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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3268/2007

ATA/33/2008 du 22.01.2008 ( DT ) , REJETE

Parties : ZILKHA Mireille / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DU TERRITOIRE
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3268/2007-DT ATA/33/2008

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 22 janvier 2008

dans la cause

 

Madame Mireille ZILKHA
représentée par Me Dominique Burger, avocate

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIÈRE DE CONSTRUCTIONS

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE


 


EN FAIT

1. Les héritiers de Monsieur Pierre Kern sont propriétaires de la parcelle n° 824, feuille 24 de la commune de Cologny, d'une surface de 1'122 m2, située en zone de construction 5. Ce terrain, en forte déclivité et constitué en cordon, se trouve délimité, au nord-ouest et au sud-est, par le chemin de la Perrière, qui forme un virage très serré à cet endroit. Il est entièrement boisé et peuplé, pour l'essentiel, d'essences indigènes (90 % d'érables, de frênes, de charmes, de robiniers, de chênes, de tilleuls, d'ifs et d'ormes). On y trouve également d'autres espèces, dont notamment, des ailantes et des marronniers (10%).

2. A l'est, ce cordon jouxte la parcelle no 290 de 1918 m2, feuille 24 de la même commune, également située en zone de construction 5, dont Madame Mireille Zilkha est propriétaire et sur laquelle est édifiée une maison d'habitation. Le peuplement d'arbres s'étend, à cet endroit, sur la propriété de Mme Zilkha, à hauteur de 139 m2. La surface totale du cordon boisé est ainsi de 1'261 m2 (1'122 m2 + 139 m2).

3. Ce massif forme une barrière entre la propriété des héritiers de feu M. Kern, qui possèdent plusieurs parcelles situées au-delà (au nord-ouest, côté lac), et les villas du coteau de Cologny, situées à l'est et au sud, dont celle de Mme Zilkha, qui se trouve encore propriétaire de deux parcelles attenantes à sa maison (nos 1'690 et 1'691, feuille 24 de ladite commune, respectivement de 1'253 et 1'260 m2).

La largeur de ce cordon oscille entre 8 et 22 mètres environ, selon les endroits. Ce dernier s'étend sur une longueur de quelque 100 mètres. Sa partie centrale a été partiellement détruite par un glissement de terrain survenu à la fin des années 1970, lors de la construction de la maison d'habitation de Mme Zilkha. Elle a été reconstituée aussitôt par feu M. Kern, pour empêcher que les villas du coteau, et notamment de Mme Zilkha, n'aient de vue sur sa propriété. Les arbres plantés à cette occasion ont été sélectionnés dans des tailles plus petites que les grands arbres situés sur les ailes droite et gauche du massif, pour préserver la vue du lac aux villas du coteau. Les grands arbres restés implantés sur cette partie centrale ont, quant à eux, été étêtés, pour le même motif. Les arbres replantés suite au glissement de terrain sont aujourd'hui âgés de plus de 25 ans ; le reste du peuplement est âgé de plus de 40 ans.

4. Par décision datée du 9 mars 2007, approuvée par l'inspecteur cantonal des forêts et publiée dans la Feuille d'avis officielle (FAO) le même jour, le département du territoire (ci-après : DT ou le département), a constaté la nature forestière de ce peuplement.

Ce dernier, situé en zone mi-urbaine, exerçait un rôle paysager majeur, ainsi qu'une fonction significative de protection dans la stabilisation du terrain. Ses fonctions forestières étaient classées 2 sur 3 (2/3) pour la structure paysagère, 2/3 pour la biodiversité, 2/3 dans sa fonction de protection, 1/3 pour sa fonction récréative et 1/3 pour sa nature productive. Le degré de couverture des arbres était de 85 %, avec un étage intermédiaire et un sous-bois.

5. Cette décision est intervenue dans le cadre d'une procédure d'autorisation de construire déposée par Monsieur Jean-Pierre Déruaz, propriétaire d’une parcelle voisine, portant le n° 2016.

6. Par acte du 28 mars 2007, Mme Zilkha a recouru contre cette décision auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après : la CCRMC ou la commission).

Le cordon boisé litigieux devait être séparé en trois parties distinctes : la partie ouest, la partie centrale et l'extrémité nord-est, car les groupes d'arbres qui les composaient étaient différents dans leur composition. Chacune de ces parties devait constituer une forêt en elle-même et remplir les conditions légales attachées à cette qualification. Or, elles étaient soit trop petites (extrémité nord-est), soit d'une largeur insuffisante (parties ouest et centrale). Leurs fonctions forestières n'étaient en outre pas de nature à combler ces insuffisances : la fonction stabilisatrice du terrain était assurée par un mur de soutènement construit suite au glissement de terrain des années 70, le bois n'était pas exploité et il n'y avait pas de couloir d'échange pour la faune, car le cordon était bordé par une route. Les arbres replantés à la fin des années 70 étaient d'essences non forestières, ainsi qu'en attestait le bureau de l'entreprise Eric Jacquet S.A., spécialisée dans le secteur des jardins et des aménagements urbains. Cette société, mandatée par la recourante, s'était en effet rendue sur les lieux pour examiner la nature forestière du massif litigieux. Elle avait estimé que seule la partie ouest avait une nature forestière. La partie centrale située devant la maison de Mme Zilkha représentait plutôt une plantation de jardin et de haies. La présence d'abelia grandiflora, de prunus laurocerasus de plus de 25 ans d'âge, ainsi que celle de peupliers blancs et de sapins, aujourd'hui étêtés pour préserver aux villas du coteau la vue sur le lac, attestaient de cette situation.

7. La CCRMC a entendu les parties en comparution personnelle le 24 mai 2007.

Mme Zilkha souhaitait surtout contester la qualification de forêt donnée à la partie située en face de sa maison, qui limitait sa possibilité de construire une piscine, et à la partie nord-est, qui rendait partiellement inconstructible une parcelle voisine de la sienne, dont elle était également propriétaire (parcelle n° 1'690, feuille 24 de la même commune, de 1'253 m2).

8. Après avoir effectué un transport sur place, la commission a rejeté ledit recours par décision du 17 juillet 2007, reçue par Mme Zilkha le 30 du même mois.

Elle avait constaté, sur place, que le chemin de la Perrière était bordé d'une coulisse dense et continue d'arbres de type, d'âge et de tailles différents, plantés de façon aléatoire. Le sol était recouvert de lierre et de rejets spontanés. Le massif formait un tout d'apparence forestière et il n'était pas possible d'en distinguer différentes parties. Les plantations entreprises après le glissement de terrain des années 70 avait d'ailleurs eu pour but de reconstituer le bois existant. La partie centrale avait certes un aspect moins naturel, car elle avait été étêtée pour ouvrir une fenêtre sur le lac aux propriétés situées au dessus. Elle était toutefois aussi dense que le reste du cordon et était peuplée d'essences indigènes d'âges divers. Laissé à l'état naturel, le sous-bois avait les caractéristiques d'une forêt et les étages intermédiaires y étaient bien marqués.

9. Mme Zilkha a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif par acte du 27 août 2007. Elle conclut à ce qu'une expertise soit ordonnée sur la nature forestière du cordon boisé litigieux, à l'annulation de la décision attaquée et à ce que le tribunal de céans constate la nature non forestière de ce peuplement.

L'expertise était rendue nécessaire par la nature plus technique que juridique des questions posées par le recours.

Sur le fond, la commission avait considéré à tort que le massif formait un tout indissociable. Lors de son transport sur place, elle avait elle-même utilisé les termes de "partie centrale", "gauche" et "droite" du cordon boisé. Cette terminologie démontrait la réalité de l'existence de trois parties distinctes du peuplement.

De plus, le cordon boisé litigieux, même pris comme un tout, ne remplissait pas les conditions légales pour être qualifié de forêt. Sa largeur n'atteignait pas 12 mètres sur presque la moitié de sa longueur (20 mètres à l'ouest et 31 mètres au nord-est, soit 51 mètres sur un peu plus de 100 mètres au total). Ces parties, dont la largeur était inférieure à 12 mètres, représentaient une surface de 562 m2 sur 1'261 m2.

Enfin, outre qu'elle ne remplissait aucune fonction économique et protectrice, cette coulisse boisée n'exerçait aucune fonction sociale, car personne ne pouvait s'y rendre pour s'y délasser, à cause de sa forte déclivité. Elle était au surplus inesthétique.

10. Le département, soit pour lui le domaine nature et paysage (ci-après : DNP), a déposé ses observations le 11 octobre 2007. Il conclut au rejet du recours.

Madame Marisa Kern avait indiqué récemment au département que son époux, récemment décédé, avait acquis la parcelle litigieuse en 1968 et que celle-ci était déjà constituée en forêt à cette date. Son mari avait toujours œuvré pour qu'elle demeure ainsi.

Le massif en question remplissait des fonctions forestières évidentes : il offrait un refuge pour les petits animaux et la flore sauvage et protégeait le talus de l'érosion. Il avait toutes les caractéristiques d'une forêt. Sa largeur était certes par endroit inférieure, à 12 mètres. Toutefois, elle était comprise entre 9 et 18 mètres. En moyenne, elle était donc supérieure à la largeur exigée par la loi.

11. Le 14 décembre 2007, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A et suivants de la loi sur l’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. En qualité de propriétaire d'une des parcelles visées par la décision attaquée, Mme Zilkha dispose de la qualité pour recourir au sens de l'article 60 lettre b LPA.

3. La recourante conclut à ce que le tribunal de céans ordonne une expertise afin qu'il soit statué sur "l'absence de nature forestière, et plus particulièrement l'absence de fonction forestière importante" du boisement litigieux, cette question étant, selon elle, "davantage technique que juridique".

Tel qu'il est garanti par l'article 29 alinéa 2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 (Cst. féd. - RS 101), le droit d'être entendu comprend en particulier le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 122 I 53 consid. 4a p. 55 ; ATF 119 Ia 136 consid. 2d p. 139 ; ATF 118 Ia 17 consid. 1c p. 19 ; ATA/649/2007 du 18 décembre 2007 consid. 5).

En l'espèce, la recourante ne conteste pas les faits retenus par l'autorité intimée. Si elle ajoute la présence de quelques prunus laucerasus et d'abelia grandiflora à la liste des arbres, générale et non exhaustive, figurant dans la décision attaquée, elle ne conteste pas la composition du massif retenue par le DNP. Elle ne discute pas non plus la surface, la largeur, la densité, la hauteur et l'âge du peuplement, dont les parties admettent qu'il est de plus de 40 ans dans les parties du massif non détruites par le glissement de terrain des années 70, et de plus de 25 ans dans la partie centrale. Les parties admettent également que le bois de cette coulisse n'est pas exploité, qu'il est situé sur une parcelle en forte déclivité au point que personne ne peut venir s'y délasser, que sa biodiversité est significative, qu'il se trouve au bord d'une petite route, etc.

La recourante ne s'oppose ainsi pas tant aux faits retenus par le service du département qu'à la qualification juridique qu'il convient de leur donner. Cette démarche relève de l'activité du juge.

La demande d'expertise sera donc rejetée.

4. La nature forestière d'un peuplement d'arbres est constatée dans le cadre d’une procédure formelle par l’inspecteur des forêts, conformément à l’article 4 de la loi sur les forêts du 20 mai 1999 (LForêts - M 5 10). Elle doit s’appuyer uniquement sur les circonstances de fait (croissance, densité, âge, dimensions et fonction du peuplement), sur le concept de forêt que retient le droit fédéral et, le cas échéant, sur les critères fixés par le droit cantonal d’exécution. Il n’y a pas de pondération à faire entre des intérêts privés qui seraient touchés ou d’autres intérêts publics (JdT 1998 I 501, consid. 3e). Les éléments déterminants pour l’appréciation sont la végétation effective et ses fonctions au moment de la décision, pour autant que le peuplement n’ait pas été éliminé illégalement (H.-P. JENNI, Pour que les arbres ne cachent pas la forêt : un guide à travers la nouvelle législation sur les forêts, in cahier de l’environnement, n° 210, OFEFP 1994, ad art. 10, p. 47). Bien qu'elle dispose d'une latitude de jugement dans l'interprétation des conditions légales, l'autorité est liée par ces conditions et ne peut statuer en opportunité. Il en découle que le pouvoir d'examen du tribunal de céans est entier (art. 61 al. 2 a contrario LPA).

5. Conformément à son article 1er de la loi fédérale sur les forêts du 4 octobre 1991 (LFo - RS 921.0), il vise à assurer la conservation des forêts dans leur étendue et leur répartition géographique, à les protéger en tant que milieu naturel et à garantir qu’elles puissent remplir leurs fonctions, notamment protectrices, sociales et économiques et à maintenir et promouvoir l’économie forestière. La législation a, en outre, pour but de contribuer à protéger la population et les biens d’une valeur notable contre les avalanches, les glissements de terrain, l’érosion et les chutes de pierres (catastrophes naturelles).

6. Par forêt on entend toute surface couverte d’arbres ou d’arbustes forestiers à même d’exercer des fonctions forestières. Leur origine, leur mode d’exploitation et la mention au registre foncier ne sont pas pertinents (art. 2 al. 1 LFo).

a. La LFo n’énumère pas les caractéristiques nécessaires pour pouvoir qualifier une aire boisée de forêt.

Dans le cadre fixé par le Conseil fédéral, les cantons peuvent préciser la largeur, la surface et l’âge minimaux que doit avoir un peuplement sur une surface conquise par la forêt ainsi que la largeur et la surface minimales que doit avoir un autre peuplement pour être considérés comme forêt (art. 2 al. 4, 1ère phr. LFo ; art. 1 al. 1 de l’ordonnance sur les forêts du 30 novembre 1992 – OFo – RS 921.01).

Selon l'article 1 OFo, les cantons précisent les valeurs requises pour qu’une surface boisée soit reconnue comme forêt, dans les limites suivantes :

a. surface comprenant une lisière appropriée : 200 à 800 m2 ;

b. largeur comprenant une lisière appropriée : 10 à 12 mètres  ;

c. âge du peuplement sur une surface conquise par la forêt : 10 à 20 ans.

Les critères quantitatifs que les cantons peuvent fixer, dans les limites de l’article 1 alinéa 1er OFo, servent à clarifier la notion qualitative de forêt posée par le droit fédéral. Sauf circonstances particulières, la nature forestière doit être reconnue lorsque les critères quantitatifs sont satisfaits, de sorte que ces derniers constituent des seuils minimaux. On ne peut toutefois nier la qualité de forêt du simple fait que ces seuils ne sont pas atteints. Les critères quantitatifs doivent concrétiser la notion qualitative de forêt, et non la vider de son sens (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.71/2002 du 26 août 2002, consid. 3.2 ; ATA/497/2006 du 19 septembre 2006 consid. 9 et les arrêts cités).

b. A Genève, la législation sur les forêts précise que sont considérés comme forêts les peuplements boisés présentant toutes les caractéristiques qualitatives d’une forêt, exerçant une fonction forestière qui sont, en principe, âgés d’au moins 15 ans, s'étendent sur une surface d’au moins 500 m² et ont une largeur minimale de 12 mètres, lisière appropriée comprise (art. 2 al. 1er LForêts).

7. Les fonctions de la forêt sont au nombre de trois, d’importance équivalente : la fonction protectrice, sociale et économique. Pour être qualifié de forêt, il suffit que le peuplement concerné apparaisse apte à assumer une ou quelques-unes des tâches de l’aire forestière (JdT 1998 I 501, consid. 3d.cc).

Une forêt exerce une fonction protectrice lorsqu’elle protège la population ou des valeurs matérielles contre des catastrophes naturelles. Elle exerce une fonction économique lorsque la matière première que représente le bois est exploitée (Feuille fédérale 1988 III p. 157 ss, 172). Enfin, un peuplement remplit une fonction sociale lorsqu’en raison de sa structure, de sa nature et de sa configuration, il offre à l’homme une zone de délassement (fonction dite de "récréation"). Tel est aussi le cas lorsqu’il structure le paysage ou lorsqu’il offre une protection contre les influences nuisibles telles que le bruit ou les immissions (Arrêt du Tribunal fédéral 1A.71/2002 du 26 août 2002). Fait également partie des fonctions sociales de la forêt la protection du paysage, c’est-à-dire la fonction optique et esthétique d’un peuplement et son importance biologique en tant que milieu vital pour la flore et la faune (JdT 1998 précité, consid. 3d.bb).

8. La loi donne également une définition négative de la forêt. Ne peuvent ainsi être considérés comme tels les groupes ou alignements d’arbres isolés, les haies, les allées, les jardins, les parcs et les espaces verts (art. 2 al. 3 LFo, 2 al. 3 let. a et c LForêts).

Selon la doctrine et la jurisprudence, ce qui distingue les jardins, les espaces verts et les parcs des surfaces conquises spontanément par la forêt, c’est le fait qu’ils ont été plantés volontairement, sur la base de raisonnements horticoles, et qu’ils comprennent souvent des essences exotiques, sans que ce soit toutefois une condition absolue. Mais ces lieux servent à la détente et apportent de la verdure dans les zones urbanisées. Ils ont donc un rapport direct avec l’habitat et avec certains biens-fonds, tant dans l’espace qu’en raison de leur fonction. Il faut que ces éléments soient identifiables objectivement, lorsqu’on examine si une surface est une forêt ou non. Un peuplement qui s’est installé spontanément et a été simplement toléré, par exemple après un changement de propriétaire, ne peut pas être éliminé parce qu’il dérange, sous prétexte qu’il s’agit d’un jardin (H.-P. JENNI, op. cit., ad art. 2 al. 3, p. 36 ; Arrêts du Tribunal fédéral 1A.141/2001 et 143/2001 du 20 mars 2002 résumés in VLP/ASPAN 11/2002 et ATF 113 Ib 357 ; RDAF 1999 I 601 ; ATF 98 Ib 364).

Les peuplements présentant les caractéristiques d’un parc renferment souvent des installations typiques des parcs comme des chemins, des murets ou des bancs. La présence cumulative de telles installations d’une part, et d’arbres et d’arbustes typiques de parc d’autre part, n’est pas nécessaire pour la définition juridique du parc et du jardin. Si l’entretien d’un parc est négligé et que celui-ci devient sauvage, il peut au fil du temps revêtir une nature forestière pour autant qu’il en présente les critères quantitatifs ou qualitatifs et que les arbres n'ont pas poussé au-delà d'une limite précédemment fixée par une décision constatatoire entrée en force (art. 13 al. 2 LFo ; RDAF 1999 I 601).

9. a. Dans ses écritures, la recourante soutient qu'il faut préalablement séparer le massif en trois parties distinctes qui devraient chacune remplir les conditions posées par la loi.

Ce découpage est artificiel et ne reflète pas la réalité. En effet, lors de son transport sur place, la commission a confirmé l'appréciation faite par le département concernant l'aspect dense et continu de la coulisse boisée, qui formait "un tout d'apparence forestière", dont il n'était pas possible de distinguer les différentes parties, même si son centre avait un aspect moins naturel que les ailes du massif à cause des arbres étêtés.

Ainsi, bien que certains de ces arbres aient été rabattus pour protéger la vue des propriétés voisines et que des essences se trouvent à certains endroits et pas à d'autres, parce qu'elles ont été plantées pour former une partie plus basse, il doit être admis que cette coulisse forme un tout qui doit être qualifié de forêt, s'il remplit les critères quantitatifs et qualitatifs posés par la loi.

b. En l'espèce, les arbres sont âgés de plus de 15 ans et s'étendent sur une surface de plus de 500 m². La largeur du cordon est certes inférieure à 12 mètres à certains endroits, mais sur environ 700 m², soit plus que le minimum légal de surface, cette largeur est égale ou supérieure à 12 mètres. Si la partie centrale du massif remplit les conditions légales pour être qualifiée de forêt, il serait contraire aux objectifs visés par la LFo d'extraire de la protection ses extrémités, alors que la coulisse forme une bande compacte, qui n'est séparée par aucun élément et dont la largeur demeure relativement proche de celles figurant dans la loi, même à ses extrémités (9 mètres).

Le peuplement litigieux satisfait donc les exigences quantitatives posées par les dispositions précitées.

c. D'un point de vue qualitatif, la recourante ne conteste pas que la parcelle n'a jamais été entretenue depuis le glissement de terrain et qu'elle a été laissée à l'état sauvage depuis cet incident. Elle admet la présence d'étages intermédiaires et de sous-bois, mais nie l'existence de fonctions forestières.

Il est établi que le boisement litigieux n'est pas exploité. Il ne remplit donc pas de fonction économique.

Sa fonction protectrice est en revanche évidente, quoi qu'en dise la recourante. En effet, même si un mur de soutènement a été construit suite au glissement de terrain, les arbres, qui peuplent la forte pente, ne peuvent que renforcer cette protection.

Selon le DNP, la fonction sociale serait en outre significative. Situé en zone semi-urbaine, le massif litigieux offrirait un refuge pour la petite faune, et contribuerait à préserver un milieu vital pour la flore sauvage. Il exercerait par ailleurs un rôle paysager majeur.

La recourante objecte que la coulisse ne peut servir de couloir d'échange pour la faune, mais ce point n'est pas allégué par le DNP. Elle ne conteste ni le degré de biodiversité retenu, ni le rôle de préservation que jouerait le cordon boisé litigieux sur la petite faune et la flore. Elle trouve le massif inesthétique, mais le juge n'a pas à substituer son appréciation à celle du département, dans la détermination du rôle paysager que peuvent assumer les groupements d'arbres faisant partie d'une procédure en constatation de la nature forestière, si cette appréciation n'emporte pas une violation manifeste de la loi. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

d. Enfin, la recourante ne fournit aucun élément permettant de conclure à l'existence d'un parc ou d'un jardin, plutôt que d'une forêt. Les faits attestés par l'entreprise Jacquet, relatifs à la hauteur des arbres - qui serait légèrement plus basse dans la partie centrale du massif -, à la présence de quelques essences non indigènes et au fait que certains arbres aient été replantés volontairement il y a plus de 25 ans, ne suffisent pas pour qualifier la coulisse de jardin. Ces éléments ne sont d'ailleurs pas incompatibles avec la notion de forêt, ainsi qu'il ressort clairement de la jurisprudence exposée ci-dessus.

e. Dépourvus de substance, les arguments de la recourante seront donc écartés.

10. Un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 août 2007 par Madame Mireille Zilkha contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 17 juillet 2007 ;

au fond :

rejette le recours ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 1'500.- ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Dominique Burger, avocate de la recourante, à la commission cantonale de recours en matière de constructions, au département du territoire, ainsi qu'à l'office fédéral de l'environnement.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Bovy et Hurni, M. Thélin, juges, M. Hottelier, juge suppléant

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :