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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1623/2008

ATA/392/2008 du 29.07.2008 ( FIN ) , REJETE

Recours TF déposé le 28.08.2008, rendu le 09.01.2009, IRRECEVABLE, 2C_615/2008
Descripteurs : ; CONTRAT D'ASSURANCE ; VIE ; DOMICILE ; IMPÔT ; REVENU ; SUCCESSION ; DROIT DES SUCCESSIONS ; MASSE SUCCESSORALE
Normes : LDS.12.al1 ; CC.476 ; LCA.76.al1 ; LCA.78 ; LIPP IV.10.leta ; LIFD.24.letb
Résumé : La somme versée suite au décès d'un preneur d'assurance (assurance-vie) au contribuable, unique bénéficiaire, domicilié en France, ne fait pas partie de la masse successorale. Partant, le montant n'est pas imposable au regard du droit des successions.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1623/2008-FIN ATA/392/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 29 juillet 2008

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE D'IMPôTS

et

Monsieur G______


 


EN FAIT

1. Madame C______, née le X_____, est décédée à Genève le Z______.

Elle n’a laissé aucun héritier légal, mais a, par testament olographe du 15 juin 1999, institué comme unique héritier Monsieur G______ (ci-après : le contribuable), domicilié à S______ (France).

2. Feue Mme C______ avait conclu le 30 mars 1998 avec la Vaudoise Assurances, de siège à Lausanne, une police d’assurance vie (assurance mixte) « Swissca LongLife n° SLL 10’648 », avec une clause bénéficiaire en cas de décès en faveur de M. G______. Selon ordre de paiement du 3 mars 2003 émis par la Vaudoise-Vie, M. G______ a touché à ce titre la somme de CHF 114'310.-.

3. La déclaration de succession a été transmise le 17 février 2004. Concernant l’assurance-vie, M. G______ a précisé : « après consultation auprès des avocats vaudois et genevois, j’ai la confirmation que je n’ai pas à la déclarer car je réside en France ».

4. Le 25 octobre 2004, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC) a notifié à M. G______ un bordereau des droits de succession. L’impôt dû s’élevait à CHF 422'237,25, calculé sur un avoir imposable de CHF 744'305.-, comprenant le montant de CHF 114'310.- correspondant à l’assurance-vie.

5. Le contribuable a élevé réclamation, portant sur plusieurs points, à l’encontre du bordereau précité, à laquelle l’AFC a partiellement donné suite dans sa décision du 18 avril 2005. Un bordereau de dégrèvement a été établi le 23 mai 2005.

S’agissant de l’imposition de l’assurance-vie, l’AFC mentionnait que le domicile du contribuable était sans pertinence, de sorte que cet élément de taxation était maintenu.

6. En temps utile, M. G______ a saisi la commission cantonale de recours en matière d’impôts (ci-après : la commission), discutant plusieurs postes du bordereau du 23 mai 2005, dont celui de l’assurance-vie.

7. Par décision du 31 mars 2008, la commission a admis partiellement le recours de M. G______.

S’agissant de l’assurance-vie, la commission a retenu que le bénéficiaire de la prestation versée par la Vaudoise-Vie ayant son domicile en France d’une part, et que la prestation en question ne provenant pas de la prévoyance professionnelle d’autre part, il n’y avait pas d’assujettissement à l’impôt en Suisse, ni de perception d’impôt à la source.

8. L’AFC a saisi le Tribunal administratif d’un recours contre la décision précitée par acte du 8 mai 2008.

Seule était discutée la question de l’assurance-vie.

S’agissant en l’espèce, d’une prestation en capital reçue par M. G______ provenant d’une police d’assurance-vie mixte (nommée également « non susceptible de rachat »), celle-ci était exonérée de l’impôt sur le revenu en vertu des articles 10 lettre a de la loi sur l’imposition des personnes physiques - Impôt sur le revenu (revenu imposable) (LIPP-IV) du 22 septembre 2000 (D 3 14) et 24 lettre b de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 (LIFD - RS 642.11). Dès lors, si M. G______ avait été domicilié dans le canton de Genève, cette prestation aurait été soumise aux droits de succession en application de l’article 12 de la loi sur les droits de succession du 26 novembre 1960 (LDS - D 3 25). Le principe selon lequel une double imposition entre revenu et droits de succession était prohibée aurait été parfaitement respecté. Le fait que M. G______ soit domicilié en France ne devait pas conduire à une solution différente. En effet, les droits de succession sont dus par ceux qui, à la suite d’un décès ou d’une déclaration d’absence, acquièrent des biens ou en sont bénéficiaires. Le domicile et la nationalité de l’ayant droit sont sans effet sur cette obligation (art. 2 al. 1 et LDS). Cette solution ne contrevenait en aucune manière aux dispositions de la Convention du 31 décembre 1953 entre la Confédération suisse et la République française en vue d’éviter les doubles impositions en matière d’impôts sur les successions.

Elle conclut à l’annulation de la décision querellée en tant qu’elle porte sur l’imposition de celle-ci.

9. M. G______ s’est déterminé le 10 juin 2008.

Il a persisté dans ses précédentes explications concernant l’assurance-vie, cette somme ayant été perçue en sa qualité de bénéficiaire, et non pas en celle d’héritier.

Il a pour le surplus, repris ses argumentations précédentes au sujet des pénalités de retard réclamées par l’AFC.

 

 

 

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. L’objet du litige consiste à déterminer si la somme de CHF 114'310.- versée à M. G______ suite au décès du preneur d’assurance est imposable en Suisse et, cas échéant, à quel titre.

3. Il est établi que M. G______ est domicilié en France et que la succession de feue Mme C______ s’est ouverte à Genève.

4. Aux termes de l’article 12 alinéa 1 LDS, les sommes, rentes, prestations ou émoluments quelconque, dus par l’assureur ou par toute autre personne, tant aux preneurs qu’aux bénéficiaires d’assurance (notamment assurance-vie, assurance-accidents et rentes viagères) en raison ou à l’occasion du décès de l’assuré, sont soumis aux droits de succession établis par la présente loi, en tenant compte du degré de parenté existant entre l’assuré et les bénéficiaires effectifs.

5. La première question à résoudre est celle de la nature de la police d’assurance conclue par la défunte. Il résulte de la police d’assurance en question que la Vaudoise-Vie assurait deux risques différents, à savoir le risque décès pendant la durée d’assurance et le risque vie à l’échéance du contrat.

6. a. Selon l'article 476 du code civil suisse du 10 décembre l907 (CC - RS 210), les assurances en cas de décès constituées sur la tête du défunt et qu'il a contractées ou dont il a disposé en faveur d'un tiers, par acte entre vifs ou pour cause de mort sont comprises dans la succession jusqu'à concurrence de leur valeur de rachat calculée au moment du décès.

b. L'article 76 alinéa 1 de la loi fédérale sur le contrat d'assurance du 2 avril 1908 (LCA - RS 221.229.1) dispose que le preneur d'assurance a le droit de désigner un tiers comme bénéficiaire pour tout ou partie du droit qui découle de l'assurance.

c. Selon l'article 78 LCA, la clause bénéficiaire crée au profit du bénéficiaire un droit propre sur la créance attribuée, soit un droit originaire. Ce droit naît dès la désignation et constitue un titre indépendant de la qualité éventuelle d'héritier. Le décès du preneur d'assurance ne donne ainsi pas naissance au droit; il en est, avec la survie du bénéficiaire, une condition suspensive. Le bénéficiaire peut réclamer son dû directement à l'assureur, la prétention d'assurance étant dans son patrimoine dès sa désignation. En cas de décès du preneur, elle ne passe donc pas d'abord dans la succession : le bénéficiaire acquiert « jure proprio » et non pas « jure hereditatis » (ATF 112 II 157 consid. 1a p. 160 et réf. citées ; W. KÖNIG, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, Berne 1967 3ème éd., p. 436). Les prestations versées par l'assurance n'entrent donc dans la succession et respectivement dans les parts héréditaires - jusqu'à concurrence de leur valeur de rachat évaluée au moment du décès - que lorsque le de cujus n'a pas désigné de bénéficiaire (ATF 103 Ia 124 consid. 2 p. 126).

En l’espèce, la de cujus a désigné un bénéficiaire en la personne de M. G______. Ainsi, du point de vue du droit civil, le montant de l’assurance-vie n’est donc pas entré dans la masse successorale (ATA/131/1999 du 2 mars 1999 et les références citées).

Il s’agit donc d’un contrat d’assurance mixte (ATF 112 II 157 p. 158).

7. a. Le législateur cantonal est libre d'adopter d'autres notions et solutions que celles du droit civil fédéral concernant sa propre législation fiscale (cf. dans ce sens, X. OBERSON, Précis de droit fiscal I, Berne 2004, 2ème éd, §6, n° 184 p. 63) Ainsi, le Tribunal fédéral a admis qu'en droit tessinois, les prestations versées par l'assurance entrent dans la succession, respectivement dans les parts héréditaires objet de l'impôt, non seulement dans le cas - réglé par le droit civil - où manque la désignation du bénéficiaire, mais aussi - contrairement à ce que prévoit le droit civil - lorsque la clause bénéficiaire existe mais qu'elle concerne un héritier ou un légataire (ATF 103 Ia 124 consid. 4b p. 127).

b. En droit genevois, selon l'article 12 LDS, les prestations dues par l'assureur aux bénéficiaires en raison ou à l'occasion du décès de l'assuré, sont soumises aux droits de succession. Cette disposition n'énonce pas expressément les conditions auxquelles l'on doit considérer que les prestations versées par l'assurance entrent dans la succession et respectivement dans les parts héréditaires. On doit dès lors admettre qu'à l'instar du droit civil fédéral, ce n'est que si le de cujus n'a pas désigné de bénéficiaire que les prestations de l'assurance entrent dans la masse successorale (ATA/131/1999 déjà cité).

Il résulte de ce qui précède qu’en l’espèce, il faut admettre que le capital versé à M. G______ n’est pas entré dans la masse successorale. Ainsi, contrairement à ce qu’allègue la recourante, ce montant n’est pas imposable au regard du droit des successions.

8. Il n’est pas contesté par la recourante que les prestations en capital provenant d’une assurance-vie « mixte » sont exonérées de l’impôt sur le revenu, en application des articles 10 lettre a LIPP IV et 24 lettre b LIFD.

Il s’ensuit que l’argument soulevé par la recourante tiré de l’inégalité de traitement n’est pas pertinent en l’espèce puisque la solution serait identique si le bénéficiaire institué par la défunte était domicilié en Suisse.

9. Le recours incident étant inconnu en procédure administrative, les conclusions prises par M. G______, exorbitantes à la question de l’assurance-vie, sont irrecevables.

10. Au vu de ce qui précède, le recours ne peut être que rejeté. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de L’AFC. Il ne sera pas alloué d’indemnité à M. G______ qui agit en personne et n’allègue pas avoir exposé des frais pour sa défense (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 mai 2008 par l’administration fiscale cantonale contre la décision du 31 mars 2008 de la commission cantonale de recours en matière d'impôts ;

déclare irrecevable le recours incident formé par Monsieur G______, le 10 juin 2008 ;

au fond :

rejette le recours de l’administration fiscale cantonale ;

met à la charge de l’administration fiscale cantonale un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, à la commission cantonale de recours en matière d'impôts ainsi qu’à Monsieur G______.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :