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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2693/2021

ATA/57/2022 du 25.01.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.03.2022, rendu le 23.11.2022, ADMIS, 8C_147/2022
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;POLICE;DEVOIR PROFESSIONNEL;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;RÉSILIATION IMMÉDIATE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;JUSTE MOTIF;PROPORTIONNALITÉ;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst.29.al2; sPVG.37; sPVG.99; sPVG.34.al2.leta; sPVG.34.al2.letb; sPVG.34.al2.letc; sPVG.82; sPVG.83; sPVG.84; sPVG.30; sPVG.99.al4; sPVG.3; CO.337; CO.337.al3
Résumé : Confirmation du licenciement immédiat par la Ville de Genève d’un agent de sécurité et d’accueil du MAH suite à une altercation avec un visiteur. Les manquements reprochés sont suffisamment graves pour justifier, à eux seuls, compte tenu de la jurisprudence et du fait que l'altercation s'est déroulée en trois épisodes distincts, une rupture du lien de confiance, étant précisé pour le surplus que le recourant avait déjà fait l’objet d’avertissements suite à des problèmes de comportement.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2693/2021-FPUBL ATA/57/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 janvier 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Steve Alder, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1.1) Monsieur A______, né le ______ 1965, a été engagé le
29 septembre 2004 par la Ville de Genève (ci-après : la ville) au poste de surveillant monteur aux B______ (ci-après : B______), avec effet au 1er octobre 2004, en classe 4-5 de l'échelle des traitements.

À compter du 1er janvier 2006, il a été transféré au C______, tout en y conservant la même fonction. Sa nomination a été confirmée le 1er octobre 2007.

2.2) En date du 19 décembre 2007, M. A______ a été nommé, avec effet au 1er janvier 2008, au poste d’agent de sécurité et d’huissier remplaçant au B______ à 100 %, en classe 4-6 de l’échelle de traitements.

Selon son cahier des charges, il devait notamment assumer des missions de sécurité, de sûreté et de surveillance dans le site, mais également d’accueil dans le site d’affectation.

3.3) M. A______ a fait l’objet de quatre entretiens périodiques sur son comportement et son travail en date des 27 octobre 2005, 12 septembre 2006,
17 septembre 2007 et 30 septembre 2008, tous globalement positifs.

4.4) Entre 2004 et 2015, M. A______ a suivi différentes formations en lien avec ses fonctions, concernant pour la plupart l’accueil dans un musée, la communication et les missions de sécurité et d’évacuation.

5.5) a. Le 4 septembre 2013, M. A______ a été sanctionné d’un avertissement par le directeur du B______ pour avoir eu un comportement inacceptable vis-à-vis de collègues féminines.

Le B______ avait reçu plusieurs témoignages et plaintes concernant son attitude et ses propos particulièrement déplacés, confinant parfois au harcèlement, envers des collègues féminines. Il était rendu attentif au fait qu’un tel comportement était intolérable et que plus aucun écart de conduite de ce genre ne serait admis. Sa loyauté envers sa hiérarchie avait été prise en défaut à plusieurs reprises au cours des dernières années, notamment lors de mensonges de sa part. Il était attendu de lui un effet de transparence et de loyauté pour recréer un contexte favorable à une saine collaboration.

b. M. A______ n’a pas contesté cette sanction.

6.6) a. Le 17 mars 2014, M. A______ a fait l’objet d’un blâme pour avoir adopté à l’égard de certaines de ses collègues un comportement inacceptable, ignorant l’une d’elles en refusant à plusieurs reprises de répondre à ses salutations ou qualifiant une autre de « diablesse » avec laquelle il n’entendait plus travailler. Depuis le mois de septembre 2013, de nombreux témoignages concordants avaient fait état de propos à connotation sexuelle de sa part qu’il tenait régulièrement sur son lieu de travail.

b. Non contestée, cette sanction est entrée en force.

7.7) Le 17 janvier 2019, s’est tenu un entretien en présence de M. A______, de son supérieur hiérarchique direct et responsable sécurité et surveillance du B______, Monsieur D______, ainsi que de plusieurs autres collègues, au sujet d’un différend.

Il ressort du compte-rendu établi à cette occasion que M. A______ avait reconnu avoir invité un autre collègue à sortir pour « discuter comme deux hommes », et que l’un de ses collègues avait indiqué que M. A______ avait formulé des menaces et des injures à l’égard de ce même collègue.

8.8) Le 7 avril 2020, M. A______ a été informé par la ville qu’il était réaffecté, en lien avec la pandémie de Covid-19, au service incendie et secours assurant des missions de première urgence.

9.9) Par courrier du 4 mai 2020, la ville a informé M. A______ que sa réaffectation n’était plus nécessaire et qu’il retrouvait ainsi son poste habituel, et l’a remercié pour son engagement et son esprit de solidarité durant cette réaffectation.

10.10) En date du 13 mai 2021, M. A______ a eu une altercation avec un visiteur du B______ (ci-après : le visiteur), laquelle s’est déroulée en trois temps : devant le café « E______ » à l’intérieur du musée, puis dans le hall devant la réception dudit musée et enfin à l’extérieur.

11.11) Le 14 mai 2021, M. A______ a informé par courriel M. D______ de l’incident survenu la veille.

Lorsqu’il s’était rendu à sa pause déjeuner, il avait aperçu un monsieur assis au bar du « E______ », lequel lui avait demandé ce qu’il fallait faire pour avoir un café. Il lui avait répondu que le bar était fermé, qu’il n’y avait pas de personnel et qu’il n’était pas habilité à lui servir un café. Les choses s’étaient alors envenimées. Le visiteur était devenu insistant et arrogant, ne comprenant pas pourquoi un café ne pouvait pas lui être servi, alors que la mise en place était faite. Il lui avait à nouveau répondu que tout était fermé et que les lois fédérales et cantonales en lien avec la Covid-19 lui interdisaient de s’asseoir à l’intérieur du café. Comme le visiteur demeurait insistant, il lui avait souhaité une bonne journée, l’avait laissé sur place et s’était dirigé vers le réfectoire duquel il avait fermé la porte. Lorsqu’il était en train de manger, il avait entendu dans sa radio qu’un visiteur se plaignait à l’entrée du fait qu’un collaborateur lui avait mal parlé. La réceptionniste avait demandé à l’intervenant de venir, mais il était en pause. C’était donc un autre collaborateur, Monsieur F______, qui s’était rendu sur place. Il avait alors interrompu sa pause afin de dissiper tout malentendu, pensant que le visiteur en question était celui croisé au bar. En arrivant, il lui avait répété que le « E______ » était fermé et qu’il ne pouvait lui servir un café. Vu l’ampleur que prenait la conversation, autant de sa part que de la sienne, il lui avait rappelé qu’ils étaient dans un lieu public et que ce n’était pas l’endroit pour élever la voix. Il l’avait invité à sortir du musée. Une fois à l’extérieur, ils avaient eu une conversation houleuse, pendant laquelle il l’avait traité de « connard fini », le visiteur refusant d’entendre ce qu’il avait à lui dire. M. F______ était en mesure de confirmer ou d’infirmer ses dires entre le moment où il était arrivé à l’entrée, jusqu’à la conversation à l’extérieur.

12.12) Par courrier du 14 mai 2021 à l’attention de la direction du B______, le visiteur s'est plaint du comportement de M. A______ à son égard.

Lors de sa visite de la veille au B______, il avait décidé d’aller prendre un café à emporter au sous-sol et d’aller le boire dans la cour du musée. Si le bar était vide, il avait remarqué des sous-tasses déjà préparées pour le café et avait décidé d’attendre le personnel. Lorsque M. A______ était passé, il lui avait demandé poliment s’il était possible d’obtenir un café à emporter. Ce dernier lui avait répondu sur un ton très irrespectueux « Vous ne savez pas que tout est fermé ?! ». Déconcerté, il lui avait répondu qu’il y avait des sous-tasses déjà prêtes et qu’il pensait pouvoir commander un café à emporter. La réponse de
M. A______ avait alors été pire que la première, ce qui l’avait fait sortir de ses gonds. Après lui avoir fait remarqué qu’il n’avait pas à parler de cette manière à un visiteur, son interlocuteur lui avait fermé au nez la porte se trouvant derrière le bar. Choqué, il avait continué à s’énerver tout seul alors qu’un autre de ses collègues était arrivé. Après l’avoir écouté, ce dernier n’avait pas pris en compte la situation et lui avait souhaité une bonne journée.

Il s’était alors rendu à la réception et avait demandé à parler au chef de la sécurité, lequel était absent. Une autre personne de la sécurité était alors arrivée et il lui avait raconté la situation. En pleine discussion, il avait aperçu M. A______ passer la porte d’entrée principale et se diriger vers lui dans une apparente colère incontrôlable, en le pointant du doigt et en criant dans le hall d’entrée. La situation était alors très tendue, même si pour sa part il était resté plus au moins calme, ce dont pourraient témoigner les collègues de M. A______.

Le ton de la discussion continuant de monter, un membre du personnel leur avait demandé de sortir. M. A______ l’avait donc prié de sortir, en lui indiquant sur un ton méprisant « Ici, nous sommes dans un lieu public, Monsieur », alors que c’était lui qui criait et se comportait de manière inappropriée à l’intérieur du B______. Il était alors sorti, tout comme M. A______ et l’un de ses collègues, tandis que la réceptionniste criait dans le hall d’entrée pour essayer, en vain, de calmer les choses. Une fois dehors,
M. A______ avait continué de s’énerver, qui plus est, en le tutoyant. Il avait tenté de faire croire à son collègue qu’il avait répondu poliment à la question initialement posée, ce qui était totalement faux. Il lui avait finalement dit « Si tu ne veux pas avoir tort, va te faire foutre et tire-toi », avant de s’en aller.

Lorsque M. A______ l’avait entendu demander à son collègue s’il se comportait comme cela avec tout le monde, il avait fait mine de revenir en arrière, d’un air menaçant, toujours en lui parlant sans le moindre respect. Il s’en était finalement allé.

Enfin, il avait appris dans l’après-midi que le café du B______ était bel et bien ouvert. Bien qu’aucune insulte raciale n’ait été prononcée, il estimait que cette altercation n’aurait pas eu lieu s’il avait eu une couleur de peau différente et des habits plus « classiques ».

Il était intimement persuadé qu’une personne incapable de contrôler ses émotions, avec ce type de réaction violente, qui plus est complètement infondée, n’avait rien à faire dans un « département de sécurité ».

Il attendait un « retour » pour donner suite au tort moral et à l’humiliation publique qu’il avait subis dans ce musée qu’il visitait souvent.

13.13) Par courrier du 21 mai 2021, le directeur du B______ a convoqué M. A______ à un entretien en lien avec la plainte qui avait été formée contre lui par un visiteur.

14.14) Ledit entretien, auquel étaient présents MM. A______, D______ ainsi que le directeur et une administratrice du B______, s’est déroulé le 25 mai 2021.

Au cours de celui-ci M. A______ a notamment admis que sa réaction lors de l’altercation du 13 mai 2021 n’avait pas été « la plus adéquate de sa vie professionnelle ». Lorsqu’il avait répété à plusieurs reprises au visiteur en question qu’il n’était pas un employé du « E______ », ce dernier s’était énervé. Il était lui-même énervé en raison de la situation de sa fille « qui le rendait fou » et du fait qu’il avait mal réagi au vaccin de la Covid-19. Il était employé par la ville depuis de nombreuses années et un tel événement n’était jamais arrivé auparavant. Il pouvait produire un rapport de la part de son médecin, lequel lui avait prescrit de l’homéopathie pour qu’il puisse rester plus calme. Lorsqu’on le poussait dans ses retranchements, il arrivait d’ordinaire à garder son calme. C’était la première fois de sa vie qu’une telle chose arrivait et il était prêt à en assumer les conséquences. Il avait parfaitement conscience de la mauvaise image qu’il avait donnée de lui-même et du musée.

Lorsqu’il avait entendu qu’une personne se plaignait au guichet, il avait repensé à un autre événement récent avec un visiteur qui ne voulait pas porter le masque et à cause duquel l’intervention de la police avait été requise. Il avait eu peur qu’une telle situation se reproduise, raison pour laquelle il s’était immédiatement rendu au guichet alors qu’il était en pause.

M. D______ a relevé que ce n’était pas la première fois et que ce mécanisme de « montée en pression » était récurrent chez l’intéressé. Il redoutait que M. A______ soit « une bombe à retardement » et constatait qu’il pouvait exploser à tout moment. S’agissant de l’événement du 13 mai 2021, M. A______ était monté en escalade avec le visiteur à trois reprises : au « E______ », dans le hall et ensuite à l’extérieur. En tant qu’agent de sécurité et d’accueil, il devait savoir se mettre à l’écart pour éviter les montées en escalade. Il devait savoir garder son calme et son discernement. Il s’interrogeait sur les capacités de l’intéressé à savoir faire face, dans une situation d’urgence, dans laquelle on comptait sur lui pour calmer les visiteurs et les orienter, si lui-même perdait son sang-froid et explosait.

L’administratrice du B______ a également relevé que M. A______ avait déjà été entendu à plusieurs reprises, par sa hiérarchie directe ou par la direction, pour des altercations avec des collègues. Ce n’était en particulier pas la première fois qu’il proposait à quelqu’un de « sortir pour s’expliquer ». Dans le présent cas, il y avait un dégât « réputationnel » pour le B______, dès lors que l’altercation avait eu lieu avec un visiteur, dans le musée, en présence d’autres visiteurs et alors qu’il portait l’habit officiel du B______. Elle ne comprenait pas pourquoi il n’avait pas demandé à être mis en arrêt de travail si lui-même et son médecin savaient qu’il ne maîtrisait pas ses nerfs.

Le directeur du B______ a relevé que, s’il avait bien entendu les conséquences sur la santé de M. A______, sur son travail et sur les visiteurs, il craignait qu’un tel événement ne se reproduise. Le dossier serait transmis au département compétent, lequel donnerait la suite qui conviendrait.

15.15) Par décision du 26 mai 2021, le maire de la ville a suspendu, à titre de mesure provisionnelle, M. A______ de ses fonctions avec effet immédiat, jusqu’au 2 juin 2021 inclus, avec l’indication qu’il serait informé des suites que le Conseil administratif de la ville (ci-après : le CA) entendait donner à cette affaire.

Les faits qui ressortaient du dossier et de la plainte du visiteur qui lui avaient été transmis étaient particulièrement graves dans la mesure où ils portaient atteintes à l’image et à la considération dont la ville devait être l’objet, mais étaient également un obstacle au bon fonctionnement du service.

16.16) Par décision du 1er juin 2021, le CA a informé M. A______ de ce qu’il envisageait la résiliation immédiate de son engagement pour justes motifs et a confirmé la suspension de son activité avec effet immédiat décidée le 26 mai 2021.

Rappelant les faits reprochés, le CA a relevé que ses agissements étaient susceptibles de constituer des manquements particulièrement graves à ses devoirs de membre du personnel de la ville. Si tel devait être le cas, le lien de confiance serait définitivement rompu, ces faits ne permettant pas, de bonne foi, la continuation des rapports de service.

Un délai lui était imparti au 9 juin 2021 pour s’exprimer par écrit sur les motifs reprochés ainsi que pour solliciter une audition orale par une délégation du CA.

17.17) Dans le délai prolongé au 15 juin 2021, M. A______ a fait part de ses observations.

Son cahier des charges ne lui imposait aucune obligation spécifique
vis-à-vis des visiteurs. Depuis les deux sanctions prononcées en 2013 et 2014, il n’avait fait l’objet d’aucune sanction, ce qui démontrait que son comportement cadrait avec les attentes de la ville. Son dossier ne contenait aucun nouveau problème dont il aurait été la source, excepté un « épisode peu clair survenu le
15 janvier 2019 auquel aucune suite ne sembl[ait] avoir été donnée ». Il n’avait jamais été impliqué dans un litige avec un visiteur du B______ durant ses dix-sept années de service.

Lorsque le visiteur n’avait pas semblé disposé à renoncer à son café, il avait coupé court à la discussion pour éviter un esclandre, tout en lui souhaitant une bonne journée. Lorsqu’il avait entendu, durant sa pause déjeuner, qu’un visiteur souhaitait se plaindre du comportement d’un employé, il s’était rendu à l’accueil et lui avait réitéré son discours. Afin d’éviter que le ton ne monte au vu et su du public, il avait invité le visiteur à le suivre dehors. Une fois à l’extérieur, ils avaient tous deux haussé le ton. À bout de nerfs après avoir expliqué à réitérées reprises pour quelles raisons il ne pouvait pas se voir servir un café, il avait fini par l’affubler du qualificatif de « connard fini ».

Il avait spontanément relaté cette altercation au responsable de la sécurité et surveillance du B______.

Dans sa plainte, le visiteur avait lui-même confirmé être « sorti de ses gonds » et avoir continué à s’énerver tout seul lorsqu’il était parti en lui signifiant qu’il ne pouvait pas lui servir de café.

Il traversait depuis plusieurs mois une période extrêmement délicate et douloureuse avec sa fille, laquelle avait tenté à plusieurs reprises de mettre fin à ses jours, ce qui avait conduit à son hospitalisation à ______. Peu avant le
13 mai 2021, il avait reçu sa seconde dose de vaccin pour la Covid-19. Il s’en était suivi diverses complications, soit notamment le déclenchement d’un « trouble neuropsychiatrique de type angoisse, des insomnies et de l’hyperactivité ». Il n’était pas exclu que sa réaction le jour des faits ait été influencée négativement par ces complications. Ces deux circonstances étaient les résultantes de sa réaction excessive, ce qui était confirmé par le fait qu’il n’avait jamais eu par le passé de problèmes de comportements avec des visiteurs.

Ces précédentes sanctions disciplinaires ne le mettaient pas en garde contre un éventuelle licenciement en cas de récidive et remontaient à respectivement six et sept ans, de sorte qu’elles étaient impropres à entrer en concours avec les faits du 21 mai 2021 pour justifier un licenciement immédiat. C’était donc un reproche isolé qui fondait le licenciement immédiat. Or, il n’était pas grave au point de fonder un tel licenciement. Il n’avait ni menacé le visiteur ni tenu de propos racistes à son encontre. Il s’agissait d’une explication musclée entre deux adultes, laquelle s’était tenue en dehors du B______ et n’avait ainsi pas terni la réputation de celui-ci. De plus, si sa situation personnelle et familiale ne pouvait pas excuser son comportement, elle pouvait l’expliquer. L’intérêt du B______ à se séparer de lui immédiatement n’était pas évident, tandis que les conséquences pour lui étaient extrêmement rudes. Un tel licenciement serait ainsi contraire au droit et disproportionné.

18.18) Par décision du 23 juin 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a prononcé la résiliation immédiate de l’engagement de M. A______ pour justes motifs, avec effet rétroactif au 26 mai 2021.

Après un rappel des faits reprochés, il était relevé que le CA avait examiné avec attention ses arguments, mais considérait toutefois que ses explications n’étaient pas à même de modifier son appréciation de la situation. Il errait lorsqu’il soutenait que l’accueil des visiteurs n’entrait pas dans son cahier des charges. S’il tentait d’excuser son comportement en se prévalant des effets secondaires de sa vaccination et de sa situation familiale, ce n’était toutefois pas la première fois qu’il adoptait un comportement agressif et injurieux. Il lui avait déjà été rappelé par sa hiérarchie que cela n’était pas admissible.

De tels comportements constituaient des manquements particulièrement graves aux devoirs de membre du personnel de la ville. Le lien de confiance était rompu. De tels faits ne permettaient pas de bonne foi la continuation des rapports de service.

19.19) Par acte du 18 août 2021, M. A______ a interjeté recours
par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée en concluant, préalablement à titre de mesures provisionnelles, à ce qu’il soit fait interdiction à la ville de repourvoir son poste jusqu’à droit jugé de la présente cause, principalement, à l’annulation de la décision précitée et à ce qu’il soit ordonné à la ville de le réintégrer dans l’emploi qu’il occupait, avec effet au 26 mai 2021.

Hormis les deux sanctions dont il avait fait l’objet en 2013 et 2014, il avait eu une altercation avec un collègue fin 2018, au sujet de divers reproches que ce dernier lui avait faits. Cet incident n’avait débouché sur aucune sanction disciplinaire ni admonestation.

La perspective de son renvoi immédiat après dix-sept ans au service de la ville ainsi que la crainte pour la santé de sa fille l’avaient plongé dans une telle situation d’angoisse qu’il avait été victime d’un infarctus le 23 juillet 2021, manquant de mourir. Après avoir passé plusieurs jours aux soins intensifs, il effectuait une rééducation cardiaque.

Le licenciement immédiat dont il avait fait l’objet était tardif, illicite et disproportionné. Il devait être annulé et sa réintégration devait être ordonnée.

Les faits qui lui étaient reprochés étaient survenus le 13 mai 2021 et la décision contestée plus d’un mois et demi après. Ce n’était que dix-neuf jours après les faits que l’autorité intimée lui avait fait part pour la première fois de son intention de le licencier avec effet immédiat. Enfin, ce n’était que huit jours après avoir reçu ses déterminations que l’autorité intimée lui avait confirmé son licenciement. Ces délais, que rien n’expliquait, étaient trop longs. Il n’avait pas été procédé à une enquête administrative ni à l’audition de témoins, pas même le dénonciateur. Il avait seulement été entendu et un délai lui avait été imparti pour faire valoir ses observations. Parmi les motifs invoqués à l’appui de son licenciement, deux étaient connus de longue date, à savoir ses antécédents disciplinaires et les faits survenus fin 2018, de sorte que leur intégration à la décision de licenciement ne pouvait expliquer le temps de réaction de cette dernière. L’autorité avait ainsi trop tardé avant de lui signifier son licenciement immédiat.

La décision litigieuse se fondait sur trois motifs, à savoir les événements du 13 mai 2021, ses antécédents disciplinaires et les faits survenus fin 2018. S’agissant de ces derniers, ils n’avaient fait l’objet d’aucune sanction, ce qui démontrait qu’ils n’étaient pas graves, du moins pas au point de justifier, en concours avec d’autres éléments, un licenciement immédiat. Il était par ailleurs hasardeux de tenir compte de ses antécédents qui remontaient à plus de sept ans. Enfin, l’incident du 13 mai 2021 était certes regrettable, mais était un événement isolé. Il n’avait jamais eu de comportements déplacés à l’endroit de visiteurs de l’institution. Si on s’en tenait aux faits tels qu’ils découlaient de ses propos et de la dénonciation du visiteur, on constatait que c’était à raison qu’il avait signifié à ce dernier qu’il lui était impossible de lui servir un café. Les deux protagonistes s’étaient énervés, mais il avait tenté de calmer la situation en quittant le « E______ ». Il avait eu la présence d’esprit de quitter l’enceinte du musée pour éviter un esclandre. Il n’avait pas menacé et encore moins rudoyé le visiteur. Il avait enfin spontanément relaté les faits à son supérieur.

Il fallait tenir compte du contexte dans lequel cet épisode s’était produit. Sa situation familiale et les complications liées à son vaccin pouvaient expliquer sa vive réaction. Ces éléments permettaient de moduler sa faute. L’événement du
13 mai 2021 n’était pas grave ou préjudiciable au point de justifier son renvoi immédiat, qui plus est à titre rétroactif.

Enfin, en optant d’entrée de cause pour la mesure la plus incisive, l’autorité intimée avait contrevenu au principe de la proportionnalité, sous l’angle du
sous-principe de la nécessité. C’était la première fois qu’il se rendait coupable d’un tel comportement à l’égard d’un visiteur, de sorte qu’il aurait pu faire l’objet d’un avertissement ou d’un blâme. Aucune publicité n’avait été donnée à cet événement, contrairement à d’autres turpitudes que traversait le B______. Il n’occupait, par ailleurs, pas un poste de cadre. L’intérêt public de l’autorité à se séparer de lui ne sautait pas aux yeux. En revanche, son intérêt privé à conserver son emploi était important, étant âgé de 56 ans.

Étaient notamment joints à son recours :

- un rapport médical du 9 juin 2021 du Docteur G______ attestant qu’il était suivi sur le plan psychiatrique et psychothérapeutique dans son cabinet depuis 2018, qu’il souffrait d’un trouble anxio-dépressif de longue date du fait d’un contexte familial très difficile, que sa fille âgée de 23 ans était hospitalisée en milieu spécialisé depuis avril 2021 suite à deux tentatives de suicide et qu’il se trouvait actuellement dans une grande détresse psychologique avec baisse d’humeur, angoisse et irritabilité importante. Son état psychologique pouvait contribuer à des réactions émotionnelles exagérées lors de situations frustrantes ;

- un certificat médical des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 13 avril 2021 à teneur duquel la fille du recourant avait été hospitalisée en psychiatrie du 30 mars au 13 avril 2021 ;

- un rapport médical du 9 juin 2021 d’un médecin du centre
médico-chirurgical ______ à teneur duquel le recourant avait fait une réaction secondaire de type « psycho » juste après la vaccination contre la
Covid-19 survenue le 12 mai 2021. Le traitement appliqué était : « psychothérapie, passiflore, suivi médecin famille » ;

- un rapport du 29 juillet 2021 suite à une consultation pharmacologique clinique du recourant au service de pharmacologie des HUG dont les conclusions étaient les suivantes : « Suite à la revue des déclarations de cas d’effets indésirables annoncés, nous considérons un rôle potentiel du vaccin Covid-19 Moderna dans votre épisode d’agitation ainsi que dans l’insomnie comme possible. En effet, l’insomnie vécue la nuit après l’injection et imputable au vaccin pourrait avoir joué un rôle prépondérant dans l’accès d’agressivité verbale. Les contextes familial et sanitaire, un état anxio-dépressif préexistant, ainsi que la crainte que vous avez décrite face au vaccin ont également pu jouer un rôle dans votre épisode d’irritabilité ».

20.20) Par décision du 24 septembre 2021, la chambre administrative a rejeté la requête en mesures provisionnelles formée par le recourant.

21.21) Dans ses observations sur le fond du 4 octobre 2021, la ville a conclu à la confirmation de sa décision du 23 juin 2021 et à ce que le recourant soit condamné en tous les « dépens » de l’instance.

Le recourant ne contestait pas avoir injurié le visiteur ni, dans les grandes lignes, son comportement du 13 mai 2021. Or, ces agissements étaient objectivement inadmissibles. Son comportement, qui avait contrevenu à de nombreuses obligations statutaires, était d’autant plus grave qu’il était dirigé contre un visiteur alors qu’il lui incombait précisément de s’assurer de la qualité de l’accueil. Son comportement avait porté atteinte aux intérêts de la ville, en donnant une image négative de celle-ci et de ses employés.

En se comportant de la sorte, le recourant avait démontré qu’il n’était plus digne de confiance. Il avait eu plusieurs occasions d’interrompre la montée de colère et la violence l’habitant lors de son altercation avec le visiteur. Or, il n’en avait saisi aucune. Il avait été en incapacité totale de se contrôler. Il avait pourtant bénéficié de toutes les formations nécessaires pour lui permettre de réagir de manière adéquate. Son parcours professionnel avait été ponctué d’autres épisodes au cours desquels il n’avait pas été adéquat. La ville n’avait ainsi plus confiance dans ses capacités à remplir les exigences de son poste, dès lors qu’il risquait à tout moment de perdre ses moyens en présence d’une situation contrariante pour lui, risque que l’autorité intimée ne souhaitait pas prendre. Il ne pouvait être exigé d’elle qu’elle maintienne les rapports de travail.

Le droit d’être entendu du recourant avait pleinement été respecté dès lors qu’il avait pu faire valoir son point de vue avant que le licenciement ne soit prononcé.

La ville avait par ailleurs agi avec diligence, après la réception de la plainte du visiteur le 19 mai 2021, de sorte que le grief de tardiveté soulevé par le recourant tombait à faux.

Son comportement le 13 mai 2021 était d’une telle gravité qu’il suffisait à lui seul à fonder un licenciement avec effet immédiat. Par ailleurs, il n’en était pas à son premier écart de comportement. Il ne pouvait tenter de diminuer sa responsabilité en se prévalant de l’emportement du visiteur. Il était par ailleurs faux de prétendre qu’il avait tenté de faire « diminuer la pression ». Dès lors qu’il estimait avoir fait preuve de « self-control » et de « professionnalisme » en ne menaçant pas et en ne rudoyant pas le visiteur, il convenait de s’interroger sur ce qu’aurait été son attitude si ce dernier avait été agressif, menaçant ou injurieux. En affirmant que rien dans le dossier ne venait attester que l’altercation avait eu des conséquences sur l’image du B______, le recourant démontrait son absence de prise de conscience de la gravité des faits. Du public était présent au moment des faits et il portait son habit officiel du B______. Si sa situation familiale était certes regrettable et difficile, elle ne saurait justifier son comportement. Celle-ci n’était par ailleurs pas nouvelle, mais durait depuis plusieurs mois, de sorte qu’elle ne pouvait avoir un rôle causal dans son comportement. Si le recourant ne se sentait pas en état de travailler en raison de son état de santé, il aurait dû se mettre en arrêt maladie. Si le manque de sommeil durant une nuit pouvait engendrer de l’agressivité, il n’était pas dans le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie qu’une telle cause engendre ces effets sur les individus.

Sous l’angle de la proportionnalité, le fait qu’il s’agissait du premier incident avec un visiteur n’empêchait pas le licenciement immédiat. Il avait déjà été mis en garde et sanctionné à plusieurs reprises pour des problèmes de comportement avec des collègues. Aucune autre sanction n’aurait été envisageable. Un avertissement ou un blâme n’était pas proportionné à ses agissements.

22.22) Dans sa réplique du 15 novembre 2021, le recourant a persisté dans ses conclusions, sollicitant en sus la production par la ville du procès-verbal de la séance du CA lors de laquelle celui-ci s’était prononcé en faveur de son licenciement immédiat.

Les dernières formations qu’il avait suivies remontaient à plus de treize ans. Depuis qu’il les avait suivies, il n’avait eu aucune altercation avec des visiteurs, hormis celle du 13 mai 2021. Ses antécédents, qui remontaient à sept et huit ans, concernaient des problèmes avec des collègues et non des visiteurs. Il n’avait plus fait l’objet de plainte depuis lors, ce qui démontrait ses capacités d’amendement.

Il ne se cherchait pas des excuses, mais voulait apporter des explications objectives.

Si la décision litigieuse avait été rédigée sur le papier à en-tête du CA et était signée par la maire et le secrétaire général, il ignorait si les règles présidant la prise de décision du CA avaient été respectées, en particulier si le CA s’était prononcé sur son cas et si les règles sur le quorum avaient été respectées.

Il n’avait pas ailleurs jamais été convié aux auditions de ses collègues dont la ville se prévalait dans ses observations, pas plus qu’il n’avait reçu un compte rendu de leurs déclarations, ce qui violait son droit d’être entendu. Ladite violation pouvait éventuellement être réparée si la ville versait au dossier un compte rendu desdits entretiens ou si lesdits témoins étaient convoqués pour être entendus.

Les reproches qui pouvaient lui être faits concernant l’événement du 13 mai 2021 n’étaient pas graves au point de justifier un licenciement immédiat. Un tel licenciement avait été jugé contraire au droit dans d’autres affaires prononcées en raison d’insultes proférées par un employé. Sa fonction n’impliquait pas un devoir d’exemplarité particulièrement élevé par rapport à d’autres fonctions.

23.23) Le 19 novembre 2021, la chambre administrative a prié la ville de lui transmettre les procès-verbaux des auditions de collaborateurs du B______ menées par M. D______, après l'incident du 13 mai 2021, entre le recourant et un visiteur du musée.

24.24) Le 23 novembre 2021, le recourant a sollicité à nouveau qu’il soit enjoint à l’autorité intimée de produire une copie, au besoin caviardée, du procès-verbal de la séance du CA lors de laquelle la décision de le licencier avait été prise.

25.25) a. Dans sa duplique du 6 décembre 2021, la ville a persisté dans ses conclusions et s’est opposée à la production du procès-verbal sollicitée par le recourant.

Le procès-verbal comportait des opinions et des positions exprimées par chacun des membres du CA en lien avec la prise de décision de licencier le recourant, de sorte que la remise de ce document porterait directement atteinte au principe décisionnel et de collégialité couverts par la législation sur la production des données.

Le recourant ne pouvait soutenir qu’en ayant injurié un visiteur et non son employeur, il n’avait pas violé ses devoirs de fidélité et de loyauté. Le fait que les injures aient été prononcées, ou non, en présence d’un public était sans incidence. Le recourant n’avait d’ailleurs pas contesté, lors de son audition par sa hiérarchie après les faits litigieux, la présence de visiteurs lors de l’altercation.

Pour répondre à la demande de la chambre administrative, elle produisait en annexe une note interne établie par M. D______, laquelle constituait une synthèse des déclarations qui lui avaient été faites par les collaborateurs entendus. Il n’existait pas de procès-verbaux à proprement parler. Il était loisible à la chambre administrative d’auditionner ces collaborateurs qui confirmeraient leurs déclarations.

S’agissant de faits graves, de surcroît admis par le recourant, elle disposait de tous les éléments pour prononcer son licenciement avec effet immédiat. Compte tenu de son devoir de célérité, elle disposait de peu de temps pour procéder à des auditions contradictoires, peu compatibles avec ce devoir. Elle n’avait dès lors pas violé le droit d’être entendu de l’intéressé.

b. Était jointe une « synthèse des propos recueillis par [M. D______] le 14 mai 2021 », rédigée par ce dernier le 17 mai 2021, à propos de l’altercation du recourant survenue la veille.

Selon ladite synthèse, Monsieur H______, en poste à la boutique, avait entendu des éclats de voix provenant du hall vers 11h30. Après s’y être rendu, il avait vu Madame I______ et M. F______ en train de gesticuler ainsi que le recourant et un autre homme sortir du bâtiment.

M. F______ a indiqué que lorsqu’il avait recueilli les doléances du visiteur, celui-ci était calme et clair dans ses propos. Le recourant était alors apparu en vitupérant dans le hall et en agressant verbalement le visiteur. Il avait alors essayé de calmer son collègue, mais ce dernier ne voulait rien entendre et avait demandé au visiteur de sortir pour s’expliquer « entre hommes ». Il était alors sorti avec le recourant et le visiteur. Sur le trottoir, le ton avait continué à monter. Il avait essayé de s’interposer car il avait peur que le recourant en vienne aux mains. Le visiteur, excédé, avait répliqué, mais avait repris rapidement le contrôle de
lui-même. Le recourant s’était finalement retiré. M. F______ avait alors tenté de s’excuser auprès du visiteur pour le comportement de l’intéressé.

Monsieur J______ – lequel était arrivé en compagnie du recourant, étant précisé qu’il avait été demandé à ce dernier de se retirer avait indiqué qu’il était passé près du « E______ » après l’altercation entre le recourant et le visiteur. Ce dernier, visiblement très remonté, l’avait pris à partie en lui demandant pourquoi il n’était pas possible de boire un café. Il avait insisté et semblait très contrarié. M. J______ s’était alors excusé au nom de l’équipe, sans toutefois savoir ce qui avait déclenché la contrariété du visiteur.

Mme I______, en poste à l’accueil, avait indiqué que, vers 11h30, un visiteur très aimable était venu vers elle et avait demandé à pouvoir s’adresser à un responsable. Pendant que M. F______ écoutait les doléances du visiteur, le recourant était apparu dans le hall en vitupérant haut et fort devant tous les visiteurs présents, y compris des enfants. Elle lui avait alors demandé de se calmer, mais le recourant l’avait repoussée et avait continué d’intimider le visiteur en s’approchant très près de lui et en parlant très fort. Elle en avait « assez de couvrir le mauvais comportement [du recourant] ».

26.26) Le 16 décembre 2021, le recourant a également intégralement persisté dans ses conclusions.

Réitérant son argumentation quant à l’indispensabilité de la production du procès-verbal réclamé, il a relevé qu’il ne demandait nullement à avoir accès aux notes personnelles des conseillères administratives et conseillers administratifs, mais uniquement au procès-verbal ayant « scellé son sort ». Il ne demandait, par ailleurs, pas accès à tout le document, mais à la partie permettant de vérifier que les quorums que fixait le règlement du CA avaient été respectés. Le document en question pourrait même être remis uniquement à la chambre administrative pour lui permettre de vérifier cette information. Le caviardage de ce document n’apparaissait pas disproportionné.

La synthèse de M. D______ produite par l’autorité intimée interpellait. Rien n’empêchait la tenue de véritables procès-verbaux. Il était peu probable que deux personnes aient utilisé l’adjectif « vitupérant » pour décrire son comportement le jour des faits litigieux, ce qui laissait à penser que M. D______ avait lui-même utilisé ce mot pour transcrire ce qu’il pensait être l’appréciation de ses subordonnés. Cette note aurait par ailleurs pu lui être transmise avant le prononcé de la décision litigieuse. Plusieurs justifications avancées par la ville, telle que la présence de visiteurs, provenaient de cette note, de sorte que l’autorité intimée n’était pas crédible lorsqu’elle indiquait qu’elle avait pris sa décision uniquement sur la base de ses propos et de ceux du plaignant. En ne lui permettant pas de participer à ses entretiens, la ville avait violé son droit d’être entendu.

27.27) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.2) Le litige porte sur le bien-fondé de la décision du 23 juin 2021 de résiliation immédiate de l'engagement du recourant pour justes motifs, avec effet rétroactif au 26 mai 2021.

3) Le recourant sollicite la production par la ville du procès-verbal de la séance du CA lors de laquelle ce dernier s’est prononcé en faveur de son licenciement immédiat, ou à tout le moins de la partie dudit procès-verbal permettant de vérifier que les quorums que fixe le règlement du CA ont été respectés.

Il soutient également que son droit d'être entendu aurait été violé au motif que la ville n’a pas procédé à une enquête administrative, ni à l’audition de témoins, pas même le dénonciateur. Il n’avait pas ailleurs jamais été convié aux auditions de ses collègues dont la ville se prévalait dans ses observations, pas plus qu’il n’avait reçu un compte rendu de leurs déclarations.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_638/2020 du 17 juin 2021 consid. 2.1 et les références citées).

b. L'art. 37 du statut du personnel de la Ville de Genève du 29 juin 2010 (SPVG - LC 21 151 ; ci-après : le statut) prévoit que la procédure de licenciement est régie par les art. 96 ss du statut ainsi que par la LPA.

Selon l'art. 96 du statut, la procédure de décision est régie par la LPA, en particulier en ce qui concerne la notification et la motivation des décisions (al. 1). Les membres du personnel ont la possibilité de s'exprimer par écrit sur les motifs invoqués à l'appui de la décision. Les membres du personnel ont également droit à une audition orale devant l'autorité compétente pour rendre la décision, ou une délégation de celle-ci s'il s'agit du CA, avec le droit de se faire assister (al. 2).

L'art. 99 du statut précise que lorsqu'il s'avère qu'un ou une membre du personnel est passible d'un licenciement au sens de l'art. 34 al. 2 let. a à c article qui porte sur le licenciement pour motif objectivement fondé , le CA ouvre une enquête administrative qu'il confie à une ou plusieurs personnes choisies au sein ou à l'extérieur de l'administration municipale au sens de l'art. 97 du statut (al. 1). Un licenciement ne peut être prononcé sans que la personne intéressée ait pu préalablement faire valoir ses observations sur les motifs avancés pour le justifier (al. 2). Dans les cas de licenciements fondés sur les art. 30 (résiliation immédiate pour justes motifs), 32 et 34 du statut, la personne intéressée peut demander à être entendue oralement par une délégation du CA. La personne intéressée a le droit de se faire assister (al. 3). Lorsque le licenciement a été précédé d'une suspension, il peut, si les conditions de l'art. 30 du statut sont remplies, être prononcé avec effet à la date de la suspension (al. 4).

c. La violation du droit d'être entendu doit en principe entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond
(ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 141 V 495 consid. 2.2 ; 140 I 68 consid. 9.3). Une réparation devant l'instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d'examen que l'autorité intimée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_302/2018 du 14 mars 2019 consid. 2.1). La réparation dépend cependant de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2). Elle peut se justifier en présence d'un vice grave notamment lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 136 V 117 consid. 4.2.2.2 ; ATA/1152/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2c et les arrêts cités). Enfin, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de la violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir eu le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1395/2021 du 21 décembre 2021 consid. 4a ; ATA/541/2020 du 29 mai 2020 consid. 3).

d. En l’espèce, le recourant a sollicité, au stade de sa réplique, la production du procès-verbal, en tout ou partie, de la séance du CA lors de laquelle son licenciement immédiat a été décidé, exposant qu’il ignorait si les règles présidant la prise de décision du CA avaient été respectées, soit notamment celles relatives aux quorums (art. 11 et 12 du règlement du CA de la ville du 11 avril 2001-
LC 21 121). Il apparaît ainsi cette offre de preuve ne vise qu’une pure hypothèse ne reposant sur aucun indice concret –, soit celle selon laquelle le quorum visant la prise de décision litigieuse aurait pu ne pas être respecté. Or, rien n'indique dans le dossier, et le recourant ne l'allègue d’ailleurs pas, que la décision aurait été prise de façon non conforme, que cela soit au niveau de la composition de l’autorité, du respect des quorums, ni d'une autre façon. Dans ces conditions, la production de la pièce sollicitée ne sera ainsi pas requise (arrêt du Tribunal fédéral 8D_1/2021 du 4 novembre 2021 consid. 4.3.2).

S’agissant de la violation du droit d’être entendu alléguée, il sied de relever que le recourant a été informé, par courrier du 1er juin 2021 du CA, que ce dernier envisageait la résiliation immédiate de son engagement pour justes motifs et les faits qui lui étaient reprochés ont été exposés dans ladite correspondance. Préalablement audit courrier, le recourant a été reçu en entretien par sa hiérarchie directe le 25 mai 2021 et suspendu par décision du 26 mai 2021. En application des art. 96 et 99 du statut, le CA lui a octroyé un délai au 9 juin 2021 pour s’exprimer par écrit sur les motifs reprochés ainsi que pour solliciter une audition orale par une délégation du CA, audition qu’il n’a d’ailleurs pas sollicitée. Il a toutefois transmis des observations écrites le 15 juin 2021, dans lesquelles il a pu faire valoir son point de vue. Il a ainsi pu exercer son droit d'être entendu avant la prise de décision du 23 juin 2021. Par ailleurs, et comme le précise la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'autorité administrative peut mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 134 I 140 consid. 5.3). La décision attaquée expose par ailleurs de manière détaillée les faits qui lui sont reprochés.

Il est vrai que l’autorité intimée n’a pas transmis au recourant, avant la procédure devant la chambre de céans, la synthèse des témoignages recueillis par M. D______ le 14 mai 2021 auprès des collègues du recourant au sujet de l’altercation survenue la veille. Cela étant, il ressort de ladite synthèse que l’intéressé avait connaissance du fait que ses collègues étaient entendus, ayant en particulier accompagné M. J______ lorsque celui-ci a été entendu par M. D______. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que l’autorité intimée se serait fondée spécialement sur lesdits témoignages pour prononcer la décision litigieuse, mais bien plutôt sur la plainte du visiteur – dont il ne conteste pas avoir eu connaissance – et sur ses propres déclarations, étant précisé que la majorité des faits reprochés sont d’ailleurs reconnus par le recourant. Contrairement à ce qu’il relève, le fait que d’autres visiteurs aient été présents durant l’altercation ne ressort pas uniquement des témoignages recueillis auprès de ses collègues, mais également de ses observations du 25 mai 2021, dans lesquelles il avait notamment indiqué qu’il avait invité le visiteur à le suivre dehors afin d’éviter que le ton ne monte au vu et su du public.

De surcroît, l’absence de procès-verbal relatif à des mesures d’instruction antérieures au prononcé d’une décision de licenciement ne viole pas l’art. 20
al. 3 LPA, lequel ne s’applique qu’en procédure contentieuse (arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015 consid. 4.3 ; Stéphane GRODECKI/
Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017
n. 357). Même à admettre une éventuelle violation du droit d'être entendu à cet égard, une telle violation aurait été réparée devant la chambre administrative, laquelle dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (art. 61
al. 1 LPA), dès lors que l’autorité intimée a produit une synthèse des propos recueillis auprès des collègues du recourant qui ont été entendus le 14 mai 2021. Le recourant a d’ailleurs indiqué dans sa réplique que la violation de son droit d’être entendu pourrait être réparée si la ville versait au dossier un compte rendu desdits entretiens. Il convient, par ailleurs, de relever qu’il ne conteste pas la teneur des propos recueillis, relevant uniquement que l’utilisation du terme « vitupérant » laissait à penser que M. D______ avait retranscrit ce qu’il pensait être l’appréciation de ses subordonnés. Le recourant n’a en outre sollicité aucune audition de témoin dans le cadre de la présente procédure.

Enfin, le statut ne prévoyant pas d'enquête administrative en cas de résiliation immédiate pour justes motifs (art. 30 du statut), ce qui est justifié par le devoir de diligence et de réactivité de l'employeur public en cas de procédure de résiliation immédiate pour justes motifs, c'est de manière conforme au droit que la ville n'en a pas ordonné.

Les griefs seront écartés.

4.4) a. En tant qu'employé de la ville, le recourant est soumis au statut ainsi qu'au règlement d'application du statut du personnel de la ville (REGAP - LC 21 152.0), adopté le 14 octobre 2009 par le CA.

b. Parmi les devoirs généraux des membres du personnel, l’art. 82 du statut dispose que ceux-ci sont tenus au respect des intérêts de la ville et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice.

En vertu de l’art. 83 du statut, ils doivent par leur attitude : a) entretenir des relations dignes et respectueuses avec leurs collègues, leurs supérieures et supérieurs et leurs subordonnées et subordonnés et faciliter la collaboration entre ces personnes ; b) établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public ; c) justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit être l’objet.

Conformément à l’art. 84 du statut, ils doivent notamment : a) remplir leurs devoirs de fonction consciencieusement et avec diligence ; f) se conformer aux règlements et directives les concernant ; g) se conformer aux instructions de leurs supérieures et supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement.

5.5) a. Aux termes de l'art. 30 du statut, quelle que soit la nature et la durée de l'engagement, l'employeur et les membres du personnel peuvent en tout temps mettre fin immédiatement aux rapports de service pour justes motifs lorsque les règles de la bonne foi ne permettent plus d'exiger de la partie qui donne le congé leur continuation (al. 1) ; la résiliation par l'employeur (licenciement) fait l'objet d'une décision motivée du conseil administratif (al. 2).

Lorsque le licenciement a été précédé d’une suspension, il peut, si les conditions de l’art. 30 sont remplies, être prononcé avec effet à la date de la suspension (art. 99 al. 4 du statut).

Le REGAP ne fournit pas de précisions sur les conditions de l'art. 30 du statut.

Or, en vertu de l'art. 3 du statut, les rapports de services des membres du personnel sont régis par le statut, les dispositions d'exécution, ainsi que, le cas échéant, les clauses du contrat de travail (al. 1) ; en cas de lacune, les dispositions pertinentes de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220) sont applicables à titre de droit public supplétif (al. 2).

b. S'applique dès lors, à titre de droit public supplétif, l'art. 337 CO, à teneur duquel l'employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs ; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l'autre partie le demande (al. 1) ; sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2) ; le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs, mais en aucun cas il ne peut considérer comme tel le fait que le travailleur a été sans sa faute empêché de travailler (al. 3).

c. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en matière de contrat de travail de droit privé, la résiliation immédiate pour justes motifs de l'art. 337 CO est une mesure exceptionnelle qui ne doit être admise que de manière restrictive. Les faits invoqués à l'appui d'un renvoi immédiat doivent avoir entraîné la perte du rapport de confiance qui constitue le fondement du contrat de travail (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2016 du 18 janvier 2017 consid. 5.1). Seul un manquement particulièrement grave du travailleur justifie son licenciement immédiat ; si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement. Par manquement du travailleur, on entend en règle générale la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une résiliation immédiate (ATF 130 III 28 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_667/2019 du 28 janvier 2021 consid. 6.2). Une infraction pénale commise au détriment de l'employeur constitue, en principe, un motif justifiant le licenciement immédiat du travailleur (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; 130 III 28 consid. 4.1 ; ATA/148/2018 du 20 février 2018 consid. 8c).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes motifs (art. 337 al. 3 in initio CO) et il applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 du Code civil du
10 décembre 1907 - CC - RS 210) ; à cet effet, il prendra en considération tous les éléments du cas particulier, notamment la position et la responsabilité du travailleur, le type et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature et l'importance des incidents invoqués (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_559/2016 précité consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, les justes motifs de renvoi des fonctionnaires ou employés de l'État peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_638/2016 du
18 août 2017 consid. 4.2 et les références citées).

Ces principes valent aussi lorsqu'un statut du personnel communal renvoie à l'art. 337 CO (ATA/466/2020 du 12 mai 2020 consid. 8c ; ATA/148/2018 précité consid. 8c ; ATA/308/2017 du 21 mars 2017 consid. 6d).

d. L'art. 337 CO ne fixe aucun délai pour communiquer une résiliation immédiate. Toutefois, pour que l'on puisse admettre que la continuation du rapport de travail était devenue insupportable, il faut non seulement que l'analyse objective des circonstances aboutisse à cette conclusion, mais encore que l'on puisse constater, d'un point de vue subjectif, que la situation était effectivement devenue insupportable. Or, si l'employeur tolère en connaissance de cause la présence de l'employé dans l'entreprise pendant un certain temps encore, on doit en déduire que la continuation du rapport de travail ne lui est pas devenue à ce point insupportable qu'il ne puisse pas attendre l'expiration ordinaire du contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_236/2012 du 2 août 2012 consid. 2.4).

Les circonstances du cas concret déterminent le laps de temps dans lequel on peut raisonnablement attendre de la partie qu'elle prenne la décision de résilier le contrat immédiatement. De manière générale, la jurisprudence considère qu'un délai de réflexion de deux à trois jours ouvrables est suffisant pour réfléchir et prendre des renseignements juridiques, étant précisé que les week-ends et les jours fériés ne sont pas pris en considération (ATF 138 I 113 consid. 6.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_481/2020 du 10 juin 2021 consid. 4.3).

Le Tribunal fédéral a résumé les critères à prendre en considération en cas de déclaration de résiliation immédiate des rapports de travail dans le droit privé et dans le droit public (ATF 138 I 113 consid. 6 p. 115 ss). Il a notamment rappelé que la jurisprudence relative à l'art. 337 CO, selon laquelle la partie qui résilie un contrat de travail en invoquant de justes motifs ne dispose que d'un court délai de réflexion pour signifier la rupture immédiate des relations de travail (ATF 130 III 28 consid. 4.4), n'était pas sans autre transposable en matière de rapports de travail de droit public. En ce domaine, le licenciement se fait en général par voie de décision motivée ; il est souvent précédé d'une enquête, en particulier quand il s'agit d'étayer ou d'infirmer des soupçons. Durant l'enquête, l'intéressé bénéficie des garanties propres à la procédure administrative. En particulier, le droit d'être entendu doit être respecté. Indépendamment de ces garanties, les contingences liées aux procédures internes d'une administration ne permettent souvent pas de prendre une décision immédiate, surtout lorsque la décision ne peut pas être prise par le supérieur hiérarchique direct mais qu'elle dépend d'une autorité de nomination qui se réunit périodiquement seulement et qui doit confier une instruction à l'un de ses membres ou à un enquêteur externe à l'administration (arrêts du Tribunal fédéral 8C_667/2019 précité consid. 7.2.1 ; 8C_170/2009 du
25 août 2009 consid. 6.2.1, JdT 2010 I 101). Le Tribunal fédéral a néanmoins précisé que si les spécificités de la procédure administrative qui s'imposaient à l'employeur de droit public pour mettre fin aux rapports de service permettaient de lui accorder un délai de réaction plus long qu'en droit privé, il ne devait pas pour autant laisser traîner les choses, ni tarder à informer l'employé qu'une résiliation immédiate des rapports de service était envisagée (ATF 138 I 113 consid. 6.5).

e. D'après le Tribunal fédéral, l'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. En tant que les rapports de service relèvent du droit public, il doit néanmoins respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). Celui-ci exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2 et les arrêts cités).

6) a. Le Tribunal fédéral a, dans les exemples ci-dessous, confirmé la validité du licenciement immédiat :

- un policier d'une commune zurichoise avait parqué de manière délibérée et répétée son véhicule privé devant le poste de police, en violation de la réglementation communale ; et cela, bien qu'il comptât vingt-cinq ans d'activité et qu'il approchât de son 60ème anniversaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2014 du 26 juin 2014) ;

- un gardien de prison (chef de cuisine) avait été retrouvé en train de consommer de l'alcool avec un détenu. Compte tenu des devoirs particuliers qui incombent à un agent de prison, dont la fiabilité et l'intégrité jouent un rôle primordial, les premiers juges ne sont pas tombés dans l'arbitraire en considérant que les conditions du renvoi immédiat étaient réunies (arrêt du Tribunal fédéral 8C_780/2012 du 11 février 2012) ;

- un employé d'une base logistique de l'armée avait conservé sans autorisation des munitions (arrêt du Tribunal fédéral 8C_501/2013 du 18 novembre 2013).

b. Dans une affaire genevoise concernant un sergent-major instructeur de la police municipale et référent de l'école municipale y relative, ayant de bons états de service et dont les messages incriminés constituaient un acte isolé, le Tribunal fédéral a confirmé que le licenciement immédiat pour justes motifs était une sanction disproportionnée au vu, d'une part, de la gravité de la faute de l'intéressé et de l'absence d'antécédents et, d'autre part, de la possibilité de prendre d'autres mesures propres à atteindre le but visé, telles que la voie disciplinaire (art. 93 du statut) ou le changement d'affectation d'office (art. 94 et 41 al. 4 du statut). Selon le Tribunal fédéral, il existait un intérêt public considérable à sanctionner les manquements de l'intéressé, dont la gravité était particulièrement lourde pour un cadre de la police en charge de la formation des agents de la police municipale. Les autres mesures à disposition de l'autorité constituaient des mesures moins incisives que le licenciement immédiat pour atteindre les buts visés. Le fait qu'une autorité cantonale de recours annule, par un jugement entré en force, la décision de licenciement immédiat rendue par l'employeur public ne s'opposait pas en soi à ce que celui-ci résilie ensuite de manière ordinaire les rapports de travail sur la base du même état de fait, l'autorité de la chose jugée ne portant que sur la question du licenciement immédiat et non sur celle d'un éventuel licenciement pour motif objectivement fondé (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du
9 juillet 2020 consid. 4.3, 5.3.6 et 5.4).

7.7) En l’espèce, le recourant considère que le licenciement immédiat dont il a fait l’objet est tardif, illicite et disproportionné, de sorte qu’il doit être annulé et que sa réintégration doit être ordonnée.

a. À titre préalable, il convient d’examiner si l’autorité intimée aurait agi tardivement pour prononcer le licenciement immédiat du recourant.

Il ressort du dossier qu’après avoir été informé par le recourant le 14 mai 2021 de l’altercation survenue la veille, son supérieur hiérarchique a entendu le jour même des collègues du recourant, témoins des faits litigieux. L’autorité intimée expose, sans être contredite par le recourant, que la direction du B______ aurait reçu le 19 mai 2021 la plainte rédigée par le visiteur. Elle a alors, le 21 mai 2021, convoqué l’intéressé à un entretien le 25 mai 2021, soit le jour ouvrable suivant (les 22 et 23 mai tombant durant le week-end et le 24 mai étant un jour férié). Lors de cet entretien, les personnes présentes ont fait part de leurs doutes sur les capacités du recourant à exercer son travail et l’ont averti que le dossier serait transmis au département compétent, lequel donnerait la suite qui conviendrait. Le lendemain, soit le 26 mai 2021, le recourant a été suspendu avec effet immédiat par le maire d’alors de la ville. Le 1er juin 2021, soit quatre jours ouvrables plus tard, il a été informé de l’intention du CA de le licencier avec effet immédiat. Un délai de huit jours, soit au 9 juin 2021, lui a alors été imparti pour faire valoir ses observations et/ou solliciter son audition par une délégation du CA. Ce délai a été prolongé, à sa demande, au 15 juin 2021. Le CA a alors prononcé son licenciement immédiat par décision du 23 juin 2021, soit quatre jours ouvrables après avoir reçu la détermination de l’intéressé qui lui est parvenue le 17 juin 2021.

Dans ces circonstances, compte tenu des exigences découlant de la résiliation des rapports de droit public, soit notamment le respect du droit d’être entendu, l’obligation de rendre une décision motivée ou encore le fait que ladite décision doit émaner d’une autorité collégiale et non du supérieur hiérarchique direct, le temps écoulé entre les événements ayant motivé la décision litigieuse et la notification de cette dernière – étant relevé que ce délai a été prolongé d’une semaine à la demande du recourant , n’est pas critiquable, et ce même dans le contexte d’une résiliation immédiate des rapports de travail.

b. Il convient par ailleurs de déterminer si le recourant a contrevenu à ses devoirs généraux de membre du personnel (art. 82 ss du statut).

En l’occurrence, il a reconnu, tant dans son courriel à son supérieur hiérarchique puis lors de l’entretien du 25 mai 2021 et dans ses écritures devant la chambre de céans, la plupart des faits qui lui étaient reprochés, soit d’avoir eu une altercation avec un visiteur du B______ le 13 mai 2021, laquelle s’était déroulée en trois temps. Il s’était d’abord énervé avec le visiteur devant le « E______ » face à l’insistance de ce dernier à se faire servir un café, alors que le restaurant était fermé. Lorsqu’il avait entendu par radio qu’un visiteur souhaitait se plaindre à l’accueil du comportement d’un collaborateur du B______, il s’était rendu dans le hall et s’était à nouveau « engueulé avec le visiteur ». Vu l’ampleur que prenait la conversation, autant de sa part que celle du visiteur, il avait invité celui-ci à sortir. Une fois à l’extérieur, ils avaient eu une conversation houleuse, pendant laquelle il l’avait traité de « connard fini », le visiteur refusant d’entendre ce qu’il avait à lui dire.

Tant la plainte du visiteur adressée à la direction du B______ que les propos recueillis par le supérieur hiérarchique du recourant auprès des autres collaborateurs du musée présents le jour de l’altercation confirment l’existence de cette altercation, d’abord au sein même du B______, en présence d’autres visiteurs, puis dehors devant l’établissement culturel.

Force est dès lors de constater que le recourant a manqué par son attitude à son obligation d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (art. 83 let. b du statut). Le fait que le visiteur se soit également emporté à son égard ne saurait justifier son comportement, et en particulier le fait de l’avoir insulté et de ne pas avoir réussi à stopper l’escalade de la dispute. Le recourant a également mis en danger la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit faire l'objet (art. 83 let. c du statut), l’altercation s’étant déroulée devant d’autres visiteurs du B______ – en partie dans le hall d’entrée du musée puis à l’extérieur juste devant celui-ci , alors qu’il portait sa tenue de travail. Ce faisant, il a indéniablement manqué à ses devoirs de fonction (art. 84 let. a du statut). Ces manquements sont suffisamment graves pour justifier, à eux seuls, compte tenu de la jurisprudence précitée et du fait que l'altercation s'est déroulée en trois épisodes distincts, une rupture du lien de confiance, étant précisé pour le surplus que le recourant avait déjà fait l’objet d’avertissements suite à des problèmes de comportement.

Le recourant, qui reconnaît que sa réaction lors de l’altercation du 13 mai 2021 n’avait pas été « la plus adéquate de sa vie professionnelle », tente d’expliquer son comportement par sa situation familiale compliquée et une insomnie survenue la veille à la suite de sa vaccination contre la Covid-19. Sans nier ni même minimiser la souffrance causée par les problèmes de santé de sa fille, exacerbée peut-être par une éventuelle insomnie, il n’en demeure pas moins qu’il relevait de sa responsabilité de ne pas se rendre à son travail, et d’en avertir immédiatement sa hiérarchie, s’il n’était pas apte à remplir ses obligations professionnelles conformément à ses devoirs. Il sied, par ailleurs, de relever qu’il ne s’agissait pas du premier problème de comportement de sa part, comme il le sera détaillé ci-après, lesquels étaient pour leur part survenus précédemment à ses ennuis familiaux.

c. Il convient enfin d’examiner si le licenciement immédiat serait disproportionné, comme le relève le recourant.

L’intéressé, quoi qu’il en dise, ne peut se targuer de parfaits états de service, ce dernier ayant des antécédents disciplinaires. Il a en effet été sanctionné le 4 septembre 2013 d’un avertissement – soit une sanction disciplinaire prévue par le statut par le directeur du B______ pour avoir eu un comportement inacceptable et des propos particulièrement déplacés, confinant parfois au harcèlement, envers des collègues féminines. Le 17 mars 2014, il a fait l’objet d’un blâme pour avoir à nouveau adopté à l’égard de certaines de ses collègues un comportement inacceptable. S’il est vrai que ces deux sanctions remontent à respectivement huit et sept ans avant les faits litigieux, le recourant a par ailleurs été convoqué à un entretien le 17 janvier 2019 par son supérieur hiérarchique au sujet d’une altercation avec un collègue de travail. Ce dernier incident n’a toutefois pas donné lieu au prononcé d’une sanction disciplinaire.

Son débordement lors de l’altercation du 13 mai 2021 ne saurait ainsi être considéré comme un acte isolé. S’il est vrai que les précédents reproches ou sanctions à son encontre concernaient des problématiques avec des collègues, et non des visiteurs du musée, il n’en demeure pas moins que son comportement a déjà posé problème à plusieurs reprises. Le fait que son attitude inappropriée ait cette fois été dirigée non pas contre des collègues, mais contre un visiteur du musée, alors qu’il lui incombait notamment selon son cahier des charges de s’assurer de la qualité de l’accueil, rend cette violation de ses devoirs de fonction plus grave encore. Lors de l’entretien du 25 mai 2021, le recourant a d’ailleurs reconnu avoir parfaitement conscience de la mauvaise image qu’il avait donnée de lui-même et du musée lors de l’événement du 13 mai 2021. Le fait que le public ait assisté à l’altercation ne l’a d’ailleurs pas arrêté dans ses agissements.Il ne peut dès lors être reproché à la ville d’avoir considéré qu’elle ne pouvait plus avoir confiance dans les capacités de l’intéressé à remplir les exigences de son poste, dès lors qu’il risquait à tout moment de perdre ses moyens en présence d’une situation contrariante pour lui.

Il apparaît dès lors que le licenciement immédiat est apte à atteindre le but poursuivi. Il est nécessaire et proportionné, au sens étroit de cette notion, vu le non-respect à réitérées reprises par l'intéressé de ses devoirs de fonction. Il a manqué à ses devoirs de service, alors qu'un comportement adéquat d’un agent de sécurité et d’accueil, en lien avec les usagers, est particulièrement important. Reconnaissant ses torts, tout en minimisant leur importance, le recourant ne semble pas avoir pris conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés.

Compte tenu de la casuistique exposée ci-dessus et de l'ensemble des circonstances, la chambre de céans retiendra que c’est sans abus ni excès de son large pouvoir d’appréciation que la ville a retenu que le comportement du recourant, qui n’était pas à sa première transgression de ses devoirs de fonction, était de nature à justifier un licenciement immédiat pour justes motifs.

Au vu de ce qui précède, les conclusions du recourant tendant à sa réintégration seront également écartés.

Entièrement mal fondé, le recours sera dès lors rejeté.

8.8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la ville qui compte plus de dix mille habitants, soit une taille suffisante pour disposer d'un service juridique et est par conséquent apte à assurer la défense de ses intérêts sans recourir aux services d'un avocat (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/598/2021 du 8 juin 2021 ; ATA/1344/2020 du 22 décembre 2020).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 18 août 2021 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 23 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Steve Alder, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :