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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2826/2020

ATA/545/2021 du 25.05.2021 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 29.06.2021, rendu le 24.11.2021, REJETE, 8C_462/2021
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;AUXILIAIRE;RÉSILIATION;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;DÉNONCIATION(EN GÉNÉRAL);LIEU DE TRAVAIL;PROPORTIONNALITÉ
Normes : LPA.19; LPA.20; LPAC.1.al1.leta; LPAC.2B; LPAC.3.al1; LPAC.3.al3; LPAC.4.al1; LPAC.7; LPAC.9A; LPAC.24.al2; RPAC.20; RPAC.21; RPAC.26.al1; RPAC.62; Cst-GE.26.al3
Résumé : Recours d’une auxiliaire contre une décision constatant la licéité de sa non-convocation à son poste de travail et le refus de lui verser une indemnisation pour les heures non travaillées et contre une décision de résiliation des rapports de service. La recourante fait notamment valoir qu’elle aurait été une lanceuse d’alerte et que les décisions de l’autorité ont été rendues pour se débarrasser d’elle et la punir d’avoir révélé de graves dysfonctionnements dans son service. Il apparaît toutefois, notamment suite à une procédure pénale, que ses accusations n’étaient pas fondées. De ce fait, et surtout en raison des propos qu’elle a tenu dans la presse, les décisions en cause étaient fondées. Le recours est rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2826/2020-FPUBL ATA/545/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mai 2021

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Thomas Barth, avocat

contre

CHANCELLERIE D'ÉTAT
et
CONSEIL D'ÉTAT



EN FAIT

1) À compter du 1er mai 2008, Madame A______, née le ______1982, a été engagée par l'État de Genève en qualité d'auxiliaire, commise administrative 2. Elle a été affectée au service des votations et élections (ci-après : SVE).

Selon sa lettre d'engagement du 13 mars 2008, son taux d'activité dépendait des besoins du service. Son salaire horaire brut était fixé à CHF 32.30. Il ne lui était dû que pour autant qu'elle soit présente à son travail. Les délais de congé, sous réserve de la résiliation immédiate du contrat pour justes motifs, étaient ceux prévus par la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05). Il lui était enfin rappelé que le secret le plus absolu devait être gardé sur les affaires de service.

2) Mme A______ a, suite à son engagement, été appelée lors des scrutins organisés par le SVE, en fonction des besoins.

3) Le 5 février 2019, Mme A______, ainsi que Madame B______, également auxiliaire, ont été entendues par la Cour des comptes.

Mme A______ ne savait plus quoi faire et était épuisée. Elle avait très peur, y compris pour son intégrité physique. Cela faisait dix ans qu'elle était auxiliaire au SVE qui fonctionnait avec trois équipes : courrier, équipe de jour et équipe de nuit. Après avoir travaillé un temps avec l'équipe du soir, elle était alors au courrier avec Monsieur C______. C'était « l'enfer ». Il y avait toujours eu des choses bizarres et, avec le temps, elle s'était rendu compte que « les choses ne jouaient pas ».

Elle était rentrée dans une spirale mais avait refusé de participer à des modifications ou altérations de bulletins. Les modifications apportées avaient changé le résultat du vote pour la police, M. C______ ayant pris le relais d'une précédente collègue qui le faisait. Elle savait de manière certaine que M. C______ avait jeté des documents qu'il n'aurait pas dû jeter. Il l'avait ensuite accusée de l'avoir fait et l'avait insultée en la traitant de « portugaise de merde ». Par exemple, « pour les soins dentaires si on souhaite un oui plutôt qu'un non, M. C______ prend les bulletins de vote, les change et jette les anciens ». M. C______ faisait disparaître des votes. Parfois on ne retrouvait pas cinquante bulletins. Elle avait vu M. C______ faire beaucoup de choses. Il avait peur qu'elle parle et l'insultait tous les jours.

M. C______ disait qu'il connaissait des personnes qui vendaient des votes. Elle ignorait s'il « fanfaronnait », mais au vu de son comportement il n'était pas improbable qu'il en vende réellement. Elle l'avait vu prendre une urne et déchirer plusieurs bulletins de vote. Malgré les contrôles, il y avait toujours des écarts dans les dépouillements. Il y avait régulièrement des soucis. Parfois, des bulletins étaient déchirés au hasard pour faire jouer les totaux. Il se disait qu'il y avait un fantôme, tout le monde avait des doutes. En fait c'était M. C______ qui « mettait la zizanie » dans les urnes. Parfois, il modifiait directement les bulletins. Pour la dernière votation, elle l'avait vu remplir des bulletins vierges.

M. C______ l'avait menacée le 16 janvier 2019. Suite à un article de presse, il lui avait dit espérer qu'elle ne le « balancerait » pas et que si elle voulait « garder sa place et ses sous », elle avait intérêt à se taire car « s'il tombait, elle tombait aussi ». Le lendemain, elle avait vu des inscriptions qui ressemblaient à son écriture devant son immeuble. Il l'insultait du matin au soir, la traitant d'esclave. Presque personne ne connaissait l'histoire des bulletins mais les mauvais traitements de M. C______ étaient connus de tous. Tout le monde en avait peur car il était violent physiquement et verbalement. Il avait récemment presque frappé une collègue et cassé une chaise sur une armoire. Il crachait sur la nourriture laissée par les collègues auxiliaires, en leur absence. Elle était obligée de jeter ces produits pour éviter qu'ils soient consommés.

Elle avait averti la responsable des auxiliaires. Lors de la votation de novembre 2018, cette dernière avait cru ses propos relatifs à la disparition de cartes de vote. Elles avaient souhaité parler au chef du SVE, mais celui-ci leur avait répondu que ce n'était pas le moment. Il n'était pas revenu vers elles. Pour parler au chef du SVE, il fallait passer devant le bureau de la responsable du personnel qui était la mère de M. C______. La semaine précédente, elle-même avait une nouvelle fois parlé avec la responsable des auxiliaires pour lui dire que les insultes ne pouvaient plus durer. Elle lui avait répondu d'aller voir la mère de M. C______ car elle ne pouvait rien faire pour elle.

M. C______ faisait sécher de la drogue dans les sous-sols. Il en fumait au travail en attendant la poste, ou pendant les pauses, à l'extérieur ou à la cave.

4) Le 6 février 2019, la Cour des comptes a communiqué au Ministère public (ci-après : MP) le compte rendu de l'entretien avec Mme A______, ainsi que celui d'une de ses collègues, également auxiliaire au SVE, qui avait été entendue la veille. La Cour des comptes a également transmis deux photographies. L'une d'elles montrait M. C______ en train de consommer un joint de cannabis dans les caves du SVE.

5) Ce même 6 février 2019, le MP a ordonné l'ouverture d'une instruction pénale contre M. C______ pour fraude électorale et corruption passive.

6) Le même jour, Mme A______ a été entendue par la police judiciaire.

M. C______ et elle-même avaient les clés permettant l'accès au bâtiment et à toutes les salles des 2ème et 4ème étages. Ils possédaient une clé qui permettait d'ouvrir une armoire qu'elle appelait « la caverne d'Ali-Baba » car on y trouvait de tout : documents concernant les précédentes élections et bulletins de vote vierges ou déjà remplis par exemple. La semaine précédente, elle avait vu
M. C______ prendre deux ou trois bulletins de vote vierges et les remplir en mettant des croix. Elle lui avait demandé ce qu'il faisait mais il n'avait pas voulu lui répondre. Dès lors qu'il l'insultait du matin au soir, elle avait évité le conflit. Au bout de quelques heures, elle avait constaté que les bulletins en question ne se trouvaient plus dans l'armoire. Depuis deux ou trois ans, plusieurs fois par votation, il lui était arrivé de voir M. C______ placer directement dans les urnes des bulletins de vote qu'il avait lui-même remplis. Elle ne pouvait pas en donner un chiffre exact, mais c'était probablement de l'ordre d'une centaine de bulletins par votation, pour ceux qu'elle avait vus. Elle pensait qu'il avait agi de la sorte pour toutes les votations ces trois dernières années, en matière communales, cantonales ou fédérales.

Pour les dernières votations de novembre 2018, elle avait vu M. C______ placer des bulletins de vote dans les urnes les trois semaines précédentes. Lors du dépouillement, il était apparu qu'il y avait plus de bulletins de vote qu'il n'y avait eu de votes enregistrés, ce qui laissait supposer que M. C______ en avait déposés qu'il avait lui-même remplis. Lors de ces votations, il avait été constaté qu'il y avait des soucis sur la moitié des urnes se trouvant dans le local. De manière générale, en cas de différence positive avec les bulletins, le chef du SVE prenait des bulletins de vote au hasard et déchirait le nombre qu'il y avait en trop. Quand la différence était négative, il modifiait le décompte des enveloppes bleues (celles qui contiennent le bulletin de vote) vides, en rajoutant le nombre manquant. Elle ignorait si cette pratique était légale, mais se doutait qu'elle n'était pas juste. Il leur était rappelé de ne pas parler de leur activité et de leur devoir de respecter le secret de fonction.

La nuit du 24 au 25 novembre 2018, lors du dépouillement, elle avait croisé M. C______ qui lui avait dit : « Tu vois, même quand il y a de la merde, tout se résout. C'était facile ». Comme elle l'avait vu une semaine auparavant enlever et déchirer des bulletins de vote qui se trouvaient dans les urnes, elle avait compris à quoi il faisait référence. À d'autres occasions, il était arrivé de constater que des bulletins de vote avaient disparu des urnes. Il s'agissait de petits chiffres, de l'ordre de la dizaine.

M. C______ parvenait à entrer dans la salle scellée au moyen d'un plomb sans l'endommager. Une fois la porte ouverte, il avait accès aux urnes qui n'étaient ni scellées ni fermées à clé. Il l'avait fait devant elle à plusieurs reprises, la dernière fois en novembre 2018. Elle avait l'impression qu'il s'amusait à démontrer les failles du système. Dans le service, il terrorisait tout le monde et on le craignait car il était protégé par sa mère dont il connaissait par ailleurs le mot de passe. Il disposait de toutes les informations sur le service. Il avait frappé une personne du service et elle le voyait régulièrement taper avec ses poings dans du mobilier de bureau. Elle avait très peur de lui. Il pouvait être de bonne humeur et devenir d'un coup agressif.

Elle l'appréciait lorsqu'il était de bonne humeur et n'avait aucune animosité à son encontre. Elle n'avait rien à gagner s'il se faisait renvoyer, craignant au contraire qu'elle le serait également. Chaque fois qu'elle le voyait falsifier des bulletins de vote ou en détruire, elle lui demandait pourquoi il le faisait. Il lui répondait que ce n'était pas son problème et qu'elle devait « fermer sa gueule ». Il arguait que c'était une façon de démontrer que les filles de l'équipe du jour étaient « des connasses, des pétasses, des incompétentes ».

Elle a pour le reste confirmé ses propos tenus devant la Cour des comptes s'agissant de l'achat de votes, des stupéfiants cachés à la cave, des menaces qu'elle avait reçues de M. C______ et du fait que seule la responsable des auxiliaires était informée de la situation.

7) Le 9 mai 2019, la police a procédé à une perquisition du logement de
M. C______ ainsi que des locaux du SVE, notamment la place de travail de
M. C______.

Dans les locaux du SVE, elle a notamment saisi du matériel électoral dans le corps de bureau partagé par Mme A______ et M. C______ et dans un sac déposé dans le hall d'entrée du service. Dans un sac contenant du papier à détruire, déposé dans le couloir, à proximité de la place de travail de
M. C______, des morceaux déchirés de bulletins de vote remplis pour la votation du 19 mai 2019 ont été saisis. Dans un sac de farine contenant du papier à détruire et déposé dans une salle nommée « KGB », des morceaux déchirés de bulletins de vote remplis pour les votations cantonales et fédérales du mois de mai 2019 ont également été saisis.

8) Le même jour, la police a une nouvelle fois auditionné Mme A______.

Il ne lui semblait pas impossible que M. C______ ait conservé des enveloppes pour les ressortir après la date de la votation, ce afin qu'elles ne soient pas comptabilisées lors du dépouillement. La semaine précédente, elle avait vu une pile de bulletins de vote remplis dans le tiroir du bureau. Cela lui avait paru étrange car ils ne devaient pas se trouver dans ce meuble sans l'enveloppe bleue qui les accompagnait. Elle avait demandé à M. C______ ce qu'il comptait en faire. Il lui avait répondu « t'inquiète ». Le lendemain, la pile avait disparu. Aucun bulletin de vote ne devait se trouver dans les sacs destinés à la destruction et encore moins des bulletins portant sur la votation en cours.

Le 7 mai 2019, M. C______ lui avait suggéré de mélanger des votes comme lui. Elle avait refusé, personne ne pouvant la forcer à agir de la sorte. Il lui avait répondu qu'elle n'avait pas le choix et qu'il ne fallait pas qu'elle s'étonne si sa fille rentrait à la maison avec « la chatte défoncée ». Personne n'était présent lorsqu'il avait tenu ces propos qui l'avaient choquée et fait craindre pour elle et ses enfants.

9) Deux jours plus tard, Mme A______ a déposé plainte à l'encontre de M. C______ s'agissant des menaces proférées à son encontre.

10) Le 9 mai 2019 toujours, M. C______ a été interpellé à son domicile et entendu par la police en qualité de prévenu.

Il n'avait jamais falsifié ni détruit des bulletins de vote. Lors des votations du 23 septembre 2018, il en avait pris cinq dans l'urne de la commune de D______ pour les placer dans celle d'E______. Dix minutes plus tard, pris de remords, il les avait remis à leur place. Mme A______ l'avait vu les prendre mais aussi les remettre. Il n'avait agi qu'une seule fois pour manifester son
ras-le-bol. Il avait, à une seule occasion, consommé un joint dans la cave du SVE pendant la nuit. Il ne disait pas forcément bonjour mais n'était ni agressif ni menaçant envers ses collègues. Il avait été en proie à des excès de colère parce qu'il était poussé à bout. Une fois, le stylo qu'il avait lancé contre le mur était malencontreusement passé à côté de la tête de Mme A______.

11) Le lendemain, M. C______ a confirmé ses déclarations devant le MP. L'ambiance au sein du SVE était délétère. Tout le monde s'y accusait et se plaignait de tout. Il avait formé Mme A______. En septembre 2018, pour lui montrer qu'il était facile d'occasionner des erreurs, il avait pris quatre ou cinq bulletins d'une urne pour les mettre dans une autre, avant de les remettre en place. Il ne comprenait pas les accusations portées contre lui. Il ne se souvenait pas avoir tenu des propos menaçants à l'égard de Mme A______ et ne pouvait concevoir avoir tenu des propos au sujet de la fille de celle-ci.

12) Le 10 mai 2019, Mme A______ a été entendue par le MP en présence de M. C______.

En 2017 et en novembre 2018, elle avait vu M. C______ prendre des bulletins et les déchirer. En 2016 ou en 2017, puis lors de la votation de février 2019, elle l'avait vu remplir des bulletins sans savoir ce qu'il allait en faire. Elle avait fini par comprendre ses intentions lorsqu'elle l'avait vu mélanger des bulletins dans des urnes. Elle ne l'avait jamais vu placer directement des bulletins qu'il avait remplis dans les urnes. Elle pensait qu'il avait ajouté des bulletins de vote falsifiés lors de toutes les votations des trois années précédentes. Lorsque M. C______ lui avait montré comment il pouvait entrer dans la salle où se trouvaient les bulletins de vote « sans casser le plomb, il avait réussi à enlever les vis mais il n'y avait pas de plomb. Elle ne l'avait jamais vu entrer dans le local par ce procédé ». Elle avait entendu des bruits de couloir concernant la vente de votes. En mai 2019, M. C______ l'avait invitée à réfléchir à faire elle aussi des échanges de bulletins afin qu'ils soient deux à agir ainsi. Il avait précisé qu'elle n'avait pas le choix et l'avait menacée de s'en prendre à sa fille. Ses déclarations à la Cour des comptes en lien avec la votation sur la loi sur la police n'étaient que des suppositions. Elle n'avait rien constaté de particulier et n'avait jamais dit que les agissements de M. C______ avaient eu un impact sur cette votation. Ayant découvert le phénomène d'échanges de bulletins, elle pouvait faire des suppositions.

Elle s'était rendue au groupe de confiance. La personne qui l'avait reçue lui avait fait comprendre qu'elle subissait du harcèlement de la part de M. C______. Elle lui avait suggéré d'entamer une procédure, ce qu'elle n'avait pas fait.

13) À l'issue de cette audition, le MP a ordonné la mise en liberté de M. C______, moyennant des mesures de substitution.

14) Le 13 mai 2019, le Procureur général a tenu une conférence de presse.

Il a évoqué les actes d'enquête ordonnés suite à la transmission de la Cour des comptes et relevé qu'en l'état, la procédure ouverte ne contenait aucun indice qu'une fraude électorale ait été commise. Le dossier ne contenait aucun indice de corruption ou d'actes ayant visé à pousser M. C______ à agir d'une certaine manière. Il ressortait du dossier que les processus mis en place au sein du SVE n'étaient pas appliqués avec la rigueur attendue. L'ambiance et les relations interpersonnelles dans le service étaient lourdes.

15) Le 1er juillet 2019, le MP a disjoint la procédure relative à la plainte pour menaces déposée par Mme A______ contre M. C______ de la procédure ouverte contre ce dernier pour fraude électorale et corruption passive.

16) Dans le cadre de la procédure pénale pour fraude électorale et corruption passive, la police a par ailleurs auditionné la collègue auxiliaire de
Mme A______, le chef du SVE et un adjoint administratif de ce service. Il sera fait référence, en tant que de besoin, à ces déclarations dans la partie en droit.

17) Le 26 août 2019, Mme A______ a demandé à la chancelière d'État les motifs pour lesquels elle n'avait pas été convoquée pour les scrutins à venir des 15 septembre et 20 octobre 2019.

18) La chancelière d'État lui a répondu le 13 septembre 2019.

La procédure pénale portant notamment sur des allégations de fraudes électorales au sein du SVE, initiée essentiellement à la suite de déclarations importantes de sa part, était toujours en cours. Il était ainsi nécessaire d'en attendre la clôture afin d'en connaître l'ensemble des éléments.

19) Le 27 novembre 2019, par l'intermédiaire de son avocat, Mme A______ a sollicité du Président du Conseil d'État : l'ouverture d'une procédure administrative, un accès au dossier, la coordination avec la procédure pénale, le constat qu'elle avait été illicitement privée de tout revenu et de son poste depuis juillet 2019, son rétablissement dans son emploi sans délai, une indemnisation pour l'intégralité des revenus dont elle avait été illicitement frustrée depuis juillet 2019 et la prise en charge de l'intégralité de ses frais de défense.

Elle avait été suspendue sans traitement de ses fonctions sans qu'aucune décision ne lui ait été notifiée.

20) a. Le 6 décembre 2019, la Radio Télévision Suisse (ci-après : RTS), dans son émission « Forum », a évoqué la situation de Mme A______ et de sa collègue auxiliaire au SVE, mettant notamment en évidence le fait qu'elles étaient sans emploi et qu'elles avaient « tout perdu ».

b. Le magazine « l'Illustré » en a fait de même dans son édition du
18 décembre 2019. Il a publié un article intitulé « Les lanceuses d'alerte qui font trembler Genève, c'est nous ».

c. Le 18 décembre 2019, l'avocat de Mme A______ et celui de sa collègue auxiliaire au SVE ont été interviewés sur la chaîne de télévision locale Léman Bleu.

d. Le 26 décembre 2019, le journal « Le Courrier » a publié une interview du président du Conseil d'État portant notamment sur la protection des lanceurs d'alerte. Le 25 février 2020, la « Tribune de Genève » a consacré un éditorial à cette question.

Il sera plus précisément revenu sur ces éléments, en particulier sur l'article de « l'Illustré », dans la partie en droit du présent arrêt.

21) Le 27 février 2020, le MP a ordonné le classement partiel de la procédure pénale ouverte contre M. C______ pour fraude électorale et corruption passive. Il a condamné ce dernier aux frais de procédure.

Le MP a retenu que M. C______ avait, devant des collègues et à plusieurs occasions, prétendu pouvoir modifier les résultats des votations et affirmé qu'il était disposé à vendre des votes. L'ambiance de travail était délétère au sein du SVE. Les relations entre M. C______ et les collaborateurs étaient difficiles. Il s'était souvent montré agressif verbalement et physiquement envers certains collaborateurs. Du fait de la position hiérarchique de sa mère, ses collègues estimaient qu'il profitait d'une situation d'impunité. Voulant faire une « blague de potache » à une collègue, il avait détérioré du matériel de vote, cet épisode trahissant un respect insuffisant de sa mission. Les relations interpersonnelles entre Mme A______ et M. C______ étaient compliquées, l'existence de vives tensions entre eux étant établie. M. C______ avait consommé un joint de cannabis devant une urne. Lors de la votation du 28 septembre 2018, il avait pris des bulletins de vote se trouvant dans une urne pour les placer dans une autre. Saisi de scrupules, il les avait remis en place.

De manière générale, les déclarations de Mme A______ avaient été fluctuantes et marquées par une certaine hyperbole, jusqu'à ce qu'elle admette avoir, pour l'essentiel, formulé des suppositions. Le MP constatait au surplus qu'il serait pour le moins surprenant qu'elle ait constaté les manipulations massives qu'elle avait dans un premier temps dénoncées, cela pendant plusieurs années, sans trouver la moindre occasion de les rapporter à sa hiérarchie ou à un tiers. Elle avait déclaré que M. C______ avait entreposé des stupéfiants dans la cave du SVE. Ce fait n'était pas établi.

Malgré des actes d'investigation poussés, le MP n'avait pas pu établir l'existence du moindre procédé électoral frauduleux tel que rapporté par les deux dénonciatrices. M. C______ ne s'était rendu coupable ni de fraude électorale, ni de corruption passive, ni d'infraction à l'art. 19 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121).

La Cour des comptes avait transmis au MP les comptes rendus d'entretien intervenus avec Mme A______ et sa collègue auxiliaire. À teneur de leurs déclarations, M. C______ avait pris des bulletins dans une urne pour les mettre dans une autre. Ce comportement avéré constituait une violation sans équivoque de ses devoirs professionnels et de diligence découlant de ses fonctions au SVE. La Cour des comptes avait également transmis un cliché photographique de M. C______ en train de consommer un joint de cannabis dans la cave du SVE. Ces deux comportements dénoncés étaient, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, de nature à faire naître la suspicion qu'il avait oeuvré de manière frauduleuse, à présumer que des infractions avaient été commises et ainsi à provoquer l'ouverture d'une procédure pénale à son encontre. Au surplus, il avait indiqué à plusieurs reprises devant ses collègues qu'il était en mesure de modifier les résultats des votations et qu'il allait vendre des votes. Par son comportement, il avait attiré les soupçons de ses collègues sur lui et créé l'apparence d'une situation contraire au droit. Pour cette raison, les frais de la procédure étaient mis à sa charge.

22) Ce même 27 février 2020, le MP a publié un communiqué de presse annonçant le classement de cette procédure. Les investigations n'avaient pas confirmé les allégations des deux collaboratrices du SVE à la Cour des comptes.

23) Le 27 février 2020 encore, la Cour des comptes a rendu son rapport n° 158 intitulé « Audit de légalité et de gestion - Traitement du vote par correspondance dans les locaux du SVE » (ci-après : le rapport n° 158).

Elle avait reçu, en février 2019, deux communications de la part de collaboratrices auxiliaires du SVE portant sur de potentiels dysfonctionnements relatifs au traitement des bulletins de vote par correspondance et sur des comportements inappropriés de la part d'un collaborateur. Vu la gravité des faits allégués et la proximité de la tenue d'un scrutin, elle les avait immédiatement dénoncés au MP.

Elle adressait neuf recommandations à la chancellerie d'État (ci-après : la chancellerie) et trois à la commission électorale centrale qui avaient toutes été acceptées. Elles portaient sur l'organisation du vote par correspondance, la mise en place d'un système d'information et la rédaction de directives internes, la nécessité de mieux informer les auxiliaires, la favorisation du dialogue, le traitement des liens familiaux au sein du service et des dysfonctionnements selon des règles strictes et équitables, la mise à disposition du SVE de locaux aux normes et adaptés à ses activités, et l'élargissement des contrôles sur le vote par correspondance.

24) La presse s'est, le 28 février 2020, faite l'écho du rapport n° 158.

25) Le 3 mars 2020, la Cour des comptes a informé Mme A______ qu'elle avait mené l'audit précité. Les éléments que celle-ci avait exposés dans sa communication du 5 février 2019 avaient pu être pris en compte de façon générale. Le rapport synthétisant les travaux menés faisait état des problématiques liées à l'organisation du vote par correspondance, de lacunes dans la gestion opérationnelle des auxiliaires et de l'état déplorable des locaux du SVE.

Ses recommandations visaient à mettre en place une structure adéquate de travail en améliorant les conditions et les relations de travail, avec pour objectif de rétablir un climat de confiance. Toutes les recommandations avaient été approuvées, notamment pas la chancellerie. Il était loisible à Mme A______ de faire part de tout nouvel élément dont elle aurait connaissance.

26) Le 26 mars 2020, Mme A______ a sollicité du président du Conseil d'État d'être réintégrée immédiatement à son poste de travail.

27) Le lendemain, elle a fait cette même demande au vice-chancelier, mais aussi celle de recevoir son traitement depuis le début de sa suspension et de la prise en charge de ses frais de défense.

28) Le 2 juillet 2020, le chef du service des ressources humaines de la chancellerie (ci-après : le chef de service) a répondu à Mme A______, se référant à ses courriers des 26 et 27 mars 2020.

Avant qu'une quelconque décision ne soit rendue à son égard, il lui communiquait les pièces intégrées dans son dossier. Un délai au 14 juillet 2020 lui était imparti pour faire part de ses observations.

Étaient joints à ce courrier, le compte rendu d'entretien de
Mme A______ du 5 février 2019 devant la Cour des comptes, les procès-verbaux de ses auditions des 6 février et 9 mai 2019 devant la police judiciaire, son procès-verbal d'audition du 10 mai 2019 devant le MP et l'ordonnance de classement partiel du 27 février 2020 (ci-après : l'ordonnance de classement). Les déclarations et informations de et concernant M. C______ étaient caviardées dans le procès-verbal d'audition du 10 mai 2019 et l'ordonnance de classement.

29) Le 6 juillet 2020, Mme A______ s'est interrogée sur la provenance des documents annexés au courrier du 2 juillet 2020 dans la mesure où ils contenaient des propos susceptibles de lui nuire. Afin de respecter pleinement son droit d'être entendue, elle sollicitait un tirage complet des pièces en question, non caviardées.

30) Le chef de service lui a répondu le 13 juillet 2020 que ces pièces avaient été obtenues dans le cadre d'une demande d'entraide formulée auprès du MP. Certaines d'entre elles avaient été caviardées pour préserver des intérêts privés prépondérants. Les éléments auxquels elle n'avait pas accès ne seraient pas utilisés à son désavantage.

31) Le 15 juillet 2020, Mme A______ a été convoquée à un entretien de service pour le 11 août 2020 pour l'entendre au sujet de son comportement, s'agissant, notamment, de ses déclarations depuis février 2019 auprès de diverses autorités ainsi que dans la presse dénonçant des irrégularités au sein du SVE, en particulier l'existence de fraudes électorales. Les faits en cause, s'ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs du personnel et étaient susceptibles de conduire à la résiliation de ses rapports de service.

32) Le 27 juillet 2020, Mme A______ a souligné le caractère choquant du courrier précédent, compte tenu de l'irréprochable bonne foi dont elle avait fait preuve. Il était choquant et à tout le moins dénué de tout fondement, de déclarer que les prétendus faits en cause seraient susceptibles de conduire à la résiliation des rapports de service. Elle ne se présenterait pas à l'entretien.

33) Par décision du 11 août 2020, le président du Conseil d'État a dit que la non-convocation de Mme A______ depuis le 1er août 2019 était licite et confirmée, que l'absence d'indemnisation pour les heures non travaillées était de même licite et qu'il ne lui était accordé aucune indemnité pour ses frais de défense. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

Cette décision faisait suite à sa dénonciation auprès de la Cour des comptes le 5 février 2019, puis du MP, et via la presse, y compris télévisée, de prétendues malversations d'un collègue pour modifier le résultat des votations (ventes de votes, destruction de bulletins de vote, modification/altération de bulletins...). Les répercussions en avaient été importantes, tant auprès du SVE que du public. Le 27 février 2020, le MP avait rendu son ordonnance de classement, ce qu'il avait aussi annoncé par un communiqué de presse du même jour. Les investigations n'avaient pas confirmé les allégations des deux collaboratrices du SVE, dont l'intéressée. La concernant, ce communiqué précisait qu'elle avait « cité certains faits isolés, impropres à étayer l'existence d'une fraude, précisant que pour le surplus [elle avait] échafaudé des suppositions ». Le 27 février 2020 encore, la Cour des comptes avait rendu son rapport n° 158 et conclu que la gestion et l'encadrement du personnel auxiliaire étaient insuffisants mais qu'elle n'avait pas constaté de fraude.

34) Ce même 11 août 2020, la direction du support et des opérations de vote de la chancellerie a informé Mme A______ que dans la mesure où elle ne s'était pas présentée à l'entretien de service, il y avait été procédé par écrit. Le compte rendu de cet entretien ainsi que ses annexes lui étaient adressés, et elle disposait d'un délai de trente jours pour produire ses observations.

Ledit compte rendu mentionnait notamment son audition devant la Cour des comptes, le rapport n° 158 et les éléments figurant dans l'ordonnance de classement. Il était en outre fait référence aux articles de presse et émissions de radio ou de télévision relatifs à la situation au sein du SVE.

Ses agissements, s'ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs du personnel dont les membres étaient entre autres tenus au respect de l'intérêt de l'État et devaient s'abstenir de tout ce qui pouvait lui porter préjudice. Ils étaient soumis au secret de fonction. L'employeur envisageait de résilier les rapports de service.

35) Le 11 septembre 2020, Mme A______ a formulé ses observations suite à l'entretien de service.

La chancellerie avait, très probablement de manière intentionnelle car à sa décharge, occulté une grande partie des faits de la cause. Or, ces éléments suffisaient amplement à corroborer les soupçons de fraudes électorales concernant M. C______, à tout le moins à saisir la raison pour laquelle elle avait pris la décision de le dénoncer. Elle avait pour le reste toujours entretenu des relations dignes et correctes avec ses supérieurs et ses collègues. La chancellerie passait également sous silence le fait que M. C______ l'avait menacée et qu'il était le fils d'une responsable hiérarchique.

Une partie des pièces fournies par la chancellerie était caviardée, de sorte qu'elle avait été empêchée de se déterminer à leur propos.

Enfin, la RTS avait porté à la connaissance du public, le 7 septembre 2020, le fait qu'elle avait déposé une plainte au début de cette année contre le président du Conseil d'État pour violation du secret de fonction et diffamation. Interrogé par des journalistes du journal « le Courrier », ce dernier l'avait qualifiée de dénonciatrice et souligné que la « qualifier de lanceuse d'alerte était hasardeux car il faut pour cela avoir dénoncé des faits avérés, or le Procureur général a, dans ses dernières conclusions, écarté toute fraude au service des votations ».

36) Par acte déposé le 15 septembre 2020 au guichet universel du Pouvoir judiciaire, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 11 août 2020. Préalablement, elle a conclu à la restitution de l'effet suspensif à son recours sur le seul point de sa non-convocation au sein du SVE. Principalement, elle a conclu à son annulation, à ce qu'il soit constaté qu'elle avait été illicitement privée de tout revenu et de son poste depuis le mois de juillet 2019, à son rétablissement sans délai dans son emploi et à son indemnisation, à la charge du président du Conseil d'État, pour l'intégralité des revenus dont elle avait été illicitement frustrée depuis le mois de juillet 2019, soit CHF 28'150.-, ce montant devant être complété pour les mois à venir si sa non-convocation devait perdurer.

Dans la mesure où, depuis son engagement, elle avait dans les faits été appelée à toutes les votations et élections jusqu'au 2 août 2019 et avait ainsi perçu un salaire annuel équivalent à un travail à plein temps (CHF 42'765.20 en 2015, CHF 39'454.45 en 2016, CHF 25'646.20 en 2017, CHF 47'965.50 en 2018 ; le montant horaire brut s'élevant à CHF 32.30), il se justifiait de rétablir l'effet suspensif au recours en raison de son intérêt prépondérant à être reconvoquée afin de bénéficier à nouveau d'une rémunération.

Le président du Conseil d'État avait abusé de son pouvoir d'appréciation et violé le principe de l'interdiction de l'arbitraire.

Sa non-convocation revenait en définitive à une suspension au sens de l'art. 28 LPAC, dont les conditions n'étaient toutefois pas réunies puisqu'une telle suspension devait être ordonnée par le Conseil d'État et ne concernait que les fonctionnaires et employés, ce qui n'était pas son cas. Cette non-convocation ne reposait dès lors sur aucune base légale. Pour l'année 2019, elle avait perçu CHF 17'845.75. En moyenne, sur les cinq dernières années, elle avait perçu CHF 34'735.42. Au total, pour l'intégralité des revenus donc elle avait été privée depuis le mois de juillet 2019, elle devait être indemnisée à hauteur de CHF 28'150.-.

Elle a pour le reste soulevé les griefs de constatation incomplète et inexacte des faits pertinents et de violation de son droit d'être entendue, lesquels seront développés sous le chiffre 43 ci-dessous.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/2826/2020.

37) Dans le délai prolongé à sa demande au 1er octobre 2020, le département a préalablement conclu à ce qu'il soit ordonné à Mme A______ de produire les courriers et le courriel qu'elle avait adressés à la chancellerie fédérale, puis principalement au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

38) Mme A______ a répliqué sur la question de l'effet suspensif le 12 octobre 2020.

39) À cette même date, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif.

40) Le 16 octobre 2020, la présidence de la chambre administrative a rejeté la requête en mesures provisionnelles et réservé le sort des frais de procédure jusqu'à droit jugé au fond.

Il ressort notamment de cette décision que selon le décompte produit par Mme A______, en 2015, elle n'avait pas été appelée à fonctionner pour le SVE aux mois d'août et décembre. En juillet, elle avait travaillé durant 38 heures. En 2016, elle avait travaillé 54 heures en mars, 20 heures en avril, 75 heures en juin, 43 heures en octobre et pas du tout en août et décembre. En 2017, elle avait été appelée pour 38 heures en janvier, 20 heures en mars, 34 heures en avril, 44 heures en juillet, 56 heures en août, 52 heures en octobre et 65 heures en décembre ; elle n'avait, toujours en 2017, pas du tout travaillé aux mois de février et novembre. En 2018, elle avait travaillé 73 heures en juillet, 34 heures en août, 53 heures en octobre et 32 heures en décembre. En 2019, elle avait travaillé plus de 100 heures en janvier et février, 8 heures en mars, 72 heures en avril, 159 heures en mai, 38,5 heures en juin et 17 heures en juillet.

41) Le 19 octobre 2020, la chancellerie d'État a fait part de ses déterminations sur le fond dans la cause n° A/2826/2020. Elle a conclu au rejet du recours.

42) Par décision de ce même 19 octobre 2020, la chancelière d'État a résilié les rapports de service de Mme A______ avec effet au 31 janvier 2021. Dans l'intervalle, elle ne serait pas convoquée pour effectuer des heures rémunérées et n'avait pas de droit au traitement.

Son droit d'être entendue avait été respecté dès lors qu'elle avait pu consulter son dossier administratif. Les pièces caviardées l'avaient été en raison d'intérêts privés prépondérants qu'il convenait de protéger.

Soumise au statut d'auxiliaire, elle n'avait pas de droit à être convoquée pour effectuer un certain nombre d'heures par année. Aucun droit au traitement n'était ouvert pour les heures de travail pour lesquelles elle aurait pu être convoquée mais ne l'avait pas été.

Elle avait porté des accusations graves et partiellement infondées à l'encontre d'un collègue, en échafaudant des suppositions pour partie tout en présentant les faits comme établis, ce dont elle devait, de bonne foi, être consciente. Ces accusations avaient eu des répercussions non négligeables sur la personne concernée et porté atteinte à l'image du service, de ses membres, ainsi que de l'administration cantonale dans son ensemble. La bonne marche du SVE en avait été perturbée.

Par ailleurs, elle n'avait pas hésité à utiliser la presse et à remettre en question les résultats des scrutins des dix dernières années, avant l'issue de la procédure pénale et de l'audit de la Cour des comptes. Pourtant, les autorités compétentes avaient été saisies et il n'y avait dès lors aucun besoin de continuer à diffuser les éléments déjà dénoncés.

Les faits et observations ressortant de son courrier du 11 septembre 2020 suite à l'entretien de service ne permettaient pas d'excuser son comportement ni d'en tirer une appréciation différente.

En résumé, il lui était reproché non pas d'avoir sollicité la Cour des comptes mais la manière dont elle l'avait fait en lançant des suppositions - comme le retenait le MP - et en ayant ensuite persévéré dans cette voie, au surplus via la presse. Son action avait été disproportionnée et avait porté préjudice à l'État. Les agissements qui lui étaient reprochés étaient avérés et constituaient à tout le moins un manquement aux devoirs du personnel tels qu'indiqués aux art. 20, 21 let. a et c, ainsi que 22 al. 1 du règlement d'application de la LPAC du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01). Par ailleurs, au vu de ce constat et du manque total de remise en question dont elle avait fait preuve, le lien de confiance avec l'employeur était rompu.

Les motifs invoqués par sa hiérarchie lors de l'entretien de service justifiaient la résiliation des rapports de travail et la renonciation à la convoquer pour effectuer du travail rémunéré au sein du SVE ou tout autre service de l'État durant le délai de congé.

43) Par acte mis à la poste le 19 novembre 2020, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre cette décision.

Elle a conclu, sous suite de dépens, à son annulation puis, cela fait, principalement à ce que sa réintégration soit ordonnée et à ce qu'il soit dit qu'elle avait droit à une rémunération mensuelle à hauteur de CHF 2'894.62 du
19 octobre 2020 jusqu'à l'entrée en force de l'arrêt à intervenir. Subsidiairement, la résiliation des rapports de service était contraire au droit et sa réintégration à la chancellerie devait être proposée. À défaut d'acceptation, la chancellerie devait être condamnée au paiement de CHF 69'470.90 correspondant à vingt-quatre mois de traitement, ainsi qu'au versement chaque mois de CHF 2'894.62 du 19 octobre 2020 jusqu'à l'entrée en force de l'arrêt à intervenir. Plus subsidiairement encore, elle a conclu à ce qu'il soit dit qu'elle avait droit à une rémunération mensuelle à hauteur de CHF 2'894.62 du 19 octobre 2020 jusqu'à l'entrée en force de l'arrêt à intervenir.

Elle énonçait le total du nombre d'heures effectuées au SVE, par année et par mois, de 2015 à juillet 2019.

Les décisions des 11 août puis 19 octobre 2020 avaient constaté les faits pertinents de manière incomplète et inexacte. Elles étaient incomplètes sur les faits qu'elle avait dénoncés devant la Cour des comptes concernant le comportement de M. C______, qu'elle reprenait, ce dont il fallait déduire une volonté de l'autorité d'éluder des éléments en sa faveur. Elles ne mentionnaient pas les deux photographies susmentionnées, dont l'une montrait M. C______ fumant du cannabis, la découverte à l'occasion de la perquisition de morceaux déchirés de bulletins de vote ou encore les déclarations de M. C______ selon lesquelles il avait, lors des votations de septembre 2018, interverti des bulletins entre deux urnes, avant de les remettre en place. Elles étaient muettes sur son entretien avec le groupe de confiance et le fait qu'on lui ait alors fait comprendre qu'elle subissait un harcèlement de la part de M. C______. Elles indiquaient de manière fallacieuse que le MP avait retenu que les investigations menées n'avaient pas confirmé les allégations des deux collaboratrices du SVE puisqu'il découlait de l'ordonnance de classement que M. C______ avait été condamné aux frais de procédure pour en avoir provoqué l'ouverture. En outre, le MP avait retenu que son comportement avait créé l'apparence d'une situation contraire au droit et de nature à faire naître la suspicion.

Son droit d'être entendue avait été violé. Les pièces transmises le 2 juillet 2020 étaient soigneusement caviardées de sorte qu'elle n'avait pas pu prendre connaissance de l'ensemble des éléments que la chancellerie s'apprêtait à prendre en considération. Or, les pièces en question servant de fondement à la décision entreprise, cette violation ne pouvait être réparée devant la chambre administrative.

La décision de résilier les rapports de service avec effet au 31 janvier 2021 et de la convoquer dans l'intervalle était illicite et heurtait de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité et par conséquent le principe de l'interdiction de l'arbitraire, compte tenu de ce que le MP avait en définitive retenu dans son ordonnance de classement, à savoir que M. C______ avait violé ses devoirs professionnels et de diligence et que son comportement, de même que la consommation de substances illicites au sein du service, avait été de nature à faire naître la suspicion d'une situation contraire au droit.

Au vu de ces éléments, il ne pouvait être allégué que les dénonciations étaient infondées ; preuve en était le courrier du 3 mars 2020 et les recommandations de la Cour des comptes émises dans son rapport n° 158. La condamnation de M. C______ aux frais de la procédure pénale tendait à démontrer sa propre bonne foi. La décision entreprise ne reposait dès lors sur aucun motif et c'était à tort que la chancellerie avait retenu un manquement à ses devoirs de membre du personnel de la fonction publique. Au contraire, elle avait toujours entretenu des relations dignes et correctes avec ses collègues et supérieurs. Elle avait agi dans le but de renforcer la confiance et la considération dont la fonction publique devait être l'objet de même que pour préserver la confiance que vouait la population genevoise au SVE. Il était dès lors insoutenable qu'elle soit contrainte de subir un licenciement pour un acte de pur intérêt public entrepris de bonne foi, ce d'autant qu'initialement la Cour des comptes lui avait garanti l'anonymat, sans quoi elle n'aurait pas parlé.

L'autorité avait abusé de son pouvoir d'appréciation en retenant qu'elle n'aurait aucun droit au traitement pour les heures de travail pour lesquelles elle aurait pu être convoquée mais ne l'avait pas été.

Il ne convenait pas d'appliquer en l'espèce l'art. 63 al. 1 et 2 RPAC, traitant du salaire de l'auxiliaire mais, par analogie la jurisprudence valable en matière de droit du travail. Une succession de contrats de durée déterminée sans interruption notable pouvait tomber sous le coup de l'interdiction des « contrats en chaîne » s'il y avait abus de droit, et donc de considérer cette succession de contrats comme un seul contrat de durée indéterminée. Or, depuis son engagement le 1er mai 2008, Mme A______ avait été appelée à chaque votation et élection jusqu'au 2 août 2019. Dans les faits, elle percevait un salaire annuel équivalant à un travail à plein temps. Il fallait en conclure qu'il s'agissait de « contrats à la chaîne » de sorte qu'elle devait être rémunérée pour les heures non accomplies, par application analogique de l'art. 324 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220). En moyenne, sur les cinq dernières années, elle avait perçu un salaire annuel à hauteur de CHF 34'735.42, soit de CHF 2'894.62 par mois.

Le principe de la proportionnalité avait été violé. Elle n'avait fait l'objet d'aucune plainte ni sanction disciplinaire pendant douze ans. Quand bien même ses dénonciations ne seraient pas avérées, ce qu'elle contestait, le prononcé d'une décision de licenciement était totalement excessif, l'objectif poursuivi pouvant être atteint avec une sanction moindre. Son souhait était de continuer à se dévouer pour la chancellerie. Elle regrettait amèrement que ses dénonciations aient pris une telle tournure alors que son unique but avait été de protéger l'intérêt public. Sa bonne foi n'avait d'ailleurs jamais été remise en question. Elle regrettait que la chancellerie l'ait suspendue de traitement depuis plus d'un an sans avoir tenté d'ouvrir une discussion avec elle.

Tant la LPAC que le CO imposaient à l'employeur de protéger la personnalité du personnel de l'administration cantonale, en particulier les lanceurs d'alerte qui se voyaient souvent attacher l'étiquette de « traître ». L'alerte professionnelle supposait la découverte (ou le soupçon) de faits illicites, immoraux ou contraires à l'intérêt public, à la morale dominante ou d'indices en ce sens. Une gradation des moyens de divulgation était à respecter par le travailleur. Cette nécessité de protection accrue s'illustrait à Genève par l'art. 26 al. 3 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00), pierre angulaire de la protection des lanceurs d'alerte.

L'autorité aurait dû la protéger de manière concrète. La Cour des comptes n'avait pas tenu sa promesse d'anonymat et l'autorité aurait dû la protéger des attaques du président du Conseil d'État qui avait révélé au journal le « Courrier » des détails sur la procédure pénale et l'avait qualifiée de dénonciatrice. Elle avait suivi la procédure de divulgation et on ne pouvait pas lui reprocher de s'être adressée aux médias afin de faire la lumière sur le traitement qu'elle subissait depuis qu'elle avait dénoncé les agissements de son collègue et les dysfonctionnements du service.

Ce recours a été enregistré sous le numéro de cause A/3805/2020.

44) Le 8 décembre 2020, la chambre administrative a ordonnée la jonction des causes nos A/2826/2020 et A/3805/2020 sous le n° A/2826/2020.

45) Le 21 décembre 2020, la chancellerie a conclu au rejet du recours du
19 novembre 2020.

Elle avait pris en compte tous les éléments figurant au dossier pour rendre sa décision. Après appréciation, elle n'avait pas retenu les faits relatifs au comportement de M. C______, à sa condamnation aux frais de la procédure ou à un éventuel harcèlement dont Mme A______ aurait été victime, considérant qu'ils n'étaient pas pertinents au regard des autres éléments du dossier. Ces éléments n'excusaient pas les agissements de Mme A______ qui avait porté des accusations graves et partiellement infondées ayant eu des répercussions importantes sur le SVE et sur l'image de toute l'administration. Elle avait de surcroît saisi les médias sans attendre l'issue de la procédure pénale et de l'audit de la Cour des comptes.

Son droit d'être entendue avait été respecté. Une copie du dossier lui avait été remise en janvier 2020, dont des documents caviardés, avec un délai pour lui permettre de faire valoir ses observations. Les éléments ne figurant pas dans son dossier administratif, en particulier les éléments caviardés, n'avaient pas été utilisés à son désavantage, ce dont elle avait été informée le
13 juillet 2020. Elle ne mentionnait aucun élément qui ressortirait de la décision attaquée et ne figurerait pas dans les pièces dans leur teneur portée à sa connaissance.

Il n'était pas contesté que M. C______ avait eu des comportements inappropriés et propres à faire naître des soupçons sur lui et créer l'apparence d'une situation contraire au droit. Ceci n'excusait pas pour autant les agissements de Mme A______. Elle avait en effet porté de très graves accusations reposant pour partie sur de simples suppositions, remettant en question les résultats des scrutins du canton de Genève des dix dernières années, tout d'abord devant la Cour des comptes puis devant le MP. Par la suite, elle n'avait pas hésité à utiliser la presse à plusieurs reprises - soit personnellement soit par le biais de son conseil - alors que les autorités compétentes étaient saisies. Ces comportements avaient eu pour conséquence l'ouverture d'une procédure pénale à l'encontre d'un collègue pour des faits en partie non établis et de perturber davantage la bonne marche du SVE ainsi que de péjorer plus encore son image. De surcroît, ces comportements avaient perduré alors que le MP avait, lors de sa conférence de presse du 13 mai 2019, déjà relevé que la procédure pénale ne contenait aucun indice qu'une fraude électorale avait été commise.

En sa qualité d'auxiliaire au sein du SVE, elle avait été engagée pour accomplir des tâches dont l'ampleur pouvait varier fortement en fonction notamment du nombre de scrutins organisés durant l'année. Ses tâches étaient ainsi intermittentes et de courte durée, en moyenne quelque trois semaines par scrutin. Elles variaient par ailleurs en fonction des besoins du service en termes de volume à traiter et de l'attribution des tâches à une personne plutôt qu'à une autre.

Aucune autre mesure que la résiliation des rapports de service n'était envisageable en l'espèce. Ses bons états de service, qui n'étaient pas attestés par des entretiens d'évaluation, n'étaient pas pertinents au regard du comportement suffisamment grave qu'elle avait adopté.

En mai 2019, la hiérarchie du SVE était venue à plusieurs reprises apporter son soutien au personnel, dont à Mme A______, et l'informer des différentes mesures à disposition, telles que le groupe de confiance ou le « care-team ». À aucun moment Mme A______ n'avait saisi l'occasion d'informer sa hiérarchie de sa dénonciation, voire d'autres problèmes, ou pour demander un quelconque soutien. En matière de protection de la personnalité, le CO n'était pas applicable, les rapports de service étant régis par la LPAC. Les projets de loi ayant pour but de mettre en oeuvre l'art. 26 al. 3 Cst-GE étaient toujours pendants devant le Grand Conseil, de sorte qu'il convenait de se référer aux règles générales en matière de protection de la personnalité.

La chancellerie n'avait pas à se prononcer sur les garanties que lui aurait données la Cour des comptes au sujet de son anonymat. Le président du Conseil d'État avait tenu des propos factuels et dénués de jugement de valeur, fondés sur les informations données publiquement par le MP.

46) Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 18 janvier 2021 :

a. Mme A______ a expliqué avoir d'abord parlé du problème à la cheffe des auxiliaires qui lui avait demandé d'attendre la fin de l'opération en cours. Après avoir reçu la même réponse du directeur et sans nouvelles de leur part, elle avait décidé d'en parler au groupe de confiance. Ce dernier s'était toutefois davantage intéressé à un problème de harcèlement dont elle faisait l'objet, ce qui était moins important à ses yeux.

Sa collègue et elle avaient donc décidé d'en parler à la Cour des comptes. Ce qui était paru dans la presse l'avait été après ses auditions à la Cour des comptes, à la police et au MP. Elle ignorait qui avait alerté la presse en premier lieu. Elle savait que le jour même de la perquisition, l'information était sortie dans les journaux sans qu'elle sache par qui l'information leur était parvenue. Un journaliste de « l'Illustré », qu'elle n'avait pas sollicité, l'avait personnellement contactée et interrogée en présence de son conseil. Son conseil lui avait dit que ce journaliste souhaitait lui poser des questions. Elle avait donné cet entretien en décembre 2019 alors que l'ordonnance de classement était intervenue en février 2020. Elle connaissait le contenu de l'article de « l'Illustré ». Son but n'était pas de causer du tort au SVE. Le journaliste avait fidèlement transcrit ses propos. Elle savait que son conseil était allé sur le plateau de Léman bleu. Sans qu'elle se souvienne exactement des termes qu'il avait alors utilisés, elle était d'accord avec ce qu'il avait dit.

Elle était d'accord avec le décompte de la chancellerie s'agissant des heures effectuées de 2008 à 2019. Elle était allée travailler la dernière fois le 2 août 2019. Avant le 2 août 2019, elle s'était déjà plainte de ne pas être convoquée alors qu'elle savait qu'il y avait des contrôles de signatures à effectuer. La chancellerie ne lui avait proposé aucune autre activité avant la résiliation. Le jour et le lendemain de la perquisition, les auxiliaires avaient reçu des propositions de soutien psychologique.

Depuis qu'elle n'était plus convoquée, elle était prise en charge par l'hospice général (ci-après : l'hospice), ce qui était également le cas depuis 2016, pour combler son minimum vital, lorsqu'elle n'était pas assez convoquée. Elle vivait seule avec ses enfants de 13 et 18 ans et ne percevait aucune contribution alimentaire pour eux.

Elle avait dénoncé les agissements de M. C______ car ce qu'il faisait « n'était pas bien » ; il fallait que ça s'arrête. Elle n'avait pas attendu la fin de la procédure pénale pour parler aux médias. Ce n'était toutefois pas elle qui avait contacté le journaliste, lequel voulait savoir pourquoi sa collègue et elle-même n'étaient plus appelées par le SVE.

47) Le 1er février 2021, la chancellerie est revenue sur un point de l'audition de Mme A______. Le chef du SVE, pas plus que le reste de la chaîne hiérarchique, n'avaient jamais été informés d'éventuels dysfonctionnements ou de fraude électorale, avant d'apprendre l'ouverture d'une enquête pénale.

48) Le 16 février 2021, Mme A______ a persisté dans ses conclusions. Elle a sollicité l'audition de sa collègue auxiliaire. Dans la mesure où celle-ci avait également déposé un recours, elle-même sollicitait l'apport de la procédure en question portant le n° A/2854/2020. Sa collègue pourrait confirmer que leurs dénonciations ne reposaient pas sur des suppositions mais sur des éléments qu'elles avaient constatés.

La chancellerie lui reprochait d'avoir utilisé la presse, or elle ne l'avait pas alertée. Elle s'était vainement adressée à sa hiérarchie avant de se tourner, avec sa collègue, vers la Cour des comptes. Elle n'avait personnellement jamais sollicité un journaliste. La chancellerie l'avait sciemment maintenue dans le statut précaire d'auxiliaire, de sorte qu'elle devait être rémunérée pour les heures non accomplies.

49) Les parties ont été informées le 22 février 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2). Ce droit n'empêche cependant pas la juridiction saisie de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 136 I 229 consid. 5.2).

b. La recourante sollicite dans ses dernières écritures l'audition de sa collègue auxiliaire au SVE et l'apport de la procédure n° A/2854/2020 concernant cette dernière.

Le dossier de la cause contient l'ordonnance de classement rendue par le MP, document qui reprend les auditions de la collègue auxiliaire de la recourante en question devant la Cour des comptes, la police et le MP. Cette collègue y a fait état de ce qui selon elle dysfonctionnait au sein du SVE. La chambre de céans n'a pas besoin de se faire une appréciation directe de son témoignage pour résoudre le présent litige. Cette audition n'est dès lors pas nécessaire, le litige pouvant au surplus être résolu grâce aux nombreuses pièces versées à la procédure, en particulier la synthèse du rapport n° 158 de la Cour des comptes. Pour ces mêmes motifs, l'apport de la procédure n° A/2854/2020 ne sera pas ordonné, d'autant que selon la recourante elle-même cette procédure porte sur une décision ayant la même teneur que celle en cause dans le présent litige.

c. L'autorité intimée a sollicité de la recourante qu'elle verse à la procédure les courriers et le courriel qu'elle aurait adressés à la chancellerie fédérale.

Outre les documents mentionnés au considérant précédent, le dossier de la cause contient les nombreuses pièces produites au cours de la procédure, pièces qui permettent de résoudre le litige sans qu'il soit nécessaire de connaître le contenu de cette correspondance et de s'y référer. Il ne sera dès lors pas donné suite à la demande de l'intimée.

3) La recourante soulève le grief de violation de son droit d'être entendue. Elle reproche aux intimés d'avoir mis à sa disposition des pièces caviardées. Elle se serait en conséquence trouvée dans l'impossibilité d'exposer correctement son point de vue avant que les autorités ne prennent leurs décisions.

a. Le droit d'être entendu garanti par les art. 29 al. 2 Cst. et 41 LPA, comprend également le droit pour l'intéressé de prendre connaissance du dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat (ATA/625/2019 du 13 octobre 2020 consid. 3a).

b. Le principe de l'accès au dossier figure à l'art. 44 LPA, alors que les restrictions sont traitées à l'art. 45 LPA. Ces dispositions n'offrent pas de garantie plus étendue que l'art. 29 Cst. (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 145 n. 553 et l'arrêt cité).

L'art. 45 LPA prévoit que l'autorité peut interdire la consultation du dossier si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants l'exigent (al. 1). Le refus d'autoriser la consultation des pièces ne peut s'étendre qu'à celles qu'il y a lieu de garder secrètes et ne peut concerner les propres mémoires des parties, les documents qu'elles ont produits comme moyens de preuves, les décisions qui leur ont été notifiées et les procès-verbaux relatifs aux déclarations qu'elles ont faites (al. 2). Une pièce dont la consultation est refusée à une partie ne peut être utilisée à son désavantage que si l'autorité lui en a communiqué par écrit le contenu essentiel se rapportant à l'affaire et lui a donné en outre l'occasion de s'exprimer et de proposer les contre-preuves (al. 3).

c. En l'espèce, parmi les pièces envoyées par l'autorité à la recourante le
2 juillet 2020, seules des parties du procès-verbal du 10 mai 2019 au MP et de l'ordonnance de classement contenant les déclarations ou certaines informations concernant son collègue, prévenu, ont été caviardées. Dans la mesure où seuls les propos tenus par la recourante ont été retenus pour motiver les décisions litigieuses, les autorités intimées étaient fondées à ne pas permettre la consultation de ces parties caviardées, ce dans le but de protéger les intérêts privés de son collègue. La recourante, assistée d'un avocat, a par ailleurs parfaitement identifié les éléments mis à sa charge par son employeur. Elle a pu répondre à l'entretien de service, se déterminer sur les griefs formulés par son employeur puis recourir devant la chambre de céans en toute connaissance de cause.

Le grief d'une violation du droit d'être entendu doit dès lors être écarté.

4) Le litige porte sur la conformité au droit, d'une part de la décision du président du Conseil d'État constatant la licéité de la non-convocation de la recourante et lui refusant le versement d'une indemnisation pour les heures non travaillées et, d'autre part, de la décision de résiliation des rapports de service par la chancelière d'État.

5) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61
al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

6) a. La recourante soulève le grief de l'établissement et de la constatation incomplète et inexacte des faits pertinents. Elle reproche aux intimés de ne pas avoir énoncé, dans les décisions litigieuses, des faits ayant trait au comportement de son collègue qu'elle mettait en cause, notamment ses insultes et menaces, les bulletins pris dans une urne pour les placer dans une autre, sa condamnation aux frais de la procédure pénale ou encore que son comportement avait, selon le MP, créé l'apparence d'une situation contraire au droit. Les décisions ne mentionnaient pas qu'elle s'était rendue au groupe de confiance.

b. Selon l'art. 19 LPA, l'autorité établit les faits d'office. Elle n'est pas limitée par les allégués et les offres de preuves des parties. À teneur de l'art. 20 al. 1 LPA, l'autorité réunit les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties. Elle recourt s'il y a lieu aux moyens de preuve énumérés à l'art. 20 al. 2 LPA, notamment en entendant les parties (let. b) et des témoins (let. c).

c. En l'espèce, les autorités intimées avaient connaissance de tous les éléments de fait que la recourante leur reproche ne pas avoir mentionnés dans les décisions litigieuses. Elles ont ainsi pu apprécier la situation en toute connaissance de cause. Dès lors que ce sont les accusations graves et en grande partie infondées proférées par la recourante, en particulier dans la presse, qui motivent les décisions litigieuses, il importait que figurent dans celles-ci les propos et comportements qui lui sont reprochés et qui fondent la conviction de son employeur. La recourante a d'ailleurs identifié les griefs de son employeur et les faits sur lesquels ils reposent, de sorte qu'elle a pu les contester en parfaite connaissance de cause.

Ce grief sera également écarté.

7) La recourante fait grief à l'autorité d'avoir abusé de son pouvoir d'appréciation au point de verser dans l'arbitraire. Tant sa non-convocation, que sa non-indemnisation puis la résiliation des rapports de service seraient illicites.

8) a. La LPAC s'applique aux membres du personnel administratif, technique et manuel de l'administration cantonale (art. 1 al. 1 let. a LPAC). Existent au sein de l'administration cantonale, des établissements publics médicaux et de l'hospice des fonctions permanentes et des fonctions non permanentes. Sont non permanentes les fonctions exercées par les auxiliaires et les agents spécialisés pour permettre l'accomplissement de tâches dévolues occasionnellement à l'administration ou aux établissement, ou le remplacement temporaire du titulaire d'une fonction permanente (art. 3 al. 1 et 3). Le personnel de la fonction publique se compose de fonctionnaires, d'employés, d'auxiliaires, d'agents spécialisés et de personnel en formation (art. 4 al. 1 LPAC).

b. À teneur de l'art. 7 LPAC, est un auxiliaire le membre du personnel engagé en cette qualité pour une durée déterminée ou indéterminée aux fins d'assumer des travaux temporaires (al. 1). Toutefois, la relation de service ne peut excéder une durée maximale de trois ans. Cette limite ne s'applique pas à l'auxiliaire accomplissant des tâches intermittentes et de très courte durée (al. 2).

Peut être engagée comme auxiliaire, toute personne définie à l'art. 7 LPAC et, pour les personnes majeures, capable, en règle générale, d'exercer ses droits civils (art. 60 al. 1 RPAC).

L'art. 62 RPAC prévoit que l'engagement dont la durée excède une semaine fait l'objet d'une lettre qui mentionne notamment : l'indication du service auquel l'auxiliaire est affecté (let. a) ; la durée de l'engagement et, s'il y a lieu, du temps d'essai (let. b) ; le taux d'activité (let. c) ; le montant du salaire (let. d) et, si l'engagement est de durée indéterminée, les délais de congé (let. e).

Selon l'art. 63 RPAC, le salaire de l'auxiliaire est fixé au mois, à défaut à la journée ou à l'heure (al. 1). Il n'est dû que pour autant que l'auxiliaire soit présent à son travail et est supprimé en cas d'absence (al. 2).

À teneur de la fiche 01.05.01 du mémento des instructions de l'office du personnel de l'État (ci-après : MIOPE et OPE) publiée le 15 juillet 2013, la limite de trois ans fixée à l'art. 7 al. 2 LPAC ne s'applique pas à certaines catégories d'auxiliaires, notamment l'aide dans le cas de votations ou d'élections.

c. Dans le cas d'espèce, lors de son engagement, la recourante a reçu la lettre prévue par l'art. 62 RPAC, laquelle reprend l'ensemble des informations pertinentes relatives à son lieu d'affectation, au montant de son salaire, aux modalités de versement de son indemnité et aux délais de congé. En conséquence, elle savait depuis le début de son activité qu'elle ne pourrait prétendre à aucune indemnisation si elle n'était pas appelée à travailler, ce qui dépendait de l'actualité du service du SVE, par définition aléatoire, l'art. 63 al. 2 RPAC réglant au surplus explicitement cette question. Elle n'a au demeurant jamais remis ce statut en cause avant les décisions litigieuses.

Il n'y a pas lieu d'examiner l'éventuelle application analogique de la jurisprudence valable en matière du droit privé du travail comme le soutient la recourante. Ses rapports de service sont en effet régis par des dispositions statutaires (art. 3 al. 6 LPAC) et non par le CO dont l'application analogique n'est prévue que pour la résiliation en temps inopportun (art. 44A RPAC).

C'est en conséquence conformément au droit que la recourante n'a pas été payée lorsqu'elle n'était pas appelée ou présente à son travail.

9) a. Les membres du personnel sont tenus au respect de l'intérêt de l'État et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC).
L'art. 21 RPAC prévoit notamment que les membres du personnel se doivent de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c).

Les membres du personnel de la fonction publique sont soumis au secret de fonction pour toutes les informations dont ils ont connaissance dans l'exercice de leurs fonctions dans la mesure où la loi sur l'information du public, l'accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001
(LIPAD - A 2 08), ne leur permet pas de les communiquer à autrui
(art. 9A LPAC). Les membres du personnel sont tenus, même après la cessation de leurs fonctions, de garder le secret envers quiconque sur les affaires de service de quelque nature qu'elles soient, dont ils ont eu connaissance. Ils ne doivent les utiliser en aucune façon (art. 26 al. 1 RPAC).

b. La fin des rapports de service d'une auxiliaire engagée pour une période indéterminée est régie par l'art. 24 al. 2 LPAC. Cette disposition prévoit qu'en pareil cas chacune des parties peut mettre fin aux rapports de service en respectant le délai de congé. L'intéressé est entendu par l'autorité compétente ; il peut demander que le motif de la résiliation lui soit communiqué.

Dans l'application de l'art. 24 al. 2 LPAC, l'administration dispose d'un très large pouvoir d'appréciation quant à l'opportunité de la poursuite des rapports de service. Elle reste néanmoins tenue au respect des principes et droits constitutionnels, notamment la légalité, la proportionnalité, l'interdiction de l'arbitraire et le droit d'être entendu (ATA/1198/2017 du 22 août 2017 consid. 6).

c. Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. À cet égard, il n'y a lieu de s'écarter de la solution retenue par l'autorité précédente que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable. Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 138 I 232 consid. 6.2 ; ATA/423/2021 du 20 avril 2021 consid. 5c).

La jurisprudence développée dans le cadre du licenciement d'employés est applicable mutatis mutandis au licenciement d'auxiliaires. Ainsi, le grief d'arbitraire ne doit être admis que dans des cas exceptionnels, par exemple lorsque les motifs allégués sont manifestement inexistants, lorsque des assurances particulières ont été données, ou en cas de discrimination. En revanche, l'autorité de recours n'a pas à rechercher si les motifs invoqués sont ou non imputables à une faute ; il suffit en effet que la continuation du rapport de service se heurte à des difficultés objectives, ou qu'elle n'apparaisse pas souhaitable pour une raison ou une autre (ATA/1198/2017 précité et les arrêts cités).

d. Dans ses rapports avec les médias, l'avocat doit jouir d'une grande liberté d'expression et il conserve la faculté de décider sans restriction, et d'entente avec son client, qui reste maître de la question, quand il veut s'exprimer publiquement. Lorsqu'il le fait, il doit garder la réserve nécessaire et ne pas profiter du large retentissement de ses propos publics et de l'absence de la partie adverse ou de l'autorité qu'il critique pour déformer la réalité de l'affaire sur laquelle il s'exprime (Benoît CHAPPUIS, La profession d'avocat, Tome I, p. 50-51 , Tome I, p. 41-42).

10) a. En l'espèce, l'intimée motive la résiliation des rapports de service en raison des accusations graves et partiellement infondées portées par la recourante à l'encontre d'un collègue, en échafaudant des suppositions pour partie tout en présentant les faits comme établis, ce dont elle devait de bonne foi être consciente.

Ce faisant, l'intimée ne reproche pas à la recourante sa démarche auprès de la Cour des comptes, qui a abouti à la production d'un rapport et, dans ce cadre, de recommandations que les autorités compétentes se sont engagées à mettre en oeuvre. Elle retient par contre à sa charge les éléments figurant dans l'ordonnance de classement, à savoir que ses déclarations avaient été fluctuantes devant les autorités pénales et marquées par une certaine hyperbole, jusqu'à ce qu'elle admette avoir, pour l'essentiel, formulé des suppositions.

b. L'intimée motive en outre sa décision de résiliation des rapports de service en soulignant que les accusations formulées par la recourante ont eu des répercussions non négligeables sur son collègue d'une part, mais ont également porté grandement atteinte à l'image du SVE, de ses membres, ainsi que de l'administration cantonale. L'atteinte à l'image du service public a en l'espèce été d'autant plus importante que la recourante a, publiquement, mis en cause l'authenticité des résultats des élections et votations. Elle l'a en outre fait, d'une part, après la conférence du Procureur général - lors de laquelle, le 13 mai 2019, il a certes indiqué que les processus mis en place au sein du SVE n'étaient pas appliqués avec toute la rigueur attendue, mais surtout souligné que la procédure ouverte ne contenait aucun indice qu'une fraude électorale ait été commise - et, d'autre part, après avoir admis devant le MP le 10 mai 2019 qu'elle n'avait rien constaté de particulier et qu'elle avait pu émettre des suppositions.

La recourante ne s'est nullement contentée de sa démarche auprès de la Cour des comptes puisque sans attendre que celle-ci et le MP rendent leurs conclusions, elle s'est sciemment prêtée au jeu de la médiatisation. Le 18 décembre 2019, dans le journal « l'Illustré », la recourante, sous un prénom d'emprunt, n'a ainsi pas hésité à déclarer : « Le récit précis de tout ce qu'on a vu, on le réserve à la justice. Mais en onze ans, je n'ai pas vu une élection ou une votation où le résultat était exact. Vous ne vous rendez pas compte du nombre de bulletins qui se baladaient ou partaient en vacances ». Lors de son audition devant la chambre de céans, la recourante a confirmé que le journaliste ayant rédigé l'article en cause avait fidèlement transcrit ses propos. Or dans cet article, « l'Illustré » relate encore le fait que l'avocat de la recourante et celui de sa collègue auxiliaire avaient sollicité l'ouverture d'une procédure administrative en dommages et intérêts et de les citer : « Difficile de ne pas penser qu'on cherche à faire passer un message visant à dissuader tout lanceur d'alerte futur au sein de l'administration ». Le même jour, sur le plateau de Léman Bleu, l'avocat de la recourante a notamment regretté que le « Conseil d'État n'a que faire de personnes qui dénoncent des irrégularités mais bien sûr peut-être qu'elles dérangent ». Devant la chambre de céans, la recourante s'est dite d'accord avec les propos de son conseil tenus à la presse.

Cette attitude, consistant sans réserve ni retenue à jeter publiquement le discrédit sur le processus électoral, était propre à rompre le lien de confiance entre la recourante et son employeur. Ce dernier était à tout le moins fondé, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, à retenir que la poursuite des rapports de service se heurtait à des difficultés objectives, ou à tout le moins n'apparaissait pas souhaitable. Le fait que le collègue qu'elle a mis en cause ait adopté un comportement inadéquat et ait été condamné aux frais de la procédure pénale n'y change rien, les propos et accusations tenus publiquement par la recourante allant en effet au-delà d'une simple dénonciation des agissements d'un collègue indélicat et mettant explicitement en cause le résultat des élections et votations passées sans que cela ne se vérifie, en particulier celles en lien avec l'adoption de la nouvelle loi sur la police du 26 octobre 1957 (LPol - F 1 05) qui a fait débat.

Le département ne peut être que suivi lorsqu'il considère que dans ces conditions le lien de confiance avec son auxiliaire est irrémédiablement rompu.

c. Dans ce contexte, dès lors que la recourante ne peut, à teneur des dispositions applicables aux auxiliaires, se prévaloir d'un droit à être convoquée, il ne peut être reproché à son employeur de ne plus l'avoir fait après le 2 août 2019 considérant ce qui précède. Il n'y a rien de choquant à ce que l'intimée ait préféré, comme elle l'a indiqué à la recourante le 13 septembre 2019, attendre l'issue de la procédure pénale alors en cours avant de revoir éventuellement cette position, puis finalement de mettre un terme aux rapports de service.

Il découle de ce qui précède que tant la décision confirmant la licéité de sa non-convocation que celle de résiliation des rapports de service sont conformes au droit.

11) La recourante soulève ensuite le grief de violation du principe de la proportionnalité.

a. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est enfin assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de l'interdiction de l'arbitraire.

Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/367/2021 du 30 mars 2021 consid. 4h).

b. Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression de principe de la proportionnalité. Il impose à l'État de s'assurer, avant qu'un licenciement ne soit prononcé, qu'aucune mesure moins préjudiciable pour l'administré ne puisse être prise (ATA/421/2021 du 20 avril 2021 consid. 3e et les arrêts cités).

c. La recourante n'étant pas fonctionnaire, ce principe ne lui est pas applicable. Il en va de même du catalogue des sanctions prévu à l'art. 16 LPAC, disposition qui n'est applicable qu'aux fonctionnaires et aux employés de l'État de Genève.

Il n'est pour le reste pas douteux que les décisions litigieuses ont des effets importants sur la situation notamment financière de la recourante. Il ressort en effet du dossier, en particulier de ses déclarations devant la chambre administrative, qu'elle doit faire dans une plus large mesure qu'auparavant appel à l'aide financière de l'hospice. Cela étant, l'intérêt public à ne plus faire appel à une auxiliaire qui a gravement porté atteinte à l'image de l'État et mis en cause, sans que la véracité de ses propos ne se vérifie, l'exactitude des résultats des élections et votations et la probité du SVE l'emporte sur l'intérêt privé de la recourante à retrouver une activité au sein dudit service dont elle a largement contribué à salir l'image. Il en va au demeurant du fonctionnement même de ce service.

Ce grief sera en conséquence écarté.

12) La recourante fait enfin grief à son employeur de ne pas avoir protégé sa personnalité et sa position de lanceuse d'alerte.

a. L'art. 2B LPAC prévoit qu'il est veillé à la protection de la personnalité des membres du personnel, notamment en matière de harcèlement psychologue et de harcèlement sexuel (al. 1). Des mesures sont prises pour prévenir, constater et faire cesser toute atteinte à la personnalité (al. 2). Les modalités sont fixées par règlement (al. 3).

Le règlement relatif à la protection de la personnalité à l'État de Genève du 12 décembre 2012 (RPPers - B 5 05.10) met en oeuvre les modalités prévues à l'art. 2B al. 3 LPAC. Il est notamment applicable au personnel engagé au sein de la chancellerie (art. 2 al. 1). Il instaure un groupe de confiance chargé de mise en oeuvre et de la bonne application du dispositif de protection de la personnalité
(art. 4 al. 1 et 5 al. 1).

Selon l'art. 26 al. 3 Cst-GE, toute personne qui, de bonne foi et pour la sauvegarde de l'intérêt général, révèle à l'organe compétent des comportements illégaux constatés de manière licite bénéficie d'une protection adéquate.

b. En l'espèce, il ressort du dossier que la recourante s'est adressée au groupe de confiance, organe spécialisé mis en place par l'État de Genève pour veiller à ce que la protection de la personnalité des membres de son personnel soit effective. Selon ses propres explications, estimant qu'il ne lui était d'aucune aide, elle n'a toutefois pas donné suite à la proposition dudit groupe d'entamer une procédure. S'agissant de la protection due aux « lanceurs d'alerte », même à supposer que la recourante répondrait à cette condition, ce qui est douteux, elle s'est
elle-même exposée publiquement en proférant des accusations qu'elle savait inexactes. Il ne ressort pour le reste pas du dossier qu'elle aurait sollicité une aide spécifique de son employeur, auquel il ne peut au demeurant être reproché une promesse d'anonymat que seule la Cour des comptes aurait formulée.

Ce grief sera en conséquence également écarté.

Vu l'issue du litige et le fait que la recourante plaide au bénéfice de l'assistance juridique, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevables les recours interjetés le 14 septembre 2020 et le 19 novembre 2020 par Madame A______ contre les décisions de la Chancellerie d'État du 11 août 2020 et du 19 octobre 2020 ;

au fond :

les rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thomas Barth, avocat de la recourante, au Conseil d'État ainsi qu'à la Chancellerie d'État.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Verniory, Mme Lauber,
M. Mascotto, juges, M. Berardi, juge suppléant.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :