Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/18/2009

ATA/686/2009 du 22.12.2009 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/18/2009-FPUBL ATA/686/2009

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 décembre 2009

 

dans la cause

 

 

 

Madame X______
représentée par le Syndicat SSP - VPOD, mandataire

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

CLINIQUE DE JOLI-MONT



EN FAIT

1. Du 19 juin au 31 août 2003, Madame X______ a été engagée par la clinique de Joli-Mont, établissement de droit public, comme aide soignante auxiliaire, en classe 6.

2. Elle a été réengagée par ce même établissement le 1er février 2004 en qualité d'aide-hospitalière auxiliaire en classe 5 avec 10 annuités. Ce contrat a été prolongé à plusieurs reprises, jusqu'au 31 décembre 2004.

3. Dès le 1er janvier 2005, Mme X______ est devenue employée fixe, avec un taux d'activité de 95 % qui sera réduit dès le 1er novembre 2005 à 75 %. Sa classe de traitement est restée identique.

4. Par courrier du 16 juin 2008, le Syndicat des services publics de Genève (ci-après : SSP) a écrit à la clinique de Joli-Mont au nom de Mme X______ en réclamant une autre classe de traitement : dès le 1er février 2004, le salaire de l'intéressée dans cette clinique aurait dû être celui de la classe 6 annuité 10. Elle avait en effet travaillé précédemment à l'EMS "Les Bruyères" et à celui "des Charmettes". Dans ce dernier établissement, elle bénéficiait déjà de la classe 6 position 10. En 2008, elle devait donc se trouver en classe 7, position 5.

Les montants rétroactifs devaient lui être versés.

De plus, Mme X______ avait également droit à deux jours de congé spéciaux, ayant dû s'absenter deux jours en avril (sans indication de l’année) alors que ces heures avaient été déduites du solde des heures mensuelles.

Enfin, elle réclamait le versement de la prime dite de gériatrie, pour les 30 novembre 2007, 17 janvier, 22 et 23 février 2008.

5. Le 23 juin 2008, la clinique de Joli-Mont a refusé toutes ces demandes. Il s'en est suivi plusieurs correspondances et entretiens.

6. Le 8 décembre 2008, la direction de la clinique a maintenu sa position, à savoir le maintien de la fonction de Mme X______ en classe 5. En revanche, l'employeur était prêt à prendre en charge les coûts inhérents à la formation d'aide-soignante proposée à l'intéressée.

Ce courrier ne comportait aucune voie de droit.

7. Par acte daté du 31 décembre 2008 mais posté le 3 janvier 2009, Mme X______, représentée par le SSP, a adressé au Tribunal administratif une "demande en justice" pour réclamer le bénéfice de la classe 7 position 5, le paiement des montants rétroactifs dus "selon le maintien de sa classe de fonction à l'engagement (classe 6 annuité 10) et la progression normale selon les mécanismes salariaux en vigueur au moment des faits".

Ces sommes n'étaient pas chiffrées.

8. Le 18 février 2009, la clinique de Joli-Mont s'est opposée à ladite demande, ne pouvant, pour des raisons de formation, classer Mme X______ dans une fonction pour laquelle elle ne possédait pas le diplôme requis. La formation proposée à l'intéressée comportait 72 jours de cours pratiques et théoriques répartis sur douze mois, alors que la demanderesse avait suivi en 1992 un cours d'une durée de 135 heures seulement.

9. Le 19 février 2009, le juge délégué a interpellé la demanderesse aux fins de savoir si elle était disposée à suivre la formation proposée par son employeur.

10. Le 9 mars 2009, le mandataire de l'intéressée a répondu que cette dernière n'avait aucune opposition à suivre cette formation "étant entendu que cette formation ne fait en rien réponse aux requêtes de Mme X______, laquelle maintient l'entier de sa demande".

11. Les parties ont été entendues lors d'une audience de comparution personnelle le 27 mars 2009.

a. Mme X______ a confirmé que son acte valait recours et action pécuniaire, s'agissant de la classification de sa fonction.

b. Le représentant de la clinique a exposé que le personnel de celle-ci était depuis les années 1990 soumis au statut du personnel des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG) et des cliniques de Joli-Mont et Montana (…..), qui prévoyait les mêmes mécanismes salariaux que la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05).

Le travail de la demanderesse était tout à fait satisfaisant, raison pour laquelle la clinique était prête à financer la formation précitée qui coûtait quelque CHF 20'000.- sans compter les frais engendrés par son remplacement pendant 72 jours.

12. A la requête du juge délégué, la défenderesse a produit le 6 avril 2009 un certain nombre de pièces, dont le cahier des charges de l'intéressée.

13. Un délai au 22 mai 2009 a été fixé aux parties pour leurs éventuelles observations complémentaires, qu'elles ont fait parvenir au tribunal de céans respectivement les 11 et 18 mai 2009.

a. La demanderesse avait travaillé comme aide soignante certifiée du 1er juillet 1992 au 31 juillet 2001 selon le certificat de travail délivré à cette dernière date par l'EMS "Les Bruyères". Celui-ci appliquait les normes salariales de l'Etat.

D'août 2001 à octobre 2002, elle avait été engagée par la Fédération des soins à domicile (ci-après : FSASD), qui appliquait également les normes salariales de l'Etat. Sa fonction était celle d'aide extra-hospitalière, en classe 7.

La clinique de Joli-Mont avait ensuite engagé la demanderesse en 2003 comme aide-soignante auxiliaire en classe 6 puis "les Charmettes" l'avait employée comme aide-soignante qualifiée en classe 6 position 10 car elle était à nouveau en période probatoire, la classe de fonction étant toutefois la classe 7.

La demanderesse avait suivi l'unique "formation qualifiante" en emploi qui existait alors. Consciente que le niveau d'exigence avait augmenté entre 1992 et 2009, elle était prête à suivre la formation qui lui était proposée.

b. Selon la clinique de Joli-Mont, la demanderesse avait signé en toute connaissance de cause le contrat d'aide-hospitalière auxiliaire qui lui avait été proposé dès le 1er février 2004 en classe 5 avec 10 annuités.

L'intéressée n'avait pas le diplôme lui permettant d'être aide-soignante qualifiée puisqu'elle n'avait suivi que 135 heures de cours.

La clinique de Joli-Mont avait appliqué les règles de réengagement en vigueur à l'Etat de Genève. Toutes les aides-soignantes non diplômées étaient en classe 5.

14. Le 6 novembre 2009, la clinique de Joli-Mont a produit, à la requête du juge délégué, un exemplaire du statut actualisé dès le 26 mars 2009, au vu des modifications de la LPAC intervenues dès le 31 mai 2007. Cependant, ce statut ne comporte aucune disposition relative à l'action pécuniaire.

15. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. a. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la loi d’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ - E 2 05). Cette novelle, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, répond à l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui garantit l'accès au juge et à l'art. 86 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) qui oblige les cantons à instituer des tribunaux supérieurs statuant en dernière instance comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral.

b. Cette modification législative a notamment entraîné l'abrogation de l'ancien art. 56B al. 4 LOJ. Le Tribunal administratif est désormais compétent, en sa qualité d'autorité supérieure ordinaire de recours en matière administrative, pour connaître également des recours contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l’Etat (art. 56A al. 1 et 2 LOJ). Quant à l'art. 56G LOJ qui réglementait l'ancienne action pécuniaire largement utilisée pour régler le contentieux financier de la fonction publique, sa teneur a été modifiée. Il s'intitule dorénavant action contractuelle et celle-ci est réservée aux prétentions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision et qui découlent d'un contrat de droit public.

c. Le but du législateur est de simplifier le contentieux administratif de la fonction publique. La voie du recours au Tribunal administratif est ouverte en cas de litige entre un agent public et une collectivité publique portant sur des prétentions pécuniaires dans tous les cas où la détermination relative à celles-ci peut sans difficulté faire l'objet d'une décision ordinaire (PL 10253, ad art. 56G LOJ, p. 49). La conséquence de cette modification est importante. Elle implique en effet que l'agent public, avant d'agir en justice, présente sa requête à l'entité publique à laquelle il est rattaché pour qu'elle statue par une décision au sens de l'art. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), la juridiction administrative n'intervenant plus que sur recours contre cette décision. De son côté, l'action contractuelle de l'art. 56G LOJ, n'est plus une voie de droit ouverte pour ce type de contentieux, étant désormais réservée à celui des contrats de droit publics (PL 10253, ad art. 56G LOJ, p. 49).

2. Le nouveau droit s'appliquant à toutes les situations qui interviennent depuis son entrée en vigueur, la recevabilité de la demande formée le 3 janvier 2009 par Mme X______ doit s’apprécier selon les nouvelles règles d’organisation judiciaire.

3. a. Au sens de l’art. 4 al. 1er LPA, sont considérées comme des décisions au sens de l'art. 1 de cette loi, les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). En droit genevois, la notion de décision est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021).

b. La liste des autorités administratives habilitées à prendre de telles décisions est énumérée à l'art. 5 LPA. La clinique de Joli-Mont en fait partie (art. 5 let. e LPA), étant un établissement de droit public, doté de la personnalité juridique (art. 1 let. b et 5 de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 - LEPM - K 205).

4. La demande de Mme X______, non chiffrée, tend cependant à obtenir une classe de fonction supérieure de deux classes à celle qui lui a été octroyée, ainsi que le versement, à titre rétroactif, des montants qui lui seraient dus selon le maintien de sa classe de fonction à l’engagement et compte tenu de la progression normale d’après les mécanismes salariaux en vigueur au moment des faits. De telles prétentions peuvent faire l’objet d’une décision, au sens de l’art. 4 LPA, de la part de la clinique de Joli-Mont, l’engagement de l’intéressée résultant d’un acte fondé sur une décision qui a pour conséquence l’application d’un régime statutaire unilatéral (P. MOOR, Droit administratif, 2ème édition, tome II, n° 3.1.2.3 p. 364 et tome III n° 5.1.2.1 p. 210). Dans ces circonstances, la voie de l’action contractuelle au sens de l’art. 56G LOJ n’est pas ouverte et il appartiendra à la demanderesse de solliciter de la clinique de Joli-Mont qu’elle statue sur sa prétention, raison pour laquelle la cause sera renvoyée à la défenderesse.

5. La demande interjetée le 3 janvier 2009 sera pour ces motifs déclarée irrecevable. En application de l’art. 11 al. 3 LPA, la cause sera transmise à la clinique de Joli-Mont pour qu’elle statue sur les prétentions de Mme X______ (ATA/575/2009 du 10 novembre 2009 ; ATA/553/2009 du 3 novembre 2009).

6. Un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la demanderesse (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable la demande formée le 3 janvier 2009 par Madame X______ contre la clinique de Joli-Mont ;

transmet la cause à la clinique de Joli-Mont au sens des considérants ;

met à la charge de la demanderesse un émolument de CHF 500.- ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt au Syndicat SSP - VPOD, mandataire de Madame X______ ainsi qu'à la clinique de Joli-Mont.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :