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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3422/2007

ATA/593/2011 du 20.09.2011 sur DCCR/129/2011 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : ; ACTIVITÉ LUCRATIVE INDÉPENDANTE ; RÉHABILITATION(SENS GÉNÉRAL) ; REVENU D'UNE ACTIVITÉ LUCRATIVE ; IMMEUBLE ; IMPÔT SUR LE REVENU ET LE BÉNÉFICE
Normes : aLCP.340.al3 ; LIFD.175 ; LIFD.218 ; aLITPP-II.6.al3
Résumé : Une opération de réhabilitation d'immeuble doit être qualifiée d'activité lucrative indépendante. Si le contribuable conserve un appartement pour lui-même, le bénéfice dégagé par la différence entre la valeur vénale de la part de PPE et la valeur de revient de l'appartement doit être taxé au titre de l'activité lucrative indépendante.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3422/2007-ICCIFD ATA/593/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2011

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Ernst et Young S.A., mandataire

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 janvier 2011 (DCCR/129/2011)


EN FAIT

1. Madame et Monsieur A______ sont contribuables à Genève. Ils sont respectivement psychologue et professeur, tous deux employés par l’Etat de Genève.

2. En 1998, ils ont acquis un immeuble qui avait abrité les anciens laboratoires de Cinégram, sis X______, sur la commune de Genève. Ils en ont effectué la rénovation et la transformation, l’ont soumis au régime de la copropriété par étages (ci-après : PPE) et, en 2000, ils ont revendu à des tiers les parts de PPE relatives à quinze des dix-huit appartements composant le bâtiment, conservant les trois derniers appartements pour eux-mêmes et leurs enfants.

3. Le 29 novembre 2001, les contribuables ont adressé leur déclaration fiscale 2001-A définitive à l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE). A titre de revenus, ils ont déclaré leurs salaires respectifs et des rendements de la fortune mobilière et immobilière pour un total de CHF 244’792.-. Leur fortune nette mobilière et immobilière s’élevait à CHF 16’327’921.-. Ils ont déclaré occuper l’immeuble de la rue X______ à titre de propriétaire depuis le 1er août 2000. La valeur de ce dernier, après abattement de 4 %, était de CHF 2’019’936.-. Ils n’ont déclaré aucun revenu de l’activité indépendante.

En outre, dans le questionnaire relatif aux revenus et charges extraordinaires perçus en 1999 et 2000 qu’ils étaient invités à compléter à la suite de l’introduction du système d’imposition post numerando, ils ont répondu négativement à la question de savoir s’ils avaient réalisé ou participé à une promotion immobilière en 1999 et/ou 2000.

4. Le 19 décembre 2001, l’AFC leur a adressé un bordereau relatif à l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2001 et à l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2001, relatif aux revenus extraordinaires réalisés en 2000. Aucune imposition supplémentaire n’était due consécutivement à l’introduction du nouveau système d’imposition.

5. Le 7 janvier 2002, Mme et M. A______ ont fait parvenir au service de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers de l’AFC-GE (ci-après : IBFG) une déclaration pour l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers relatifs à l’aliénation des parts de copropriété de l’immeuble sis X______. Ils déclaraient avoir réalisé un « gain net » total de CHF 686’793.- sur l’aliénation des 981,1 millièmes de parts relatifs aux locaux pris en considération. Selon un tableau récapitulatif qu’ils ont transmis avec leur déclaration à l’attention du service de l’IBGI, le bénéfice précité représentait la différence entre le « prix de vente » des parts de copropriété liées aux quinze appartements cédées à des tiers (CHF 8’899’000.-) et leur « coût » de revient (CHF 8’212’407.-). Dans ledit tableau, figuraient également les parts relatives aux trois appartements qu’ils avaient conservés pour leurs enfants et pour eux-mêmes, en mentionnant que leur « valeur de vente » équivalait à leur coût de revient après transformation et que le gain net en rapport avec ceux-ci équivalait à CHF 0.-.

6. Le 19 mai 2006, l’AFC-GE, direction du contrôle, a écrit aux contribuables. Elle ouvrait une procédure en rappel et soustraction fiscale pour la période fiscale 2001-A, tant pour l’ICC que pour l’IFD. Après examen du dossier fiscal des contribuables, elle constatait que ceux-ci n’avaient pas déclaré, dans leur déclaration fiscale 2001-A, les ventes auxquelles ils avaient participé en 2000 pour un montant global de CHF 8’369’000.-. Le bénéfice éventuel réalisé lors de cette vente pendant la brèche de calcul constituait un revenu extraordinaire, selon les art. 218 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11) et 6 de la loi sur l’imposition dans le temps des personnes physiques du 31 août 2000 (aLITPP-II - D 3 12). Les contribuables étaient priés de fournir à l’AFC-GE le détail, documenté, de toute l’opération.

7. Le 1er juin 2006, un entretien entre les contribuables et l’AFC-GE s’est déroulé dans le cadre de la procédure de rappel d’impôt. A cette occasion, ces derniers ont remis à l’AFC, par l’intermédiaire de leur architecte, un nouveau tableau récapitulatif de toute l’opération. Ce tableau reprenait la présentation de celui transmis au service de l’IBGB, si ce n’est qu’il ajoutait au gain net total réalisé par la vente de quinze appartements un montant de gain net se rapportant à chacun de ceux restés en mains de la famille des contribuables, calculé en tenant compte d’une valeur de vente « théorique ». Celle-ci était chiffrée en fonction de la moyenne des prix de vente/millièmes des autres appartements. Le prix de vente moyen/millième ainsi obtenu était de CHF 11’395.-. Appliqué aux millièmes correspondant à ceux des trois appartements en question, il permettait de déterminer un gain brut supplémentaire de CHF 175’963.-. En ajoutant à ce montant la valeur de rachat des cédules hypothécaires, le gain brut total réalisé à la suite de l’opération immobilière s’élevait à CHF 903’162.-.

 

Lots

Date vente

Nom de l’acheteur

Mil./act

Prix vente

Coûts

Gain net

F30

17.05.2000

M. B______

45

500’000

473’186

41’814

E30

18.05.2000

M. et Mme C______

63

680’000

662’461

32’539

F20

25.05.2000

M. D______

67

740’000

704’552

35’478

D20

31.05.2000

M. et Mme E______

52

575’000

546’793

28’207

B10

19.06.2000

M. et Mme F______

48

540’000

504’732

35’268

G40

19.06.2000

M. et Mme G______

62

700’000

651’945

48’055

B11

27.06.2000

M. et Mme H______

50

550’000

525’762

39’238

F40

28.06.200

Mme I______

44

515’000

462’671

52’329

C10

28.06.2000

M. J______

53

600’000

557’308

42’692

 

29.06.2000

Mme K______

22

241’200

231’335

9’865

G41

05.07.2000

M. L______

56

645’000

588’854

56’146

C20

25.07.2000

M. et Mme M______

47

530’000

494’217

35’783

A10

11.09.2000

M. N______ et Mme O______

63

746’000

662’461

83’539

A12

27.09.2000

M. A. et Mme P______

56

730’000

588’854

67’146

A11

29.09.2000

M. et Mme Q______

53

636’000

557’308

78’692

D30

 

M. et Mme A______

59

705’573

705’573

59’006

E20

 

K. A______

63

662’461

662’461

55’401

H40

 

R. A______

70

736’067

736’067

61’556

 

 

TOTAUX

973

11’003’301

10’316’508

862’756

 

Gain net 862’756

Rachat cédules 40’406

Total produit de vente : 903’162

 

8. Le 2 juin 2006, Mme et M. A______ ont écrit à l’AFC-GE. Ils s’étonnaient qu’on les accuse de ne pas avoir déclaré la vente de biens immobiliers, alors qu’en date du 2 janvier 2002 ils avaient transmis par courrier recommandé à l’IBGI tous les documents concernant ces ventes. Ils ne s’étaient ainsi soustraits à aucune de leurs obligations.

9. Le 14 juillet 2006, l’AFC-GE a écrit aux contribuables. Les procédures en rappel d’impôts et en soustraction étaient terminées. Un bordereau rectificatif « rappel d’impôt » leur était adressé. Ils avaient à s’acquitter d’un supplément d’impôts de CHF 284’106,15, sans intérêts de retard. Aucune pénalité ne leur était infligée pour tenir compte des circonstances qu’ils avaient évoquées dans leur courrier du 2 juin 2006.

Le revenu extraordinaire imposable total était de CHF 903’162.- à un taux d’imposition correspondant.

10. Le même jour, l’AFC-GE leur a adressé un courrier de même teneur concernant l’IFD. Le montant d’impôts supplémentaires à payer était de CHF 103’856,50, sans intérêts de retard ni pénalité.

11. Le 10 août 2006, Mme et M. A______ ont formé une réclamation contre les deux décisions de rappel d’impôt précitées, dont ils demandaient l’annulation.

En janvier 1998, ils avaient acquis l’immeuble de la rue X______ par un investissement tiré de leur fortune privée, sans recourir à aucune autre forme de financement externe. Après avoir fait rénover et transformer l’immeuble, ils en avaient conservé trois appartements et revendu les autres à des tiers. Ils avaient déclaré à l’AFC-GE les bénéfices et gains immobiliers résultant de cette aliénation en déclarant la réalisation d’un gain en capital d’un montant de CHF 820’514.-, imposable comme plus-value immobilière, réalisée dans le cadre de la gestion privée de leur patrimoine. Ils n’avaient pas indiqué la plus-value immobilière en question dans le questionnaire « revenus et charges extraordinaires » dès lors que le revenu en question ne pouvait pas être considéré comme un revenu d’activités professionnelles indépendantes. La rectification de leur imposition résultait d’une requalification infondée des gains qu’ils avaient réalisés.

12. Par deux décisions distinctes du 10 août 2007, de motivation similaire sauf sur les dispositions légales applicables, l’AFC-GE a décidé de maintenir les taxations du 14 juillet 2006 précitées.

La vente d’un lot de dix appartements soumis au régime de la PPE, dont l’intégralité des ventes avait eu lieu dans le courant de l’année 2000, constituait une opération immobilière au caractère professionnel (promotion) de nature occasionnelle. Dès lors, le produit de ces ventes constituait un revenu extraordinaire. Les services de l’impôt sur les bénéfices et gains immobiliers avaient analysé minutieusement l’opération. Ils avaient, en date du 24 juillet 2000, octroyé une dispense de consignation aux contribuables, à la demande de leur notaire, à la condition expresse que les aliénateurs feraient figurer le résultat économique des opérations dans la déclaration fiscale concernée. Or, les contribuables n’avaient pas fait état de ces revenus extraordinaires dans leur déclaration 2001-A. Le premier bordereau 2001-A qui leur avait été notifié le 21 décembre 2001 était le fruit d’une déclaration incomplète. Le fisc était en droit d’adresser des bordereaux rectificatifs en rappel d’impôts pour reprendre ces revenus. L’AFC-GE aurait été en droit de requérir des intérêts de retard et d’infliger des amendes, ce qu’elle n’avait pas fait.

13. Le 7 septembre 2007, Mme et M. A______, par deux actes distincts, ont recouru contre les deux décisions de l’AFC-GE sur réclamation auprès de la commission cantonale de recours en matière d’impôts, devenue le 1er janvier 2009 la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : la commission), puis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI). Ces deux recours ont été enregistrés sous les n°s de cause A/3422/2007 pour l’ICC et A/3423/2007 pour l’IFD.

14. Le 13 août 2008, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours dans les deux causes. Les art. 6 al. 1 et 2 aLITPP-II, ainsi que 69 al. 1 et 2 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) prévoyaient que le passage à l’imposition post numerando annuelle devait être effectué selon la procédure de l’impôt annuel, caractérisée par le fait que les revenus ordinaires de l’année précédant le changement de système d’imposition tombaient dans la brèche de calcul. Les revenus extraordinaires acquis dans la brèche de calcul étaient soumis à un impôt annuel entier et distinct. En l’occurrence, les gains immobiliers réalisés dans le cadre de l’aliénation des parts de copropriété devaient être considérés comme des gains extraordinaires en capital s’ajoutant aux revenus déclarés par les contribuables comme provenant de leur activité lucrative dépendante, compte tenu du type d’actes de gestion accomplie (morcellement d’un immeuble pour le revendre par parcelle, chiffre d’affaires et biens importants). L’AFC-GE était fondée, compte tenu de cela, à ouvrir une procédure en rappel d’impôts et à effectuer des reprises idoines.

Un raisonnement similaire pouvait être tenu concernant l’IFD par application des art. 206 al. 3 et 218 al. 3 LIFD et de la circulaire n° 6 de l’AFC-GE du 20 août 1999, période fiscale 1999/2000.

15. Le 24 janvier 2011, le TAPI, après avoir joint les causes A/3422/2007 et A/3493/2997, a rejeté les recours. Les conditions d’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt devaient être considérées comme remplies. Les contribuables n’avaient pas fait état dans leur déclaration fiscale des gains réalisés dans le cadre de l’opération immobilière de la rue X______. Ils avaient répondu notamment négativement au questionnaire relatif aux gains extraordinaires faisant partie de la déclaration précitée. Cela ne les avait pas empêchés de déclarer en janvier 2002 les gains réalisés. La reprise d’impôts décidée par l’AFC-GE était bien fondée matériellement, dès lors que les gains en question constituaient effectivement un revenu de caractère extraordinaire au sens des art. 6 aLITPP II et 218 LIFD et non pas une activité de gestion de patrimoine privé. Les reprises de l’AFC-GE devaient être confirmées dans la totalité de leur quotité.

16. Par pli posté le 17 mars 2011, Mme et M. A______ ont interjeté recours contre la décision précitée, qu’ils avaient reçue le 15 février 2009. Ils concluaient à la modification des bordereaux 2001-A sur la base d’un bénéfice immobilier de CHF 686’793.- et non pas de CHF 903’162.-. Préalablement, ils sollicitaient la restitution de l’effet suspensif.

Ils renonçaient à contester le principe d’une imposition comme revenu extraordinaire. Le recours portait sur le fait que le montant imposable retenu par le TAPI était de CHF 903’162.-. Selon eux, ce n’était qu’un montant de CHF 686’793.- qui correspondait aux gains immobiliers réels, selon ce qu’ils avaient déclaré au service de l’IBFG de l’AFC-GE.

17. Le 7 avril 2011, l’AFC-GE conclut au rejet du recours. Le montant de CHF 686’793.- dont se prévalaient les recourants correspondait au bénéfice réalisé sur la vente des quinze appartements cédés à des tiers. Les recourants n’avaient toutefois pas pris en compte les trois appartements conservés aux fins d’y loger des membres de leur famille, ainsi qu’un montant de CHF 40’406.- au titre de rachat de cédules hypothécaires. De ce fait, le bénéfice de l’opération immobilière s’élevait à CHF 903’162.-. Pour arriver à ce montant, l’AFC-GE n’avait fait que reprendre les chiffres remis par les contribuables lors d’un entretien qui s’était déroulé le 1er juin 2006 à la suite de l’ouverture de la procédure de rappel d’impôt. Dans ce document, l’architecte des contribuables avait fait état de la valeur de tous les appartements, y compris de ceux conservés par les recourants et du rachat de cédules hypothécaires. C’était donc à juste titre que la reprise avait été effectuée en prenant en compte un gain de CHF 903’162.-.

18. Le 11 avril 2011, le TAPI a transmis son dossier, en persistant dans les considérants et le dispositif de sa décision.

19. Le juge délégué a entendu les parties lors d’une audience de comparution personnelle du 12 septembre 2011.

M. et Mme A______ ont indiqué avoir payé le prix d’acquisition des bâtiments de l’ancienne usine Cinégram à l’aide de leur propre fortune. Etant à la recherche d’un logement pour leur famille, ils avaient acheté les bâtiments en question dans l’optique de se procurer un logement en ces lieux tout en participant à la réhabilitation d’un immeuble appartenant au patrimoine industriel de Genève. Ils s’étaient lancés dans ce projet avec l’assurance de pouvoir vendre les appartements constitués en PPE à un cercle de personnes intéressées. Certaines d’entre elles avaient avancé quelques milliers de Francs dans le but de concrétiser leur intention. C’était leur banquier, Atag Asset Management, qui avait procuré une ligne de crédit par laquelle ils avaient financé les frais de construction. Ils avaient payé environ CHF 200'000.- d’intérêts, qui avaient été intégrés dans le calcul du prix de revient de la construction. Ils avaient constitué l’immeuble en PPE dans les derniers mois qui précédaient la fin du chantier.

Selon les représentants de l’AFC-GE, la décision de considérer comme revenu extraordinaire non seulement le gain réalisé au travers de la vente des parts de PPE à des tiers mais également un montant de gain de théorique que les recourants avaient réalisé en conservant la propriété des parts de PPE relatives aux trois appartements qu’ils avaient conservés pour eux-mêmes, se fondait sur une pratique appliquée dans tous les cas où un promoteur immobilier réalisait une opération de construction à titre professionnel tout en conservant une partie du bien construit pour lui-même. En effet, dans ces cas, l’opération immobilière était considérée dans sa globalité.

A la fin de l’audience, le juge délégué a avisé les parties que la cause était gardée à juger. Aucune requête supplémentaire n’a été formulée par celles-ci.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le présent litige concerne la déclaration fiscale 2001-A. Les prestations découlant du rappel d’impôt sont régies par le droit matériel en vigueur au cours de la période litigieuse (ATA/93/2005 du 1er mars 2005 et les références citées). In casu, la procédure de rappel d’impôt a été ouverte en 2006. Toutefois, sont applicables les dispositions fiscales relatives à l’exercice 2001, soit les dispositions de la loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887 (LCP - D 3 05) dans sa teneur au 1er janvier 2001, ainsi que celles de la LHID, de la LIPP-1, la aLITPP-II, voire la loi sur l’imposition des personnes physiques - Objet de l’impôt - Assujettissement à l’impôt du 22 septembre 2000 (aLIPP- I - D 3 11) et la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) du 22 septembre 2000 (aLIPP-IV - D 3 14) pour le contentieux relatif à l’ICC. Quant à celui relatif à l’IFD, il doit être réglé au regard des dispositions de la LIFD.

3. a. Depuis le 1er janvier 2001, le canton de Genève applique, en lieu et place du système praenumerando bisannuel, le système postnumerando annuel, y compris pour la taxation fédérale.

Dans le système postnumerando annuel, l’impôt dû pour une année correspond aux revenus réalisés durant cette même année et ne se calcule donc plus sur la base des deux années précédentes. Lors du passage entre les deux systèmes, une brèche de calcul s’est produite. Les revenus réalisés durant les années 1999/2000 n’ont jamais servi de base d’imposition.

Dans le but d’éviter une disproportion entre les éléments effectivement réalisés en 1999 et 2000 et ceux imposables pour l’année 2001, le législateur fédéral a prévu une imposition spéciale des revenus extraordinaires : les revenus extraordinaires réalisés durant les années 1999 et 2000 ou lors d’un exercice clos au cours de ces années sont soumis à un impôt annuel entier pour l’année fiscale où ils ont été acquis, au taux correspondant à ces seuls revenus (art. 69 al. 2 LHID et art. 6 al. 2 aLITPP II).

b. En matière d’IFD, un système d’imposition similaire a été mis en place pour l’imposition des revenus extraordinaires réalisés durant les années précitées (art. 218 al. 2 LIFD). L’art. 218 al. 3 LIFD précise que doivent être en particulier considérés comme de tels revenus les prestations en capital, les revenus de fortune non périodiques, les gains de loterie et, par analogie avec l’art. 206 al. 3 LIFD, les revenus extraordinaires provenant d’une activité lucrative indépendante soit, à teneur de ce dernier article, les bénéfices en capital réalisés, les réévaluations comptables d’éléments de fortune, les provisions dissoutes, ainsi que les amortissements et provisions justifiés par l’usage commercial qui ont été omis (ATA/57/2005 du 1er février 2005).

4. a. La notion d’activité lucrative indépendante est une notion de droit fiscal qui n’est pas définie clairement dans la pratique, eu égard aux états de fait diversifiés auxquels elle doit s’appliquer (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.40/2003 du 12 septembre 2003, consid. 2.2). De manière générale, on y englobe toute activité par laquelle un entrepreneur participe à la vie économique à ses propres risques, avec l’engagement de travail et de capital, selon une organisation librement choisie, et avec l’intention de réaliser un bénéfice (ATF 125 II 113 consid. 5b p. 120 ; 121 I 259 consid. 3c p. 263). Une activité lucrative indépendante peut être exercée à titre principal ou accessoire, être durable ou temporaire (ATA/388/2010 du 8 juin 2010 ; ATA/257/2009 du 19 mai 2009).

b. Pour le Tribunal fédéral, les critères de cette activité ne doivent pas être considérés de manière isolée et peuvent apparaître avec des intensités variables. L’analyse se concentre sur cinq éléments principaux : (a) une activité aux risques du contribuable ; (b) la mise en œuvre de travail et de capital ; (c) une organisation librement choisie ; (d) une organisation reconnaissable de l’extérieur ; (e) un but lucratif (Rapport du Conseil fédéral sur un traitement uniforme et cohérent des activités lucratives dépendantes et indépendantes en droit fiscal et en droit des assurances sociales, FF 2002 1076, 1090 ; D. YERSIN / Y. NOËL, op. cit., pp. 238-239, ad. art. 18 LIFD ; X. OBERSON, Droit fiscal suisse, 3ème éd., 2007, n°7 et n° 26 ss).

Toutefois, de par l’extension jurisprudentielle de la notion d’ « autre activité lucrative indépendante » de l’art. 18 al. 1 in fine LIFD (ATF 125 II 113 précité), seuls sont impondérables le premier et le dernier de ces critères (D. YERSIN / Y. NOËL, op. cit., p. 239, ad. art.18 LIFD et les références citées).

5. A ce stade de la procédure, les recourants ne contestent plus l’existence d’un cas de rappel d’impôt au sens de l’art. 340 al. 3 aLCP ou de l’art. 175 LIFD. De même, ils ne contestent plus le fait que l’opération de réhabilitation de l’immeuble Cinégram à laquelle ils ont procédé soit qualifiée d’activité lucrative indépendante ayant généré un revenu extraordinaire au sens des art. 6 al. 3 aLITPP-II et 218 LIFD. Comme l’a considéré à juste titre le TAPI, la notion d’activité indépendante susceptible de générer des revenus imposables doit être comprise dans un sens large et il est incontestable que, quels que soient les motifs qui y aient présidé, l’opération de réhabilitation de l’immeuble Cinégram suivie de la revente de la plus grande partie des appartements issus de la transformation constitue une opération de nature commerciale dépassant un acte de gestion d’un patrimoine privé dont les revenus doivent être taxés.

6. La contestation subsiste sur le fait de savoir si, dans le revenu extraordinaire dégagé par cette opération pour l’exercice fiscal 2001-A, doit être incluse la part de bénéfice en rapport avec l’appartement que les recourants ont conservé pour eux-mêmes et les deux dont ils ont fait donation à leurs deux fils. Le montant dudit bénéfice est théorique, mais chiffrable. Il représente la différence entre la valeur vénale des parts de PPE liées aux trois objets et leur valeur de revient. Les recourants eux-mêmes en ont déterminé le montant dans le tableau que leur mandataire a fourni à l’AFC-GE le 1er juin 2006 à la suite de l’ouverture de la procédure de rappel d’impôt. Il s’agit de déterminer si ce montant doit être pris en considération immédiatement comme revenu taxable, à l’instar des gains réalisés par les contribuables lorsqu’ils ont vendus les quinze autres appartements, même s’ils ont conservé la propriété de ces parts de PPE au sein de leur famille avec l’intention de garder l’usage de ces trois logements.

7. En l’espèce, dès lors que l’on considère que l’opération immobilière en question constituait une activité lucrative indépendante, il y a lieu de retenir que les éléments du patrimoine privé que les contribuables ont investi dans celle-ci sont devenus, pour sa durée, des éléments d’un patrimoine commercial, représentant les fonds propres qu’ils ont engagés dans celle-là. A son issue, ce sont de nouveaux éléments patrimoniaux qui ont réintégré leur patrimoine privé, issus de la réhabilitation du bâtiment et de la création des dix-huit appartements, ainsi que de la division de l’immeuble en PPE. Dans de telles circonstances, c’est conformément aux art. 6 al. 3 aLITPP-II et 218 LIFD que l’AFC- GE a pris en considération à titre de gain extraordinaire l’accroissement de valeur globale généré par l’opération, en y incluant la part de celui portant sur les trois appartements que les contribuables ont conservés pour leur propre usage et celui de leurs enfants. Lors de son audition, l’intimée a indiqué que ce mode de faire était conforme à sa pratique. C’est une solution similaire que le Tribunal fédéral a confirmé dans un contentieux concernant le canton de Nidwald lorsqu’il a considéré, dans le cas de cinq frères et sœurs qui s’étaient associés pour bâtir deux bâtiments de huit appartements sur des parcelles dont ils avaient hérité mais n’avaient mis en vente que la moitié d’entre eux, que le bénéfice réalisé en rapport avec les appartements non vendus devait être taxé à titre de revenu de l’activité lucrative indépendante, dès lors que les associés les utilisaient pour eux-mêmes, indépendamment d’une vente ultérieure à des tiers (2A_74/2002 du 8 septembre 2004 in RDAF 2005 II 37 consid. 5.2  ; Arrêt du président de la cour fiscale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 18 juillet 2010 ; dans le même sens, P. LOCHER, Kommentar zum DGB, Bundesgesetz über die direkte Bundessteuer, Therwil/Bâle 2001, n° 103, p. 387).

Le recours sera rejeté. L’AFC–GE était en droit de notifier aux recourants le 14 juillet 2006 les bordereaux de rappel d’impôt 2001-A ICC et IFD.

8. Un émolument de CHF 1’000.- sera mis, conjointement et solidairement, à la charge des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne leur sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 mars 2011 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du 24 janvier 2011 du Tribunal administratif de première instance ;

au fond :

le rejette ;

confirme le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 janvier 2011 ;

confirme les deux bordereaux de rappel d’impôt de l’administration fiscale cantonale du 14 juillet 2006 ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de Madame et Monsieur A______, pris conjointement et solidairement ;

dit qu’il ne leur est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Ernst Young S.A., mandataire des recourants, à l’administration fiscale cantonale, à l’administration fédérale des contributions, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :