Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/185/2020

ATA/472/2021 du 04.05.2021 sur JTAPI/789/2020 ( PE ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/185/2020-PE ATA/472/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 mai 2021

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure, agissant par sa mère, Madame B______
représentées par le Centre social protestant, soit pour lui Madame Leila BOUSSEMACER, juriste

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2020 (JTAPI/789/2020)


EN FAIT

1) Madame B______, née le ______ 1981, est ressortissante du Maroc. Elle est originaire d'______, petit village dans la province d'Ifran, au centre du pays.

a. Sa mère est veuve d'une précédente union de laquelle sont issues deux filles, C______ et D______.

Sa mère n'a jamais travaillé.

b. C______, aujourd'hui âgée de 42 ans environ, vit au Maroc avec son mari et ses filles.

D______ se déplace avec son mari dans le Maroc en fonction des possibilités de trouver un emploi. Ils n'ont pas d'adresse fixe.

C______ et D______ n'ont pas été scolarisées. Elles sont femmes au foyer et de condition précaire.

c. Après le décès de son époux, sa mère s'est remariée avec le père de Mme B______.

Quatre enfants sont issus de cette union. Mme B______ est l'aînée de la fratrie.

E______, aujourd'hui âgée de 35 ans, vit à Marrakech avec son mari et ses enfants. Elle a été scolarisée jusqu'à l'âge de 15 ans.

F______, âgée de 34 ans, est divorcée. Elle est mère d'un garçon. Son lieu de vie n'est pas connu de Mme B______.

Le frère cadet, âgé de 27 ans, célibataire, est au chômage. Il vit aujourd'hui à Marrakech.

d. Le père de Mme B______ était chauffeur de taxi jusqu'en 1996, date à laquelle il a été amputé des deux jambes et a été incapable de travailler. Il est décédé en 2011.

e. Depuis le remariage de sa mère, la famille a habité dans la maison familiale de son nouvel époux. Le frère ainé de ce dernier y vivait aussi (ci-après : l'oncle paternel). La famille est d'origine très modeste.

2) Mme B______ a obtenu un baccalauréat de l'enseignement secondaire, puis un diplôme de technicien en hôtellerie et tourisme, spécialité restauration, obtenus, respectivement, en 2002 et en 2006, à Marrakech.

3) Après l'obtention de son diplôme, Mme B______ est retournée dans son village natal pour s'occuper de son père, malade.

4) Son oncle paternel a souhaité la marier avec son propre fils, cousin de Mme B______, mariage auquel elle était opposée.

5) Au décès de son père, son oncle paternel a voulu récupérer l'entier de la maison familiale.

Mme B______ a déménagé, avec sa mère et ses frère et soeurs, à Marrakech.

Elle y a travaillé, notamment, comme employée polyvalente au sein de différents restaurants (de juin 2006 à janvier 2012), employée de « room service » au ______ (de février à novembre 2012), ainsi que serveuse auprès des restaurants _______ (de mars 2012 à mai 2012) et ______ (de juin à septembre 2012).

Elle subvenait aux besoins de la famille.

6) Entre juillet 2013 et juillet 2014, elle a occupé un poste de gouvernante auprès de « l'office Sheikh ______ » au Koweit.

7) Le 4 décembre 2014, Mme B______ a obtenu un micro-crédit de MAD  20'000 auprès de la fondation Banque populaire pour le micro-crédit au Maroc.

Elle a obtenu, le 16 décembre 2014 un visa Schengen et a atterri en France le 24 décembre 2014.

8) Mme B______ indique être arrivée en Suisse au printemps 2015.

9) Le 2 mai 2018, à Genève, elle a donné naissance à une fille, prénommée A______.

10) Le 9 juillet 2018, elle a sollicité auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur et celle de sa fille en application des art. 30 de loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; à l'époque dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), ainsi que 31 (« cas individuels d'une extrême gravité ») et 36 (« séjour de victimes et de témoins de la traite d'êtres humains ») de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201).

En décembre 2014, elle avait été contrainte de quitter le Maroc où son oncle souhaitait la marier de force et refusait qu'elle travaille. Elle avait pris contact avec Monsieur G______, lequel avait organisé son voyage et lui avait promis, contre la somme de EUR 6'500.-, un travail de serveuse en France. Ce montant avait été payé au moyen d'un crédit, de ses économies et de la vente de bijoux appartenant à sa mère. Elle avait retrouvé M. G______ à l'aéroport. Il lui avait remis son passeport. Bien que le visa ne soit que d'une courte durée et que le contrat proposé soit un poste d' « artiste chanteuse Chelh pour l'association club des jeunes créateurs », elle avait été rassurée par les promesses de M. G______ et le fait qu'il voyageait avec elle. Arrivée en France, elle avait suivi M. G______ dans un appartement et avait remis son passeport à la tierce personne venue les attendre à l'aéroport pour les démarches nécessaires en lien avec le contrat de travail promis. Elle n'avait plus revu cette personne. Elle était restée enfermée dans l'appartement, avec interdiction d'en sortir. Elle avait été contrainte de cuisiner pour M. G______ et ses invités, les servir, faire le ménage, et se montrer « charmante et docile » avec les personnes présentes. Elle avait été contrainte à boire de l'alcool et avait subi des violences physiques. Elle avait fait l'objet de menaces : « tu ne peux pas partir, tu ne connais rien ici ». Son portable avait été cassé. Bien qu'encore en état de marche, elle avait feint son dysfonctionnement. Elle avait contacté par Facebook une cousine, Madame H______, laquelle avait reçu un appel téléphonique le 3 février 2015. Après avoir réussi à récupérer son passeport, elle avait fui un jour où la porte n'avait pas été fermée à clé.

Sa cousine lui avait conseillé de se rendre en Suisse, ce qu'elle avait fait.

En mai 2017, elle avait fait la connaissance du père de son enfant. Lorsqu'elle lui avait annoncé qu'elle était enceinte, ce dernier lui avait demandé d'avorter, puis l'avait quittée, en février 2018, après lui avoir cassé la clavicule. À ce jour, ils n'avaient plus de contact.

Depuis le 27 juin 2018, elle vivait au foyer des U______ avec sa fille. La fondation « Au Coeur des U______ » s'était engagée à les soutenir financièrement, afin qu'elles ne dépendent pas de l'aide publique.

Encore très affectée par les événements traumatisants et la violence qu'elle avait vécus, elle prenait des antidépresseurs. Par ailleurs, en tant que mère célibataire, elle ne pouvait rentrer au Maroc. Elle craignait l'exclusion et le rejet de sa famille. Il était ainsi crucial qu'elle puisse demeurer à Genève, où elle tentait de se reconstruire. Enfin, compte tenu de la situation socio-économique prévalant au Maroc, elle avait peu de chances de pouvoir s'y réintégrer.

11) Par courrier du 18 avril 2019, l'OCPM lui a fait part de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande et lui a imparti un délai de trente jours pour exercer par écrit son droit d'être entendue.

12) Par courrier du 19 juin 2019, Mme B______ a précisé qu'elle n'était pas venue en Suisse pour trouver une vie meilleure, mais par peur d'être retrouvée par ses agresseurs, qui l'avaient menacée.

Lors de son arrivée en 2015, elle s'était rapidement créé un réseau et avait réussi à vivre de façon autonome jusqu'à ce qu'elle soit contrainte de cesser ses activités en raison d'un diabète de grossesse.

Selon sa psychologue, elle souffrait d'un état de syndrome post traumatique (ci-après : ESPT), qui rendait « plausible » le lien de causalité entre les évènements traumatiques qu'elle avait vécus en France et les séquelles observées.

Son médecin traitant avait également attesté d'une incapacité de travail à 100 % du 13 mai au 31 mai, puis du 1er juin au 30 juin 2019 en raison d'une tendinite au poignet et à l'épaule gauches, ainsi que d'un afflux
gastro-oesophagien. Elle souffrait également d'un diabète type II. Enfin, elle avait été opérée de la main et devait suivre une physiothérapie. La situation devait être réévaluée et une nouvelle opération était envisagée.

S'agissant de son niveau de français, elle s'était inscrite à des cours intensifs pour atteindre le niveau A2.

Depuis une rupture de contact avec sa mère, elle avait été rejetée, menacée et insultée par sa famille. Son frère et presque toutes ses soeurs refusaient de lui parler. En tout état, au vu de leur situation financière précaire, aucun d'eux ne pourrait la prendre en charge au Maroc. Par ailleurs, compte tenu de sa condition de mère célibataire et du taux de chômage élevé touchant les femmes au Maroc, ses chances de réintégration étaient minces. Les risques d'isolement social et familial, ainsi que de précarité économique et sociale étaient donc avérés. Pour ces motifs, ajoutés au fait que son suivi psychothérapeutique et les soins nécessaires pour soulager sa tendinite ne pourraient être garantis en cas de retour dans son pays, son renvoi paraissait inexigible et inexécutable, de sorte qu'elle priait l'OCPM de bien vouloir la mettre, de même que sa fille, au bénéfice d'une admission provisoire.

13) Par décision du 29 novembre 2019, l'OCPM a refusé de donner une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour, y compris s'agissant de sa fille, et a prononcé leur renvoi de Suisse, leur impartissant un délai au 31 janvier 2020 pour quitter le territoire.

Elle n'avait pas prouvé, ni même rendu vraisemblable qu'elle avait été victime de traite d'êtres humains. Les faits allégués, qui s'étaient déroulés en France, remontaient à 2014 et elle n'avait jamais porté plainte, ni recouru à la protection des autorités françaises ou suisses lors de son arrivée sur le territoire helvétique. Le certificat de sa psychologue du 6 juin 2019 qu'elle avait produit - indiquant que le lien de causalité entre les événements qu'elle relatait et ses séquelles psychologiques était plausible - avait été établi sur le base de ses seules déclarations et n'était donc pas suffisamment probant. Les conditions de l'art. 36 al. 6 OASA n'étaient ainsi manifestement pas réalisées.

Pour le surplus, concernant les conditions de l'art. 31 OASA, elle n'avait pas démontré qu'elle séjournait en Suisse de manière ininterrompue depuis 2015. Par ailleurs, même si cela avait été le cas, la durée de son séjour pouvait être considérée comme brève au regard des nombreuses années qu'elle avait passées dans son pays d'origine. Elle n'avait pas non plus démontré une intégration sociale ou professionnelle exceptionnelle en Suisse. Par ailleurs, aucune information n'avait été fournie au sujet de l'identité du père de sa fille. Sa réintégration au Maroc serait facilitée par le fait qu'elle bénéficiait d'un diplôme de technicien en hôtellerie et tourisme, avec option restauration, ainsi que d'une large expérience acquise dans ce domaine à Marrakech. Certes, la situation des mères célibataires pouvait s'avérer difficile au Maroc, mais, selon les informations transmises par l'ambassade de Suisse le 14 novembre 2016, elle ne serait aucunement poursuivie pénalement pour avoir eu un enfant hors mariage et pourrait contacter, si elle le souhaitait, une association comme l'INSAF ou « 100 % Mamans », qui venaient en aide aux mères célibataires marocaines, notamment pour faciliter leur retour. Enfin, elle pourrait poursuivre sa psychothérapie au Maroc, aux mêmes conditions que ses compatriotes.

14) Par acte du 15 janvier 2020, Mme B______ a interjeté recours contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI), concluant principalement à son annulation, à ce qu'il soit dit et constaté qu'elle revêtait le statut de victime de traite des êtres humains au sens de l'art. 4 de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains du 16 mai 2005 (CTEH - RS 0.311.543), à ce qu'il soit dit et constaté que l'art. 14 al. 1
let. a CTEH lui était directement applicable et les conditions des art. 14 al. 1 let. a CTEH, 30 al. 1 let. e LEI et 36 OASA remplies et à ce que son dossier soit retourné à l'autorité intimée pour approbation de la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur. Subsidiairement, elle a conclu à ce qu'il soit constaté que les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur étaient remplies et au renvoi de son dossier à l'OCPM pour nouvelle décision. Plus subsidiairement, elle a conclu à ce qu'il soit constaté que son renvoi était inexigible, voire illicite, et à ce qu'elle soit mise au bénéfice d'une admission provisoire.

Au vu de son parcours et des faits exposés dans ses écritures précédentes, il convenait d'appliquer les droits et les protections spécifiquement accordés aux victimes de traite des êtres humains dans l'analyse de sa demande. L'art. 14 al. 1 let. a CTEH lui était en effet directement applicable et son dossier devait être retourné à l'autorité compétente en vue de la délivrance d'une autorisation de séjour en sa faveur en application de cette disposition. Sa qualité de victime était notamment démontrée par ses déclarations constantes. De plus, son état de santé et les symptômes constatés correspondaient à ceux présents chez les victimes d'exploitation de la force de travail. De même, les médecins avaient relevé ses symptômes d'ESPT et sa psychologue avait confirmé qu'elle présentait un tableau clinique classiquement retrouvé chez les victimes de traite des êtres humains.

Si l'application de l'art. 14 al. 1 CTEH devait ne pas être retenue, il y avait lieu d'examiner sa demande sous l'angle des art. 30 al. 1 let. e LEI et 36 OASA.

En tant que mère célibataire, sa réintégration au Maroc paraissait compromise. Les mères célibataires vivaient en effet souvent dans des conditions précaires et n'avaient droit à aucun soutien officiel. S'agissant de l'accès aux soins médicaux au Maroc, les inégalités persistaient et, bien que le pays ait mis en place un régime d'assistance médicale depuis 2012, une partie de la population n'avait toujours pas accès aux soins médicaux et devait payer certains frais et médicaments par ses propres moyens. De plus, le pays manquait de psychiatres. Dans ces conditions, les possibilités d'accès aux soins dans son pays ne semblaient pas garanties, ce qui risquait de péjorer son état déjà déficient et favoriser la concrétisation de ses idées suicidaires. Par ailleurs, les autorités marocaines n'avaient pas été mises au courant de la naissance de sa fille hors mariage et elle risquait de faire l'objet d'une poursuite pénale pour cette infraction. Les risques de condamnation en cas de retour dans son pays demeuraient donc actuels. Sa propre famille l'avait d'ailleurs déjà rejetée pour cette raison et son oncle l'avait même menacée de mort. Sans soutien familial, elle se retrouverait donc seule, isolée et sans protection. En outre, le taux de chômage des femmes au Maroc s'élevait à 15,20 % et il paraissait dès lors très compliqué pour une mère célibataire isolée de retrouver du travail et de faire garder son enfant, les crèches étant inexistantes. Selon l'Organisation mondiale de la santé (ci-après : OMS), en cas de retour, les risques pour une victime de traite de se trouver à nouveau victime étaient élevés (50 %). Pour toutes ces raisons, elle se trouvait dans un cas individuel d'une extrême gravité et un retour au Maroc ne pouvait être raisonnablement exigé. En conséquence, sa demande de permis de séjour pour motifs humanitaires devait être approuvée.

De plus, compte tenu de son statut de victime de traite humaine, elle pouvait également se prévaloir de l'art. 4 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), directement applicable. La décision de la renvoyer au Maroc n'était en effet pas une mesure qui protégeait une victime de traite des êtres humains ni une mesure qui luttait contre ce phénomène. En cela, la décision entreprise violait aussi
l'art. 4 CEDH.

Elle pouvait également se prévaloir d'une violation des art. 2 let. d et 6 de la Convention du 18 décembre 1979 sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, entrée en vigueur pour la Suisse le 26 avril 1997 (CEDEF - RS 0.108). En effet, ayant été identifiée comme potentielle victime de traite des êtres humains et mère célibataire, elle serait discriminée, voire condamnée par les autorités marocaines en cas de retour dans son pays. Or, quand bien même cette identification avait été faite, l'autorité intimée avait rejeté cette analyse et décidé de la renvoyer au Maroc malgré des risques évidents de
re-victimisation et de discrimination.

Subsidiairement, elle sollicitait l'octroi d'un permis de séjour pour cas de rigueur. Elle avait toujours respecté l'ordre et la sécurité publics suisses, de même que les valeurs de la Constitution fédérale. De plus, son séjour en Suisse avait été valablement démontré depuis 2015 et, durant ces cinq ans, elle avait participé à la vie économique, jusqu'à son arrêt de travail, dû à un diabète de grossesse. Par ailleurs, elle n'émargeait pas à l'aide sociale et était aujourd'hui soutenue dans ses démarches d'insertion professionnelle. Elle disposait en outre d'un niveau de français A2. En cas de retour au Maroc, elle devrait interrompre son suivi psychothérapeutique, faute de médicaments disponibles et d'une couverture d'assurance-maladie suffisante. Elle serait également stigmatisée, isolée et ses chances de réintégration paraissaient minimes. En conséquence, les risques d'isolement social, de précarité médicale, économique et sociale en raison de son statut de mère célibataire au Maroc étaient valablement prouvés. Tous ces éléments démontraient également qu'elle était une personne extrêmement vulnérable et que sa situation était constitutive d'une cas individuel d'extrême gravité justifiant, à titre subsidiaire, l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

En toute hypothèse, son renvoi ne pouvait être considéré comme exigible, de sorte que, plus subsidiairement, il y aurait lieu de la mettre, avec sa fille, au bénéfice d'une admission provisoire.

15) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

16) Dans sa réplique, Mme B______ a persisté dans ses conclusions et ses explications.

De nombreuses pièces étaient produites à la procédure, lesquelles seront détaillées en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

17) Par jugement du 18 septembre 2020, le TAPI a rejeté le recours.

Les faits dont la recourante indiquait avoir été la victime remontaient à près de six ans et se s'étaient déroulés exclusivement en France. Elle n'avait de plus jamais averti la police, française ou suisse, ni entrepris la moindre démarche, en particulier le dépôt d'une plainte pénale, auprès des autorités pénales françaises ou helvétiques pour les dénoncer. Les autorités de police ou de justice compétentes n'étaient d'ailleurs à aucun moment intervenues auprès de l'OCPM à ce sujet. Ses seules déclarations, formulées plusieurs années après et, visiblement, à la seule fin de l'obtention d'un titre de séjour, ne pouvaient être considérées comme avérées, son attitude passive pendant près de six ans pouvant au contraire jeter le doute sur l'exploitation qu'elle disait avoir subie. Sans vouloir minimiser les souffrances qu'elle alléguait et les difficultés qu'il pouvait y avoir à réunir des preuves dans des situations relevant de la traite des êtres humains, elle ne démontrait donc pas ladite exploitation, une qualification pénale au sens de l'art. 182 CP n'apparaissant, pour le surplus, pas flagrante. Partant, sa qualité de victime de traite d'êtres humains ne pouvait être retenue. De même, la recourante ne pouvait se prévaloir ni de l'art. 4 CEDH, ni de l'art. 14 CTEH. Le statut de victime de la recourante n'avait pas été établi ni même rendu vraisemblable, de sorte que sa situation personnelle ne saurait justifier la délivrance d'une autorisation de séjour temporaire en application de l'art. 14 al. 1 let. a CTEH. En outre, aucune enquête ni poursuite pénale n'était en cours en Suisse, ce qui excluait également en soi la délivrance d'une autorisation de séjour en application de l'art. 14 al.1 let. b CTEH.

L'autorité intimée n'avait pas méconnu la législation applicable ni mésusé de son pouvoir d'appréciation en retenant que la recourante et sa fille ne satisfaisaient pas aux conditions, devant être appréciées restrictivement, requises par les art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA pour la reconnaissance d'un cas de rigueur.

Enfin, de façon générale, la péjoration de l'état psychique était une réaction qui n'était pas rare chez une personne dont la demande d'autorisation de séjour avait été rejetée, sans qu'il faille pour autant y voir un obstacle sérieux à l'exécution du renvoi. D'autre part, on ne saurait de manière générale prolonger indéfiniment le séjour d'une personne en Suisse au motif que la perspective d'un retour exacerbait un état dépressif et réveillait des troubles sérieux subséquents, dans la mesure où des médicaments pouvaient être prescrits et un accompagnement par un spécialiste en psychiatrie organisé afin de prévenir une atteinte concrète à la santé Au regard de ces circonstances, l'OCPM pouvait considérer que l'exécution du renvoi de la recourante et de sa fille était raisonnablement exigible, de sorte que l'on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir proposé leur admission provisoire au SEM.

18) Par acte du 22 octobre 2020, Mme B______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité. Elle a conclu à son annulation et a repris ses conclusions telles que devant le TAPI.

De larges références étaient faites à un ouvrage de doctrine paru en 2020 sur la traite d'êtres humains à des fins d'exploitation du travail. Il était ainsi suffisant que l'auteur agisse une seule fois à l'encontre d'une seule victime pour que l'infraction soit réalisée. Le dol éventuel était suffisant. De même, le degré de preuve était limité à la vraisemblance. C'était à tort que le TAPI n'avait pas retenu son statut de victime. Elle avait contracté une dette en vue de payer un visa pour travailler en France dans le domaine de la restauration, puis avait été séquestrée dans un endroit inconnu pendant plusieurs semaines, voire mois. Les éléments de recrutement et hébergement étaient remplis. Par ailleurs, au Maroc, elle était au chômage, devait subvenir aux besoins de sa famille et subissait des pressions pour un mariage forcé. Elle se trouvait dans une situation de vulnérabilité. Elle avait payé un trafiquant pour qu'il lui trouve un emploi en France. Ce n'était qu'à son arrivée qu'elle avait réalisé avoir été trompée et avait été enfermée dans un endroit inconnu. On avait voulu lui casser son téléphone pour rompre tout contact avec l'extérieur, soit l'isoler socialement. On lui avait fait boire de l'alcool contre sa volonté, remplissant ainsi l'élément de contrainte et son passeport avait été confisqué. Elle avait fourni de nombreux éléments de preuve, cohérents avec la chronologie des faits qu'elle décrivait. L'art. 14 al 1 let. a CTEH était directement applicable.

Elle sollicitait subsidiairement l'octroi d'un permis de séjour pour cas de rigueur pour les victimes de traite d'êtres humains au sens de l'art. 30 al. 1
let. e LEI, plus subsidiairement d'un permis pour cas de rigueur au sens de la
let. b, encore plus subsidiairement une admission provisoire.

19) L'OCPM a conclu au rejet du recours.

20) Dans sa réplique, Mme B______ a persisté dans ses conclusions. Elle a produit de nouvelles pièces sur lesquelles il sera revenu en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

21) Une audience de comparution personnelle des parties s'est tenue le 21 janvier 2021.

La recourante a indiqué qu'un suivi psychiatrique avait été entamé, depuis fin novembre voire début décembre 2020, auprès du Centre Ambulatoire de Psychiatrie et Psychothérapie Intégrée (ci-après : CAPPI) des Eaux-Vives par la Doctoresse I______. Ceci remplaçait le suivi chez Pluriels. Depuis qu'elle avait un suivi au CAPPI, de nombreux éléments lui revenaient en mémoire. Elle se souvenait notamment qu'avec M. G______, ils avaient changé de maison après deux semaines. Elle n'avait pas voulu dénoncer l'exploitation dont elle avait été victime, car elle avait peur. Sa cousine lui avait aussi déconseillé une dénonciation. Elle lui avait donné une adresse en Suisse d'une personne que Mme B______ avait contactée et auprès de qui elle pouvait faire de la cuisine.

La période du Koweït, avant de venir en Europe, avait été une mauvaise expérience dont elle n'aimait pas parler. Elle y avait été maltraitée et exploitée. À la suite de celle-ci, aller en Europe représentait pour elle de pouvoir travailler dans des pays modernes et respectueux de la loi.

Sa fragilité à son retour du Koweït, la pression qui pesait sur elle de devoir trouver de l'argent pour sa famille et une solution rapide l'avaient précipitée dans une situation qui la rendait encore plus vulnérable face à des trafiquants. Le risque de victimisation d'une personne ayant déjà été victime une fois d'exploitation était plus élevé, l'OMS et l'organisation internationale pour les migrants (ci-après : OIM) l'estimant à plus de 50 %.

S'agissant du contrat de travail produit, l'idée de M. G______ était qu'elle se prévale du fait qu'elle chantait berbère et qu'elle allait ainsi se produire en France.

Elle avait des économies à la suite de son activité au Koweït. Sa mère était d'accord avec le projet qu'elle vienne en Europe. Cette dernière avait d'ailleurs vendu certains de ses bijoux. Sa mère la soutenait contre l'idée du mariage que son oncle, frère aîné de son père, voulait lui imposer avec son propre fils, soit son cousin. Ils habitaient tous ensemble dans la maison familiale. Vu les difficultés médicales de son père, celui-ci avait proposé à son frère aîné de lui rembourser les frais médicaux que ce dernier avançait à son frère cadet sur la part de celui-ci dans la maison familiale. L'amputation des deux jambes était en effet très coûteuse. Au final, l'oncle de la recourante était ainsi devenu totalement propriétaire de la maison.

Les traditions étaient encore très présentes dans son village. Elle était issue d'un clan berbère, parlant un dialecte et les traditions y étaient plus ancestrales que dans le reste du pays. Ils n'avaient pas le droit d'amener des invités à la maison. Pour son oncle, il n'était pas nécessaire, pour une femme, d'aller travailler. Son oncle leur reprochait, à sa mère et à elle-même, les quelques libertés dont elles bénéficiaient. Il était arrivé que son oncle les frappe.

Les audios versés à la procédure consistaient en des enregistrements de sa mère et, pour l'audio n° 3, du frère de sa mère, soit son oncle maternel. Quand sa mère faisait référence à des dettes, cela concernait notamment le crédit de MAD 20'000.-. Elle ignorait que la recourante l'avait remboursé petit à petit, comme en témoignait la pièce 9. Sa mère faisait aussi référence au fait que le projet initial consistait à ce que la recourante puisse entretenir la famille en envoyant régulièrement de l'argent depuis l'Europe. Sa mère avait été très déçue que la recourante n'ait pas respecté ce projet. Elle ne comprenait toutefois pas quel avait été son vécu en Europe. Au début de la conversation, sa mère lui demandait qui lui avait donné son numéro car elle refusait que la recourante lui téléphone. Juste avant, elle avait craché sur l'écran alors que la recourante lui parlait. Cela signifiait que sa mère la rejetait, qu'elle sortait de la famille. C'était son oncle maternel, qui avait fait sept ans de prison, qui vivait à Marrakech avec la mère et le frère de la recourante. Cette dernière avait obtenu le numéro de téléphone de sa mère par sa nièce (la fille de C______).

Elle n'avait donc plus de contact avec sa mère et son frère. Elle avait des contacts avec la fille de C______, qui avait 21 ans environ, poursuivait des études et était ouverte d'esprit. Elle avait essayé d'avoir des contacts avec ses soeurs, mais elle avait arrêté parce que les discussions tournaient notamment sur le papa de A______ et sur le fait qu'il était mieux de rentrer au Maroc avec lui. Cela la blessait. Elle avait décidé d'arrêter et avait le sentiment que, des deux côtés, il n'y avait plus le souhait de communiquer.

Les messages whatsapp provenaient d'une discussion avec une proche de sa famille, J______, qui connaissait quelqu'un qui était aussi partie avec M. G______.

Elle vivait toujours au Foyer des U______. Elle n'avait pas pu subir une opération de l'épaule compte tenu de sa grossesse. Elle était apte à travailler à 100 % et « en rêvait ». Elle avait beaucoup de projets, voulait travailler dans le ménage, dans la cuisine, la restauration, la garde d'enfants. Son projet de devenir aide-soignante était en suspens, mais grâce à Camarada, à SOS Femmes et à l'association pour la promotion des droits humains (ci-après : APDH), elle avait pu acquérir plusieurs expériences, y compris un stage comme
aide-soignante. Elle rêvait de pouvoir sortir du foyer et devenir indépendante. Dès qu'elle avait pu obtenir une maman de jour pour garder son enfant, elle avait pu entreprendre de nombreuses démarches. Elle était très reconnaissante de ces institutions qui l'aidaient à concrétiser ses projets. Souvent, l'absence de permis ne lui permettait pas d'aller de l'avant, et c'était probablement aussi ce qui avait empêché les Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) de la prendre alors qu'elle s'était proposée comme bénévole. Pour la première fois, elle pouvait faire quelques heures de travail puisque l'ADPH lui avait proposé du ménage et l'avait déclarée. Elle en était très heureuse.

Le juge délégué a constaté que Mme B______ comprenait très bien les questions qui lui étaient posées et s'exprimait en français avec facilité et fluidité.

Le juge délégué a constaté en audience qu'à l'évocation des audios avec sa mère, la recourante pleurait. La recourante a détaillé le rejet de sa mère et l'incompréhension de cette dernière de sa situation actuelle en Europe. La recourante a mentionné à plusieurs reprises le terme « haram » (née hors mariage) à propos de sa propre fille.

22) Mme B______ a produit au cours de la procédure de nombreuses pièces, dont notamment :

a. sur le plan médical :

- une attestation du 6 juin 2019 sur trois pages, établie par la première psychologue en charge du dossier au sein de l'association Pluriel, centre de consultations et d'études ethno-psychologiques pour migrants, Madame  K______, qui détaille le parcours de l'intéressée, ses plaintes, le statut notamment les flashbacks et cauchemars, de l'hyper vigilance, des perturbations relationnelles, un état d'anxiété généralisé, un sentiment de culpabilité et de honte, avec impact sur l'estime de soi, flashbacks et cauchemars avec réminiscence de souvenirs douloureux notamment, observations répondant aux critères de l'CIM-11, troubles de stress post-traumatique complexes ; la praticienne considérait comme plausibles les liens de causalité entre les éléments traumatiques vécus et les séquelles observées. La prise en charge psychothérapeutique initiée était recommandée. Les activités sociales de l'intéressée devaient continuer. Elle montrait des compétences de résilience et un suivi qui lui permettraient de travailler les différents aspects traumatiques et de continuer son processus d'intégration. Un retour au Maroc lui serait préjudiciable ;

- une attestation du Docteur L______, spécialiste FMH en médecine interne générale, du 19 décembre 2019, qui avait reçu la recourante pour une détresse psychologique ; elle était suivie pour un état anxio-dépressif avec crises d'angoisse et manifestations somatiques multiples, secondaires à une situation psychosociale et administrative très difficile, péjoration de l'état physique et de son diabète nécessitant une augmentation du traitement de son diabète et l'introduction d'un antidépresseur. La patiente était par ailleurs traitée pour une tendinite du poignet et de l'épaule gauches, des lombalgies, lombosciatalgies sur une surcharge pondérale.

Le 9 avril 2020, le même praticien a attesté d'un état anxio-dépressif résistant au traitement d'antidépresseurs. Sur le plan psychique, la patiente était très déprimée, thymie triste et insomnie. Sur le plan physique, elle présentait des douleurs chroniques de ses épaule et poignet et des lombalgies chroniques nécessitant la prise quotidienne d'antalgiques. Le diabète était relativement stable ;

- un rapport du 9 avril 2020 d'une psychologue, spécialiste en psychothérapie FSP, praticienne EMDR (eye movement desensitization and reprocessing) certifiée, Madame M______, détaillant, sur deux pages, avoir été mandatée par la psychologue de Mme B______. En conclusion, les résultats des tests utilisés la poussaient à estimer l'existence très probable d'un diagnostic de ESPT, d'un état dépressif et d'anxiété. Ces résultats corroboraient les observations cliniques et la cohérence du récit lors de l'anamnèse de Mme B______. Elle estimait plausibles les liens de causalité entre les allégations de violences et les séquelles observées ;

- une attestation cosignée par la Doctoresse N______, psychiatre et psychothérapeute FMH et Madame O______, psychologue, de l'association Pluriels, du 20 octobre 2020. L'intéressée y était suivie régulièrement depuis le 30 janvier 2019. Les consultations, d'une heure, avaient lieu sans interprète. Les praticiennes constataient une symptomatologie anxieuse-dépressive, d'aggravation progressive : tristesse, perte de motivation et d'intérêt pour les activités habituellement agréables, troubles de la concentration et de la mémoire, troubles du sommeil, retrait social, irritabilité, anxiété généralisée, hyper vigilance. Dans ce contexte, la situation psychosociale marquée par l'incertitude de son droit de rester en Suisse représentait un facteur de stress très important qui avait mis à mal les capacités d'adaptation déjà bien éprouvées de la patiente et avait accentué ses difficultés à gérer ses émotions. L'intéressée avait présenté une exacerbation de la symptomatologie anxio-dépressive préexistante. Une stabilisation de sa situation par un permis en Suisse lui permettrait de poursuivre le travail psychothérapeutique et de travailler ses traumatismes, faute de quoi le risque serait une chronicisation de son état médical et psychologique ;

- une attestation de la psychologue de Pluriels du 27 octobre 2020, à la suite d'une consultation du même jour où la praticienne avait constaté une péjoration de l'état psychique importante, avec une grande tristesse et perte d'espoir concernant son avenir et celui de sa fille. L'état psychologique de la patiente inquiétait la praticienne : Mme B______ évoquait être désespérée au point de pouvoir exprimer des idées suicidaires en cas de renvoi ;

- un certificat médical des HUG du 19 novembre 2020, signé par le Docteur  P______, médecin adjoint responsable de l'unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence (ci-après : UIMPV) et la Doctoresse Q______, médecin interne, qui détaillait sur deux pages l'anamnèse, les plaintes, symptômes et tableau clinique ainsi que la prise en charge et l'évolution, faisant état d'une réunion avec le réseau devant l'urgence de la situation en date du 19 novembre 2020 et la mise en place d'une prise en charge psychiatrique et psychothérapeutique intensive au sein des HUG à la consultation de crise avec la Dresse I______ ;

- un certificat médical de la Dresse I______, médecin interne auprès des HUG, du 27 janvier 2021, faisait un résumé de suivi psychiatrique. La patiente était suivie depuis le 19 novembre 2020 en raison d'un état
anxio-dépressif. Les HUG avaient proposé un suivi dit de crise, caractérisé par une fréquence élevée des consultations médico-infirmières sur un temps limité, permettant de travailler le ou les facteurs de crise. Cliniquement, un épisode dépressif sévère justifiant l'introduction d'un traitement antidépresseur était constaté. Durant le suivi, c'était principalement la décision de renvoi dans son pays d'origine et les problèmes de communication avec le foyer où résidait la patiente qui avaient été rapportés comme facteurs de crise et travaillés durant les entretiens. Elle avait pu également exprimer sa crainte de retourner dans son pays d'origine en lien avec les menaces reçues par sa famille. À l'issue du suivi ambulatoire intensif, une amélioration thymique chez la patiente avait été constatée qui nécessitait toutefois une poursuite des soins afin de travailler les différents traumatismes subis dans son passé, seulement évoqués jusqu'à présent ;

- un certificat médical de la Doctoresse R______, psychiatre et psychothérapeute FMH, du 15 mars 2021, certifiant suivre dans sa consultation, depuis le 8 février 2021, l'intéressée, laquelle avait bénéficié de deux entretiens. Elle souffrait de troubles psychiatriques sévères, à savoir un stress post-traumatique et un trouble dépressif secondaire. Les conditions de vie au foyer des U______ étaient difficiles au quotidien. Cette précarité psychique et sociale contribuait au maintien des troubles psychiques et leur aggravation par moment avec l'apparition d'idées suicidaires ;

b. en lien avec son parcours :

- une transcription de quatre enregistrements sonores en dialecte marocain :

- audio n° 1 : voix de femme qui lui demande qui lui a donné son numéro « À cause de toi, j'ai déchiré deux numéros (carte puce) (...). Ce numéro, qui te l'a donné ?, moi je suis diabétique et je n'ai que mon frère qui s'occupe de moi et toi tu augmentes mes problèmes ; si tu viens avec ta fille, tu ne cherches que des problèmes pour mon frère, tu veux l'envoyer en prison ; ton cousin paternel t'a demandé en mariage, tu l'as refusé » ;

- audio n° 2 : la même femme « Ton cousin t'a demandée en mariage, tu l'as refusé, tu ne supportais pas ta vie, ton oncle m'a virée de l'appartement et tu continues, et à la fin tu veux venir chez moi avec ta fille, quelle effrontée, avec tout ce que tu nous as fait subir, on a payé pour toi des études en hôtellerie, on s'est dit que tu allais travailler pour toi et pour nous, et moi je me tuais au travail en faisant des crêpes [marocaines : la personne signifie la façon de travailler la pâte feuilletée qui demande beaucoup d'efforts] et je travaille dans les maisons, et à la fin tu as fait une dette chez l'État et tu me l'as laissée sur le dos, je m'en plains à Dieu » ;

- audio n° 3, voix d'homme : « Est-ce que tu n'as pas honte, qui t'a donné ce numéro, arrête d'appeler sur ces numéros, que cherches-tu ? Tu cherches à tuer cette femme, elle est diabétique, oublie et va-t'en, oublie que tu as une famille [que Dieu te vienne et nous vienne en aide : qui veut dire laisse tomber et que c'est fini], sinon je vais t'insulter avec des insultes très moches » ;

- audio n° 4, la même femme que les audio nos 1 et 2 : «Ô mon Dieu, ma fille, tu n'arrêtes pas de faire des problèmes, tu en rajoutes des problèmes et tu n'as pas honte, car tu es sans honneur, on s'est endetté pour toi, pour t'envoyer [un terme qui signifie envoyer quelque part] et pour payer tes études et tes actions [comportement dans le sens péjoratif] sont toujours les mêmes, tu n'as pas honte et si tu reviens, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même, je suis diabétique et je suis en train de mourir, et ce n'est que mon frère qui s'occupe de moi et toi ; tu ne fais que des problèmes, problèmes qu'on n'arrive pas à assumer ; si tu reviens, je le jure par Dieu, on te coupera en morceaux, car tu ne fais jamais des jolies choses, tu es partie et tu nous as laissés des dettes sur la tête » ;

- une attestation de quatre pages de l'APDH décrivant la prise en charge de Mme B______ et attestant avoir entendu les derniers échanges que l'intéressée avait eus avec sa famille par messages vocaux et avoir été témoin que chaque fois qu'elle essayait de l'appeler, sa famille la bloquait ;

- une traduction de messages avec une amie, J______, laquelle confirmait que le dénommé G______ qui lui avait fourni le contrat n'avait plus donné de nouvelles, mais avait « arnaqué beaucoup de personnes » ;

- une attestation, non datée, de l'association Club des jeunes créateurs confirmant que Mme B______ y occupait un poste d'artiste chanteur chelh. L'attestation contient plusieurs détails, des tampons, est faite sur papier à en-tête et signée de son président ;

- un témoignage écrit de H______ , à Nice, cousine de la recourante ;

- un rapport d'expertise au sujet de la situation des femmes berbères au Maroc, établi par l'APDH, le 3 mars 2021, relevant notamment qu'une fois mariées, les femmes sont dépositaires de l'honneur de la famille et assignées à des corvées très dures comme le labour de la terre, chercher de l'eau, cuisiner, éduquer les enfants. En d'autres termes, elles sont des esclaves pour la belle-famille et si, par malheur, une fille n'est pas vierge, elle n'a aucun choix hormis de se suicider ou d'aller dans une autre ville pour s'adonner à la prostitution ;

c. sur le plan de l'intégration personnelle :

- une attestation du 3 janvier 2020 du foyer au Coeur des U______ qui détaille le contexte dans lequel est arrivée l'intéressée, son parcours et son intégration au sein du foyer ;

- des attestations d'amis de l'intéressée, domiciliés à Genève ;

- une attestation du 2 septembre 2019 d'un niveau de français oral B2, soit avancé, et B1 intermédiaire à l'écrit ;

d. sur le plan professionnel :

- une attestation de SOS Femmes du 19 décembre 2019, accompagnant l'intéressée pour de la réinsertion sociale et professionnelle depuis 2019. Celle-ci avait pour projet de travailler dans le domaine des soins aux personnes âgées en tant qu'auxiliaire de santé. Elle mettait tout en oeuvre pour mener à bien ses projets, elle était volontaire et active dans ses démarches, dynamique et s'efforçait de trouver des solutions à sa situation. Bien que fragile psychologiquement en raison des événements qu'elle avait vécus, elle était responsable et fidèle dans ses engagements. L'association la soutenait afin qu'elle et sa fille puissent retrouver un équilibre de vie ;

- un certificat de stage en qualité d'employée de « maison cafétéria » du 29 juin 2020 au 17 juillet 2020. L'attitude de Mme B______ avait été irréprochable pour le travail qu'elle avait fourni, sa gentillesse tant avec l'équipe qu'avec les résidents avait été appréciée ;

- une confirmation de stage à S______ en qualité d'auxiliaire de santé du 22 mars au 26 mars 2021 ;

- une attestation de stage de S______ du 26 mars 2021, décrivant les tâches effectuées par Mme B______, précisant que celle-ci avait été très appréciée par les résidents et l'équipe de soin, et qu'elle s'était montrée disponible, motivée et curieuse. Selon le bilan de stage rempli par l'entreprise, les onze points évalués, sur une échelle de A (excellent) à D (à développer), étaient évalués par un A. Cette profession pouvait convenir à l'intéressée dont il était mentionné qu'elle avait de bonnes prédispositions ;

23) Dans ses dernières écritures, l'intéressée a persisté dans ses conclusions.

24) Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI confirmant la décision par laquelle l'autorité intimée a refusé d'octroyer à la recourante, originaire du Maroc, une autorisation de séjour et a prononcé son renvoi de Suisse, ce que celle-ci conteste, arguant être victime de traite d'êtres humains.

3) Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, la chambre administrative ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario).

4) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr), devenue la LEI - et de l'OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées avant le 1er  janvier 2019 sont régies par l'ancien droit (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1075/2019 du 21 avril 2020 consid. 1.1).

b. En l'espèce, la demande d'autorisation de séjour de la recourante a été déposée avant le 1er janvier 2019, de sorte que c'est l'ancien droit qui s'applique à la présente cause, étant précisé que l'art. 30 LEI n'a pas subi de modification depuis lors.

5) a. La CTEH a notamment pour objet de protéger les droits de la personne humaine des victimes de la traite, de concevoir un cadre complet de protection et d'assistance aux victimes ainsi que d'assurer des enquêtes et des poursuites efficaces (art. 1 let. b CTEH).

b. Elle précise, à son art. 4 let. a, que l'expression de « traite d'êtres humains » désigne le recrutement, le transport, le transfert, l'hébergement ou l'accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou d'autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d'autorité ou d'une situation de vulnérabilité, ou par l'offre ou l'acceptation de paiements ou d'avantages pour obtenir le consentement d'une personne ayant autorité sur une autre aux fins d'exploitation. L'exploitation comprend, au minimum, l'exploitation de la prostitution d'autrui ou d'autres formes d'exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l'esclavage ou les pratiques analogues à l'esclavage, la servitude ou le prélèvement d'organes.

c. Conformément à l'art 14 par. 1 CTEH, chaque partie délivre un permis de séjour renouvelable aux victimes lorsque : l'autorité compétente estime que leur séjour s'avère nécessaire en raison de leur situation personnelle (let. a) ; l'autorité compétente estime que leur séjour s'avère nécessaire en raison de leur coopération avec les autorités compétentes aux fins d'une enquête ou d'une procédure pénale (let. b). L'art. 14 par. 1 let. a CTEH vise à offrir à la victime un certain degré de protection et l'art. 14 par. 1 let. b CTEH permet de garantir la disponibilité de ladite victime pour l'enquête pénale, ces deux dispositions allant de pair puisque la volonté de coopérer avec les autorités de poursuite pénale suppose que la victime ait confiance en ces autorités, ce qui n'est concevable que si ces dernières tiennent suffisamment compte de son besoin de protection (ATF 145 I 308 consid. 3.4.2).

Pour que la victime se voie accorder un permis de séjour, il faut, selon le système choisi par l'État partie, soit que la victime se trouve dans une situation personnelle (comme la sécurité, l'état de santé ou sa situation familiale) telle qu'il ne saurait être raisonnablement exige qu'elle quitte le territoire, soit qu'une enquête judiciaire ou une procédure pénale soit ouverte et que la victime collabore avec les autorités. Ces critères ont pour but de permettre aux États parties de choisir entre l'octroi d'un permis de séjour en échange de la collaboration avec les autorités pénales et l'octroi d'un permis de séjour eu égard aux besoins de la victime, soit encore de suivre ces deux approches (rapport explicatif du Conseil de l'Europe relatif à CTEH du 16 mai 2005 n. 182 ss).

Le Tribunal fédéral a précisé que l'art. 14 par. 1 let. b CTEH fonde un droit à l'octroi d'une autorisation de séjour de courte durée lorsque les autorités de poursuite pénale compétentes considèrent que la présence de la personne étrangère concernée est nécessaire pour les besoins de la procédure pénale
(ATF 145 I 308 consid. 3.4.2 et 3.4.4).

6) a. La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissantes du Maroc.

b. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. e LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de régler le séjour des victimes ou des témoins de la traite d'êtres humains et des personnes qui coopèrent avec les autorités de poursuite pénale dans le cadre d'un programme de protection des témoins mis en place en Suisse, dans un État étranger ou par une cour pénale internationale.

Il ressort de la formulation de cette disposition, rédigée en la forme potestative, que l'étranger n'a aucun droit à l'octroi d'une dérogation aux conditions d'admission et, ce faisant, à l'octroi d'une autorisation de séjour fondée sur cette disposition (ATF 145 I 308 consid. 3.3.1).

c. Les art. 35, 36 et 36a OASA précisent le champ d'application de l'art. 30 al. 1 let. e LEI (ATF 145 I 308 consid. 3.3.2) et concrétisent, en droit suisse, les art. 13 et 14 CTEH (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 du 1er février 2021 consid. 5.4.1).

Ainsi, selon l'art. 35 al. 1 OASA, l'autorité migratoire cantonale accorde à un étranger, dont le séjour en Suisse n'est pas régulier, un délai de rétablissement et de réflexion de trente jours au moins - période durant laquelle aucune mesure d'exécution, notamment de renvoi, n'est appliquée - s'il y a lieu de croire qu'il est une victime ou un témoin de la traite d'êtres humains. Aux termes de
l'art. 36 OASA, lorsque la présence de la victime est encore requise, les autorités compétentes pour les recherches policières ou pour la procédure judiciaire en informent l'autorité migratoire cantonale (al. 1), qui délivre une autorisation de séjour de courte durée pour la durée probable de l'enquête policière ou de la procédure judiciaire (al. 2). La personne concernée doit quitter la Suisse lorsque le délai de réflexion accordé a expiré ou lorsque son séjour n'est plus requis pour les besoins de l'enquête et de la procédure judiciaire (al. 5). Le passage à une autre forme de séjour n'est toutefois pas prohibé ; il faut alors que la personne concernée se trouve dans un cas individuel d'une extrême gravité au sens de l'art. 31 OASA, la situation particulière des victimes devant être prise en compte (al. 6).

Selon la jurisprudence, l'on ne se trouve dans le champ d'application matériel de l'art. 30 al. 1 let. e LEI que dans le cas où les autorités de police ou de justice compétentes interviennent auprès de la police des étrangers - conformément à l'art. 36 al. 1 OASA - en l'informant que la présence de la personne étrangère en Suisse est requise pendant une période déterminée pour les besoins d'une enquête policière ou d'une procédure judiciaire dans laquelle celle-ci apparaît comme victime ou témoin de la traite d'êtres humains. Si ces conditions ne sont pas réalisées, le cas doit être traité à l'aune de l'art. 30 al. 1 let. b LEI (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 précité consid. 5.4.2).

7) En l'espèce, la recourante se prévaut du statut de victime de traite des êtres humains au sens de l'art. 4 CTEH.

Aucune procédure pénale n'a été ouverte, en Suisse ou en France, du chef de traite d'êtres humains, ce qui n'est pas contesté.

C'est dès lors à juste titre que le TAPI a considéré, à l'instar de l'OCPM, qu'à défaut de qualification pénale, notamment au sens de l'art. 182 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), la recourante ne pouvait se voir reconnaître le statut de victime de traite d'être humain prévu à l'art. 30 al. 1
let. e LEI.

Les art. 4 CEDH et 6 CEDEF dont se prévaut la recourante ne permettent pas de déduire, en l'espèce, de droits plus étendus que le droit de séjour de courte durée précité (ATF 145 I 308 consid. 3.4.3 et 3.4.4).

8) a. Encore convient-il d'examiner si, indépendamment des conditions procédurales de l'art. 30 al. 1 let. e LEI, non réunies en l'espèce, la recourante revêt selon toute vraisemblance la qualité de victime de traite d'êtres humains afin de déterminer si cette circonstance doit être prise en compte dans l'examen du cas de rigueur au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA, comme elle y conclut.

b. Aux termes de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission (art. 18 à 29 LEI) notamment dans le but de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs. La disposition dérogatoire qu'est l'art. 30 LEI présente un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2). Elle ne confère en particulier pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c).

La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des étrangers. En d'autres termes, le refus de le soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2).

c. L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment du dépôt de la demande d'autorisation de séjour - étant précisé que le nouveau droit n'est pas plus favorable et que la jurisprudence développée sous l'ancien droit reste applicable (ATA/344/2021 du 23 mars 2021 consid. 7a) -, contient une liste exemplative des critères à prendre en considération pour la reconnaissance des cas individuels d'une extrême gravité, comme l'intégration du requérant (let. a), la situation familiale (let. c) et financière (let. d), la durée de la présence en Suisse (let. e), l'état de santé (let. f), ainsi que les possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g).

d. Une demande de séjour pour motifs humanitaires peut, à l'échéance du délai de rétablissement et de réflexion, être déposée à tout moment dans le cadre d'un cas individuel d'une extrême gravité au sens de l'art. 30 al. 1
let. b LEI en relation avec l'art. 31 OASA, et ce indépendamment du fait que la victime ait ou non été disposée à collaborer avec les autorités de poursuite pénale. Dans le contexte de la traite d'êtres humains, un cas d'une extrême gravité peut être avéré lorsqu'un retour dans le pays d'origine ne peut raisonnablement être exigé par risque d'une nouvelle victimisation, faute de perspectives d'intégration sociale ou en raison de l'impossibilité de traiter de manière adéquate un problème de santé. S'il ressort de la pondération des éléments constitutifs d'un cas individuel d'une extrême gravité qu'un retour ne peut être raisonnablement exigé, la demande de séjour pour motifs humanitaires peut être approuvée, même si le degré d'intégration en Suisse est jugé insuffisant (Directives et commentaires du secrétariat d'État aux migrations, Domaine des étrangers, du 25 octobre 2013, dans leur version actualisée au 1er janvier 2021 [ci-après : Directives LEI], ch. 5.7.2.5).

e. Selon la jurisprudence, au vu notamment des difficultés relevées en matière d'identification des victimes de la traite d'êtres humains, une preuve stricte n'est pas toujours possible ni ne peut être raisonnablement exigée. Il y a ainsi lieu, dans le cadre de l'art. 30 al. 1 let. b LEI, de permettre un allégement du degré de la preuve et d'admettre comme suffisante déjà la « vraisemblance prépondérante », telle que notamment développée en matière de violences conjugales au sens de l'art. 50 al. 1 let. b et 2 LEI (ATF 142 I 152 consid. 6.2) ou dans le domaine de l'aide aux victimes pour arrêter leur statut en cas d'absence ou d'échec de la procédure pénale (ATF 144 II 406 consid. 3.1). La personne en cause reste néanmoins soumise à l'obligation de collaborer à l'établissement des faits (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4436/2019 précité consid. 6.2.1.4 et les références citées).

9) a. Il ressort du dossier un emprunt le 4 décembre 2014 à hauteur de MAD 20'000.-, un visa d'entrée pour les États Schengen délivré le 16 décembre 2014, valable dès le 20 décembre 2014 et des tampons dans le passeport de l'intéressée indiquant un départ du Maroc le 24 décembre 2014. Un contrat, non daté, en qualité d'artiste chanteur chelh auprès d'une association club des jeunes créateurs à Meknes est produit. De même, une traduction d'un échange whatsapp entre la recourante et sa soeur, non daté, mais qui fait référence à A______, soit un échange postérieur à mai 2018, évoque la situation de G_______, décrit comme un « arnaqueur ». Enfin, une attestation du 6 février 2019 de H______ à Nice confirme que la recourante l'avait contactée le 3 février 2015 en fin d'après-midi. Elle pleurait et avait quitté le domicile où elle était à Montpellier pour raison de violence. Elle ne connaissait personne dans ladite ville. Mme H______ était partie la chercher à la gare où elle l'avait trouvée « faible, fatiguée, traumatisée, avec une tache bleue à la main car elle était restée fermée [sic] à la maison environ un mois, elle a peur de rester en France, je lui ai demandé de rester avec moi, mais elle a refusé car ce monsieur l'a menacée et elle a décidé de quitter la France pour aller vivre en Suisse ».

Des médecins psychiatre et des psychologues ont relevé des symptômes de stress post-traumatique et ont confirmé qu'elle présentait un tableau clinique pouvant correspondre « de façon plausible » à ceux présents chez les victimes de traite des êtres humains.

Certes, il s'agit là d'éléments compatibles avec les allégués de la recourante. Il ne peut toutefois être considéré qu'ils sont la preuve de ni même ne rendent suffisamment vraisemblables la séquestration pendant plusieurs semaines de l'intéressée dans le sud de la France. Leur force probante de ces pièces doit être relativisée, notamment le contrat en qualité de chanteuse, non daté, et l'attestation fournie par la cousine trois ans après les faits. Du surcroît, prise en charge dès 2015 par l'APDH, aucune démarche n'a été entreprise par la recourante pour dénoncer ces faits, voire solliciter un permis entre son arrivée en Suisse en 2015 et les premières démarches en 2018. Le stress post-traumatique est décrit comme étant plausible par les rapports de deux psychologues, des 6 juin 2019 et 9 avril 2020. Toutefois, de l'aveu même de l'intéressée, il ne s'agit pas là du seul épisode traumatique vécu, la recourante faisant état tout à la fois de violences domestiques de la part du père de A______, d'un épisode traumatique dans un tram le 28 décembre 2018, ce dernier partant avec la poussette et son bébé alors qu'elle restait sur le trottoir, et des menaces de mort du patriarche de sa propre famille.

À cela s'ajoutent l'absence de plainte en France, de tout nom, tout lieu, tout détail relatifs à cette période de quelques semaines, d'attestations plus détaillées, d'éventuels constats médicaux de l'époque et d'explications plus précises relatives à l'emploi d'un téléphone cassé, mais encore utilisable qui lui aurait permis de faire un appel à sa cousine plus rapidement.

b. La recourante est une femme de 40 ans, célibataire, hébergée depuis 2018 dans un centre spécialisé pour l'accueil des femmes victimes de violence. Elle vit avec sa fille, bientôt âgée de 3 ans. Elle est en Suisse depuis 2015. Elle y a résidé illégalement pendant trois ans jusqu'au dépôt d'une demande de permis de séjour en 2018, date depuis laquelle sa présence est tolérée.

D'un point de vue médical, elle présente un diabète II, traité par glucophage, une tendinite du poignet gauche, de l'épaule gauche et une lombalgie chronique traitée par antalgies et physiothérapies, un état anxio-dépressif résistant au traitement antidépresseur et un suivi psychiatrique à la consultation Pluriels. Le Dr L______, qui la suit depuis mai 2019, qui a établi des attestations régulières les 16 mai 2019, 19 décembre 2019 et 9 avril 2020, atteste dans la dernière d'une patiente très déprimée, d'un thymie triste et d'insomnies. Sur le plan physique, la patiente présente des douleurs chroniques de ses épaule et poignet gauches ainsi que des lombalgies chroniques nécessitant la prise quotidienne d'antalgies. Le diabète est relativement stable.

Mme K______, psychologue chez Pluriels, centre de consultations et d'études ethno-psychologiques pour migrants, a suivi la recourante depuis le 30 janvier 2019. Elle a produit à la procédure différentes attestations dudit suivi, le détaillant, notamment les 27 février 2019, 6 juin 2019, 8 janvier 2020 et 9 avril 2020. Ledit suivi a été repris par Madame O______, laquelle a détaillé dans une attestation du 20 octobre 2020 ses derniers constats, contresignée par la psychiatre de l'association, la Dresse N______. Les professionnelles ont constaté une symptomatologie anxio-dépressive d'aggravation progressive : tristesse, perte de motivation et d'intérêt pour les activités habituelles agréables, troubles de la concentration et de la mémoire, troubles du sommeil, retrait social, irritabilité, anxiété généralisée, hyper vigilance. Elles relèvent que, dans ce contexte, la situation psychosociale marquée par l'incertitude de son droit de rester en Suisse représente un facteur de stress très important qui a mis à mal les capacités d'adaptation déjà bien éprouvées de la patiente et a accentué ses difficultés à gérer ses émotions. L'intéressée a alors présenté une exacerbation de la symptomatologie anxio-dépressive préexistante. Une stabilisation du contexte de vie de Mme B______ est décrite comme très bénéfique pour celle-ci et sa fille. Les praticiennes ont relevé que, malgré sa situation, l'intéressée manifestait une grande motivation pour aller de l'avant et pour pouvoir trouver un travail qui lui permette d'évoluer professionnellement et socialement en Suisse. Le suivi de la prise en charge psychothérapeutique à Pluriels était recommandé. Une stabilisation de sa situation par un permis en Suisse lui permettrait de poursuivre le travail psychothérapeutique et travailler ses traumatismes, faute de quoi le risque serait une chronicisation de son état médical et psychologique.

Dans son rapport psychologique du 9 avril 2020, la psychologue spécialiste en psychothérapie FSP, praticienne EMDR, détaille avoir été mandatée afin de mesurer l'état psychologique de Mme B______. Il résulte de la discussion que les résultats des tests utilisés et détaillés dans ledit rapport « nous poussent à estimer l'existence très probable d'un diagnostic d'état de stress post-traumatique, d'un état dépressif et d'anxiété. Ces résultats corroborent les observations cliniques et la cohérence du récit lors de l'anamnèse de Mme B______. Nous estimons plausibles les liens de causalité entre les allégations de violence et les séquelles observées ». L'anamnèse fait état d'un passage en France où l'intéressée aurait eu un vécu traumatogène. Elle rapporte avoir été séquestrée, avoir subi des maltraitances et s'être mutilée par désespoir. Elle aurait réussi à s'enfuir et venir par la suite en Suisse. En Suisse, elle rapporte avoir fait l'expérience de violences conjugales de la part du père de sa fille (par exemple, poussée dans l'escalier lorsqu'elle était enceinte de quatre mois). Elle se retrouvait seule avec sa fille sans la présence du père de cette dernière, sans le soutien de sa mère et avec, selon ses dires, des menaces de la part du patriarche de sa famille (son oncle maternel).

Il ressort en conséquence des documents produits un état physique et psychologique fragilisé qui nécessite un traitement médical et médicamenteux.

Par ailleurs les documents médicaux les plus récents font mention d'une péjoration de l'état de santé de la recourante. Des idées suicidaires sont notamment évoquées par deux praticiens, soit une psychologue le 27 octobre 2020 et la Dresse R______, psychiatre le 15 mars 2021. Ce dernier document mentionne des troubles psychiatriques sévères, à savoir un stress post-traumatique et un trouble dépressif secondaire.

c. Le 5 novembre 2019, l'OCPM a interpellé le consulat à Rabat sur l'exigibilité du renvoi d'une femme avec enfant né hors mariage. Le premier secrétaire consul, chef des affaires consulaires, Monsieur T______, a, par courriel du 14 novembre 2019, précisé que dès lors que l'intéressée était déjà mère d'un enfant né hors mariage à l'étranger, elle ne serait pas poursuivie pénalement. Quatre associations sont mentionnées, définies comme très efficaces et bien organisées, grâce auxquelles la situation d'état civil de la recourante et un acte de naissance pourraient être établis en faveur de l'enfant. Le chef des affaires consulaires a relevé toutefois qu'il était « clair que la famille rejette ces femmes la plupart du temps et elles viennent toujours d'un milieu défavorisé, voire très défavorisé. Néanmoins, il faut quand même situer le contexte socio-économique général du Maroc où la majorité de la population vit dans des conditions précaires. L'État ne prévoit de toute façon aucune aide de quelque manière que ce soit à personne. Il en va de même pour l'accès aux soins qui serait ici dans ce cas le même que pour la population marocaine normale. Ceci pour dire qu'une mère célibataire n'aura pas un traitement autre qu'une citoyenne lambda, mais il est vrai que ce sera un long combat pour elle. Il y aura lieu de toute façon de bien préparer l'arrivée en amont ».

Or, outre la situation de mère célibataire d'un enfant de 3 ans, l'intéressée présente un état médical compliqué, auquel s'ajoutent les menaces familiales. En effet, il ressort de la transcription d'un audio que la mère de la recourante lui reproche la situation, d'avoir refusé la demande en mariage de son cousin paternel, qu'en raison de ce refus, elle aurait été exclue de « l'appartement ». Son oncle lui reproche de chercher à tuer sa mère, diabétique, lui ordonne d'oublier sa mère : « va-t'en, oublie que tu as une famille, sinon je vais t'insulter avec des insultes très moches ! ». Dans un quatrième audio, sa mère lui reproche de ne lui causer que des soucis, de rajouter des problèmes, d'être sans honneur, d'avoir causé des dettes pour ses études « Si tu reviens, je le jure par Dieu, on te coupera en morceaux, car tu ne fais jamais des jolies choses, tu es partie et tu nous as laissé des dettes sur la tête ! ».

La réalité de ces enregistrements sonores est confirmée par l'association pour la promotion des droits humains, laquelle a, dans une attestation de quatre pages, datée du 22 octobre 2020, détaillé la prise en charge de Mme B______ depuis 2015. Elle précise avoir entendu les derniers échanges que l'intéressée a eu avec sa famille le 23 janvier 2019. Selon cette attestation, depuis que sa famille, en particulier sa mère et son oncle, sait qu'elle a eu un enfant hors mariage, elle n'a cessé de la menacer précisant que si elle revenait avec l'enfant, il lui arriverait malheur, l'a traitée de prostituée et indiqué qu'elle n'accepterait jamais « un enfant haram », soit issu d'une relation qui n'est pas bénie par le mariage. L'attestation indique également que Mme B______ ne parvient plus à joindre sa famille qui bloque ses appels. Dans ces conditions, la rupture entre la recourante et sa famille apparait établie.

d. S'agissant de l'intégration en Suisse, les différentes attestations produites au dossier démontrent que la recourante a suivi les conseils qui lui étaient donnés pour la prise en charge de sa situation, respectivement à l'APDH dès 2015, laquelle l'a renvoyée auprès du CSP pour la prise en charge de sa situation, au foyer Au coeur des U______ pour la loger et auprès de différents intervenants pour une prise en charge médicale, psychologique et sociale auprès de SOS Femmes. La réinsertion socio-professionnelle a ainsi pu être entreprise puisqu'est produit devant la chambre de céans un certificat de stage en qualité d'employée de maison et cafétéria pour la période du 29 juin au 17 juillet 2020. Elle a surtout récemment entrepris un stage à S______ en qualité d'auxiliaire de santé. Le compte-rendu est excellent en tous points. Les intervenants sont unanimes à relever la bonne collaboration de l'intéressée et sa motivation. Quelques attestations de soutien sont de même versées à la procédure. Par ailleurs, la recourante a régulièrement suivi des cours de français et a progressé pour obtenir, selon l'attestation du 2 septembre 2019, un niveau avancé B2 en oral et intermédiaire B1 en français écrit. Dans ces conditions, la recourante a manifesté la ferme volonté de travailler et a entrepris, avec l'aide de l'APDH, une procédure pour valider sa formation professionnelle en hôtellerie restauration qu'elle a acquise au Maroc pour trouver plus facilement du travail. Enfin, les pièces du dossier témoignent d'un engagement en qualité de bénévole auprès de l'APDH où elle a préparé des repas lors d'événements et assuré la garde d'enfants pour des parents qui assistaient aux tables rondes d'intégration. L'inscription auprès de la Croix-Rouge genevoise début 2020 a toutefois été freinée par le confinement.

e. En conséquence, l'état de santé actuel de la recourante et ses difficultés de réintégration au Maroc plaideraient en sa faveur. Son bref séjour en Suisse, le fait qu'il n'ait pas été autorisé et qu'elle ait mis les autorités devant le fait accompli, l'absence de reconnaissance du statut de victime de traite d'êtres humains même selon le critère de la vraisemblance, son intégration qui, bien que louable au vu des efforts fournis tant professionnellement que sur le plan de la langue, ne répondent toutefois pas aux critères jurisprudentiels, stricts et longuement décrits dans le jugement du TAPI auquel il peut être renvoyé sur ce point, ne permettent toutefois pas de considérer que les conditions de l'art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA sont remplies. En effet, les dispositions précitées présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive. Dès lors l'OCPM n'a pas abusé de son pouvoir d'appréciation en refusant de délivrer un permis de séjour pour cas d'extrême gravité.

10) a. Les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation, bien que requise, est révoquée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé (art. 64 al. 1 let. c LEI).

b. Selon l'art. 83 LEI, le SEM décide d'admettre provisoirement l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (al. 1). L'exécution n'est pas possible lorsque l'étranger ne peut pas quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers, ni être renvoyé dans un de ces États (al. 2). L'exécution n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans son État d'origine, dans son État de provenance ou dans un État tiers est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (al. 3). L'exécution de la décision peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (al. 4).

L'art. 83 al. 4 LEI s'applique en premier lieu aux "réfugiés de la violence", soit aux étrangers qui ne remplissent pas les conditions de la qualité de réfugié parce qu'ils ne sont pas personnellement persécutés, mais qui fuient des situations de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, et ensuite aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin. L'autorité à qui incombe la décision doit donc dans chaque cas confronter les aspects humanitaires liés à la situation dans laquelle se trouverait l'étranger concerné dans son pays après l'exécution du renvoi à l'intérêt public militant en faveur de son éloignement de Suisse (ATAF 2009/52 consid. 10.1, ATAF 2008/34 consid. 11.2.2 et ATAF 2007/10 consid. 5.1).

L'exécution du renvoi demeure raisonnablement exigible si les troubles physiologiques ou psychiques ne peuvent être qualifiés de graves, à savoir s'ils ne sont pas tels qu'en l'absence de possibilités de traitement adéquat, l'état de santé de l'intéressé se dégraderait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (ATAF E-6672/2013 du 22 mai 2015).

Les motifs résultant de difficultés consécutives à une crise socio-économique (pauvreté, conditions d'existence précaires, difficultés à trouver un travail et un logement, revenus insuffisants, absence de toute perspective d'avenir), ou encore, la désorganisation, la destruction des infrastructures ou des problèmes analogues auxquels chacun peut être confronté, dans le pays concerné, ne suffisent pas en soi à réaliser une mise en danger concrète selon l'art. 83 al. 4 LEI (ATAF D-3039/2014 du 13 mai 2015). Si, dans un cas d'espèce, le mauvais état de santé ne constitue pas en soi un motif d'inexigibilité sur la base des critères qui précèdent, il peut demeurer un élément d'appréciation dont il convient alors de tenir compte dans le cadre de la pondération de l'ensemble des éléments ayant trait à l'examen de l'exécution du renvoi (JICRA 2003 n° 24 consid. 5b p. 157).

c. Selon l'art. 84 LEI, l'admission provisoire prend fin lorsque l'intéressé quitte définitivement la Suisse, séjourne plus de deux mois à l'étranger sans autorisation ou obtient une autorisation de séjour (al. 4). Les demandes d'autorisation de séjour déposées par un étranger admis provisoirement et résidant en Suisse depuis plus de cinq ans sont examinées de manière approfondie en fonction de son niveau d'intégration, de sa situation familiale et de l'exigibilité d'un retour dans son pays de provenance (al. 5).

11) En l'espèce, la question de l'exigibilité du renvoi de la recourante se pose.

Il ressort du dossier qu'actuellement un renvoi au Maroc risque concrètement d'impliquer une péjoration de l'état de santé de l'intéressée, le médecin psychiatre évoquant les idées suicidaires de la recourante, ce que le psychologue de celle-ci confirme.

Ainsi si la recourante est renvoyée au Maroc, elle se retrouvera seule avec un enfant en bas âge. Elle ne pourra pas compter sur une aide de sa famille. Elle présente des problèmes physiques et psychologiques. Si les formalités d'état civil semblent pouvoir être faites sans grosses difficultés, il lui appartiendra toutefois de trouver un logement, un emploi et des praticiens à même de l'épauler pour ses pathologies. Au vu de ces dernières, notamment de l'état de stress post-traumatique, mais surtout l'état anxio-dépressif qui se péjore malgré le traitement médicamenteux et le suivi psychologique actuel selon l'attestation du 15 mars 2021 de la Dresse R______, l'on peine à envisager comment cette femme pourra, en l'état, surmonter les difficultés liées à son retour, avec en sus la charge d'un enfant en bas âge et sans aucune aide de sa famille. Si la représentation consulaire suisse au Maroc a défini le parcours comme étant un long combat pour une citoyenne lambda et mère célibataire, la situation de la recourante ne permet pas de considérer que l'exécution de la décision de renvoi dans son pays d'origine peut actuellement être raisonnablement exigée.

De ce point de vue, la recourante serait assurément confrontée à une très nette et rapide péjoration de sa situation et de son état de santé, son intégrité physique et psychique étant alors menacée, ainsi que, par voie de conséquence, celle de sa fille âgée de trois ans.

Compte tenu des circonstances particulières et des éléments d'appréciation ci-dessus, il appert que l'exécution du renvoi de la recourante et de sa fille dans leur pays d'origine ne peut actuellement être raisonnablement exigée, au sens de l'art. 83 al. 4 LEI. et qu'elles devraient être mises au bénéfice d'une admission provisoire.

En conséquence, le recours doit être partiellement admis et la décision attaquée annulée en tant qu'elle prononce l'exécution du renvoi de la recourante et de sa fille. Le dossier est renvoyé à l'OCPM pour nouvelle décision, au sens des considérants.

12) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument et une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à la recourante (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 22 octobre 2020 par A______, enfant mineure, agissant par sa mère, Madame B______ et Madame B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 18 septembre 2020 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

annule le jugement précité et renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de CHF 1'000.- à Madame B______, à la charge de l'État de Genève (OCPM) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au centre social protestant, mandataire de la recourante, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Michel

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

...

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

...

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l'entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l'admission provisoire,

4. l'expulsion fondée sur l'art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d'admission,

6. la prolongation d'une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d'emploi du titulaire d'une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d'asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l'objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

...

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l'acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

...

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l'objet d'aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.