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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2854/2020

ATA/546/2021 du 25.05.2021 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.07.2021, rendu le 24.11.2021, REJETE, 8C_475/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2854/2020-FPUBL ATA/546/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mai 2021

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

CHANCELLERIE D'ÉTAT



EN FAIT

1) À compter du 1er avril 2007, Madame A______, née le ______1959, a été engagée par l'État de Genève en qualité d'auxiliaire, commise administrative 2. Elle a été affectée au service des votations et élections (ci-après : SVE).

Selon sa lettre d'engagement du 20 mars 2007, son taux d'activité dépendait des besoins du service. Son salaire horaire brut était fixé à CHF 30.70. Il ne lui était dû que pour autant qu'elle soit présente à son travail. Les délais de congé, sous réserve de la résiliation immédiate du contrat pour justes motifs, étaient ceux prévus par la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Il lui était enfin rappelé que le secret le plus absolu devait être gardé sur les affaires de service.

2) Mme A______ a, suite à son engagement, été appelée lors des scrutins organisés par le SVE, en fonction des besoins.

Selon le décompte produit par la chancellerie d'État de Genève (ci-après : la chancellerie), en 2015, Mme A______ n'a pas été appelée à fonctionner pour le SVE aux mois de janvier, juillet, août et décembre. En février, elle a travaillé durant 75 heures, en mars 47 heures, en avril 140 heures, en mai 102 heures, en juin 58 heures, en septembre 27 heures, en octobre 160 heures et en novembre 59 heures. En 2016, elle n'a pas été appelée en mars, avril, juillet et décembre. En janvier, elle a travaillé pendant 24 heures, en février 110 heures, en mai 81 heures, en juin 41 heures, en août 26 heures, en septembre 88 heures, en octobre 20 heures et en novembre 98 heures. En 2017, elle n'a pas travaillé durant les mois de mars, avril, juin à août, et octobre à décembre inclus. En janvier, elle a travaillé durant 34 heures, en février 69 heures, en mai 90 heures et en septembre 106 heures. En 2018, elle n'a pas travaillé en juillet, août, octobre et décembre. En janvier, elle a travaillé 9.5 heures, en février 72 heures, en mars 61 heures, en avril 130 heures, en mai 83 heures, en juin 54 heures, en septembre 82 heures et en novembre 84 heures. En 2019, elle n'a pas travaillé au mois de mars. Elle a travaillé 28 heures en janvier, 53 heures en février et 6 heures en avril.

Il ressort d'un décompte produit par la chancellerie le 28 janvier 2021 que Mme A______ a en définitive travaillé 74 heures pour la période du 1er au 22 mai 2019 inclus.

3) Le 5 février 2019, Mme A______, ainsi que sa collègue Madame B______, également auxiliaire, ont été entendues par la Cour des comptes.

Mme A______ a expliqué qu'en 2017, lors d'une votation dans une commune, ses collègues Monsieur C______ et Mme B______ avaient vu des bulletins de vote remplis abandonnés dans des caisses contenant les enveloppes bleues destinées à la destruction. Il en est allé de même lors de la votation de la loi sur la police, ce dont Mme B______ avait été témoin. En 2018, lors de l'élection de Monsieur D______ au Conseil d'État, elle-même avait vu des « nids » de trente bulletins de vote identiques sur une pile de cinquante bulletins. Le manque de panachage des bulletins lui avait semblé suspect. Lors de l'avant-dernière votation précédent son audition, deux cents bulletins avaient été trouvés dans la mauvaise urne.

M. C______ disposait de toutes les clés du SVE. Lors de la dernière votation de l'année 2018, Mme B______ avait vu M. C______ prendre des bulletins dans une urne pour les répartir dans d'autres, rendant ainsi leur traçabilité impossible. Douze votes en trop avaient été comptabilisés dans une urne et douze votes en moins dans une autre. M. C______ avait expliqué à Mme B______ la manière dont il parvenait à entrer et à sortir de la salle où les bulletins de vote étaient déposés, sans casser le plomb sécurisant la porte d'accès, une « méthode de cambrioleur ». Il avait également détruit des listes et n'en avait pas validé d'autres. Elle-même était au courant de ces manipulations qui lui avaient été rapportées par Mme B______. Cette dernière avait participé à la fraude, à tout le moins comme témoin et avait fait partie d'une fronde à son encontre en vue de la discréditer, pour obtenir sa propre place. Pour tricher, il fallait plusieurs « entrées », soit personnes, à l'intérieur et à l'extérieur

M. C______ avait cassé du matériel, notamment une chaise lors d'un entretien, et « criait sur ses collègues ». Il avait fait en sorte que les repas ne soient plus offerts aux équipes de vérification des signatures. Il ouvrait les enveloppes contenant les fiches de salaire de ses collègues et faisait des commentaires. Les responsables hiérarchiques, au fait de son comportement, ne réagissaient pas. Sa mère était adjointe du chef du SVE. Cette dernière et son fils faisaient « la pluie et le beau temps », sans contrôle. M. C______ avait parfois traité Mme B______ d'esclave.

Le SVE maintenait les auxiliaires dans la précarité. Ce n'était pas normal d'être auxiliaire après douze ans. Il y avait beaucoup d'anomalies et c'était un environnement « assez toxique ».

4) Le 6 février 2019, la Cour des comptes a communiqué au Ministère public (ci-après : MP) le compte rendu de l'entretien avec Mme A______, ainsi que celui de Mme B______. La Cour des comptes a également transmis deux photographies. L'une d'elles montrait M. C______ en train de consommer un joint de cannabis dans les caves du SVE.

5) Ce même 6 février 2019, le MP a ordonné l'ouverture d'une instruction pénale contre M. C______ pour fraude électorale et corruption passive.

6) Le 8 février 2019, Mme A______ a écrit à la secrétaire générale adjointe à la chancellerie pour s'interroger sur plusieurs aspects de son contrat, notamment sa qualité d'auxiliaire nonobstant sa durée.

7) Le 5 mars 2019, Mme A______ a été entendue par la police judiciaire.

Lors des trois votations précédant cette audition, des bulletins de vote avaient été déplacés d'une urne à une autre, de sorte que lors du décompte final, les différences entre le nombre de bulletins comptés par l'équipe du soir et celui de bulletins se trouvant dans les urnes avaient été constatées. Quelqu'un avait manipulé les bulletins. Lors de la votation du mois de septembre 2018, il y avait eu une différence de douze votes. Lors de celle de février 2019, c'était une différence de cent bulletins, constatée dans deux urnes, et de cinquante bulletins dans deux autres. Lors de la votation du 4 mars 2018, sa collègue B______ lui avait dit que beaucoup de bulletins de vote avaient été retrouvés dans une caisse contenant les enveloppes bleues, censée avoir été vidée. Les bulletins ainsi retrouvés avaient été montrés à l'adjointe du chef du SVE qui avait dit que, dans la mesure où la votation était passée, il était trop tard. Ces bulletins n'avaient donc pas été pris en compte et avaient été détruits. Elle-même supposait que ce même procédé avait été utilisé lors de la votation sur la loi sur la police, car Mme B______ le lui avait raconté. Lors de la votation du 6 février 2019, le chef du SVE avait pris six bulletins de vote vierges les avait rajoutés dans l'une où il manquait six bulletins de vote.

Elle-même n'avait jamais vu M. C______ manipuler des bulletins de vote et les déplacer ni faire quoi que ce soit d'illégal. Elle rapportait les propos de Mme B______.

8) Le 9 mai 2019, la police a procédé à une perquisition du logement de M. C______ ainsi que des locaux du SVE, notamment la place de travail de M. C______.

Dans les locaux du SVE, elle a entre autres saisi du matériel électoral dans le corps de bureau partagé par Mme A______ et M. C______ et dans un sac déposé dans le hall d'entrée du service. Dans un sac contenant du papier à détruire, déposé dans le couloir, à proximité de la place de travail de M. C______, des morceaux déchirés de bulletins de vote remplis pour la votation du 19 mai 2019 ont été saisis. Dans un sac de farine contenant du papier à détruire et déposé dans une salle nommée « KGB », des morceaux déchirés de bulletins de vote remplis pour les votations cantonales et fédérales du mois de mai 2019 ont également été saisis.

9) Le chef du service des ressources humaines a répondu le 25 avril 2019 au courrier de Mme A______ du 8 février précédent. Le personnel auxiliaire du SVE pouvait alors être dispensé le matin même pour un engagement prévu pour la soirée, sans rétribution pour les heures non effectuées. La pratique allait toutefois être modifiée pour garantir une égalité de traitement entre les équipes de jour et de nuit. En vertu de l'art. 7 al. 2 LPAC, le statut d'auxiliaire tel que connu pour les besoins du SVE pouvait subsister au-delà de trois ans.

10) Le 9 mai 2019 encore, M. C______ a été interpellé à son domicile et entendu par la police en qualité de prévenu.

Il n'avait jamais falsifié ou détruit des bulletins de vote. Lors des votations du 23 septembre 2018, il en avait pris cinq dans l'urne de la commune de E______ pour les placer dans celle d'F______. Dix minutes plus tard, pris de remords, il les avait remis à leur place. Mme B______ l'avait vu les prendre mais aussi les remettre. Il n'avait agi qu'une seule fois pour manifester son ras-le-bol. Il avait, à une seule occasion, consommé un joint dans la cave du SVE pendant la nuit. Il ne disait pas forcément bonjour mais n'était ni agressif ni menaçant envers ses collègues. Il avait été en proie à des excès de colère parce qu'il était poussé à bout. Une fois, le stylo qu'il avait lancé contre le mur était malencontreusement passé à côté de la tête de Mme B______.

11) Le lendemain, M. C______ a confirmé ses déclarations devant le MP. L'ambiance au sein du SVE était délétère. Tout le monde s'y accusait et se plaignait de tout.

Il avait formé Mme B______. En septembre 2018, pour lui montrer qu'il était facile d'occasionner des erreurs, il avait pris quatre ou cinq bulletins d'une urne pour les mettre dans une autre, avant de les remettre en place. Il ne comprenait pas les accusations portées contre lui. Il se trouvait en compagnie de Mme B______ lorsqu'il avait essayé d'ouvrir la porte du local où se trouvaient les bulletins de vote, sans casser le plomb.

12) À l'issue de cette audience du 10 mai 2019, au cours de laquelle M. C______ a notamment été confronté à Mme B______, le MP a ordonné la mise en liberté de celui-là, moyennant des mesures de substitution.

13) Dans le cadre de cette procédure pénale, la police a par ailleurs procédé à l'audition de Mme B______, le chef du SVE et un adjoint administratif de ce service. Il sera fait référence, en tant que de besoin, à ces déclarations dans la partie en droit.

14) Le 13 mai 2019, le Procureur général a tenu une conférence de presse.

Il a évoqué les actes d'enquête ordonnés suite à la transmission de la Cour des comptes et relevé qu'en l'état, la procédure ouverte ne contenait aucun indice qu'une fraude électorale ait été commise. Le dossier ne contenait aucun indice de corruption ou d'actes ayant visé à pousser M. C______ à agir d'une certaine manière. Il ressortait du dossier que les processus mis en place au sein du SVE n'étaient pas appliqués avec la rigueur attendue. L'ambiance et les relations interpersonnelles dans le service étaient lourdes.

15) Le 26 août 2019, Mme A______ a demandé à la chancelière d'État les motifs pour lesquels elle n'avait pas été convoquée pour les scrutins à venir des 15 septembre et 20 octobre 2019.

16) Le 5 septembre 2019, Mme A______ a écrit au chancelier de la Confédération pour se plaindre de ne pas avoir été convoquée au décompte des signatures de l'élection fédérale du 20 octobre 2019.

17) La chancelière d'État a répondu le 13 septembre 2019 à sa demande du 26 août précédent.

La procédure pénale portant notamment sur des allégations de fraudes électorales au sein du SVE, initiée essentiellement à la suite de déclarations importantes de sa part, était toujours en cours. Il était ainsi nécessaire d'en attendre la clôture afin d'en connaître l'ensemble des éléments.

18) Le 19 septembre 2019, la chancellerie fédérale a répondu à Mme A______ qu'elle n'était pas compétente pour traiter la problématique qu'elle lui avait soumise.

19) Le 27 novembre 2019, par l'intermédiaire de son avocat, Mme A______ a sollicité du Président du Conseil d'État : l'ouverture d'une procédure administrative, un accès au dossier, la coordination avec la procédure pénale, le constat qu'elle avait été illicitement privée de tout revenu et de son poste depuis le 9 mai 2019, son rétablissement dans son emploi sans délai, une indemnisation pour l'intégralité des revenus dont elle avait été illicitement frustrée depuis le 9 mai 2019 et la prise en charge de l'intégralité de ses frais de défense.

Elle avait été suspendue sans traitement de ses fonctions sans qu'aucune décision, motivée en fait et en droit, ne lui ait été notifiée.

20) a. Le 6 décembre 2019, la Radio Télévision Suisse (ci-après : RTS), dans son émission « Forum », a évoqué la situation de Mme A______ et de sa collègue auxiliaire au SVE, mettant notamment en évidence le fait qu'elles étaient sans emploi et qu'elles avaient tout perdu.

b. Le magazine « l'Illustré » en a fait de même dans son édition du 18 décembre 2019. Il a publié un article intitulé « Les lanceuses d'alerte qui font trembler Genève, c'est nous ».

c. Le 18 décembre 2019, l'avocat de Mme A______ et celui de sa collègue auxiliaire au SVE ont été interviewés sur la chaîne de télévision locale Léman Bleu.

d. Le 26 décembre 2019, le journal « Le Courrier » a publié une interview du président du Conseil d'État portant notamment sur la protection des lanceurs d'alerte. Le 25 février 2020, la « Tribune de Genève » a consacré un éditorial à cette question.

Il sera plus précisément revenu sur ces éléments, en particulier sur l'article de « l'Illustré », dans la partie en droit du présent arrêt.

21) Le 27 février 2020, le MP a ordonné le classement partiel de la procédure pénale ouverte contre M. C______ pour fraude électorale et corruption passive. Il a condamné ce dernier aux frais de procédure.

Le MP a retenu que M. C______ avait, devant des collègues et à plusieurs occasions, prétendu pouvoir modifier les résultats des votations et affirmé qu'il était disposé à vendre des votes. L'ambiance de travail était délétère au sein du SVE. Les relations entre M. C______ et les collaborateurs étaient difficiles. Il s'était souvent montré agressif verbalement et physiquement envers certains collaborateurs. Du fait de la position hiérarchique de sa mère, ses collègues estimaient qu'il profitait d'une situation d'impunité. Voulant faire une « blague de potache » à une collègue, il avait détérioré du matériel de vote, cet épisode trahissant un respect insuffisant de sa mission. M. C______ avait consommé un joint de cannabis devant une urne. Lors de la votation du 28 septembre 2018, il avait pris des bulletins de vote se trouvant dans une urne pour les placer dans une autre. Saisi de scrupules, il les avait remis en place.

De manière générale, les déclarations de Mme B______ avaient été fluctuantes et marquées par une certaine hyperbole, jusqu'à ce qu'elle admette avoir, pour l'essentiel, formulé des suppositions. Le MP constatait au surplus qu'il serait pour le moins surprenant qu'elle ait constaté les manipulations massives qu'elle avait dans un premier temps dénoncées, cela pendant plusieurs années, sans trouver la moindre occasion de les rapporter à sa hiérarchie ou à un tiers. Elle avait déclaré que M. C______ avait entreposé des stupéfiants dans la cave du SVE. Ce fait n'était pas établi.

Malgré des actes d'investigation poussés, le MP n'avait pas pu établir l'existence du moindre procédé électoral frauduleux tel que rapporté par les deux dénonciatrices. M. C______ ne s'était rendu coupable ni de fraude électorale, ni de corruption passive, ni d'infraction à l'art. 19 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

La Cour des comptes avait transmis au MP les comptes rendus d'entretien intervenus avec Mme A______ et sa collègue auxiliaire. À teneur de leurs déclarations, M. C______ avait pris des bulletins dans une urne pour les mettre dans une autre. Ce comportement avéré constituait une violation sans équivoque de ses devoirs professionnels et de diligence découlant de ses fonctions au SVE. La Cour des comptes avait également transmis un cliché photographique de M. C______ en train de consommer un joint de cannabis dans la cave du SVE. Ces deux comportements dénoncés étaient, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, de nature à faire naître la suspicion qu'il avait oeuvré de manière frauduleuse, à présumer que des infractions avaient été commises et ainsi à provoquer l'ouverture d'une procédure pénale à son encontre. Au surplus, il avait indiqué à plusieurs reprises devant ses collègues qu'il était en mesure de modifier les résultats des votations et qu'il allait vendre des votes. Par son comportement, il avait attiré les soupçons de ses collègues sur lui et créé l'apparence d'une situation contraire au droit. Pour cette raison, les frais de la procédure étaient mis à sa charge.

22) Ce même 27 février 2020, le MP a publié un communiqué de presse annonçant le classement de cette procédure. Les investigations n'avaient pas confirmé les allégations des deux collaboratrices du SVE à la Cour des comptes.

23) Le 27 février 2020 encore, la Cour des comptes a rendu son rapport n° 158 intitulé « Audit de légalité et de gestion - Traitement du vote par correspondance dans les locaux du SVE » (ci-après : le rapport n° 158).

Elle avait reçu, en février 2019, deux communications de la part de collaboratrices auxiliaires du SVE portant sur de potentiels dysfonctionnements relatifs au traitement des bulletins de vote par correspondance et sur des comportements inappropriés de la part d'un collaborateur. Vu la gravité des faits allégués et la proximité de la tenue d'un scrutin, elle les avait immédiatement dénoncés au MP.

Elle adressait neuf recommandations à la chancellerie et trois à la Commission électorale centrale qui avaient toutes été acceptées. Elles portaient sur l'organisation du vote par correspondance, la mise en place d'un système d'information et la rédaction de directives internes, la nécessité de mieux informer les auxiliaires, la favorisation du dialogue, le traitement des liens familiaux au sein du service et des dysfonctionnements selon des règles strictes et équitables, la mise à disposition du SVE des locaux aux normes et adaptés à ses activités et l'élargissement des contrôles sur le vote par correspondance.

24) La presse s'est, le 28 février 2020, faite l'écho du rapport n° 158.

25) Le 3 mars 2020, la Cour des comptes a informé Mme A______ qu'elle avait mené l'audit précité. Les éléments que celle-ci avait exposés dans sa communication avaient pu être pris en compte de façon générale. Le rapport synthétisant les travaux menés faisait état des problématiques liées à l'organisation du vote par correspondance, de lacunes dans la gestion opérationnelle des auxiliaires et de l'état déplorable des locaux du SVE.

Ses recommandations visaient à mettre en place une structure adéquate de travail en améliorant les conditions et les relations de travail, avec pour objectif de rétablir un climat de confiance. Toutes les recommandations avaient été approuvées, notamment pas la chancellerie. Il était loisible à Mme A______ de faire part de tout nouvel élément dont elle aurait connaissance.

26) Le 30 mars 2020, Mme A______ a à nouveau sollicité du président du Conseil d'État d'être réintégrée immédiatement à son poste de travail.

27) À cette même date, elle a fait cette même demande au vice-chancelier, mais aussi celle de recevoir son traitement depuis le début de sa suspension et de la prise en charge de ses frais de défense.

28) Le 2 juillet 2020, le chef du service des ressources humaines de la chancellerie (ci-après : le chef de service) a répondu à Mme A______, se référant à ses courriers du 30 mars 2020.

Avant qu'une quelconque décision ne soit rendue à son égard, il lui communiquait les pièces intégrées dans son dossier. Un délai au 14 juillet 2020 lui était imparti pour faire part de ses observations.

Étaient joints à ce courrier, le compte rendu d'entretien de Mme A______ du 5 février 2019 devant la Cour des comptes, le procès-verbal de son audition du 5 mars 2019 devant la police judiciaire, et l'ordonnance de classement partiel du MP du 27 février 2020 (ci-après : l'ordonnance de classement). Les déclarations et informations de et concernant M. C______ étaient caviardées dans l'ordonnance de classement.

29) Le 6 juillet 2020, Mme A______ s'est interrogée sur la provenance des documents annexés au courrier du 2 juillet 2020 dans la mesure où ils contenaient des propos susceptibles de lui nuire. Afin de respecter pleinement son droit d'être entendue, elle sollicitait un tirage complet des pièces en question, non caviardées.

30) Le chef de service lui a répondu le 13 juillet 2020 que ces pièces avaient été obtenues dans le cadre d'une demande d'entraide formulée auprès du MP. Certaines d'entre elles avaient été caviardées pour préserver des intérêts privés prépondérants. Les éléments auxquels elle n'avait pas accès ne seraient pas utilisés à son désavantage.

31) Le 15 juillet 2020, Mme A______ a été convoquée à un entretien de service pour le 6 août 2020 pour l'entendre au sujet de son comportement, s'agissant, notamment, de ses déclarations depuis février 2019 auprès de diverses autorités ainsi que dans la presse dénonçant des irrégularités au sein du SVE, en particulier l'existence de fraudes électorales. Les faits en cause, s'ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs du personnel et étaient susceptibles de conduire à la résiliation de ses rapports de service.

32) Le 27 juillet 2020, Mme A______ s'est plainte auprès de la chancellerie de ce que son droit d'être entendue ne pouvait valablement être exercé en raison de l'accès limité aux pièces susmentionnées, lesquelles constituaient la pierre angulaire de la décision qui serait rendue à son encontre.

33) Le directeur de la direction du support et des opérations de vote (DSOV) a, par courrier du 6 août 2020, adressé à Mme A______ le compte rendu de l'entretien de service, auquel elle ne s'était pas présentée, et ses annexes, contenant les faits reprochés et la détermination de l'employeur, en lui indiquant qu'elle disposait d'un délai de trente jours pour faire part de ses observations.

Ledit compte rendu mentionnait notamment son audition devant la Cour des comptes, le rapport n° 158 et les éléments figurant dans l'ordonnance de classement. Il était en outre fait référence aux articles de presse et émissions de radio ou de télévision relatifs à la situation au sein du SVE.

Ses agissements, s'ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs du personnel dont les membres étaient entre autres tenus au respect de l'intérêt de l'État et devaient s'abstenir de tout ce qui pouvait lui porter préjudice. Les employés de l'État étaient soumis au secret de fonction. L'employeur envisageait de résilier les rapports de service.

34) Par décision du 11 août 2020, le président du Conseil d'État a dit que la non-convocation de Mme A______ depuis le 9 mai 2019 était licite et confirmée, que l'absence d'indemnisation pour les heures non travaillées était de même licite et qu'il ne lui était accordé aucune indemnité pour ses frais de défense. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Cette décision faisait suite à sa dénonciation auprès de la Cour des comptes le 5 février 2019, puis du MP, et via la presse, y compris télévisée, de prétendues malversations d'un collègue pour modifier le résultat des votations (ventes de votes, destruction de bulletins de vote, modification/altération de bulletins...). Les répercussions en avaient été importantes, tant auprès du SVE que du public. Le 27 février 2020, le MP avait rendu son ordonnance de classement, ce qu'il avait aussi annoncé par un communiqué de presse du même jour. Les investigations n'avaient pas confirmé les allégations des deux collaboratrices du SVE, dont l'intéressée. La concernant, ce communiqué précisait qu'elle « n'avait pas été témoin directe des faits, qui [lui] avaient été rapportés par sa collègue ». Le 27 février 2020 encore, la Cour des comptes avait rendu son rapport n° 158 et conclu que la gestion et l'encadrement du personnel auxiliaire étaient insuffisants mais qu'elle n'avait pas constaté de fraude.

35) Le 14 septembre 2020, Mme A______ a formulé ses observations suite à l'entretien de service. Faute de violation de ses devoirs, aucun motif ne justifiait qu'elle fasse l'objet d'une procédure de licenciement. Si un tel licenciement devait toutefois être prononcé, il consacrerait une violation de ses droits et des principes généraux de droit administratif.

Plusieurs éléments relatifs à M. C______ ressortaient de l'ordonnance de classement mais semblaient avoir été omis du compte rendu du 6 août 2020, bien que pertinents pour juger de l'absence de motif de licenciement.

Il en allait ainsi de l'absence de mention de sa consommation de stupéfiants dans l'enceinte du SVE, de la découverte lors de la perquisition de nombreux éléments suspects aux abords de sa place de travail et de nombreuses contradictions dans ses déclarations lors de ses auditions, mettant à mal sa crédibilité. Le MP, dans sa conférence de presse du 13 mai 2019, avait indiqué qu'il ressortait du dossier que les processus mis en place par le SVE n'étaient pas appliqués avec la rigueur attendue. Dans l'ordonnance de classement, cette autorité avait retenu que les comportements de M. C______ étaient de nature à faire naître chez ses collègues une suspicion de commission d'actes frauduleux, suspicion ayant provoqué la procédure pénale en cause. La condamnation de M. C______ aux frais de la procédure illustrait la bonne foi de Mme A______. L'ensemble de ces éléments permettait à tout le moins de comprendre pour quels motifs et dans quel cadre s'était inscrite la dénonciation de Mme A______ qui n'avait oeuvré que dans l'objectif de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique devait être l'objet.

Le comportement adopté par M. C______ depuis sa prise d'emploi au sein du SVE, ajouté aux dysfonctionnements soulevés par Mme A______, auraient également dû être pris en compte. En effet, le climat de peur instauré par cet employé, qui s'était souvent montré agressif verbalement et physiquement envers certains collaborateurs et qui avait détérioré le matériel, avait conduit Mme A______, par crainte de représailles, à taire les fraudes électorales en question, qui, si elles avaient été traitées à l'interne, auraient pu éviter les procédures qui s'en étaient suivies. Le compte rendu omettait également de préciser que Mme A______ avait été suspendue sans traitement et n'avait pas été rappelée pour travailler depuis mai 2019, ce qui l'avait placée dans une situation économique précaire.

Dans ces circonstances, il était difficile de comprendre les raisons ayant mené le SVE à tolérer le comportement, en violation manifeste des devoirs du personnel, de M. C______ et de sanctionner les actions de Mme A______ qui n'avait agi que dans l'objectif de protéger l'intégrité des votations et de répondre à la confiance mise par la population dans le SVE. Elle avait décidé de dénoncer les agissements de son collègue uniquement sur garantie de la Cour des Comptes que son anonymat serait préservé.

Le principe de l'égalité de traitement avait clairement été violé dans la mesure où M. C______ avait bénéficié à de nombreux égards de la position hiérarchique de sa mère.

Une partie des pièces fournies par la chancellerie était caviardée, de sorte qu'elle avait été empêchée de se déterminer à leur propos, ce qui lui causait un préjudice et violait son droit d'être entendue.

Enfin, elle avait déposé une plainte au début de l'année contre le président du Conseil d'État pour violation du secret de fonction et diffamation. Interrogé par des journalistes du quotidien « le Courrier », ce dernier l'avait qualifiée de dénonciatrice et souligné que la « qualifier de lanceuse d'alerte était hasardeux car il faut pour cela avoir dénoncé des faits avérés, or le Procureur général a, dans ses dernières conclusions, écarté toute fraude au service des votations ». Ce conseiller d'État devait donc se récuser pour la suite du processus.

36) Par acte expédié le 14 septembre 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 11 août 2020. Préalablement, elle a conclu à la restitution de l'effet suspensif à son recours sur le seul point de sa non-convocation au sein du SVE et à la production de l'intégralité de son dossier. Principalement, elle a conclu à son annulation, à ce qu'il soit constaté qu'elle avait été illicitement privée de tout revenu et de son poste depuis le mois de juillet 2019, à sa réintégration immédiate et à son indemnisation, à la charge du président du Conseil d'État, pour l'intégralité des revenus dont elle avait été illicitement frustrée depuis le mois de mai 2019, montant à chiffrer et devant être complété pour les mois à venir si sa non-convocation devait perdurer.

Il se justifiait de rétablir l'effet suspensif au recours en raison de son intérêt prépondérant à être reconvoquée afin de bénéficier à nouveau d'une rémunération.

Le président du Conseil d'État avait abusé de son pouvoir d'appréciation et violé le principe de l'interdiction de l'arbitraire.

Sa non-convocation revenait en définitive à une suspension au sens de l'art. 28 LPAC, dont les conditions n'étaient toutefois pas réunies puisqu'une telle suspension devait être ordonnée par le Conseil d'État et ne concernait que les fonctionnaires et employés, ce qui n'était pas son cas. Cette non-convocation ne reposait dès lors sur aucune base légale.

Elle a pour le reste soulevé les griefs de constatation incomplète et inexacte des faits pertinents et de violation de son droit d'être entendue, lesquels seront développés sous le chiffre 43 ci-dessous.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2854/2020.

37) Dans le délai prolongé à sa demande au 1er octobre 2020, le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

38) Mme A______ a répliqué sur la question de l'effet suspensif le 12 octobre 2020.

39) Le 15 octobre 2020, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

40) Le 20 octobre 2020, la présidence de la chambre administrative a rejeté la requête en mesures provisionnelles et réservé le sort des frais de procédure jusqu'à droit jugé au fond.

41) Le 19 octobre 2020, la chancellerie d'État a fait part de ses déterminations sur le fond dans la cause n° A/2854/2020. Elle a conclu au rejet du recours.

42) Par décision de ce même 19 octobre 2020, la chancelière d'État a résilié les rapports de service de Mme A______ avec effet au 31 janvier 2021. Dans l'intervalle, elle ne serait pas convoquée pour effectuer des heures rémunérées et n'avait pas de droit au traitement.

Son droit d'être entendue avait été respecté dès lors qu'elle avait pu consulter son dossier administratif. Les pièces caviardées l'avaient été en raison d'intérêts privés prépondérants qu'il convenait de protéger. Les éléments ne figurant pas dans son dossier administratif ne seraient pas utilisés à son désavantage dans le cadre de la décision en cause.

Soumise au statut d'auxiliaire, elle n'avait pas de droit à être convoquée pour effectuer un certain nombre d'heures par année. Aucun droit au traitement n'était ouvert pour les heures de travail pour lesquelles elle aurait pu être convoquée mais ne l'avait pas été.

Elle avait porté des accusations graves et partiellement infondées à l'encontre d'un collègue, en échafaudant des suppositions pour partie tout en présentant les faits comme établis, ce dont elle devait, de bonne foi, être consciente. Ces accusations avaient eu des répercussions non négligeables sur la personne concernée et porté atteinte à l'image du service, de ses membres, ainsi que de l'administration cantonale dans son ensemble. La bonne marche du SVE avait été perturbée.

Par ailleurs, elle n'avait pas hésité à utiliser la presse et à remettre en question les résultats des scrutins des dix dernières années, avant l'issue de la procédure pénale et de l'audit de la Cour des comptes. Pourtant, les autorités compétentes avaient été saisies et il n'y avait dès lors aucun besoin de continuer à diffuser les éléments déjà dénoncés. Accompagnée et représentée par un professionnel du droit, elle ne pouvait ignorer la gravité d'un tel comportement.

Au surplus, ses observations du 14 septembre 2020 sur le compte rendu d'entretien de service dénotaient une absence totale de capacité à se remettre en question. Les faits et observations en ressortant ne permettaient pas d'excuser son comportement ni d'en tirer une appréciation différente. Ses allégations concernant le comportement de M. C______, voire les éventuelles suites qui y auraient été données par le SVE, n'étaient pas pertinentes dans la mesure où elles ne justifiaient ni n'excusaient ses agissements.

En résumé, il lui était reproché non pas d'avoir sollicité la Cour des comptes mais la manière dont elle l'avait fait en lançant des suppositions - comme le retenait le MP - et en ayant ensuite persévéré dans cette voie, au surplus via la presse. Son action avait été disproportionnée et avait porté préjudice à l'État. Les agissements qui lui étaient reprochés étaient avérés et constituaient à tout le moins un manquement aux devoirs du personnel tels qu'indiqués aux art. 20, 21 let. a et c, ainsi que 22 al. 1 du règlement d'application de la LPAC du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01). Par ailleurs, au vu de ce constat et du manque total de remise en question dont elle avait fait preuve, le lien de confiance avec l'employeur était rompu.

Les motifs invoqués par sa hiérarchie lors de l'entretien de service justifiaient la résiliation des rapports de travail et le renoncement à la convoquer pour effectuer du travail rémunéré au sein du SVE ou tout autre service de l'État durant le délai de congé.

43) Par acte mis à la poste le 19 novembre 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision.

Elle a conclu préalablement à la restitution de l'effet suspensif et à la production de l'intégralité de son dossier. Au fond, elle a conclu, sous suite de dépens, à l'annulation de la décision du 19 octobre 2020 puis, cela fait, principalement à ce que sa réintégration soit ordonnée et à ce qu'il soit dit qu'elle avait droit à une rémunération mensuelle à chiffrer, du 19 octobre 2020 jusqu'à l'entrée en force de l'arrêt à intervenir. Subsidiairement, la résiliation des rapports de service était contraire au droit et sa réintégration à la chancellerie devait être proposée. À défaut d'acceptation, la chancellerie devait être condamnée au paiement de vingt-quatre mois de traitement. Plus subsidiairement encore, elle a conclu à ce qu'il soit dit qu'elle avait droit à une rémunération mensuelle, à chiffrer, du 19 octobre 2020 jusqu'à l'entrée en force de l'arrêt à intervenir.

Les décisions des 11 août puis 19 octobre 2020 avaient constaté les faits pertinents de manière incomplète et inexacte. Elles étaient incomplètes sur les faits qu'elle avait dénoncés devant la Cour des comptes concernant le comportement de M. C______, qu'elle reprenait, ce dont il fallait déduire une volonté de l'autorité d'éluder des éléments en sa faveur. Elles ne mentionnaient pas les deux photographies susmentionnées, dont l'une montrait M. C______ fumant du cannabis, la découverte à l'occasion de la perquisition de morceaux déchirés de bulletins de vote ou encore les déclarations de M. C______ selon lesquelles il avait, lors des votations de septembre 2018, interverti des bulletins entre deux urnes, avant de les remettre en place. Elles indiquaient de manière fallacieuse que le MP avait retenu que les investigations menées n'avaient pas confirmé les allégations des deux collaboratrices du SVE puisqu'il découlait de l'ordonnance de classement que M. C______ avait été condamné aux frais de procédure pour en avoir provoqué l'ouverture. En outre, le MP avait retenu que son comportement avait créé l'apparence d'une situation contraire au droit et de nature à faire naître la suspicion.

Son droit d'être entendue avait été violé. Les pièces transmises le 2 juillet 2020 étaient soigneusement caviardées de sorte qu'elle n'avait pas pu prendre connaissance de l'ensemble des éléments que la chancellerie s'apprêtait à prendre en considération. Or, les pièces en question servant de fondement à la décision entreprise. Pour cette raison déjà, ladite décision devait être annulée.

Mme A______ avait, pendant treize ans, toujours travaillé à la pleine satisfaction de son employeur, avait accompli son travail avec diligence et entretenu de bons rapports avec ses supérieurs hiérarchiques et ses collègues. Les reproches formulés contre elle n'étaient autre que la conséquence des préoccupations de l'autorité intimée face à l'image désormais écorchée du SVE et ne concernaient aucunement la qualité de son travail. Or, cette autorité se méprenait lorsqu'elle indiquait que les dénonciations au sujet de fraudes électorales commises par M. C______ seraient infondées.

La décision de résilier les rapports de service avec effet au 31 janvier 2021 et de ne plus la convoquer dans l'intervalle était illicite et heurtait de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité et par conséquent le principe de l'interdiction de l'arbitraire, compte tenu de ce que le MP avait en définitive retenu dans son ordonnance de classement, à savoir que M. C______ avait violé ses devoirs professionnels et de diligence et que son comportement, de même que la consommation de substances illicites au sein du service, avait été de nature à faire naître la suspicion d'une situation contraire au droit. Au vu de ces éléments, il ne pouvait être allégué que les dénonciations étaient infondées ; preuve en était le courrier du 3 mars 2020 et les recommandations de la Cour des comptes émises dans son rapport n° 158. La condamnation de M. C______ aux frais de la procédure pénale tendait à démontrer sa propre bonne foi. La décision entreprise ne reposait dès lors sur aucun motif et c'était à tort que la chancellerie avait retenu un manquement à ses devoirs de membre du personnel de la fonction publique. Au contraire, elle avait toujours entretenu des relations dignes et correctes avec ses collègues et supérieurs. Elle avait agi dans le but de renforcer la confiance et la considération dont la fonction publique devait être l'objet de même que pour préserver la confiance que vouait la population genevoise au SVE. Il était dès lors insoutenable qu'elle soit contrainte de subir un licenciement pour un acte de pur intérêt public entrepris de bonne foi, ce d'autant qu'initialement la Cour des comptes lui avait garanti l'anonymat, sans quoi elle n'aurait pas parlé.

Le reproche fait à la recourante de s'être adressée à la presse était infondé. Elle avait en effet été amenée à partager sa situation au travers des médias compte tenu de l'absence d'action de la part de son employeur pour la protéger, alors qu'elle avait suivi la procédure de divulgation. Quand bien même les autorités compétentes avaient déjà été saisies, elle avait été mise à l'écart par sa hiérarchie qui n'avait jamais tenté d'ouvrir une quelconque discussion avec elle, de sorte qu'elle n'avait pas pu faire valoir son point de vue. Le traitement injuste subi et cette absence de protection, qui se devait accrue du fait de son statut de lanceuse d'alerte, l'avaient obligée à porter sa situation à la connaissance du public.

La prétendue rupture du lien de confiance n'était qu'un motif prétexte, n'ayant pour but que de renforcer l'argumentation faible de l'autorité intimée.

La chambre de céans avait déjà retenu que lorsque l'autorité maintenait artificiellement un employé par des contrats successifs ininterrompus pour éluder les garanties offertes par la loi aux titulaires d'un emploi fixe, elle commettait un abus de droit et l'intéressé devait être considéré comme un employé fixe. Après treize années de service au sein du SVE lors desquelles plusieurs contrats successifs avaient été conclus, la recourante ne pouvait être considérée comme auxiliaire, sous peine de commettre un abus de droit. Elle était de facto fonctionnaire, de sorte que s'appliquaient les règles relatives aux fonctionnaires en matière de fin de rapport de services. Ceci impliquait que l'examen des conditions de résiliation devaient se faire avec plus de rigueur. Pour ces motifs encore la décision querellée devait être annulée et la recourante réintégrée et, en cas de refus, se voir allouer une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de traitement.

Subsidiairement, force était de constater que si une sanction devait être prononcée, le licenciement serait totalement excessif au regard du principe de proportionnalité, mais surtout du parcours sans faute de Mme A______.

L'autorité avait abusé de son pouvoir d'appréciation et par conséquent violé le droit suisse en retenant qu'elle n'aurait aucun droit au traitement pour les heures de travail pour lesquelles elle aurait pu être convoquée mais ne l'avait pas été. Bien qu'elle travaillât sur appel, depuis son engagement, elle avait systématiquement été appelée à chaque votation et élection jusqu'au mois de mai 2019. Ainsi, dans les faits, elle percevait un salaire annuel équivalent à un travail à plein temps. Elle devait être considérée comme une employée fixe.

Il ne convenait donc pas d'appliquer en l'espèce l'art. 63 al. 1 et 2 RPAC, traitant du salaire de l'auxiliaire mais, par analogie la jurisprudence valable en matière de droit du travail. Une succession de contrats de durée déterminée sans interruption notable pouvait tomber sous le coup de l'interdiction des « contrats en chaîne » s'il y avait abus de droit, et donc de considérer cette succession de contrats comme un seul contrat de durée indéterminée. Il fallait en conclure qu'il s'agissait de « contrats à la chaîne » de sorte qu'elle devait être rémunérée pour les heures non accomplies, par application analogique de l'art. 324 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). Pour déterminer le montant dû, il conviendrait de faire une moyenne sur les trois dernières années travaillées.

Tant la LPAC que le CO imposaient à l'employeur de protéger la personnalité du personnel de l'administration cantonale, en particulier les lanceurs d'alerte qui se voyaient souvent attacher l'étiquette de « traître ». L'alerte professionnelle supposait la découverte (ou le soupçon) de faits illicites, immoraux ou contraires à l'intérêt public, à la morale dominante ou d'indices en ce sens. Une gradation des moyens de divulgation était à respecter par le travailleur. Cette nécessité de protection accrue s'illustrait à Genève par l'art. 26 al. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE A 2 00), pierre angulaire de la protection des lanceurs d'alerte.

L'autorité aurait dû la protéger de manière concrète. La Cour des comptes n'avait pas tenu sa promesse d'anonymat et l'autorité aurait dû la protéger des attaques du président du Conseil d'État qui avait révélé au journal le « Courrier » des détails sur la procédure pénale et l'avait qualifiée de dénonciatrice. Elle avait suivi la procédure de divulgation et on ne pouvait pas lui reprocher, à la lumière de la liberté d'expression, de s'être adressée aux médias afin de faire la lumière sur le traitement qu'elle subissait depuis qu'elle avait dénoncé les agissements de son collègue et les dysfonctionnements du service.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/3890/2020.

44) Par décision présidentielle ATA/1232/2020 du 8 décembre 2020, la chambre administrative a, à la demande de Mme A______ et après avoir donné l'occasion à chancellerie de se déterminer, ordonné la jonction des causes nos A/2854/2020 et A/3890/2020 sous le no A/2854/2020 et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

45) Par décision présidentielle ATA/1329/2020 du 21 décembre 2020, la chambre de céans a rejeté la requête en mesures provisionnelles liée au recours du 19 novembre 2020 et réservé le sort des frais de la procédure jusqu'à droit jugé au fond.

46) Le 21 décembre 2020, la chancellerie a conclu au rejet du recours du 19 novembre 2020.

Elle avait pris en compte tous les éléments figurant au dossier pour rendre sa décision. Après appréciation, elle n'avait pas retenu les faits relatifs au comportement de M. C______ et à sa condamnation aux frais de la procédure, considérant qu'ils n'étaient pas pertinents au regard des autres éléments du dossier. Ces éléments n'excusaient pas les agissements de Mme A______ qui avait porté des accusations graves et partiellement infondées ayant eu des répercussions importantes sur le SVE et sur l'image de toute l'administration. Elle avait de surcroît saisi les médias sans attendre l'issue de la procédure pénale et de l'audit de la Cour des comptes.

Son droit d'être entendue avait été respecté. Elle n'était pas allée consulter son dossier au siège de l'autorité nonobstant la possibilité expressément offerte depuis le 23 décembre 2019. Les éléments ne figurant pas dans son dossier administratif, en particulier les éléments caviardés de la procédure pénale, n'avaient pas été utilisés à son désavantage, ce dont elle avait été dûment informée le 13 juillet 2020. Elle ne mentionnait aucun élément qui ressortirait de la décision attaquée et ne figurerait pas dans les pièces dans leur teneur portée à sa connaissance.

Il n'était pas contesté que M. C______ avait eu des comportements inappropriés et propres à faire naître des soupçons sur lui et créer l'apparence d'une situation contraire au droit. Ceci n'excusait pas pour autant les agissements de Mme A______. Elle avait en effet porté de très graves accusations reposant pour partie sur de simples suppositions, remettant en question les résultats des scrutins du canton de Genève des dix dernières années, tout d'abord devant la Cour des comptes puis devant le MP. Par la suite, elle n'avait pas hésité à utiliser la presse à pas moins de quatre reprises - soit personnellement soit par le biais de son conseil - alors que les autorités compétentes étaient saisies. Ces comportements avaient eu pour conséquence l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre d'un collègue pour des faits en partie non établis et de perturber davantage la bonne marche du SVE ainsi que de péjorer plus encore son image. De surcroît, ces comportements avaient perduré alors que le MP avait, lors de sa conférence de presse du 13 mai 2019, déjà relevé que la procédure pénale ne contenait aucun indice qu'une fraude électorale avait été commise.

En sa qualité d'auxiliaire au sein du SVE, elle avait été engagée pour accomplir des tâches dont l'ampleur pouvait varier fortement en fonction notamment du nombre de scrutins organisés durant l'année. Ses tâches étaient ainsi intermittentes et de courte durée, en moyenne quelque trois semaines par scrutin. Elles variaient par ailleurs en fonction des besoins du service en termes de volume à traiter et de l'attribution des tâches à une personne plutôt qu'à une autre. C'était ainsi à tort que Mme A______ allègue qu'il s'agissait de contrats successifs de durée déterminée. Le statut d'auxiliaire permettait ainsi de tenir compte des changements importants dans la volumétrie des besoins en ressources humaines du SVE en lien avec le nombre de scrutins, d'initiatives et de référendums. Dans le cadre de son audit de légalité et de gestion, la Cour des comptes avait constaté que la durée moyenne de la relation de travail d'un auxiliaire dans ce service était de neuf ans. Les taux d'activité estimés oscillaient entre 18 % et 29 %, sauf pour l'équipe courrier dont les taux se montaient à 57 % et 67 % respectivement. Les coûts du personnel auxiliaire variaient de manière significative en fonction des années, par exemple une variation de 85 % entre 2015 et 2017, et étaient notamment dépendants du nombre d'opérations électorales par année. Ainsi, tout en recommandant d'analyser la pertinence de maintenir des collaborateurs dans le statut d'auxiliaire, en particulier pour ceux qui avaient un taux d'activité supérieur à 50 % et qui étaient présents pratiquement de manière permanente au SVE, la Cour des comptes n'avait pas remis en cause ce statut d'auxiliaire.

La variation du taux d'activité annuel de Mme A______ confirmait ce qui précédait. Le fait qu'elle aurait été appelée plus souvent qu'une autre personne pour des contrôles de signatures était une question d'organisation qui pouvait être revue en tout temps en fonction des besoins du service et selon la disponibilité des auxiliaires. Bien qu'engagée depuis plus de trois ans, Mme A______ répondait à l'exception figurant à l'art. 7 al. 2 LPAC et restait soumise au statut d'auxiliaire. Ainsi, la résiliation des rapports de service n'était pas régie par les dispositions applicables aux fonctionnaires.

Aucune autre mesure que la résiliation des rapports de service n'était envisageable en l'espèce. Ses bons états de service, qui n'étaient pas attestés par des entretiens d'évaluation, n'étaient pas pertinents au regard du comportement suffisamment grave qu'elle avait adopté depuis février 2019.

Son statut d'auxiliaire avait pour conséquence qu'elle était rémunérée en fonction des heures effectuées et par conséquent n'avait aucun droit à être convoquée pour effectuer un certain nombre d'heures par année, ni un droit au traitement pour des heures pour lesquelles elle aurait éventuellement pu être convoquée mais ne l'avait pas été.

En mai 2019, la hiérarchie du SVE était venue à plusieurs reprises apporter son soutien au personnel, dont à Mme A______, et l'informer des différentes mesures à disposition, telles que le groupe de confiance ou le « care-team ». À aucun moment Mme A______ n'avait saisi l'occasion d'informer sa hiérarchie de sa dénonciation, voire d'autres problèmes, ou pour demander un quelconque soutien. En matière de protection de la personnalité, le CO n'était pas applicable, les rapports de service étant régis par la LPAC. Les projets de loi ayant pour but de mettre en oeuvre l'art. 26 al. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE A 2 00) étaient toujours pendants devant le Grand Conseil, de sorte qu'il convenait de se référer aux règles générales en matière de protection de la personnalité. Mme A______ ne s'était ainsi nullement limitée à exposer sa situation personnelle, mais avait bien au contraire continué à propager des accusations partiellement infondées. En définitive, il apparaissait qu'elle avait non seulement échafaudé des suppositions, comme retenu par le MP, mais avait ensuite également persévéré dans cette voie, au surplus en s'adressant aux médias. Son action avait été disproportionnée et avait porté préjudice à l'État. Il ne pouvait ainsi être retenu qu'elle était de bonne foi.

La chancellerie n'avait pas à se prononcer sur les garanties que lui aurait données la Cour des comptes au sujet de son anonymat. Le président du conseil d'État avait tenu des propos factuels et dénués de jugement de valeur, fondés sur les informations données publiquement par le MP.

47) Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 18 janvier 2021 :

a. Mme A______ a expliqué qu'elle était dans un premier temps allée avec sa collègue Mme B______ exposer la situation au groupe de confiance. Elle n'avait toutefois pas été d'accord avec ce qu'il lui proposait. Le groupe de confiance lui avait parlé de la Cour des comptes, qu'elle avait décidé de contacter un matin à 8h00, sauf erreur le 6 février 2019. On lui avait demandé d'expliquer la situation puis de se rendre sur place le même jour vers 9h30. On avait averti sa collègue qu'elle pouvait également s'y rendre à 14h30, ce qu'elle avait fait. Elle n'avait jamais été entendue devant le MP.

Elle ne s'était jamais rendue à la radio ou à la télévision, contrairement à son conseil, qui l'en avait avertie.

Son conseil a rappelé le contexte, à savoir que sa mandante n'avait plus été appelée par le SVE du jour au lendemain, sans explication et s'en était plainte auprès de son employeur à plusieurs reprises sans obtenir de retour. La presse avait fini par s'intéresser à la situation de Mme A______ et c'était ainsi qu'ils avaient répondu à ses demandes.

Mme A______ s'est dite d'accord avec le décompte des heures produit par la chancellerie avec la réserve qu'elle avait cessé de travailler à l'issue de la journée du 22 mai 2019, et non le 9 mai précédent, ce que le représentant du SVE a confirmé.

Mme A______ relevait des erreurs dans les écritures de la chancellerie, notamment, en référence à la pièce 9 de son chargé du 19 octobre 2020, à savoir que les propos dans l'émission en question, que la chancellerie prêtait à tort à Me Jordan, avaient été articulés par Me Barth.

b. La représentante de la chancellerie a rétorqué que les propos de chacun de ces avocats avaient bien été distingués dans les écritures.

Les représentants du SVE et de la chancellerie ont indiqué que l'activité de Mme A______ avait été la même de 2007 à mai 2019.

Globalement, le SVE comptait en moyenne vingt-cinq auxiliaires auxquels il était fait appel selon les besoins du SVE. Certains demandaient à ne plus être convoqués. Le SVE comptait des employés internes au nombre de sept ou huit, y compris le chef de service, travaillant à taux fixe de 60 à 100 %. Ce statut d'auxiliaire avait été discuté et étudié à de nombreuses reprises. Il était imposé par le statut du personnel. Autrement dit, aucune autre forme contractuelle n'était permise par la LPAC pour une telle configuration, liée à la spécificité des tâches qui étaient confiées aux auxiliaires.

Un entretien de service n'intervenait pas uniquement pour les fonctionnaires ou les employés en vue de la résiliation des rapports de service et pouvait aussi concerner les auxiliaires. Il n'y avait aucune contradiction dans les décisions du 11 août puis du 19 octobre 2020. La première était une réponse aux demandes de Mme A______ qui n'était plus convoquée. La seconde tendait à résilier les rapports de service, ce qui était distinct de convoquer ou non un auxiliaire. L'auxiliaire n'était pas rémunéré s'il ne pouvait fonctionner pour cause de maladie. Celui-ci voyait l'avantage de la flexibilité de sa situation puisqu'il pouvait refuser de fonctionner s'il n'était pas disponible. La cheffe des auxiliaires, qui fonctionnait davantage que les autres auxiliaires, avait d'ailleurs refusé un contrat fixe car elle trouvait son compte dans cette flexibilité.

Si un salaire annuel dépassait le montant coordonné qui exigeait qu'il soit soumis à la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40), le calcul devrait vraisemblablement être fait par le service des paies. Un tel décompte devait aussi intervenir cas échéant pour la loi fédérale sur l'assurance-accidents du 20 mars 1981 (LAA - RS 832.20).

Il ne leur était pas possible de se rappeler combien d'auxiliaires étaient arrivés et partis depuis juillet 2016. Des personnes venaient pour trouver un appoint sur une période plutôt courte, par exemple dans l'attente d'un emploi, alors que d'autres travaillaient pendant plusieurs années.

c. Mme A______ a indiqué avoir été au courant de ce statut et du fait qu'elle était convoquée selon l'actualité. En douze ans, on l'avait systématiquement appelée au moment d'élections et votations.

48) La chancellerie a produit, le 28 janvier 2021, le décompte des heures effectuées par Mme A______ en mai 2019, jusqu'au 22 inclus, au nombre de septante-quatre. Elle ne contestait pour le surplus pas l'assertion de Mme A______ selon laquelle elle n'aurait jamais procédé à des contrôles de signatures.

49) Mme A______ s'est déterminée le 19 février 2021, ensuite de l'audience du 29 janvier 2021.

Mme B______ devait être entendue et l'apport de sa procédure A/2826/2020 ordonné. Elle pourrait confirmer qu'il existait un fondement aux dénonciations effectuées et qu'elles n'étaient pas le fruit de suppositions de Mme A______. Elle faisait l'objet d'une décision semblable contre laquelle elle avait également formé recours.

Il ressortait du décompte d'heures produit par l'autorité intimée que Mme A______ avait été appelée en mai 2019 tous les jours sur une période de deux semaines et avait effectué un nombre d'heures quasiment équivalent à un emploi fixe, de sorte que son travail ne pouvait pas être qualifié de « très courte durée » comme le prétendait la chancellerie. Elle développait à nouveau une argumentation sur le statut d'auxiliaire, référence aux travaux préparatoires de la LPAC à l'appui. Dans la mesure où Mme A______ n'effectuait pas des tâches temporaires, ni de courtes durées, elle n'avait plus ce statut, dans lequel elle avait été abusivement maintenue pendant près de treize ans.

Elle persistait à dire que son droit d'être entendue avait été violé dans la mesure où il ne lui était pas possible de s'assurer que les pièces caviardées n'avaient pas été utilisées à son désavantage.

Mme A______ revenait sur la pertinence du comportement de M. C______ et la condamnation de ce dernier aux frais de la procédure pénale sur sa propre situation, pour dénier tout fondement à la résiliation de ses rapports de service. En effet, les soupçons dont elle avait fait part à l'égard de ce collègue étaient légitimes, comme retenu par la Cour de comptes et le MP. Elle était injustement et de manière choquante sanctionnée, alors qu'elle avait agi en toute bonne foi pour sauvegarder la confiance du public dans le processus démocratique, le licenciement constituant en tout état une sanction disproportionnée au vu de son parcours.

Elle n'avait nullement dénoncé les faits à la presse, laquelle était déjà au courant des soupçons de fraudes électorales au sein du SVE et l'avait contactée, non l'inverse.

Ayant été empêchée d'effectuer son travail, bien que l'ayant proposé à plusieurs reprises, Mme A______ concluait au versement d'une indemnité de CHF 1'200.- par mois dès son licenciement, ce qui correspondait à une mensualisation de la moyenne de son salaire annuel sur les cinq dernières années, de CHF 14'083.63. Si elle ne devait pas être réintégrée, l'indemnité devrait se monter à CHF 28'800.-.

Elle revenait enfin sur la violation par son employeur de son devoir de protection, accru pour les lanceurs d'alertes.

50) La chancellerie a, le 19 février 2021 également, observé que d'autres services de l'État comptaient des auxiliaires, notamment les procès-verbalistes employés par le secrétariat général du Grand-Conseil, ou les personnes chargées de la mise sous pli d'envois de masse, tel que du matériel de vote.

Le service des paies et des assurances réalisait le calcul pour une éventuelle soumission à la LPP du traitement d'un auxiliaire payé à l'heure, une cotisation étant cas échéant prélevée chez ce dernier et auprès de l'employeur lorsque le seuil mensuel de CHF 1'792.50 était dépassé.

Un tableau montrait les arrivées et départs (retraite, démission, non validation période d'essai, licenciement, engagement) des auxiliaires au sein du SVE entre 2016 et février 2021. Depuis l'année 2000 et jusqu'à 2013, le SVE comptait entre vingt-cinq et trente auxiliaires. Depuis 2014, il en comptait entre vingt et vingt-cinq.

51) a. Lors de l'audience de suite de comparution personnelle des parties du 15 mars 2021, la chancellerie a indiqué avoir dû mettre fin aux rapports de service d'une personne, également au bénéfice d'un statut d'auxiliaire, qui faisait l'objet de plaintes de membres de l'équipe (M. C______, engagé en décembre 2007, selon Mme A______), situation apparaissant dans la colonne « licenciement » du tableau du 19 février 2021, faisant état de la situation des auxiliaires du SVE depuis l'année 2016. En 2020, dans cette même rubrique, apparaissait le cas de Mme A______ et de sa collègue. Le nombre de postes équivalant à temps plein (ETP) variait en fonction de l'ampleur des tâches, soit de l'actualité des élections et votations.

Dès 2016, il s'était agi d'optimiser le vote électronique jusqu'à atteindre 30 % de l'électorat. En conséquence, le traitement de votes par correspondance avait diminué d'autant, d'où le nombre d'heures nécessaires pour le dépouillement. Aussi, au moment de départs d'auxiliaires, les effectifs n'avaient pas été renouvelés en totalité, ce qui expliquait les chiffres de la colonne « engagement ».

En réponse à la demande du conseil de Mme A______ d'avoir accès aux décisions caviardées de fin des rapports de service pour les années 2016 et 2017 afin notamment de connaître les dispositions légales appliquées, il a été répondu qu'elles se trouvaient dans l'arrêt ATA/1198/2017 de la chambre administrative.

La période d'essai pour les auxiliaires devait être de trois mois. La personne qui, pendant la période d'essai, ne donnait pas satisfaction, recevait, après l'entretien, une lettre. L'entretien était formalisé, quelle que fût la conclusion à laquelle ils arrivaient. Il ne s'agissait toutefois pas d'un EEDP, réservé aux personnes fonctionnaires ou susceptibles de le devenir. L'entretien systématique avait cours depuis 2020, ce qui signifiait que des personnes n'en avaient pas eu auparavant.

La colonne « retraite » correspondait à des personnes ayant atteint l'âge de la retraite, au-delà duquel elles n'étaient plus appelées. Les représentants du SVE et de la chancellerie ignoraient quel document sanctionnerait ou non cette fin d'appel.

b. Selon Mme A______, ces personnes recevaient une lettre indiquant qu'elles avaient atteint l'âge de la retraite et devaient veiller à s'assurer contre les accidents, ce qui s'apparentait à un licenciement. Certaines avaient reçu un courrier leur annonçant un doublement de salaire en raison de la longue durée des services, courrier qui avait toutefois été annulé car nous « n'avons droit à rien », ce qu'elle trouvait scandaleux.

Le salaire horaire de base de l'auxiliaire était de CHF 32.-. S'y ajoutaient le treizième salaire au prorata des heures effectuées sur l'année, les vacances et, depuis 2013, l'indemnité de nuit/week-end de CHF 7.-, étant précisé qu'elle intervenait dès 20h00 les jours de semaine. Ce principe s'appliquait à tous les collaborateurs de l'État.

Elle produisait un extrait de son compte individuel auprès de la G______ attestant des revenus soumis à l'AVS de 2008 à 2018 inclusivement et, pour 2019, son certificat de salaire.

c. Il n'était pas possible au SVE de dire combien il y avait au minimum ou au maximum d'opérations électorales par année. Cependant, avec une visibilité de vingt ans, les quatre dates retenues au niveau fédéral étaient connues, mais pas pour autant systématiquement utilisées. Les évènements cantonaux et communaux y étaient si possible accolés. La Cour des comptes avait mentionné que l'organisation d'un scrutin pour une votation nécessitait environ dix-sept semaines. Pour les élections, la préparation commençait environ un an avant le scrutin. Le Conseil d'État essayait de fixer à des dates distinctes les élections générales, en dehors de tout autre scrutin. Rien n'excluait toutefois que de telles élections puissent coïncider avec d'autres scrutins.

Ce nonobstant, le recours aux auxiliaires restait aléatoire. Il fallait en effet penser aux annulations, mais aussi, et plus souvent, aux élections tacites. Le nombre d'heures des auxiliaires dépendait aussi de la quantité de votes par correspondance, les auxiliaires n'intervenant pas sur le vote électronique qui ne nécessitait aucune manipulation papier.

Une fois la date d'un scrutin connue, le SVE évaluait combien de personnes seraient nécessaires et envoyait les convocations aux auxiliaires assez tôt pour qu'ils puissent annoncer leurs indisponibilités. En fonction des votes par correspondance reçus, les auxiliaires prévus étaient informés qu'il n'y avait pas assez de matière pour les faire fonctionner. Dans ce cas, l'auxiliaire convoqué recevait en tout état un dédommagement équivalant à quatre heures de travail. Un auxiliaire malade ou indisponible pour une autre raison n'était pas payé.

Il n'y avait pas de formation pour l'auxiliaire dont l'activité nécessitait précision et attention, mais pas de qualification particulière, ce qui était la situation de Mme A______.

Rien ne pouvait assurer, que sous réserve d'annulation de scrutins ou autres aléas de la vie, Mme A______ aurait pu être appelée à fonctionner jusqu'à sa retraite. La technologie en particulier évoluait rapidement (automatisation de certaines tâches répétitives), ce qui potentiellement priverait à l'avenir de tâches les auxiliaires. Un fonctionnaire, même s'il n'avait pas de travail pendant une ou deux heures, gardait son poste. Dans la mesure où son poste serait entièrement vidé de sa substance, la loi prévoyait notamment son déplacement au sein de l'État.

Le statut d'auxiliaire de Mme A______ ne commandait pas qu'il soit procédé à un reclassement. Même à supposer que tel fût le cas, le motif à la base de la décision querellée n'en permettait pas un.

Monsieur H______, représentant du SVE, et Madame I______, représentante de la chancellerie, ignoraient quelle était la personne qui avait préparé le dossier avec proposition de ne plus convoquer Mme A______. La personne qui avait signé est celle qui avait adhéré à la proposition avec cas échéant des modifications.

Dans le cas d'espèce, il n'y avait pas d'immunité complète de Mme A______, au sens de l'art. 26 Cst-GE, dans la mesure où il y avait eu « d'autres situations à côté. Si quelqu'un fait n'importe quoi, il ne sera pas forcément protégé par cette disposition ».

d. Me Jordan estimait avoir le droit de savoir qui était la personne qui avait préparé le dossier avec proposition de ne plus convoquer sa mandante, pour exercer son droit à la récusation (ATF 125 I 209). Il demandait l'audition de M. L______ et de la chancelière, Madame J______.

52) La chancellerie a, le 29 avril 2021, faisant suite aux points abordés en audience, produit un exemplaire du courrier envoyé à un auxiliaire atteignant l'âge de la retraite pour lui signifier qu'il ne serait plus convoqué. Cette lettre avait aussi et essentiellement pour but d'attirer son attention sur ses droits en relation avec sa possible affiliation à la caisse de prévoyance de l'État de Genève et sur la fin automatique de l'éventuelle couverture d'assurance accident trente et un jours après le terme du contrat.

Le salaire horaire des auxiliaires était de CHF 32.40 sans le treizième salaire, respectivement de CHF 35.10 avec.

Mme A______ n'avait pas eu de période d'essai à ses débuts au sein du SVE, question qui n'avait eu aucune incidence sur les décisions litigieuses.

Des entretiens étaient désormais prévus pour l'ensemble des auxiliaires du SVE, suite à la recommandation de la Cour des comptes. Ils n'avaient en pratique pas pu encore intervenir en raison de la crise sanitaire.

Dans la mesure où Mme A______ évoquait dans son recours la plainte pénale qu'elle avait déposée, de même que sa collègue, contre le conseiller d'État Monsieur K______, il était indiqué que ce dernier avait informé la chancellerie que la chambre pénale de recours de la Cour de justice avait rejeté leurs recours contre les décisions de non entrée en matière rendues par le MP.

53) Dans une ultime détermination du 30 avril 2021, Mme A______ a observé que les décisions mettant fin aux rapports de service devaient être produites pour établir la pratique de l'autorité intimée dans le traitement des « auxiliaires » du SVE, a fortiori avant que la situation présentement litigieuse ne survienne. La référence à un arrêt de la chambre administrative ne permettait pas d'y pallier. Il était aussi pertinent de savoir par quel acte les situations de « fin » des rapports découlant de l'âge de la retraie étaient formalisées. La question du doublement du salaire dont Mme A______ avait parlé démontrait que les auxiliaires étaient assimilés à des membres réguliers du personnel (art. 23 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 [LTrait - B 5 15]). Dès lors que le recours à des auxiliaires ne devait pas être abusif, il était important de connaître le nombre d'ETP au sein du SVE, « y compris par rapport au travail des auxiliaires ». Pour les mêmes raisons, les auditions de M. L______, responsable du service jusqu'à tout récemment, et de Mme J______, qui avait traité le dossier de Mme A______, s'imposaient.

La protection des lanceurs d'alerte et des témoins d'irrégularités, membres du personnel, devait être assurée par l'employeur, selon la loi qui entrerait tout prochainement en vigueur, l'art. 26 Cst-GE, prévoyant déjà une telle exigence. Il importait de connaître la pratique et les mesures prises par l'autorité à cet égard.

Il était enfin revenu sur la problématique des « contrats en chaîne », et l'existence, au sein de l'administration, de fonctions permanentes et non permanentes, la situation de Mme A______ s'apparentant à cette seconde catégorie, dans la mesure où, pendant de nombreuses années, les tâches qu'elle assumait étaient prévisibles.

54. Les parties ont été informées, le 3 mai 2021, que la cause était gardée à juger sur les demandes d'actes d'enquête et sur le fond.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, les recours sont recevables (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas la juridiction saisie de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2).

b. Selon un principe général, la partie qui a connaissance d'un motif de récusation doit l'invoquer aussitôt, sous peine d'être déchue du droit de s'en prévaloir ultérieurement (art. 15 al. 3 LPA ; ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 138 I 1 consid. 2.2), dès lors qu'il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l'autorité pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2).

3) a. La recourante sollicite les auditions de l'ancien responsable du SVE, de la chancelière, ainsi que de sa collègue auxiliaire au SVE. Concernant cette dernière, elle demande en outre l'apport de sa procédure A/2826/2020. Elle sollicite aussi la production de l'intégralité de son propre dossier administratif. Elle voudrait également que figurent au dossier des décisions du SVE ayant mis fin aux rapport de service, en particulier pour les personnes ayant atteint l'âge de la retraite et, sans préciser par quels moyens d'enquête, que soit connues la pratique et les mesures prises par l'autorité en matière de protection de lanceurs d'alerte.

Le dossier de la cause contient l'ordonnance de classement rendue par le MP, document qui reprend les auditions de la collègue auxiliaire de la recourante en question devant la Cour des comptes, la police et le MP. Cette collègue y a fait état de ce qui selon elle dysfonctionnait au sein du SVE. La chambre de céans n'a pas besoin de se faire une appréciation directe de son témoignage pour résoudre le présent litige. Cette audition n'est dès lors pas nécessaire, le litige pouvant au surplus être résolu grâce aux nombreuses pièces versées à la procédure, en particulier la synthèse du rapport n° 158 de la Cour des comptes. Pour ces mêmes motifs, l'apport de la procédure n° A/2826/2020 ne sera pas ordonné.

Outre les documents susmentionnés, le dossier de la cause contient les nombreuses pièces produites au cours de la procédure, notamment en réaction à ce qui a été abordé de manière détaillée lors des deux audiences, pièces qui permettent de résoudre le litige, s'agissant en particulier du point litigieux de la qualification du rapport juridique entre le SVE et la recourante.

S'agissant de la position de l'autorité à l'égard des lanceurs d'alerte, en lien avec l'art. 26 Cst-GE et la loi cantonale prochainement en vigueur, il sera vu plus loin que ce point ne mérite pas plus ample instruction compte tenu de la particularité et de l'issue du litige.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux demandes d'actes de complément d'enquête de la recourante.

b. Se référant à un arrêt du Tribunal fédéral, la recourante a demandé, lors de l'audience du 15 mars 2021, de savoir qui était la personne qui avait préparé le dossier avec proposition de ne plus la convoquer, pour exercer son droit à la récusation.

Outre qu'elle n'est nullement motivée, cette demande est infondée dans la mesure où, si la recourante estimait avoir des motifs de récusation à faire valoir, elle aurait dû le faire à réception de la décision du président du Conseil d'État du 11 août 2020. Une demande de récusation formulée plusieurs mois plus tard serait dès lors en tout état tardive et dès lors irrecevable.

Il n'est donc pas pertinent pour l'issue du présent litige d'instruire plus avant le processus décisionnel en question.

4) La recourante soulève le grief de violation de son droit d'être entendue. Elle reproche aux intimés d'avoir mis à sa disposition des pièces caviardées. Elle se serait en conséquence trouvée dans l'impossibilité d'exposer correctement son point de vue avant que les autorités ne prennent leurs décisions.

a. Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA, comprend également le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATA/625/2019 du 13 octobre 2020 consid. 3a).

b. Le principe de l'accès au dossier figure à l'art. 44 LPA, alors que les restrictions sont traitées à l'art. 45 LPA. Ces dispositions n'offrent pas de garantie plus étendue que l'art. 29 Cst. (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 145 n. 553 et l'arrêt cité).

L'art. 45 LPA prévoit que l'autorité peut interdire la consultation du dossier si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l'exigent (al. 1). Le refus d'autoriser la consultation des pièces ne peut s'étendre qu'à celles qu'il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu'elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu'elles ont faites (al. 2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de proposer les contre-preuves (al. 3).

c. En l'espèce, parmi les pièces envoyées par l'autorité à la recourante le
2 juillet 2020, seules des parties du procès-verbal du 10 mai 2019 au MP et de l'ordonnance de classement contenant les déclarations ou certaines informations concernant son collègue, prévenu, ont été caviardées. Dans la mesure où seuls les propos tenus par la recourante ont été retenus pour motiver les décisions litigieuses, les autorités intimées étaient fondées à ne pas permettre la consultation de ces parties caviardées, ce dans le but de protéger les intérêts privés de son collègue. La recourante, assistée d'un avocat, a par ailleurs parfaitement identifié les éléments mis à sa charge par son employeur. Elle a pu répondre à l'entretien de service, se déterminer sur les griefs formulés par son employeur puis recourir devant la chambre de céans en toute connaissance de cause.

Le grief d'une violation du droit d'être entendu doit dès lors être écarté.

5) Le litige porte sur la conformité au droit, d'une part de la décision du président du Conseil d'État constatant la licéité de la non-convocation de la recourante et lui refusant le versement d'une indemnisation pour les heures non travaillées et, d'autre part, de la décision de résiliation des rapports de service par la chancelière d'État.

6) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61
al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

7) a. La recourante soulève le grief de l'établissement et de la constatation incomplète et inexacte des faits pertinents. Elle reproche aux intimés de ne pas avoir énoncé, dans les décisions litigieuses, des faits ayant trait au comportement de son collègue qu'elle mettait en cause, notamment les bulletins pris dans une urne pour les placer dans une autre, sa condamnation aux frais de la procédure pénale ou encore que son comportement avait, selon le MP, créé l'apparence d'une situation contraire au droit.

b. Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve énumérés à l'art. 20 al. 2 LPA, notamment en entendant les parties (let. b) et des témoins (let. c).

c. En l'espèce, les autorités intimées avaient connaissance de tous les éléments de fait que la recourante leur reproche ne pas avoir mentionnés dans les décisions litigieuses. Elles ont ainsi pu apprécier la situation en toute connaissance de cause. Dès lors que ce sont les accusations graves et en grande partie infondées proférées par la recourante, en particulier dans la presse, qui motivent les décisions litigieuses, il importait que figurent dans celles-ci les propos et comportements qui lui sont reprochés et qui fondent la conviction de son employeur. La recourante a d'ailleurs identifié les griefs de son employeur et les faits sur lesquels ils reposent, de sorte qu'elle a pu les contester en parfaite connaissance de cause.

Ce grief sera également écarté.

8) La recourante fait grief à l'autorité d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation au point de verser dans l'arbitraire. Son statut d'auxiliaire, après douze ans d'une activité régulière, serait contraire au droit. Tant sa non-convocation, que sa non-indemnisation puis la résiliation des rapports de service seraient illicites.

9) a. La LPAC s'applique aux membres du personnel administratif, technique et manuel de l'administration cantonale (art. 1 al. 1 let. a LPAC). Existent au sein de l'administration cantonale, des établissements publics médicaux et de l'hospice des fonctions permanentes et des fonctions non permanentes. Sont non permanentes les fonctions exercées par les auxiliaires et les agents spécialisés pour permettre l'accomplissement de tâches dévolues occasionnellement à l'administration ou aux établissement, ou le remplacement temporaire du titulaire d'une fonction permanente (art. 3 al. 1 et 3). Le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d'employés, d'auxiliaires, d'agents spécialisés et de personnel en formation (art. 4 al. 1 LPAC).

b. À teneur de l'art. 7 LPAC, est un auxiliaire le membre du personnel engagé en cette qualité pour une durée déterminée ou indéterminée aux fins d'assumer des travaux temporaires (al. 1). Toutefois, la relation de service ne peut excéder une durée maximale de trois ans. Cette limite ne s'applique pas à l'auxiliaire accomplissant des tâches intermittentes et de très courte durée (al. 2).

Peut être engagée comme auxiliaire, toute personne définie à l'art. 7 LPAC et, pour les personnes majeures, capable, en règle générale, d'exercer ses droits civils (art. 60 al. 1 RPAC).

L'art. 62 RPAC prévoit que l'engagement dont la durée excède une semaine fait l'objet d'une lettre qui mentionne notamment : l'indication du service auquel l'auxiliaire est affecté (let. a) ; la durée de l'engagement et, s'il y a lieu, du temps d'essai (let. b) ; le taux d'activité (let. c) ; le montant du salaire (let. d) et, si l'engagement est de durée indéterminée, les délais de congé (let. e).

Selon l'art. 63 RPAC, le salaire de l'auxiliaire est fixé au mois, à défaut à la journée ou à l'heure (al. 1). Il n'est dû que pour autant que l'auxiliaire soit présent à son travail et est supprimé en cas d'absence (al. 2).

À teneur de la fiche 01.05.01 du mémento des instructions de l'office du personnel de l'État publiée le 15 juillet 2013, la limite de trois ans fixée à l'art. 7 al. 2 LPAC ne s'applique pas à certaines catégories d'auxiliaires, notamment l'aide dans le cas de votations ou d'élections.

c. Dans le cas d'espèce, lors de son engagement, la recourante a reçu la lettre prévue par l'art. 62 RPAC, laquelle reprend l'ensemble des informations pertinentes relatives à son lieu d'affectation, au montant de son salaire, aux modalités de versement de son indemnité et aux délais de congé. En conséquence, elle savait depuis le début de son activité qu'elle ne pourrait prétendre à aucune indemnisation si elle n'était pas appelée à travailler, ce qui dépendait de l'actualité du service du SVE, par définition aléatoire, l'art. 63 al. 2 RPAC réglant au surplus explicitement cette question. Elle n'a au demeurant jamais remis ce statut en cause avant le 8 février 2019, ce donc deux jours après son audition par la Cour des comptes, où elle a écrit à la chancellerie pour s'interroger sur plusieurs aspects de son contrat, respectivement les décisions litigieuses.

L'autorité intimée a détaillé de manière convaincante, en particulier dans ses écritures du 21 décembre 2020, les spécificités de l'activité du SVE impliquant des variations importantes dans la volumétrie des besoins en ressources humaines en lien avec le nombre de scrutins, d'initiatives et de référendums, et partant de ses besoins tant de personnel fixe, que d'auxiliaires. Les taux d'activité estimés oscillaient entre 18 % et 29 %, pourcentages qui concernent la recourante, qui ne fait pas partie de l'équipe courrier dont les taux se montent à 57 % et 67 % respectivement. Les coûts du personnel auxiliaire varient de manière significative en fonction des années, par exemple une variation de 85 % entre 2015 et 2017, puisque dépendant notamment du nombre d'opérations électorales par année. Au vu de ces spécificités, quand bien même la Cour des comptes a, dans son rapport n° 158, recommandé d'analyser la pertinence de maintenir des collaborateurs dans le statut d'auxiliaire, en particulier pour ceux ayant un taux d'activité supérieure à 50 % et qui étaient présents pratiquement de manière permanente au SVE, cette instance n'a pas remis en cause le principe du choix de ce statut d'auxiliaire, perdurant au-delà des trois ans de l'art. 7 al. 2 LPAC, puisqu'elle a aussi retenu que la durée moyenne d'activité des auxiliaires du SVE était de de neuf ans.

L'autorité intimée a pour le surplus évoqué, sans être contredite, d'autres services où oeuvrent des auxiliaires, à savoir les procès-verbalistes employés par le secrétariat général du Grand Conseil et les personnes chargées de la mise sous pli d'envois de masse, tel que du matériel de vote. On comprend de ces deux exemples que leur situation est identique aux auxiliaires du SVE, puisque leur intervention dépend fortement de l'actualité, fluctuante, de chacun des services concernés.

Au vu de ces particularités, il ne peut être fait le grief à l'autorité intimée de violer le droit en maintenant artificiellement les auxiliaires du SVE dans ce statut.

Enfin, il n'y a pas lieu d'examiner l'éventuelle application analogique de la jurisprudence valable en matière du droit privé du travail, comme le soutient la recourante. Ses rapports de service sont en effet régis par des dispositions statutaires (art. 3 al. 6 LPAC) et non par le CO dont l'application analogique n'est prévue que pour la résiliation en temps inopportun (art. 44A RPAC).

C'est en conséquence conformément au droit que la recourante n'a pas été payée lorsqu'elle n'était pas appelée, n'ayant aucun droit à l'être, ou présente à son travail.

10) a. Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).
L'art. 21 RPAC prévoit notamment que les membres du personnel se doivent de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c).

Les membres du personnel de la fonction publique sont soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions dans la mesure où la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001
(LIPAD - A 2 08), ne leur permet pas de les communiquer à autrui
(art. 9A LPAC). Les membres du personnel sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de garder le secret envers quiconque sur les affaires de service de quelque nature qu'elles soient, dont ils ont eu connaissance. Ils ne doivent les utiliser en aucune façon (art. 26 al. 1 RPAC).

b. La fin des rapports de service d'une auxiliaire engagée pour une période indéterminée est régie par l'art. 24 al. 2 LPAC. Cette disposition prévoit qu'en pareil cas chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service en respectant le délai de congé. L'intéressé est entendu par l'autorité compétente ; il peut demander que le motif de la résiliation lui soit communiqué.

Dans l'application de l'art. 24 al. 2 LPAC, l'administration dispose d'un très large pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité de la poursuite des rapports de service. Elle reste néanmoins tenue au respect des principes et droits constitutionnels, notamment la légalité, la proportionnalité, l'interdiction de l'arbitraire et le droit d'être entendu (ATA/1198/2017 du 22 août 2017 consid. 6).

c. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. À cet égard, il n'y a lieu de s'écarter de la solution retenue par l'autorité précédente que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; ATA/423/2021 du 20 avril 2021 consid. 5c).

La jurisprudence développée dans le cadre du licenciement d'employés est applicable mutatis mutandis au licenciement d'auxiliaires. Ainsi, le grief d'arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données, ou en cas de discrimination. En revanche, l'autorité de recours n'a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives, ou qu'elle n'apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (ATA/1198/2017 précité et les arrêts cités).

d. Dans ses rapports avec les media, l'avocat doit jouir d'une grande liberté d'expression et il conserve la faculté de décider sans restriction, et d'entente avec son client, qui reste maître de la question, quand il veut s'exprimer publiquement. Lorsqu'il le fait, il doit garder la réserve nécessaire et ne pas profiter du large retentissement de ses propos publics et de l'absence de la partie adverse ou de l'autorité qu'il critique pour déformer la réalité de l'affaire sur laquelle il s'exprime (Benoît CHAPPUIS, La profession d'avocat, Tome I, p. 50-51, Tome I, p. 41-42).

11) a. En l'espèce, l'intimée motive la résiliation des rapports de service en raison des accusations graves et partiellement infondées portées par la recourante à l'encontre d'un collègue, en échafaudant des suppositions pour partie tout en présentant les faits comme établis, ce dont elle devait de bonne foi être consciente.

Ce faisant, l'intimée ne reproche pas à la recourante sa démarche auprès de la Cour des comptes, qui a abouti à la production d'un rapport et, dans ce cadre, de recommandations que les autorités compétentes se sont engagées à mettre en oeuvre. Elle retient par contre à sa charge les éléments figurant dans l'ordonnance de classement, à savoir d'avoir lancé, tant à la Cour des comptes qu'au MP, des suppositions et d'avoir persévéré dans cette voie, notamment via la presse.

b. L'intimée motive en outre sa décision de résiliation des rapports de service en soulignant que les accusations formulées par la recourante ont eu des répercussions non négligeables sur son collègue d'une part, mais ont également porté grandement atteinte à l'image du SVE, de ses membres, ainsi que de l'administration cantonale. L'atteinte à l'image du service public a en l'espèce été d'autant plus importante que la recourante a, publiquement, mis en cause l'authenticité des résultats des élections et votations. Elle l'a en outre fait après la conférence du Procureur général du 13 mai 2019 lors de laquelle il a certes indiqué que les processus mis en place au sein du SVE n'étaient pas appliqués avec toute la rigueur attendue, mais surtout souligné que la procédure ouverte ne contenait aucun indice qu'une fraude électorale ait été commise.

La recourante ne s'est nullement contentée de sa démarche auprès de la Cour des comptes puisque sans attendre que celle-ci et le MP rendent leurs conclusions, elle s'est sciemment prêtée au jeu de la médiatisation. Le 18 décembre 2019, dans le journal « l'Illustré », la recourante et sa collègue, sous les prénoms d'emprunt de Léa et Cécile, n'ont ainsi pas hésité à déclarer, pour la seconde : « Le récit précis de tout ce qu'on a vu, on le réserve à la justice. Mais en onze ans, je n'ai pas vu une élection ou une votation où le résultat était exact. Vous ne vous rendez pas compte du nombre de bulletins qui se baladaient ou partaient en vacances », la recourante clôturant pour sa part l'entretien par « [...] en nous privant ainsi d'argent, je suis sûre que l'État fait le calcul qu'on reviendra ventre à terre sur nos déclarations. On essaie de nous étrangler financièrement [...] Avec Cécile, nous ne sommes inculpées de rien mais déjà condamnées ». Dans cet article, « l'Illustré » relate encore le fait que l'avocat de la recourante et celui de sa collègue auxiliaire avaient sollicité l'ouverture d'une procédure administrative en dommages et intérêts et de les citer : « Difficile de ne pas penser qu'on cherche à faire passer un message visant à dissuader tout lanceur d'alerte futur au sein de l'administration ». Le même jour, sur le plateau de Léman Bleu, l'avocat de la collègue de la recourante a notamment regretté que le « Conseil d'État n'a que faire de personnes qui dénoncent des irrégularités mais bien sûr peut-être qu'elles dérangent ». L'avocat de la recourante a pour sa part dit : « C'est très simple, c'est deux personnes qui travaillent depuis près de dix ans au sein du service [...] qui ont constaté progressivement, qui ont eu une prise de conscience en réalité, de nombreux dysfonctionnements, d'abord auprès de leur hiérarchie, ensuite auprès de la Cour des comptes. Et puis ensuite il y a eu la procédure pénale que l'on sait [...]. Ce qui choque aussi c'est le fait que depuis qu'on a appris ces perquisitions en mai, c'est l'incertitude. Et le Conseil d'État n'a pas lancé d'enquête générale, n'a pas demandé à un enquêteur externe au canton d'établir les faits, au-delà simplement de la procédure pénale. [...] Et là, le doute est permis. [...] Le message qu'on cherche visiblement à faire passer à travers la façon dont on traite nos clientes, il est plus qu'inquiétant : parlez ! Faites état de dysfonctionnements ! Vous vous retrouverez à l'Hospice général sans aucun revenu, fustigés à l'égard de vos collègues avec l'interdiction de retourner travailler et que la seule chose que vous avez faite c'est d'exercer un droit qui est prévu dans la Constitution genevoise ».

Devant la chambre de céans, la recourante a indiqué que son conseil l'avait avertie qu'il passerait à la radio ou à la télévision.

Cette attitude, consistant sans réserve ni retenue, à jeter publiquement le discrédit sur le processus électoral, et qui ne saurait être couverte par le principe de la liberté d'expression, était propre à rompre le lien de confiance entre la recourante et son employeur. Ce dernier était à tout le moins fondé, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, à retenir que la poursuite des rapports de service se heurtait à des difficultés objectives, ou à tout le moins n'apparaissait pas souhaitable. Le fait que le collègue qu'elle a mis en cause ait adopté un comportement inadéquat et ait été condamné aux frais de la procédure pénale n'y change rien, les propos et accusations tenus publiquement par la recourante allant en effet au-delà d'une simple dénonciation des agissements d'un collègue indélicat et mettant explicitement en cause le résultat des élections et votations passées sans que cela ne se vérifie, en particulier celles en lien avec l'adoption de la nouvelle loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05) qui a fait débat.

Le département ne peut être que suivi lorsqu'il considère que dans ces conditions le lien de confiance avec son auxiliaire est irrémédiablement rompu.

c. Dans ce contexte, dès lors que la recourante ne peut, à teneur des dispositions applicables aux auxiliaires, se prévaloir d'un droit à être convoquée, il ne peut être reproché à son employeur de ne plus l'avoir fait après le 22 mai 2019 considérant ce qui précède. Il n'y a rien de choquant à ce que l'intimée ait préféré, comme elle l'a indiqué à la recourante le 13 septembre 2019, attendre l'issue de la procédure pénale alors en cours avant de revoir éventuellement cette position, puis finalement de mettre un terme aux rapports de service.

Il découle de ce qui précède que tant la décision confirmant la licéité de sa non-convocation que celle de résiliation des rapports de service sont conformes au droit.

12) La recourante soulève ensuite le grief de violation du principe de la proportionnalité.

a. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est enfin assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire.

Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/367/2021 du 30 mars 2021 consid. 4h).

b. Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression de principe de la proportionnalité. Il impose à l'État de s'assurer, avant qu'un licenciement ne soit prononcé, qu'aucune mesure moins préjudiciable pour l'administré ne puisse être prise (ATA/421/2021 du 20 avril 2021 consid. 3e et les arrêts cités).

c. La recourante n'étant pas fonctionnaire, ce principe ne lui est pas applicable. Il en va de même du catalogue des sanctions prévu à l'art. 16 LPAC, disposition qui n'est applicable qu'aux fonctionnaires et aux employés de l'État de Genève.

Il n'est pour le reste pas douteux que les décisions litigieuses ont des effets importants sur la situation notamment financière de la recourante qui indique se voir privée d'un revenu moyen mensualisé de CHF 1'200.-. Cela étant, l'intérêt public à ne plus faire appel à une auxiliaire qui a gravement porté atteinte à l'image de l'État et mis en cause, sans que la véracité de ses propos ne se vérifie, l'exactitude des résultats des élections et votations et la probité du SVE l'emporte sur l'intérêt privé de la recourante à retrouver une activité au sein dudit service dont elle a largement contribué à salir l'image. Il en va au demeurant du fonctionnement même de ce service.

13) Partant, l'autorité intimée n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en résiliant les rapports de service le 19 octobre 2020 avec effet au 31 janvier 2021, ce qui rend sans objet la conclusion de la recourante tendant à sa réintégration, de même que celle du versement d'une indemnité.

14) La recourante se plaint d'une violation du principe de l'égalité de traitement, dans la mesure où le collègue dont elle a dénoncé les agissements aurait bénéficié à de nombreux égards de la position hiérarchique de sa mère.

Dans la mesure où elle a elle-même indiqué, lors de l'audience du 15 mars 2021, que les rapports de service de ce dernier avaient également été résiliés, ce grief tombe à faux.

15) La recourante fait enfin grief à son employeur de ne pas avoir protégé sa personnalité et sa position de lanceuse d'alerte.

a. L'art. 2B LPAC prévoit qu'il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologue et de harcèlement sexuel (al. 1). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2). Les modalités sont fixées par règlement (al. 3).

Le règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10) met en oeuvre les modalités prévues à l'art. 2B al. 3 LPAC. Il est notamment applicable au personnel engagé au sein de la chancellerie (art. 2 al. 1). Il instaure un groupe de confiance chargé de mise en oeuvre et de la bonne application du dispositif de protection de la personnalité
(art. 4 al. 1 et 5 al. 1).

Selon l'art. 26 al. 3 Cst-GE, toute personne qui, de bonne foi et pour la sauvegarde de l'intérêt général, révèle à l'organe compétent des comportements illégaux constatés de manière licite bénéficie d'une protection adéquate.

b. En l'espèce, il ressort du dossier que la recourante s'est adressée au groupe de confiance, organe spécialisé mis en place par l'État de Genève pour veiller à ce que la protection de la personnalité des membres de son personnel soit effective. Selon ces propres explications devant la chambre de céans, elle n'a toutefois pas été d'accord avec ce qu'il lui proposait et a donc décidé de contacter la Cour des comptes. S'agissant de la protection due aux « lanceurs d'alerte », même à supposer que la recourante répondrait à cette condition, ce qui est douteux, elle s'est elle-même exposée publiquement en proférant des accusations qu'elle savait inexactes. Il ne ressort pour le reste pas du dossier qu'elle aurait sollicité une aide spécifique de son employeur, auquel il ne peut au demeurant être reproché une promesse d'anonymat que seule la Cour des comptes aurait formulée.

Ce grief sera en conséquence également écarté.

16) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 2'000.-, tenant notamment compte des deux décisions sur mesures provisionnelles et de la décision de jonction des procédures, sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés les 14 septembre 2020 et 19 novembre 2020 par Madame A______ contre les décisions de la Chancellerie d'État du 11 août 2020 et du 19 octobre 2020 ;

au fond :

les rejette ;

met à la charge de Madame A______ un émolument de CHF 2'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, au Conseil d'État ainsi qu'à la Chancellerie d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber,
M. Mascotto, juges, M. Berardi, juge suppléant.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :