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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1207/2022

ATA/798/2022 du 09.08.2022 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1207/2022-EXPLOI ATA/798/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

1ère section

 

dans la cause

 

A______

contre

DÉPARTEMENT DE L'ÉCONOMIE ET DE L'EMPLOI
représenté par Me Chris Monney, avocat



EN FAIT

1) A______ est une société à responsabilité limitée inscrite auprès du registre du commerce genevois (ci-après : RC) le 30 août 2018. Elle est active dans le domaine de la restauration et de l'hôtellerie.

Monsieur B______ en est l'associé gérant président.

2) Le 30 octobre 2021, A______ a déposé une demande d'aide pour « cas de rigueur », laquelle a été enregistrée sous la référence 1______.

Son chiffre d'affaires s'était élevé à CHF 172'906.- pour l'exercice 2019 et à CHF 129'220.- en 2020. Sur la période des douze derniers mois précédant la demande, ses coûts définitifs globaux en 2020 s'étaient élevés à CHF 141'881.-. Pendant la période de fermeture en 2021, son chiffre d'affaires s'était élevé à CHF 41'951.-.

3) Par décision du 12 novembre 2021, faisant suite à ladite demande, le département de l'économie de l'emploi, (ci-après : le département) a constaté que A______ satisfaisait aux conditions requises pour bénéficier d'une indemnisation fondée sur la « loi 12'938 », respectivement son règlement d'application. Considérant des coûts fixes de CHF 65'118.60 pour l'année 2020 et le chiffre d'affaires de CHF 41'951.- réalisé pendant la période de fermeture du 1er janvier 2021 au 30 mai 2021, l'aide financière octroyée pour ladite période s'élevait à CHF 9'878. 80.

Il était précisé que dans l'hypothèse où A______ aurait déjà bénéficié d'une aide financière « cas de rigueur » pour la même période en réponse à une précédente demande, le montant précité était à considérer comme complément à l'aide déjà versée. Par ailleurs, avec ce versement de CHF 9'878.80, elle atteignait l'un des plafonds de l'aide et de ce fait ne pouvait prétendre à une aide complémentaire au sens de la « loi 12'938 ».

4) Le 30 octobre 2021, A______ a également déposé une « Déclaration complémentaire 2021 pour cas de rigueur », enregistrée sous la référence 2______. Elle y a indiqué que le montant définitif de son chiffre d'affaires réalisé du 1er janvier au 30 juin 2021 s'élevait à CHF 77'028.- et les coûts totaux globaux, pour cette même période, à CHF 122'805.-.

5) Par décision du 9 décembre 2021, le département a constaté que A______, après nouvelle vérification, ne remplissait pas les conditions de la « loi 12'938 » pour la période du premier semestre 2021. Aucune communication ne lui avait été adressée pour l'informer d'une éligibilité à une demande d'aide « cas de rigueur » complémentaire.

En effet, conformément aux plafonds fixés par la Confédération, le montant cumulé des aides financières octroyées pour l'année 2020 et pour le premier semestre 2021 ne pouvait dépasser la somme de CHF 1'000'000.-, 20 % du chiffre d'affaires moyen des exercices 2018 et 2019 et le montant des coûts fixes de la période allant du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021. Toutefois, si le chiffre d'affaires de l'entreprise avait reculé de plus de 70 %, les deux premiers plafonds étaient portés respectivement à CHF 1'500'000.- et 30 % du chiffre d'affaires.

6) A______ a formé réclamation le 20 décembre 2021 contre cette seconde décision.

Son activité avait commencé le 5 mars 2019, selon l'autorisation d'exploiter annexée, et produit un chiffre d'affaires de CHF 171'868.80 en 2019, soit une moyenne pour une année complète de CHF 206'242.55. Son chiffre d'affaires de 2020 ne s'était élevé qu'à CHF 129'220.-, soit une baisse d'environ 37 %. Elle avait besoin de ce soutien plus qu'indispensable.

7) Par décision sur réclamation du 14 mars 2022, le département a confirmé sa décision du 9 décembre 2021.

Concernant le début de l'activité de A______, sur la base des dispositions applicables qu'il rappelait, la date pertinente était celle de son inscription au RC, soit le 15 août 2018, et non pas l'autorisation d'exploiter délivrée le 5 mars 2019, soit avant le 1er mars 2020. Ainsi, les dispositions légales et réglementaires citées lui imposaient de tenir compte de tous les mois courus par la société à compter de la date de son inscription au RC.

Considérant des chiffres d'affaires pour 2018, 2019 et 2020 de respectivement CHF 0.-, CHF 191'923.- et CHF 130'350.-, portant une période de vingt-neuf mois d'activité à compter du 15 août 2018, le chiffre d'affaires moyen de référence correspondait à CHF 133'354.30. Ainsi, l'entreprise n'atteignait pas les 25 % de recul de chiffre d'affaires entre 2020 et la moyenne pluriannuelle 2018 – 2019, selon le calcul détaillé et, de ce fait, ne pouvait pas bénéficier d'une aide pour le premier semestre 2021.

8) A______ a formé recours contre cette décision par acte expédié le 13 avril 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

Le refus du département se basait principalement sur la détermination du chiffre d'affaires moyen calculé dès le jour où son inscription au RC était effective. Cela dit, selon l'art. 3 al. 2 let. a de l'ordonnance COVID cas de rigueur, le chiffre d'affaires moyen réalisé entre la création de l'entreprise et le 29 avril 2021, calculé sur douze mois, était pris en compte. Or, elle n'avait obtenu l'autorisation d'avoir une activité commerciale et donc réalisé un chiffre d'affaires que dès le mois de mars 2019, de sorte que la base de calcul devait être prise en compte dès cette date. Il était donc demandé à la chambre administrative de reprendre ce calcul pour la détermination du chiffre d'affaires moyen, soit entre mars 2019 et février 2020.

9) Le département a conclu, le 20 juin 2022, au rejet du recours.

Le chiffre d'affaires de référence le plus favorable à A______ avait été retenu sur la base de l'art. 3 al. 2 let. a de l'ordonnance COVID 19 cas de rigueur du 25 novembre 2020, à savoir le chiffre d'affaires moyen réalisé entre la création de l'entreprise, à savoir la date d'inscription au RC, seule date pertinente selon la jurisprudence de la chambre administrative, et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois. Il était relevé que le début de l'activité n'était déterminé sur la base de l'autorisation d'exploiter que pour les entreprises créées depuis mars 2020 ou avant mars 2020 mais dont les activités commerciales n'avaient débuté qu'après le 1er mars 2020. Or, A______ indiquait avoir réalisé un chiffre d'affaires en 2019 de CHF 171'868.80, représentant un chiffre d'affaires moyen de CHF 206'242.55 pour une année complète. Les prescriptions légales et réglementaires lui imposaient par ailleurs de tenir compte de tous les mois courus pour A______ à compter de sa date d'inscription au RC.

Or, sur la base des documents qui lui avaient été remis, le recul du chiffre d'affaires n'était que de 2.25 %, de sorte que les conditions nécessaires pour pouvoir bénéficier d'une aide financière « cas de rigueur » pour perte économique n'étaient manifestement pas remplies.

10) A______ n'a pas fait usage de son droit à la réplique.

11) Les parties ont été informées, le 27 juillet 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient sous peine d'irrecevabilité la désignation de la décision attaquée et des conclusions du recourant. L'acte de recours contient également l'exposé des motifs et l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes.

 

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/64/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2). L'exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que la personne recourante désire (ATA/604/2021 du 8 juin 2021 consid. 2a et les références citées).

c. En l'espèce, la recourante n'a, dans son acte de recours, pas pris de conclusions formelles. Elle n'a en particulier pas conclu expressément à l'annulation de la décision attaquée. Il ressort toutefois de son recours qu'elle s'oppose au refus d'octroi d'une aide financière extraordinaire pour « cas de rigueur ». Son recours est donc recevable sous cet angle également.

3) Le litige a pour objet le bien-fondé de la décision du département du 14 mars 2022 refusant à la société recourante une aide financière extraordinaire dans le contexte de la crise du Covid-19.

4) a. Le 25 septembre 2020, l’Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de Covid-19 (loi Covid-19 - RS 818.102).

À son art. 12, celle-ci prévoit des mesures destinées aux entreprises. Dans sa teneur antérieure au 19 décembre 2020, la disposition prévoit que dans des cas de rigueur, la Confédération peut, à la demande d’un ou de plusieurs cantons, soutenir financièrement les entreprises particulièrement touchées par les conséquences de l’épidémie de Covid-19 en raison de la nature même de leur activité économique, en particulier les entreprises actives dans la chaîne de création de valeur du secteur événementiel, les forains, les prestataires du secteur des voyages ainsi que les entreprises touristiques pour autant que les cantons participent pour moitié au financement. Un cas de rigueur existe si le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 60 % de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération (al. 1). Le soutien n’est accordé que si les entreprises étaient rentables ou viables avant le début de la crise du Covid-19 et à condition qu’elles n’aient pas déjà bénéficié d’autres aides financières de la Confédération. Ces aides financières n’incluent pas les indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, les allocations pour perte de gains et les crédits selon l’ordonnance sur les cautionnements solidaires liés au Covid-19 du 25 mars 2020 (al. 2). Pour les cas de rigueur, elle peut octroyer des contributions à fonds perdu aux entreprises concernées (al. 3). Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance (al. 4). Dès le 19 décembre 2020, la comparaison avec le CA pluriannuel pour la détermination du cas de rigueur a été reprise dans un nouvel al. 1bis de l’art. 12 de la Loi Covid-19. La condition de la rentabilité et de la viabilité de l’entreprise bénéficiaire avant l’apparition du Covid-19 a, quant à elle, été reprise dans un nouvel al. 2bis.

Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l’ordonnance concernant les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises en lien avec l’épidémie de Covid-19 (Ordonnance Covid-19 cas de rigueur ; ci-après : l’ordonnance Covid-19 ; RS 951.262).

Selon l’ordonnance Covid-19, dans sa version applicable, en l’occurrence, jusqu’au 31 mars 2021, la Confédération participe aux coûts et aux pertes que les mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises occasionnent à un canton (art. 1 al. 1).

L’entreprise a la forme juridique d’une entreprise individuelle, d’une société de personnes ou d’une personne morale ayant son siège en Suisse (art. 2 al. 1) et elle a un numéro d’identification des entreprises (ci-après : IDE ; art. 2 al. 2).

Au nombre des exigences pour bénéficier du soutien financier, l’entreprise doit établir notamment qu’elle s’est inscrite au RC avant le 1er mars 2020, ou, à défaut d’inscription au RC, a été créée avant le 1er mars 2020 (art. 3 al. 1 let. a), et a réalisé en 2018 et en 2019 un CA moyen d’au moins CHF 50'000.- (art. 3 al. 1 let. b). Si elle a commencé son activité commerciale le 1er janvier 2020 ou plus tard, ou si elle a été créée en 2018 ou en 2019 et présente ainsi un exercice d’une durée supérieure à une année civile, le CA moyen est celui qui a été réalisé entre le 1er janvier 2018 et le 29 février 2020, calculé sur douze mois (art. 3 al. 2).

L’entreprise doit également établir que son CA 2020 est inférieur à 60 % du CA moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie (art. 5 al. 1).

En cas de recul du CA enregistré entre janvier 2021 et juin 2021 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’entreprise peut calculer le recul de son CA sur la base du CA des douze derniers mois au lieu du CA de l’exercice 2020 (art. 5 al. 1bis).

Pour les entreprises créées après le 31 décembre 2017, le CA calculé selon l’art. 3 al. 2 est réputé CA moyen des exercices 2018 et 2019 (art. 5 al. 2).

L’entreprise doit confirmer que le recul du CA entraîne à la fin de l’année une part des coûts fixes non couverts menaçant sa viabilité (art. 5a). Selon la teneur en vigueur dès le 14 janvier 2021, l’entreprise doit confirmer au canton uniquement que le recul du CA entraîne d’importants coûts fixes non couverts.

 

Les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou les cantons pour endiguer l’épidémie de Covid-19, doivent cesser leur activité pour au moins 40 jours entre le 1er novembre 2020 et le 30 juin 2021 ne sont pas tenues de remplir les conditions d’octroi d’un soutien financier visées aux art. 4 al. 1 let. b, 5 al. 1 et 1bis et 5a (art. 5b).

Dès le 1er avril 2021, l’art. 3 a été refondu. Selon l’al. 1 let. a, l’entreprise doit s’être inscrite au RC avant le 1er octobre 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, avoir été créée avant le 1er octobre 2020. Selon l’al. 2, par CA annuel moyen des exercices 2018 et 2019, on entend, (a) pour une entreprise qui a été créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020, (1) le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur douze mois, ou (2) le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois, et (b) pour une entreprise qui a été créée entre le 1er mars 2020 et le 30 septembre 2020, le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois.

b. Le 29 janvier 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : aLAFE-2021).

La loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève conformément à la loi et à l’ordonnance Covid-19 (art. 1 al. 1), en atténuant les pertes subies par les entreprises dont les activités avaient été interdites ou réduites en raison même de leur nature entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 (art. 1 al. 2), et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises ne remplissant pas les critères de l’ordonnance Covid-19 en raison d’une perte de chiffre d’affaires insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes dans les limites prévues à l’art. 12 (art. 1 al. 3).

Les aides financières consistent en une participation de l’État aux coûts fixes non couverts de certaines entreprises (art. 2 al. 1). Une éventuelle subvention monétaire générale d’une collectivité publique est déduite (art. 2 al. 2), mais non les RHT ou les allocations pour perte de gain (APG) ou encore les crédits prévus par la loi fédérale (art. 2 al. 3). Les aides financières octroyées en application des lois 12'783, 12'812, 12'824, 12'825, 12'826 et 12'833 demeurent acquises s’agissant du calcul des montants alloués pour l’année 2020 (art. 2 al. 4). Les versements déjà effectués en application des lois 12'802, 12'803, 12'807, 12'808, 12'809, 12'810 et 12'813 pour la période du 26 septembre 2020 au 31 décembre 2021 sont déduits de l'aide apportée dans le cadre de la loi (art. 2 al. 5). Les contributions exceptionnelles sous forme de prêt versées par la Fondation d'aide aux entreprises ne sont pas déduites (art. 3 al. 6). L'aide financière n'est accordée que si les entreprises satisfont les critères d'éligibilité définis par la loi (art. 2 al. 7).

Peuvent prétendre à une aide les entreprises qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon les modalités précisées dans le règlement d'application (art. 3 al. 1 let. a), ou dont le chiffre d'affaires a subi une baisse substantielle selon les dispositions de l’ordonnance Covid-19 (art. 3 al. 1 let. b) ou dont la baisse de chiffre d'affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (art. 3 al. 1 let. c). L'aide financière n'est pas octroyée aux entreprises qui ont bénéficié d'un ou de plusieurs soutiens financiers dans le cadre des mesures prises par les autorités fédérales et cantonales pour lutter contre les effets de la pandémie dans les domaines de la culture, du sport, des transports publics ou des médias (al. 2). L'aide financière demandée en raison de l'al. 1 let. b est réduite de l'aide financière éventuelle apportée durant la même période suite à une demande fondée sur l'al. 1 let. a (al. 3).

L'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes de l'entreprise (art. 5 al. 1). Sont considérés comme coûts fixes les charges fixes incompressibles liées à l'activité, indispensables au maintien de cette dernière, notamment le loyer, les fluides, les assurances et les contrats de location liés à l'activité commerciale (art. 5 al. 2). La liste est établie par le règlement (art. 5 al. 3).

L’indemnité est versée aux entreprises dont l’activité est interdite par décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 7 et 8), dont le CA est inférieur à 60 % du CA antérieur (art. 9 à 11), des aides pouvant être octroyées aux entreprises dont la baisse du CA se situe entre 25 % et 40 % du CA moyen antérieur (art. 12).

L’indemnité n’est accordée que durant la période pendant laquelle l'activité est totalement ou partiellement interdite suite à une décision des autorités fédérales ou cantonales (art. 8 al. 1). Son montant déterminé par voie réglementaire, calculé au prorata du nombre de jours pendant lesquels l'activité est totalement ou partiellement interdite (art. 8 al. 2), est en principe au plus de CHF 750'000.- et 20 % du CA (art. 8 al. 3, 11 al. 2 et 12 al. 2).

c. Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de l’aLAFE-2021 (ci-après : aRAFE-2021).

Sont bénéficiaires de l’aide les entreprises qui répondent aux exigences de l’ordonnance Covid-19 définies dans ses sections 1 et 2 (art. 3 al. 1). Les entreprises qui ne répondent pas aux exigences relatives au recul du chiffre d’affaires définies à l’art. 5 de cette ordonnance, et dont la baisse de CA enregistrée se situe entre 25 % et 40 %, peuvent bénéficier de l’indemnisation cantonale, conformément à l’art. 14 de la loi, pour autant qu’elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l’ordonnance (art. 3 al. 2).

 

Selon l’art. 5 al. 1, les coûts fixes comprennent le loyer et les charges locatives (let. a), les fluides (let. b), les abonnements et engagements fixes (let. c), les assurances liées à l’activité commerciale (let. d), les frais administratifs (let. e), les frais de véhicules (let. f), les charges d’amortissement (let. g), les charges financières (let. h), les charges de leasing (let. i) et les charges sociales patronales sur une base forfaitaire (let. j).

d. Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l’État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l’épidémie de coronavirus pour l’année 2021 (ci-après : LAFE-2021), qui a abrogé l’aLAFE-2021 (art. 23), tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel.

Selon l’art. 9 al. 1, l’État de Genève peut octroyer sans participation financière de la Confédération des aides en faveur des entreprises : (a) dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25 % et 40 % du CA moyen des exercices 2018 et 2019, ou (b) créées depuis mars 2020 ou créées avant mars 2020 mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020 ; dans ce cas, l’indemnisation est calculée sur la base du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise pendant les mois durant lesquels elle a pu mener son activité commerciale.

L’indemnisation cantonale comble la différence entre l’éventuelle indemnisation calculée selon les critères de l’ordonnance Covid-19 et l’indemnité calculée selon les critères de l’al. 1 (art. 9 al. 2). Les critères permettant de déterminer le début de l’activité commerciale sont déterminés par voie réglementaire (art. 9 al. 3).

L’indemnité maximale par entreprise et pour la période du 1er janvier 2020 au 30 juin 2021 est déterminée par voie réglementaire, mais elle ne dépasse pas la somme totale de CHF 1'000'000.- et 20 % du chiffre d’affaires comme prévu à l’article 8a de l’ordonnance Covid-19 (art. 10 al. 1).

e. Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d'application de la loi 12'938 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus, pour l'année 2021 (ci-après : RAFE-2021).

Selon l’art. 3 al. 3, sont également bénéficiaires de l’aide considérée, pour autant qu'elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l'ordonnance Covid-19, les entreprises : (a) qui ne répondent pas aux exigences des art. 3 al. 1, let. b et 5 de l’ordonnance Covid-19 en vertu des modalités de détermination du chiffre d’affaires annuel moyen visées par l’art. 3 de ladite ordonnance, mais y répondent en vertu des modalités de l’art. 9, al. 1, let. b, de la loi, et (b) qui ont été créées depuis mars 2020, ou avant mars 2020, mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020.

f. La chambre administrative a, notamment dans un arrêt ATA/79/2022 du 25 janvier 2022, confirmé que l’art. 3 al. 2 du règlement d’application de la loi 12'938 du 5 mai 2021, qui renvoie expressément aux sections 1 et 2 de l’ordonnance Covid-19, entend par la « création d'entreprise » sa date d'inscription au RC.

g. Un canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43 consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2).

5) En l’espèce, la recourante soutient qu'il y aurait lieu de tenir compte, au titre de « création de l'entreprise » au sens de l'art. 3 al. 2 de l'ordonnance Covid-19, du moment où elle a pu commencer son exploitation, selon l'autorisation ad hoc qui lui a été délivrée le 5 mars 2019 par le service de la police du commerce et de lutte contre le travail au noir (PCTN), et non de la date de son inscription au RC au mois d'août 2018.

Toutefois, la chambre de céans a déjà retenu, notamment dans l'ATA/79/2022 précité que seule la date d'inscription au RC faisait foi, ce qui au demeurant est conforme au texte clair de l'art. 3 al.1 de l'ordonnance Covid-19 cas de rigueur.

Il doit donc être retenu que la recourante a été créée en 2018 et a commencé son activité commerciale au début du mois de mars 2019, de sorte qu’elle ne remplit pas les conditions de l’exception de l’art. 9 al. 1 let. b de la LAFE-2021, respectivement 3 al. 3 let. b RAFE-2021 permettant de fixer au moment de la délivrance de l'autorisation d'exploiter la « création de l'entreprise » au sens de l'art. 3 al. 2 de l'ordonnance Covid-19.

Le texte de l’ordonnance Covid-19 est pour le reste clair. Pour une entreprise créée comme en l'espèce entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020, soit avant la mise en œuvre des mesures de restriction, le CA moyen qui sert de référence est celui qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur 12 mois ; ou le CA moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur 12 mois. Le CA pris en considération est celui qui permet à l’entreprise de recevoir l’aide la plus importante (art. 3 al. 2 let. a de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur). Cette règle garantit que les entreprises qui ont été créées en 2018 ou 2019, mais qui n’ont réalisé des CA plus élevés qu’à partir de 2020, ne soient pas défavorisées par rapport à celles qui ont été créées après le 29 février 2020 et qui ont réalisé des CA en été 2020 (commentaire de l’administration fédérale des finances de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur du 18 juin 2021 p. 6 ; accessible à l’adresse https://www.newsd.admin.ch/ newsd/message/ attachments/67163.pdf).

La recourante ne remet pour le surplus pas en question les calculs établis par l'autorité intimée dans sa décision sur réclamation du 14 mars 2022.

C’est ainsi à bon droit que le département a conclu que la recourante ne remplissait pas la condition de l’art. 3 de l’ordonnance Covid-19.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 avril 2022 par A______ contre la décision du département de l’économie et de l’emploi du 14 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à Me Chris Monney, avocat du département de l'économie et de l'emploi.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :