 2004, il lui a octroyé un traitement de logopédie, d'une à trois séances par semaine, dès le 1er mai 2002 et au plus tard jusqu'au 31 mars 2018.

3. Par communication du 23 janvier 2008, l'OAI a informé Madame L______, mère de R______, que les coûts du traitement logopédique dispensé depuis le 1er août 2005 par Madame G______ à raison d'une à trois séances par semaine seraient pris en charge jusqu'au août 31 décembre 2007 seulement. Dès le 1er janvier 2008, les prestations de formation scolaire spéciale de logopédie ainsi que de thérapie psychomotrice n'étaient plus à la charge de l'assurance-invalidité, mais du ressort de l'autorité cantonale.

4. Le 10 février 2008, Mme L______ a sollicité du secrétariat à la formation scolaire spéciale (ci-après : SFSS), rattaché au département de l'instruction publique (ci-après : DIP), devenu le département de l'instruction publique, de la culture et du sport, la prise en charge de séances de logopédie ambulatoires auprès du cabinet indépendant de Mme G______.

5. Le 18 mars 2008, le SFSS a informé Madame L______ que les séances de logopédie dispensées à son fils par Mme G______ seraient prises en charge du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, en application de l’arrêté du Conseil d’Etat relatif à la prolongation des décisions rendues par l’assurance-invalidité dans le domaine de la formation scolaire spéciale.

6. Le 14 avril 2008, Mme L______ a demandé le paiement des frais de formation scolaire spéciale en externat et internat et des frais de transport, ainsi que de logopédie et de psychomotricité auprès de l'institution Clair-Bois Chambésy.

7. En date du 22 mai 2008, une collaboratrice du SFSS a informé par téléphone Mme G______ que le remboursement des prestations de logopédie en faveur de l’enfant R______ n’était plus assuré par le service.

8. Le 23 mai 2008, Mme G______ a écrit au directeur du service médico-pédagogique (ci-après : SMP), Monsieur Stephan Eliez, pour marquer son désaccord avec cette décision, en contradiction avec celle du 18 mars 2008. R______ avait besoin d'un traitement logopédique prodigué par un logopédiste spécialisé en surdité. Le manque d'entraînement auditif dans un cadre thérapeutique impliquerait une détérioration de ses différents acquis.

9. Le 30 mai 2008, la mère de R______ s'est également adressée à M. Eliez. Il était impératif que R______ puisse continuer sa thérapie de logopédie avec Mme G______. Elle rappelait que son fils, polyhandicapé, se trouvait dans la seule école adaptée à sa situation, qui assurait un excellent suivi au niveau thérapeutique, mais ne pouvait assurer un suivi de logopédie spécialisé.

10. Le 3 juin 2008, le directeur du SMP a informé Mme G______ qu’à partir du 1er janvier 2008, le canton avait repris le financement des mesures de pédagogie spécialisées, dont les prestations en faveur des écoles et internats spécialisés, ainsi que le financement de la logopédie et de la psychomotricité. Dans la mesure où l’enfant R______ avait été mis au bénéfice d’une mesure visant à assurer l’écolage de l’institution Clair-Bois qu’il fréquentait, la prise en charge du traitement de logopédie précédemment octroyé avait été annulée. Le nouveau système prévoyait qu’il appartenait à l’institution spécialisée d’assurer les séances de logopédie, soit en les prodiguant à l’interne, soit en les déléguant à des thérapeutes privés extérieurs à l’établissement. Cela étant, aucune prestation de logopédie n’était remboursée à Mme G______ au-delà du 22 mai 2008.

11. Le 3 juin 2008, le docteur I. Kos, médecin responsable au centre romand d'implants cochléaires, s'est adressé à M. Eliez. Son patient était scolarisé à l'école spéciale de Clair-Bois Chambésy. Pour pouvoir développer le langage avec un implant cochléaire, cet enfant avait besoin d'un entraînement auditif dispensé par une logopédiste connaissant la surdité et la réhabilitation au moyen d'un tel implant, telle Mme G______, logopédiste spécialisée en surdité, connaissant la langue des signes et expérimentée dans la réhabilitation avec implant cochléaire. Une prise en charge logopédique inadéquate risquerait d'entraver la progression de R______.

12. Le 13 juin 2008, Mme G______ s'est adressée à Monsieur Charles Beer, chef du DIP. Son patient avait besoin d'un entraînement auditif régulier et intensif afin d'optimaliser l'utilisation dans son implant cochléaire.

13. Le 13 juin 2008 également, Mme L______ a écrit à M. Beer, sollicitant son aide.

14. Par décision du 18 juin 2008, le DIP a indiqué prendre en charge les coûts liés à un traitement de logopédie prodigué par Mme G______, de une à trois séances par semaine, du 1er janvier 2008 au 22 mai 2008.

15. Le 25 juin 2008, Mme L______, représentant son fils, et Mme G______ ont formé recours auprès du Tribunal cantonal des assurances sociales. Elles ont conclu à ce que R______ puisse poursuivre son traitement avec sa thérapeute actuelle, reprenant pour le surplus les arguments développés dans leurs courriers à MM. Eliez et Beer.

16. Le 1er octobre 2008, le Tribunal cantonal des assurances sociales a rendu un arrêt, déclinant sa compétence rationae materiae et transmettant le dossier au Tribunal administratif.

17. Le 22 janvier 2009, le Tribunal administratif a déclaré irrecevable le recours formé par l'enfant R______ et Mme G______ et l'a transmis au Tribunal cantonal des assurances sociales pour objet de sa compétence.

18. Le 23 février 2009, Mme L______ a formé un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, concluant, sous suite de dépens, à ce qu'il soit dit que le Tribunal administratif était compétent.

19. Par arrêt du 3 novembre 2009 (2C_138/2009), le Tribunal fédéral a admis le recours et renvoyé le dossier au Tribunal administratif pour objet de sa compétence.

20. Le 27 janvier 2010, Mme L______ a transmis ses observations au Tribunal administratif. Elle a conclu, sous suite de dépens, à l'annulation de la décision du SFSS du 18 juin 2008, à l'octroi d'une à trois séances de logopédie par semaine au-delà du 22 mai 2008, sous forme ambulatoire, auprès de Mme G______. Dans le cas où les frais des séances de logopédie spécialisée étaient versés à la Fondation Clair-Bois, il convenait d'ordonner à cette dernière de prendre en charge le traitement dispensé par la thérapeute désignée.

Le SFSS avait invité Mme L______ à examiner la possibilité de poursuivre ce traitement au sein de la fondation Clair-Bois, dans la mesure où les coûts de celui-ci reviendraient à l'institution subventionnée pour l'écolage spécialisé. Cependant, R______ avait besoin d'un traitement spécialisé pour apprendre à utiliser la nouvelle audition apportée par l'implant, à entendre et à mettre progressivement du sens sur les stimuli sonores. Une prise en charge par un logopédiste spécialisé en surdité, connaissant la langue des signes était nécessaire. Cette prise en charge spécifique ne pouvait se faire qu'en dehors de l'institution Clair-Bois.

Selon l'art. 197 des dispositions transitoires de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), les prestations octroyées précédemment par l'assurance-invalidité étaient garanties durant un délai transitoire de trois ans. Selon l'art. 3 de la loi sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés du 14 novembre 2008 (LIJBEP - C 1 12), les enfants et les jeunes jusqu'à 20 ans avaient droit à des prestations de pédagogie spécialisée, notamment lorsqu'un besoin éducatif particulier avait été constaté. Même si l'institution Clair-Bois touchait des subsides destinés à couvrir le coût lié à l'engagement de logopédistes compétents, cela n'excluait pas le droit à des prestations de logopédie sous une forme ambulatoire.

Les pièces produites comprenaient notamment deux rapports du service d'oto-rino-laryngologie des Hôpitaux universitaires de Genève des 14 avril 2004 et 3 juin 2008, dont les éléments pertinents seront repris, au besoin, dans la partie en droit.

21. Le 1er mars 2010, Mme G______ a transmis ses observations. L'enfant R______ avait impérativement besoin d'une thérapie logopédique spécialisée. Actuellement, il n'y avait pas de tels logopédistes dans l'institution Clair-Bois. Durant les mois de mars et d'avril 2010, R______ ne bénéficierait plus d'un traitement de logopédie à Clair-Bois pour des raisons d'organisation interne. Cet élément lui serait préjudiciable et risquerait d'entraver sa progression tant sur le plan auditif que communicationnel, gestuel et oral.

22. Le 9 mars 2010, Mme L______ a transmis un certificat du 4 février 2010 du Dr Kos, dont le contenu sera repris au besoin dans la partie en droit.

23. Le 17 juin 2010, le tribunal de céans a octroyé un délai aux parties au 2 juillet 2010 pour d'éventuelles d'observations, au terme duquel, la cause serait gardée à juger.

24. Le 30 juin 2010, Mme L______ a transmis les rapports de logopédie des 25 octobre 2008 et 28 février 2009 et le courrier du 28 juin 2010 de Mme G______.

Cette dernière a expliqué que Mme L______ avait souhaité maintenir, à ses frais, des séances de logopédie en cabinet privé. Elle-même avait suivi R______ de septembre 2009 à juin 2010, à raison de onze séances. Son patient avait bénéficié parallèlement de logopédie au sein de l'institution Clair-Bois jusqu'au mois de février 2010. R______ continuait à bien progresser. Il était indispensable qu'il puisse poursuivre un traitement de logopédie spécialisé.

25. Suite à une demande du tribunal de céans, le SFSS a transmis, le 20 août 2010, l'arrêté du Conseil d'État du 10 décembre 2007 relatif à la prolongation des décisions rendues par l'assurance-invalidité dans le domaine de la formation scolaire spéciale, la convention conclue entre la conférence des associations professionnelles suisses des logopédistes et l'assurance-invalidité du 14 juin 2001 et la convention conclue entre le DIP et l'association romande des logopédistes diplômés, section de Genève du 19 mars 2009.

26. Le 9 septembre 2010, le recourant a présenté ses observations relatives aux nouvelles pièces qui lui avaient été transmises. Les séances de logopédie privées devaient continuer à être octroyées sans changement au moins jusqu'au 31 décembre 2010, en vertu de l'art. 197 des dispositions transitoires de la Constitution fédérale. L'arrêté du Conseil d'État du 10 décembre 2007 qui limitait la prolongation des mesures pédago-thérapeutiques à douze mois au plus à compter de la dernière évaluation ayant conduit à l'octroi des prestations contrevenait à l'art. 197 précité.

En vertu de l'art. 5 al. 3 de la convention conclue entre le DIP et l'association romande des logopédistes diplômés, section de Genève, le SFSS était le débiteur des factures de Mme G______. Ce n'était en effet que lorsque le traitement était dispensé dans le cadre d'une école spéciale que les factures devaient être envoyées directement à ladite institution. En l'occurrence, les séances de logopédie spécialisée étant nécessaires en sus des éventuelles séances offertes au sein de l'institut Clair-Bois, les frais y relatifs devaient être pris en charge par le SFSS. Dès lors, R______ avait droit à des séances de logopédie auprès de Mme G______ jusqu'au 1er janvier 2011 (sic) en tout cas. Pour le surplus, le recourant a persisté dans les conclusions de son recours.

EN DROIT

1. La question de la compétence du Tribunal administratif n'a plus à être examinée, le Tribunal fédéral, dans son arrêt du 3 novembre 2009 en la cause 2C_138/2009, ayant jugé le tribunal de céans compétent.

2. Le litige porte sur la question de savoir si c'est à juste titre que l’intimé a refusé la prise en charge des mesures de formation scolaire spéciale, soit un traitement de logopédie spécialisé chez un thérapeute indépendant en faveur du recourant dès le 23 mai 2008.

a. Jusqu’au 31 décembre 2007, l’assurance-invalidité octroyait des prestations dans le domaine de la formation scolaire spéciale pour les enfants ne pouvant suivre l’école publique ou dont on ne pouvait attendre qu’ils la suivent. Cette formation spéciale comprenait aussi des prestations d’éducation précoce, des mesures de nature pédago-thérapeutique, dont la logopédie et la thérapie psychomotrice (cf. Message sur la législation d’exécution concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons du 7 septembre 2005, FF 2005, p. 5828) ainsi que les indemnités pour les transports. Les prestations individuelles étaient définies à l’art. 19 de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959 (LAI - 831.20) et aux art. 8 et ss du règlement sur l’assurance-invalidité du 17 janvier 1961 (RAI - RS 831.201).

Sous le régime de la LAI, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007, les mesures de formation scolaire spéciale faisaient partie des mesures de réadaptation (art. 8 al. 3 let. c aLAI) et comprenaient les subsides pour la formation scolaire spéciale des assurés éducables qui n’avaient pas atteint l’âge de 20 ans révolus mais qui, par suite d’invalidité, ne pouvaient suivre l’école publique ou dont on ne pouvait attendre qu’ils la suivent (art. 19 aLAI). Les assurés avaient droit aux mesures de réadaptation dès qu'elles étaient indiquées en raison de leur âge ou de leur état de santé (art. 10 al. 1 première phrase aLAI).

Dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (ci-après : RPT), il a été décidé que le domaine de la formation scolaire spéciale serait désormais du ressort des cantons (cf. Message concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons du 14 novembre 2001 ; FF 2002 2155, p. 2277 ss).

Ainsi, le 1er janvier 2008 est entré en vigueur l'arrêté fédéral du 3 octobre 2003 concernant la RPT qui introduit un nouvel alinéa 3 à l’art. 62 Cst., aux termes duquel les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et les adolescents handicapés, au plus tard jusqu’à leur 20ème anniversaire. Parallèlement, une loi fédérale du 6 octobre 2006 concernant l’adoption et la modification d’actes dans le cadre de la RPT a abrogé, avec effet au 31 décembre 2007, l'art. 19 LAI, en supprimant toute participation de l'assurance-invalidité en matière de formation scolaire spéciale.

Afin d’assurer la transition, l’art. 62 al. 3 Cst. est accompagné d’une disposition transitoire (art. 197 ch. 2 Cst.) qui prévoit que dès l’entrée en vigueur de l’arrêté fédéral sur la RPT, les cantons assument les prestations actuelles de l’assurance-invalidité en matière de formation scolaire spéciale (y compris l’éducation pédago-thérapeutique précoce selon l’art. 19 aLAI) jusqu’à ce qu’ils disposent de leur propre stratégie en faveur de la formation scolaire spéciale, qui doit être approuvée, mais au minimum pendant trois ans. 

Le 10 décembre 2007, le Conseil d'État a adopté un arrêté, entré en vigueur le 1er janvier 2008, relatif à la prolongation des décisions rendues par l'assurance- invalidité dans le domaine de la formation scolaire spéciale. Selon son art. 1, les décisions de l'OAI rendues en application de l'art. 19 al. 2 let. b aLAI sont prolongées jusqu'à la fin de l'année scolaire de 2007-2008. Les remboursements des mesures de nature pédago-thérapeutique (par exemple la logopédie et la psychomotricité) ordonnées par l'OAI ayant pris fin au 31 décembre 2007, sont prolongés par le canton pour une durée de douze mois au plus à compter de la date de la dernière évaluation (rapport médical) ayant conduit à l'octroi des prestations.

A Genève, l’obligation posée à l’art. 197 ch. 2 Cst. de maintenir, à tout le moins pendant trois ans dès l’entrée en vigueur du nouvel art. 62 al. 3 Cst., les prestations en matière de formation scolaire spéciale de l’assurance-invalidité, a été concrétisée tout d'abord par l’adoption du règlement relatif à la reprise des mesures de formation scolaire spéciale de l'assurance-invalidité du 10 décembre 2007 (RFSAI - C 1 12.03), entré en vigueur le 1er janvier 2008. Ce règlement a pour but de garantir aux enfants, aux adolescents et aux jeunes jusqu'à 20 ans, la prise en charge par le canton des prestations de la LAI en matière de formation scolaire spéciale et ce, en application de l'arrêté fédéral concernant la RPT.

La LIJBEP, entrée en vigueur le 1er janvier 2010, a pour but de favoriser l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Elle règle, en conformité avec la législation fédérale et cantonale existante, l'action de l'État en la matière (art. 1 LIJBEP). Selon l'art. 11 LIJBEP, le département veille à l'élaboration d'un concept cantonal pour la pédagogie spécialisée, en application de l'art. 197, ch. 2, des dispositions transitoires de la Constitution fédérale. Ledit concept doit être adopté par le Conseil d'État dans les cinq ans à compter en vigueur de la LIJBEP. Aux termes de l'art. 12, le Conseil d'État édicte les dispositions nécessaires à l'application de la LIJBEP. En application de l'art. 197, ch. 2 Cst., le canton assume les prestations actuelles de l'assurance-invalidité en matière de formation scolaire spéciale (y compris l'éducation pédago-thérapeutique précoce selon l'art. 19 aLAI) jusqu'à ce qu'il dispose de sa propre stratégie en faveur de la formation scolaire spéciale, mais au minimum pendant trois ans depuis le 1er janvier 2008.

b. De jurisprudence constante, le Tribunal administratif est habilité à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (P. MOOR, Droit administratif, vol. 1, 2e éd., Berne 1994, p. 98 n. 2.2.3 ; R. ZIMMERMANN, L’évolution récente du contrôle préjudiciel de la constitutionnalité des lois en droit genevois, RDAF 1988 p. 1 ss). Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l’art. 49 al.1er Cst. (ATA/532/2007 du 16 octobre 2007 consid. 4a et les arrêts cités). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 127 I 185 consid. 2 p. 187 ; ATA/500/2005 du 19 juillet 2005 consid. 6 ; ATA/572/2003 du 23 juillet 2003 consid. 9 ; A. AUER/ G. MALINVERNI/ M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 1, Berne 2006, p. 794  n. 2280 ss). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonales des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (P. MOOR, Droit administratif, vol. 1, 2e éd., Berne 1994, p. 102 n. 2.2.4.2). Ainsi, à l’instar du Tribunal fédéral, lorsque le Tribunal administratif constate qu’une norme cantonale contrevient au droit constitutionnel, il n’annule pas la disposition litigieuse, mais refuse de l’appliquer dans le cas concret. Seule la décision d’application est invalidée (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_300/2009 du 23 septembre 2009, consid. 3.3 ; ATF 132 I 49 consid. 4 p. 54 ; 131 I 313 consid. 2.2 p. 315 ; 130 I 169 consid. 2.1 p. 171 ; ATA/536/2007 du 16 octobre 2007 consid. 5).

En limitant le cercle des ayants droit par rapport à la situation prévalant sous le régime de la LAI, l’art. 2 al. 2 RFSAI a supprimé de facto des prestations à l’égard d’un certain nombre d’enfants qui avaient été mis au bénéfice de mesures de formation scolaire de l’assurance-invalidité. Or, durant la phase transitoire régie par l’art. 197 ch. 2 Cst., soit à tout le moins jusqu’au 31 décembre 2010, les cantons avaient été enjoints à maintenir les prestations en vigueur, dans l’attente qu’ils adoptent une législation définitive en la matière, sujette à approbation par la Confédération. Ils n’étaient donc pas fondés à redéfinir le cercle des bénéficiaires des prestations. L’art. 2 al. 2 RFSAI, contrevenant non seulement à la LIJBEP, mais également à l'art. 197 ch. 2 Cst., déroge donc au principe de la primauté du droit fédéral.

Compte tenu de ce qui précède, il apparaît que c’est à tort que l’intimé a supprimé à compter du 23 mai 2008, les prestations de formation scolaire spéciale auxquelles le recourant avait droit sous le régime de l’assurance-invalidité en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007. R______ peut bénéficier des dites prestations jusqu'au 31 décembre 2010. Il a ainsi droit au remboursement des frais engagés et supportés par lui-même pour son traitement de logopédie prodigué par Mme G______ du 23 mai 2008 au 31 décembre 2010 à raison d'une à trois séances par semaine, conformément à la convention conclue entre la conférence des associations professionnelles suisses des logopédistes et l'assurance-invalidité et celle conclue entre le DIP et l'association romande des logopédistes diplômés.

d. A partir du 1er janvier 2011, les dispositions transitoires de la Constitution fédérale ne s'appliquent plus et il convient dès lors de se référer aux dispositions cantonales en matière de formation scolaire spéciale.

Selon l'art. 12 al. 1 LAI dans sa teneur actuelle, l'assuré a droit, jusqu'à l'âge de 20 ans, aux mesures médicales qui n'ont pas pour objet le traitement de l'affection comme telle, mais sont directement nécessaires à sa réadaptation professionnelle ou à sa réadaptation en vue de l'accomplissement de ses travaux habituels, et sont de nature à améliorer de façon durable et importante sa capacité de gain ou l'accomplissement de ses travaux habituels, ou à les préserver d'une diminution notable. L'art. 14 al. 1 let. a LAI précise que les mesures médicales comprennent le traitement entrepris dans un établissement hospitalier ou à domicile par le médecin ou, sur ses prescriptions, par le personnel paramédical, à l'exception de la logopédie et de la thérapie psychomotrice. Quant à l'art. 19 LAI, il a été abrogé avec effet au 1er janvier 2008.

L'art. 2 al. 1 LIJBEP stipule qu'est considéré comme enfant et jeune à besoins éducatifs particuliers celui qui présente une altération des fonctions mentales, sensorielles, langagières ou physiques entravant ses capacités d'autonomie et d'adaptation dans un environnement ordinaire (…). Est considéré comme handicapé tout enfant et jeune dans l'incapacité d'assumer par lui-même toute ou partie des nécessités d'une vie individuelle ou sociale normale, du fait d'une déficience congénitale ou non, entraînant des limites de capacité physique, mentale, psychique ou sensorielle (al. 2). Aux termes de l'art. 3 LIJBEP, de la naissance à l'âge de 20 ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée dans les conditions suivantes : a) avant le début de la scolarité : s'il est établi que leur développement est limité ou compromis ou qu'ils ne pourront pas suivre l'enseignement de l'école ordinaire sans soutien spécifique ; b) durant la scolarité obligatoire, voire au-delà : s'il est établi qu'ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point de ne pas ou de ne plus pouvoir suivre l'enseignement de l'école ordinaire sans soutien spécifique ou lorsqu'un autre besoin éducatif particulier a été constaté.

Selon l'art. 7 LIJBEP, les prestations comprennent : a) le conseil, le soutien, l'éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité ; b) des mesures de pédagogie spécialisée dans une école ordinaire ou dans une école spécialisée; c) la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (al. 1). Le catalogue des mesures de pédagogie spécialisées dans une école ordinaire ou dans une école spécialisée est fixé par le règlement (…)(al. 3).

L'art. 21 LIJBEP stipule que l'office de la jeunesse alloue des subventions d'exploitation aux écoles spéciales dûment reconnues (…). Ces subventions sont déterminées de manière à couvrir au minimum le montant des prestations prises en charge jusqu'ici en vertu de la législation sur la LAI. En vertu de l'art. 22 LIJBEP, les tarifs applicables aux prestations allouées aux mesures pédago-thérapeutiques ambulatoires sont fixés dans le cadre des conventions tarifaires négociées entre les associations professionnelles concernées et le DIP, soit pour lui l'office de la jeunesse.

Aux termes de l'art. 7 RFSAI, le SFSS prend à sa charge les frais d'exécution des mesures de nature pédago-thérapeutique qui sont nécessaires pour compléter l'enseignement spécialisé. Ces mesures comprennent : a) la logopédie pour les mineurs atteints de graves difficultés d'élocution ; b) l'entraînement auditif et l'enseignement de la lecture labiale pour les mineurs sourds et les mineurs malentendants avec une perte d'ouïe moyenne de la meilleure oreille d'au moins 30 dB dans l'audiogramme tonal ou une perte d'ouïe équivalente dans l'audiogramme vocal ; c) les mesures nécessaires à l'acquisition et à la structuration du langage pour les mineurs handicapés mentaux dont le quotient d'intelligence ne dépasse pas 75 (…).

Au vu de ce qui précède, il ne ressort ni de la LIJBEP ni du RFSAI qu'un mineur, scolarisé dans une école spéciale, ne pourrait bénéficier de surcroît de mesures ambulatoires de nature pédago-thérapeutique afin de compléter l'enseignement spécialisé prodigué dans l'école spécialisée. L'art. 7 RFSAI stipule au contraire que le SFSS prend à sa charge les frais d'exécution des mesures de nature pédago-thérapeutique qui sont nécessaires pour compléter l'enseignement spécialisé. Aucune disposition n'indique que lesdites mesures doivent être prodiguées au sein de l'école spécialisée uniquement, à l'exclusion d'un traitement ambulatoire, de nature pédago-thérapeutique, telle la logopédie, prodigué par des thérapeutes privés.

Ainsi, R______ a droit à pouvoir bénéficier d'une à trois séances de logopédie dispensées par le thérapeute privé de son choix, selon le besoin établi médicalement - et déjà reconnu par l'assurance-invalidité -, jusqu'à l'âge de ses 20 ans révolus. Les coûts de ce traitement, calculés sur la base des conventions tarifaires susmentionnées, seront à la charge du SFSS.

3. Le recours sera admis et la décision du DIP du 18 juin 2008 annulée. L'intimé sera condamné à rembourser au recourant les frais des séances de logopédie prodiguées par Mme G______ du 23 mai 2008 au 31 décembre 2010, selon les conventions tarifaires en vigueur. Dès le 1er janvier 2011, il devra prendre à sa charge les frais du traitement de logopédie ambulatoire de R______ L______ auprès d'un thérapeute privé de son choix, à raison d'une à trois séances par semaine, selon le besoin médicalement établi et les conventions tarifaires en vigueur.

4. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du département de l'instruction publique, de la culture et du sport, en application l’art. 87 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA ; RS E 5 10). Une indemnité de procédure de CHF 2'000.- sera allouée à R______ L______, soit pour lui à sa représentante légale, à la charge de l'Etat de Genève (art. 87 LPA). Aucune indemnité ne sera octroyée à Mme G______ qui agit en personne.

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 juin 2010 par R______ et Madame G______ contre la décision du département de l'instruction publique du 18 juin 2008 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision du département de l'instruction publique du 18 juin 2008 ;

dit que R______ a droit au remboursement, par le département de l'instruction publique de la culture et du sport, soit pour lui, le secrétariat à la formation scolaire spéciale, des frais des séances de logopédie prodiguées par Madame G______ du 23 mai 2008 au 31 décembre 2010, selon les conventions tarifaires en vigueur ;

dit que le secrétariat à la formation scolaire spéciale devra, dès le 1er janvier 2011, prendre à sa charge les frais du traitement de logopédie ambulatoire de R______ auprès d'un thérapeute privé de son choix à raison d'une à trois séances par semaine, selon le besoin médicalement établi et les conventions tarifaires en vigueur ;

met à la charge du département de l'instruction publique, de la culture et du sport un émolument de CHF 1'000.-;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'000.- à R______, soit pour lui à sa représentante légale, à la charge de l'Etat de Genève ;

dit qu'il n'est pas alloué d'autre indemnité;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Procap, soit pour lui à Madame Caroline Ledermann, titulaire du brevet d'avocat, représentante du recourant, à Madame G______ ainsi qu'au secrétariat à la formation scolaire spéciale et au département de l'instruction publique, de la culture et du sport.

Siégeants : M. Thélin, président, Mmes Bovy et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

F. Glauser

 

le vice-président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :