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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/126/2022

ATA/426/2022 du 26.04.2022 ( ANIM ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/126/2022-ANIM ATA/426/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 avril 2022

1ère section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Yann Arnold, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES



EN FAIT

1) Le 27 juillet 2020, le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV ou le service) a été informé que Monsieur A______ (ci-après : le propriétaire), domicilié à Genève, détenait une chienne American Staffordshire Terrier (ci-après : Am’staff) croisée, née le ______ 2019, nommée « B______ ».

2) À la suite de contacts avec le propriétaire, le SCAV lui a confirmé, par courrier du 9 octobre 2020, avoir pris note que la chienne avait quitté le territoire genevois. Une contravention serait dressée à son encontre pour détention illégale d’un chien listé comme étant interdit dans le canton.

3) « B______ » a mis bas huit chiots le 31 octobre 2021.

4) Par décision du 21 décembre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, le service a ordonné, sous la menace des peines de l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), le séquestre définitif de « B______ » et de ses huit chiots, détenus par M. A______. Il lui a interdit, pour une durée de cinq ans, pour des motifs de sécurité publique, de détenir un chien dont le poids excéderait 10 kg à l’âge adulte, l’a condamné au paiement de divers frais et émoluments et a transmis son rapport d’infraction au service des contraventions.

Les Am’staffs et les croisements issus de cette race étaient interdits sur le territoire du canton. Le 20 octobre 2021, un agent de la police municipale avait constaté la présence de « B______ » à Genève. Lors de la visite au domicile du propriétaire, au ______, aux Acacias, des inspecteurs du SCAV avaient constaté la présence d’un pneu attaché en hauteur dans le jardin et recueilli le témoignage d’une personne travaillant à proximité, qui avait déclaré que le propriétaire utilisait cet objet pour pratiquer le mordant avec sa chienne. Ils avaient séquestré « B______ » et ses huit chiots, qui n’étaient enregistrés ni auprès de la banque de données suisse sur les chiens AMICUS ni au fichier national français d’identification des carnivores domestiques.

Lors de son audition, le 10 décembre 2021, M. A______ avait reconnu être le détenteur de « B______ », avoir été informé le 9 octobre 2020, que la race était interdite sur le territoire cantonal. Sa chienne avait été saillie involontairement par un bouledogue français. Elle mordait de temps à autre sur le pneu. Il souhaitait récupérer les neuf chiens et les réexporter en France où il envisageait de se domicilier officiellement.

Pesée et toisée par le SCAV le 15 décembre 2021, B______ mesurait 43 cm au garrot et pesait 21 kg.

5) Par acte posté le 12 janvier 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 21 décembre 2021. Il a conclu, principalement, au constat que ses chiens n’avaient pas été détenus sur le territoire genevois et, cela fait, à réduire à néant la décision du SCAV et lui restituer ses chiens, qu’il soit pris acte de son engagement de les placer chez Monsieur C______ à Collonges-sous-Salève dans un délai de douze heures dès leur restitution, de son engagement de faire procéder à l’inscription des neufs chiens dans les bases de données françaises, à inviter le SCAV à procéder, régulièrement et de manière inopinée, à des contrôles à son domicile pendant une durée de six mois et à l’enjoindre de collaborer avec ledit service. Les frais de séquestre devaient être laissés à la charge du SCAV. Subsidiairement, la chambre de céans devait prendre acte de ce qu’il allait transférer la propriété des neufs chiens à M. C______ et les lui restituerait dès que la preuve du transfert de propriété aurait été fournie au SCAV. Préalablement, l’effet suspensif, respectivement des mesures provisionnelles, devait être prononcé, le séquestre levé, les chiens devant être restitués avec obligation de les amener en France immédiatement. Il devait lui être ordonné de transmettre à la chambre de céans, à la fréquence qu’elle jugerait utile, la preuve du séjour quotidien des neufs chiens en France par l’envoi de photographies datées et géolocalisées. Le SCAV devait produire l’intégralité des pièces en sa possession sans caviardage ni de noms ni d’informations. À défaut, celles-ci devait être écartées du dossier. Une comparution personnelle des parties et l’audition de onze témoins, dont les noms et les éléments sur lesquels ils devaient être entendus étaient fournis, devaient être ordonnées.

« B______ » était un Am’staff croisé, ce qu’il avait ignoré jusqu’à l’été 2020. Il lui avait ainsi fait implanter une puce et l’avait vaccinée au centre vétérinaire de Genève Jonction les 6 avril et 2 juillet 2020. Dès qu’il avait appris que la race à laquelle appartenait « B______ » était interdite, il s’était organisé pour qu’elle soit placée en France chez M. C______, au ______ à Collonges-sous-Salève. Il s’agissait de l’oncle de sa fiancée. Celui-ci confirmait, dans une attestation du 9 décembre 2021, être disposé à accueillir à nouveau « B______ ».

Le recourant produisait trois attestations destinées à prouver que « B______ » n’avait ni vécu ni été détenue à Genève. Son voisin du dessus, Monsieur D______, notamment, attestait qu’il habitait sans sa chienne, laquelle avait été déplacée en France. Il l’amenait de temps à autre pour jouer avec elle, mais la ramenait en France le jour même. De même, une voisine, Madame E______, attestait n’avoir vu la chienne blanche et grise de l’intéressé que très rarement depuis qu’elle habitait dans le quartier, soit un an.

Il produisait le dossier médical de « B______ » auprès de la clinique vétérinaire des Huttes, en France. Avec sa fiancée, Madame F______, ils étaient extrêmement attachés à « B______ ». Tous deux s’étaient faits tatouer sur le corps le nom de la chienne et sa silhouette. Il produisait des photographies de leur tatouage respectif. « B______ » possédait par ailleurs un profil sur un réseau social et avait été inscrite sur un site dédié aux chiens pour que celle-ci en devienne une ambassadrice. Depuis que « B______ » avait été placée en France, il allait très fréquemment la voir. Depuis le séquestre des chiens, il avait dû consulter un thérapeute, compte tenu de son mal-être.

Le présent litige s’inscrivait dans le cadre d’un conflit de voisinage. Il vivait dans une maison d’habitation composée de plusieurs logements à la rue ______ aux Acacias. Elle était composée d’un rez-de-chaussée et de deux étages, et se situait juste en face du poste de la police municipale des Acacias. Le jardin était compris dans la location et était attenant à un autre jardin, sur lequel se trouvait la terrasse d’un food truck. D’importantes tensions étaient survenues, au fil des mois, entre, d’une part, le food truck, à savoir la personne qui semblait l’exploiter ou en être le propriétaire ainsi que ses employés et, d’autre part, lui-même et son frère, Monsieur G______, fréquemment en visite à son domicile. Plusieurs incidents avaient émaillé les rapports de voisinage, contraignant la police municipale à suggérer une médiation. Le food truck s’était plaint de nuisances sonores alors que son frère et lui-même étaient importunés par les arrêts des passants, intrigués par la présence du food truck et même par l’entrée intempestive et illégale de certains de ces potentiels clients dans leur jardin pensant pouvoir accéder au food truck. Ils avaient ainsi installé une bâche, dont le food truck s’était plaint, alléguant une perte de visibilité. De même, alors qu’il jouait avec les chiens, un frisbee avait atterri sur une table du food truck atteignant, selon ce dernier, une cliente. D’autres incidents illustraient la dégradation des rapports de voisinage. Ainsi, les témoignages anonymes recueillis par le SCAV provenaient probablement de personnes liées au food truck.

Il contestait toute volonté de dresser « B______ » au mordant. Il était père d’un enfant de trois ans, situation incompatible avec une telle activité. Le pneu installé dans le jardin de son habitation avait une vocation ludique et récréative à l’instar des autres jouets pour chiens.

Il ne s’était résigné à déplacer temporairement « B______ » et sa portée à Genève qu’à la suite de travaux de peinture effectués par M. C______ dans son logement. Il était arrivé, avec les canidés, le 8 décembre 2021, environ une heure avant l’intervention du SCAV. Il contestait le témoignage selon lequel, le 6 décembre 2021, un Am’staff croisé aurait été détenu dans une cage dans son jardin à l’abri des regards, dissimulé par une bâche. Ni le SCAV ni la police municipale n’avaient constaté la présence d’une telle cage.

Il regrettait sa façon d’agir, agressive, lors du séquestre de ses chiens et présentait ses excuses aux inspecteurs. Son comportement était dû à son fort attachement à sa chienne.

Il ne contestait pas que « B______ » avait été présente à Genève à plusieurs occasions.

Le SCAV avait fondé sa décision sur la base de « témoignages » anonymes venant respectivement d’un inconnu qui s’était plaint à la police municipale le 6 décembre 2021 et avait eu un contact téléphonique avec celle-ci à tout le moins le 16 décembre 2021. L’employé travaillant à proximité et un tiers voisin avaient par ailleurs fourni des informations complémentaires à un agent de la police municipale. Ces pièces étaient anonymes et/ou caviardées. Cette situation ne lui permettait pas d’exercer valablement son droit d’être entendu. Il devait connaître l’identité et le nombre des « déposants », ainsi que le contenu complet des propos qu’ils avaient tenus. À défaut, il ne pouvait ni se déterminer sur l’éventuelle existence de rapports d’intimité ou de conflit, qui motiveraient les « déposants » dans leurs prises de position, ni vérifier que le SCAV n’avait pas caviardé des passages qui lui seraient favorables ni que les passages caviardés ne tronquaient pas les propos du « déposant ». Le SCAV devait produire l’entier des pièces en sa possession, sans caviardage. À défaut, les pièces devaient être écartées de la procédure.

À l’appui de son recours, le propriétaire a produit de nombreux documents, dont le contenu sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

6) Après un échange d’écritures, la chambre administrative a refusé, par décision du 16 février 2022, de restituer l’effet suspensif au recours. L’autorité intimée doutait de la sincérité des intentions du recourant et de la faisabilité du plan de refoulement. Des discussions étaient en cours afin de déterminer les exigences du SCAV quant à un éventuel plan de rapatriement lequel ne lui paraissait, en l’état, pas suffisamment garanti.

7) Le SCAV a conclu au rejet du recours. Même à écarter le témoignage reçu par la police municipale le 6 décembre 2021, la présence de « B______ » au domicile du recourant était certaine. Celui-ci ne contestait pas être domicilié à Genève, avoir fait venir sa chienne et les chiots à son domicile. À ce titre, ses allégations selon lesquelles il aurait détenu celle-ci sur le territoire du canton durant des périodes de moins de vingt-quatre heures pour la ramener ensuite en France étaient sans pertinence. La seule présence de l’animal sur le territoire du canton était interdite, sauf dérogation dont il ne bénéficiait pas. L’autorité intimée n’avait pas d’autre choix que de prononcer le séquestre du chien et de sa portée, un refoulement ne pouvant entrer en ligne de compte, le recourant proposant de les placer chez M. C______, lequel était domicilié officiellement à Genève. Ainsi, un refoulement des canidés était inenvisageable en l’état de la proposition du propriétaire. Aucun plan, conforme à la législation, n’avait été proposé. Le recourant était, par ailleurs, peu crédible.

8) Dans sa réplique, le recourant a persisté à proposer le refoulement des chiens auprès du domicile effectif de M. C______, soit à Collonges- sous-Salève. Subsidiairement, il a proposé que « B______ » et ses chiots soient refoulés auprès de Monsieur H______, domicilié en France, à l’adresse ______ à Saint-Julien, détenteur du père de « B______ », le mâle « I______ », Staffordshire Bull Terrier.

Il a produit de nouvelles pièces en lien avec l’intervention chirurgicale envisagée pour tuer la portée des chiots, option à laquelle il avait finalement renoncé en raison de l’existence d’un risque vital pour « B______ ». Il produisait deux vidéos attestant du conflit de voisinage.

9) Dans une duplique spontanée, le SCAV a relevé que, dans l’attestation du psychiatre du recourant, le Docteur J______ rapportait, le 16 mars 2022, que son patient « est d’ailleurs en procédure afin de récupérer sa chienne et les huit chiots ». Cette attitude prouvait le non-respect des lois par le recourant. Ce dernier n’avait d’ailleurs produit aucune preuve d’un éventuel projet de domiciliation en France pour récupérer ses canidés.

M. H______, proposé par le recourant pour reprendre ses chiens, était à l’origine de la détention illégale, par le recourant, de « B______ », sur le territoire genevois. En effet, dans son audition du 10 décembre 2021, le propriétaire avait précisé qu’elle lui avait été offerte par son cousin, M. H______, détenteur de « I______ » qui avait sailli une chienne Am’staff.

Le placement de « B______ » en France ne l’avait pas empêché de revenir sur territoire genevois avec les neuf canidés. Il recourait ainsi à un « subterfuge pour récupérer à tout le moins sa chienne et échapper une fois encore à l’application de la loi ».

10) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

11) Le contenu des pièces sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 41 de la loi sur les chiens du 18 mars 2011 - LChiens - M 3 45).

2) Le recourant sollicite une comparution personnelle des parties, l’audition de témoins et la production de l’entier du dossier du SCAV, non caviardé.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, l’audition du recourant et des témoins n’est pas nécessaire au vu des pièces versées à la procédure. De même, le litige peut être tranché sans qu’il ne soit utile de rendre de décisions sur l’accès aux pièces non caviardées par le recourant, ces éléments n’étant pas déterminants pour l’issue du litige. La chambre estime être en possession d’un dossier suffisant et en état d’être jugé. Il ne sera pas donné suite aux requêtes préalables du recourant.

3) a. Selon l’art. 177 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00), les chiens dangereux ou issus de races dites d’attaque, ainsi que leurs croisements, sont interdits sur le territoire du canton. Cette interdiction est rappelée à l’art. 23 al. 1 LChiens, qui donne au Conseil d’État la compétence de dresser la liste des races concernées par voie réglementaire. Cette liste figure à l’art. 17 al. 2 du règlement d'application de la loi sur les chiens du 27 juillet 2011 (RChiens - M 3 45.01) et comprend notamment l’Am’staff (art. 17 al. 2 let. a RChiens).

b. Aux termes de l’art. 39 LChiens, en cas d’infraction à la loi et en fonction de la gravité des faits, le service peut prononcer et notifier aux intéressés les mesures suivantes : l’obligation de suivre des cours d’éducation canine (let. a), l’obligation de tenir le chien en laisse (let. b), l’obligation du port de la muselière (let. c), la castration ou la stérilisation du chien (let. d), l’interdiction de mettre le chien en contact avec des enfants (let. e), l’interdiction de laisser le chien attaché seul et sans surveillance à l’extérieur du domicile de son détenteur (let. f), le séquestre provisoire ou définitif du chien (let. g), le refoulement du chien dont le détenteur n’est pas domicilié sur le territoire du canton (let. h), l’euthanasie du chien (let. i), le retrait de l’autorisation de détenir un chien (let. j), l’interdiction de pratiquer l’élevage (let. k), le retrait de l’autorisation de pratiquer le commerce de chiens ou l’élevage professionnel (let. l), le retrait de l’autorisation d’exercer l’activité de promeneur de chiens (let. m), la radiation temporaire ou définitive de la liste des éducateurs canins (let. n) et l’interdiction de détenir un chien (let. o).

c. Dans l’exercice de ses compétences, le service doit, comme toute autorité administrative, doit respecter le principe de la proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 Cst., il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/820/2018 du 14 août 2018 et les références citées).

4) En l’espèce, il n’est pas contesté que le recourant est propriétaire de « B______ », née le ______ 2019, et de ses huit chiots, nés le ______ 2021, et que les chiens sont des Am’staff croisés, interdits sur le territoire du canton (art. 23 al. 1 LChiens et 17 al. 2 let. à RChiens).

Le recourant est domicilié à Genève, ce qu’il ne remet pas en cause. À ce titre, il n’est pas autorisé à détenir, à son domicile, des Am’staff croisés, ce qu’il ne conteste pas, à l’instar du fait qu’il a été informé de cette interdiction par courrier du SCAV du 9 octobre 2020.

Le recourant allègue que « B______ » et ses chiots seraient arrivés à Genève le 8 décembre 2021, quelques heures avant l’intervention du SCAV, contraints de quitter la France compte tenu des travaux de peinture en cours dans leur lieu de résidence. Il fait par ailleurs mention de l’art. 12 RChiens qui traite des cas de séjour sur le territoire du canton. Toutefois, cette disposition évoque la dispense d’enregistrement du chien, de suivi des formations, du paiement de l’impôt et d’acquisition de la marque de contrôle. L’art. 12 RChiens est en conséquence sans incidence sur l’interdiction formelle, pour tous chiens mentionnés dans la liste de l’art. 17 al. 2 RChiens, de se trouver sur le territoire cantonal.

Le prononcé d'une mesure est ainsi pleinement justifié, sans qu’il ne soit nécessaire d’établir si, comme le soutient le SCAV, se fondant notamment sur trois témoignages anonymisés, les chiens résidaient sur territoire genevois depuis plusieurs semaines.

5) Se pose la question de savoir si la mesure prononcée par le SCAV respecte le principe de la proportionnalité.

a. Le recourant propose qu’il lui soit donné acte de placer les canidés chez M. C______, au _______, dans les douze heures dès leur restitution.

Une telle mesure ne fait pas partie de la liste arrêtée par le législateur cantonal à l'art. 39 al. 1 LChiens. Toutefois, le Tribunal fédéral a retenu que le principe de proportionnalité n'exclut pas de prendre une mesure qui ne serait pas prévue par le législateur, lorsque celle-ci est moins incisive que les mesures légales (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1088/2018 du 13 mai 2019 consid. 3.2.3). Ainsi, la solution proposée, dans l’arrêt précité, par le détenteur de l'animal de se séparer de son chien en le ramenant dans son pays d’origine était moins incisive que celle ordonnée par le SCAV, puisqu'elle lui permettait de garder un contact avec son chien, lors de visites à celui-ci. Elle était apte à atteindre le but d’intérêt public visé et permettait de ménager aussi bien les intérêts du détenteur que ceux de la collectivité.

En l’occurrence, le recourant propose une mesure qui lui permettrait de conserver des contacts avec ses chiens, notamment avec « B______ ». Il donne des indications précises sur le lieu où les chiens seraient placés, notamment l’adresse précise. La réalité de la proposition est confortée par le fait que le recourant produit de nombreuses attestations, de différentes personnes, confirmant le domicile effectif, bien que non officiel, en France, de M. C______. Ce dernier a par ailleurs déjà accueilli « B______ », ce que le SCAV ne conteste pas et que les nombreuses attestations confirment. Le contrat d’électricité du logement concerné sur France, ainsi que diverses factures d’électricité, au nom du précité sont versées à la procédure. Des photos de « B______ », géolocalisées à Collonges-sous-Salève, sont produites, à l’instar du dossier vétérinaire du canidé auprès de la clinique de Saint-Julien-en-Genevois attestant de consultations, mensuelles et régulières, depuis mai 2021 et donc d’un suivi régulier en France.

Pour sa part, le SCAV n’a produit aucun document, ni même son dossier, alors qu’il y avait été invité tant par le recourant que par la chambre de céans. Le caviardage des noms des dénonciateurs, dans les pièces du SCAV produites par le recourant, ne permet en l’état pas d’exclure l’influence du conflit de voisinage, établi et non contesté. Les raisons invoquées par le SCAV pour refuser en l’état le plan de rapatriement n’emportent pas conviction au vu de ce qui précède.

Partant, la solution proposée par le recourant apparaît mieux respecter le principe de la proportionnalité que le séquestre. Il convient dès lors d'autoriser le recourant à agir dans ce sens.

Il s’ensuit que le recours sera partiellement admis et le séquestre levé. L’interdiction de la présence desdits chiens sur le territoire genevois sera rappelée. Il sera pour le surplus donné acte au recourant de ses engagements, conformément aux conclusions prises dans son recours.

En conséquence, l’interdiction de détenir des chiens dont le poids excéderait 10 kg à l’âge adulte, pour une durée de cinq ans, est aussi annulée, la question de savoir si le recourant a pratiqué le dressage au mordant souffrant de rester, en l’état, indécise.

Pour le surplus, l’attention du recourant est expressément attirée sur le fait que toute présence de « B______ » et/ou de ses chiots sur le territoire cantonal, est strictement interdite. Conformément à la jurisprudence précitée, si la présence de l’un des chiens devait à nouveau être constatée sur le territoire cantonal, le SCAV pourrait prendre d'autres mesures, plus contraignantes.

6) Au vu de la faute commise par le recourant en introduisant sur le territoire genevois neuf chiens listés comme étant interdits, les frais, y compris de séquestre, seront laissés à sa charge.

7) Vu l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée au recourant, à la charge du SCAV, au vu de cette issue (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 12 janvier 2022 par Monsieur A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 21 décembre 2021 ;

au fond :

l’admet partiellement;

annule la décision querellée en tant qu’elle ordonne le séquestre définitif de la chienne « B______ » et de ses huit chiots ;

fait interdiction à « B______ » et ses huit chiots d’être sur le territoire genevois ;

donne acte à Monsieur A______ de son engagement de placer « B______ » et ses huit chiots en France dans un délai de douze heures dès leur restitution ;

donne acte à Monsieur A______ de son engagement de faire procéder à l’inscription de « B______ » et de ses huit chiots dans les bases de données françaises ;

annule la décision querellée en tant qu’elle fait interdiction à Monsieur A______ de détenir, pour une durée de cinq ans, pour des motifs de sécurité publique, un chien dont le poids excéderait 10 kg à l’âge adulte ;

confirme, pour le surplus, la décision ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

dit qu’une indemnité de procédure de CHF 1'000.- est allouée à Monsieur A______ à la charge de l’État de Genève ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Yann Arnold, avocat du recourant, au service de la consommation et des affaires vétérinaires, ainsi qu’à l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :