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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/453/2005

ATA/30/2006 du 24.01.2006 ( TPE ) , REJETE

Parties : GIURIANI Gérald / COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIERE DE CONSTRUCTIONS, DEPARTEMENT DE L'AMENAGEMENT, DE L'EQUIPEMENT ET DU LOGEMENT
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/453/2005-TPE ATA/30/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 24 janvier 2006

 

dans la cause

 

Monsieur Gérald GIURIANI
représenté par Me Marie-Claude de Rham-Casthélaz, avocate

contre

COMMISSION CANTONALE DE RECOURS EN MATIèRE DE CONSTRUCTIONS

et

DéPARTEMENT DES CONSTRUCTIONS ET DES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION


 


1. La parcelle n° 2553, feuille 34 de la commune de Chancy, est sise chemin de la Malotte. Elle est située en zone agricole. Un hangar d'une surface de 263 m2 au sol et un autre bâtiment de 48 m2 y sont édifiés.

2. a. Sur la parcelle n° 1660, adjacente, se trouvent une maison d'habitation construite dans les années soixante, d'une surface de 165 m2 au sol, comportant un logement, ainsi que divers bâtiments agricoles.

Ce logement est actuellement habité par Monsieur Daniel Giuriani et son épouse, parents de Monsieur Gérald Giuriani, âgés respectivement de 75 et 78 ans. Ils sont au bénéfice d'un droit d'habitation à vie, incessible et à titre gratuit, constitué à leur profit par acte notarié du 29 septembre 2004.

b. Selon attestation du 26 octobre 2004 de l’Office de la population, M. Gérald Giuriani est domicilié à l'adresse 18, rue de la Malotte. Il loge avec son épouse et ses deux enfants dans un mobilhome et un container stationnés sur la parcelle no 1660.

3. Les parcelles n° 1660 et n° 2553, ainsi que d'autres situées sur la commune de Chancy et d'Avusy, constituaient un domaine agricole de neuf hectares appartenant jusqu'en 1999 à M. Daniel Giuriani. Ce dernier a cédé ses biens immobiliers à ses trois enfants, en copropriété dans un premier temps. Le 29 septembre 2004, ses biens ont été partagés entre les trois copropriétaires. Monsieur Gérald  Giuriani s'est vu attribuer la propriété du domaine agricole.

4. Le 25 août 2003, M. Giuriani a requis du département de l'aménagement, de l'équipement et du logement, devenu depuis le département des constructions et des technologies de l'information, (ci-après : DCTI ou le département) l'autorisation de transformer en habitation familiale le hangar agricole édifié sur la parcelle n° 2553.

Depuis 1999, il exploitait en lieu et place de son père, retraité, les terrains agricoles appartenant à la copropriété qu'il formait avec ses sœurs. L'exploitation comptait également des animaux, soit des chevaux, ânes, poneys, chiens et basse-cour, lesquels nécessitaient une présence et une surveillance constantes que ses parents, vu leur âge et leur état de santé, n'étaient plus en mesure d'assumer. Sa présence sur les lieux était indispensable.

Ce courrier était également signé par ses sœurs.

5. Sur réquisition du département, différents préavis ont été rendus :

- celui favorable de la commune, le 22 septembre 2003 ;

- celui défavorable de la sous-commission nature et sites de la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après  : SCNS), le 24 septembre 2003. La SCNS demandait à connaître "le préavis de l'agriculture avec la justification de l'activité comme agriculteur du requérant et les besoins de cette exploitation". Le projet proposait une maison d'habitation en zone agricole en ne conservant que le gabarit de l'ancien hangar. Au surplus, la SCNS demandait un constat de nature forestière eu égard à la loi sur les forêts ;

- celui favorable émis le 2 octobre 2003 par le service des forêts de la nature et des paysages du département de l'intérieur, agriculture et environnement devenu depuis le département du territoire (ci-après  : DT) ;

- celui défavorable émis le 1er décembre 2003 par le service de l'agriculture du DT, au motif que le requérant faisait l'objet d'un réexamen de sa qualité d'exploitant agricole et qu'il exerçait une activité salariée hors de l'exploitation agricole. La détention de chevaux sur l'exploitation n'était pas liée à une activité d'élevage. Le requérant ne pouvait prétendre à un logement supplémentaire, sa présence permanente sur les lieux n'étant pas nécessaire;

- celui défavorable de la SCNS, le 17 décembre 2003, après avoir pris connaissance de celui du service de l'agriculture ;

- celui défavorable de la direction de l'aménagement du territoire, le 22 janvier 2004. Le statut d'agriculteur du requérant était en cours de réexamen par le service de l’agriculture et il existait déjà un logement sur le domaine.

6. Le 23 mars 2004, le DCTI a refusé l'autorisation sollicitée.

La transformation projetée n'était pas conforme à l'affection de la zone et aucune des conditions liées à la délivrance d'une autorisation dérogatoire n'était réalisée. Pour le surplus, la décision reprenait les termes du préavis du service de l'agriculture.

7. Le 20 avril 2004, M. Gérald Giuriani a recouru contre la décision du DCTI auprès de la commission cantonale de recours en matière de constructions (ci-après  : CCRMC).

L'élevage de chevaux était pratiqué depuis 1968 sur le domaine, d'abord par son père puis par lui-même. Il avait acquis un étalon en septembre 2000. Il avait vendu une jument et un poulain en 2001. En 2002 et en 2003, il avait dû renoncer momentanément à cette activité, ne pouvant loger sur les lieux pour surveiller les juments durant la nuit, en particulier à l'approche de la mise bas et l'état de santé de son père ne permettant plus à celui-ci de se lever la nuit pour effectuer cette surveillance, comme l'attestait un certificat médical du 8 avril 2004 du Dr Florence Maggi. En 2004, il prévoyait de poursuivre son activité d'élevage avec ses trois juments poulinières et son étalon. Il a produit une attestation du président du syndicat chevalin de Genève, confirmant que de nombreux poulains étaient nés sur le domaine sous l'affixe d'élevage "De la Malotte".

Sa qualité d'exploitant agricole devait être reconnue même s'il avait tardé à fournir les documents nécessaires au service de l'agriculture pour des raisons liées à un changement de fiduciaire. Les pièces venaient d'être envoyées à l'administration et ses déclarations fiscales indiquaient qu'il cultivait personnellement ses terres à l'aide de ses propres machines agricoles et qu'il retirait un bénéfice de cette activité. A l'exception de l'année 2001, il avait perçu chaque année des paiements directs du service de l'agriculture et possédait un numéro d'exploitation auprès dudit service.

Vu la taille de l'exploitation et le fait qu'il était père de deux enfants, il avait été obligé pour des raisons financières, d'exercer une activité salariée. Il était titulaire d'un poste d'enseignant en construction métallique à raison de 24 heures par semaine. Il bénéficiait de trois mois de vacances par année dont deux à l'époque des foins, de la moisson et de la récolte de la paille. Il parvenait sans trop de difficultés à mener de front les deux activités.

Pour toutes ces raisons, il fallait considérer qu'il remplissait les conditions pour la délivrance d'une autorisation dérogatoire.

8. Au vu des nouvelles pièces attestant le versement de paiements directs pour 2003 (CHF  23'103.-) ainsi que d'un acompte pour 2004, la CCRMC a sollicité le réexamen du préavis du service de l'agriculture.

Le 30 août 2004, ledit service a confirmé son préavis négatif. Le versement de paiements directs qui attestait du statut d'agriculteur de l'exploitant était basé sur les critères définis par la loi fédérale sur l'agriculture du 29 avril 1998 (LAgr - RS 910.1) ainsi que les dispositions de l'ordonnance fédérale sur les paiements directs du 7 décembre 1998 (OPD - RS 910.13) mais n'avait qu'une portée très limitée dans le cadre de l'application de la législation en matière d'aménagement du territoire. La présence permanente sur place de l'exploitant devait être indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise agricole. Or, M. Giuriani exerçait une activité salariée hors de l'exploitation et la détention de chevaux n'était pas liée à une activité d'élevage. En conséquence, une surveillance permanente sur place n'était pas justifiée. De plus, l'exploitation agricole comprenait déjà un logement.

9. Le 1er septembre 2004, M. Giuriani a informé la CCRMC qu'un accident avait entraîné la mort de son étalon. Celui-ci s'était échappé pendant la nuit pour rejoindre d'autres chevaux dans un pré et avait reçu des coups de pieds qui lui avaient fracturé l'avant-bras. Le cheval avait dû être euthanasié. Pour cette raison, il avait quitté son domicile situé alors au 38, rte de Passeiry pour s'installer dans un mobilhome sur la parcelle no 1660, à proximité des écuries afin de surveiller ses chevaux, en particulier ses juments poulinières portantes.

10. Le 8 septembre 2004, M. Giuriani a informé la CCRMC que le certificat du médecin vétérinaire établi le 10 juin 2004, attestant que les juments Quinine et Ascotte étaient bien destinées à l'élevage étant donné qu'elles avaient été saillies et inséminées, n'avait pas été transmis par le DCTI au service de l'agriculture lors de la demande de réexamen du préavis.

11. Le 20 septembre 2004, le service de l'agriculture a, à nouveau, confirmé son préavis défavorable après avoir pris connaissance de l'attestation du vétérinaire. Le fait de détenir deux juments poulinières ne suffisait pas à considérer que l'élevage nécessitait une présence permanente de M. Giuriani sur le domaine. L'exploitation agricole du requérant ne constituait pas une entreprise agricole au sens de l'article 7 de la loi fédérale sur le droit foncier rural du 4 octobre 1991 (LDFR - RS 211.412.11), condition nécessaire à la construction, respectivement à la transformation, d'une habitation en zone agricole. En effet, il découlait du relevé coordonné des données agricoles 2004 que l'exploitation considérée n'exigeait pas trois quarts d'une unité de main-d'œuvre standard de travail (UMOS).

12. Le 28 septembre 2004, M. Giuriani a précisé qu'il possédait trois juments poulinières et qu'il allait acquérir un nouvel étalon. Le nombre de juments nécessaire à la définition d'élevage n'était pas fixé par la loi. La LDFR avait pour but la protection des agriculteurs et des biens-fonds agricoles. Elle ne pouvait avoir pour conséquence de l'empêcher de vivre sur son domaine et par conséquent de l'exploiter. Par ailleurs son domaine était soumis à la LDFR et était régulièrement estimé par la commission foncière agricole à sa valeur de rendement.

13. Par décision du 5 janvier expédiée le 25 janvier 2005, la CCRMC a rejeté le recours de M. Giuriani.

Celui-ci n'avait pas établi sa qualité d'agriculteur ni la nécessité de la construction pour l'exploitation de son élevage. Il exerçait une activité salariée et était domicilié à 800 m de l'exploitation. La détention de chevaux de sport ne justifiait pas sa présence sur place.

Le refus d'autorisation fondé sur les articles 16 et 22 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 22 juin l979 (LAT - RS 700), 34 de l'ordonnance sur l'aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1) et 20 alinéa 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30) ne consacrait aucune violation de la loi.

14. Par acte posté le 25 février 2005, M. Giuriani a recouru au Tribunal administratif contre la décision de la CCRMC en concluant à l'annulation de celle-ci, à l'octroi de l'autorisation de construire ainsi qu'à l'allocation de dépens.

La décision litigieuse était mal fondée car il avait prouvé qu'il exploitait un domaine agricole de 9 hectares et était reconnu en tant qu'exploitant agricole par le service de l'agriculture. Il bénéficiait à ce titre de l'octroi de paiements directs. Il ne consacrait qu'une vingtaine d'heures par semaine à son activité salariée et le reste de son temps à son entreprise agricole.

Il avait également démontré qu'il faisait l'élevage de chevaux. Cette activité exigeait une présence et une surveillance constantes, d'où la nécessité d'avoir un logement sur place et non à 500 ou 800 mètres des écuries comme c'était le cas lorsqu'il habitait au 38, route de Passeiry dans la maison appartenant à sa soeur. Le hangar agricole faisant l'objet de la requête en autorisation de transformation était totalement désaffecté et le changement d'affectation ne léserait aucun intérêt prépondérant de l'agriculture.

15. Le 31 mars 2005 le DCTI a souligné que M. Giuriani exerçait une activité à plein temps hors de son exploitation et qu'il était domicilié à moins d'un kilomètre du domaine agricole, en plaine et dans un canton pourvu d'un réseau routier suffisant. L'activité agricole représentait un gain accessoire pour le recourant. Le petit nombre de chevaux ne permettait pas d'établir l'existence d'un élevage équin d'une certaine importance. La parcelle était déjà pourvue d'un logement. Pour toutes ces raisons, il ne se justifiait pas d'autoriser la transformation, que ce soit sous l'angle du régime ordinaire ou du régime dérogatoire.

16. Lors de l'audience de comparution personnelle des parties du 11 mai 2005, M. Giuriani a précisé que la villa occupée par ses parents était trop petite pour loger deux familles. Leur logement devait être considéré comme le "Stöckli".

Une attestation de son directeur indiquait que durant les semaines où il enseignait, soit pendant 37,5 semaines par année, il consacrait 10,35 périodes de trois quarts d'heure à des cours donnés à l'école. Les périodes administratives, de 12,65 heures par semaine pouvaient être effectuées quand et où il voulait, ce qui lui permettait de travailler à domicile.

Son fils de 20 ans l'aidait à s'occuper des cultures. Sur les quelque six hectares labourés, il cultivait du blé, de l'orge, du maïs, du tournesol, de l'avoine et des petits pois selon un tournus. Sur les trois autres hectares, il cultivait du fourrage.

Il possédait quatre juments. Il montait pour ses loisirs mais aussi pour améliorer les performances de ses chevaux qu'il vendait. Seules les bêtes âgées étaient vendues pour la boucherie.

17. Le 31 août 2005, le juge délégué à l'instruction de la cause a procédé à un transport sur place en présence des parties. Il a été constaté que huit boxes abritaient des chevaux. En contrebas du mobilhome constitué de deux chambres et d'une cuisinette où logeaient le recourant, son épouse et leur fille se trouvait un container servant de chambre au fils du couple, et une autre écurie comportant quatre boxes. Deux juments poulinières et un cheval formaient l'élevage de M. Giuriani, les autres chevaux étant en pension. L'état de délabrement du hangar a pu être constaté. Le toit menaçait de s'écrouler, certaines tuiles étant tombées et plus rien n'y était entreposé.

Le domaine comportait également un poulailler contenant des poulets de chair destinés à la consommation de la famille et des poules pondeuses ainsi qu’un chenil avec quatre ou cinq chiens en pension. Une écurie abritait un cheval nain et un lapin.

Des photos des lieux figurent au dossier.

La villa des parents de M. Giuriani était constituée de trois chambres à un lit, d'une chambre avec un lit double, un séjour ainsi qu'une grande terrasse couverte.

18. Sur questions du juge délégué, M. Giuriani a encore fait part des réponses suivantes, les 14 et 21 octobre 2005  :

- depuis qu’il avait repris l'exploitation agricole de son père, deux poulains étaient nés sur le domaine de la Malotte en 1999 et 2001. Trois autres avaient été acquis en 2000 et 2002 pour diversifier l'élevage. Entre 2002 et 2005, trois juments poulinières avaient été inséminées ou saillies mais elles n'avaient pas été portantes ;

- le revenu annuel provenant des chevaux en pension était en moyenne de CHF 12'000.- depuis 1999 ;

- les responsables hiérarchiques de M. Giuriani connaissaient son activité agricole qui était compatible avec son poste d'enseignant ;

- la surface habitable du logement occupé par ses parents était de 80 m2. La terrasse couverte de 30 m2 n'était pas isolée de sorte qu'elle n'était pas habitable en hiver. Le logement ne permettrait pas la cohabitation des deux familles ;

- M. Giuriani s'était installé à la ferme dès 1996 ; son père, alors âgé de 68 ans n'arrivait plus à assumer les charges liées à cette exploitation en raison de son état de santé ;

- avant de procéder au partage de la copropriété, et en vue de s'établir sur le domaine, M. Giuriani s'était renseigné auprès du service de l'agriculture. Oralement, il lui avait été assuré que dans la mesure où il était agriculteur et touchait des subsides, l'autorisation de construire ne pouvait lui être refusée ;

- la surface au sol du hangar construit en 1970, était de 200 m2 et la surface habitable du logement projeté de 160 m2 ;

- une attestation établie par l'association faîtière de l'agriculture genevoise, Agri Genève, indiquait que 0,52 UMOS était nécessaire pour l'exploitation. Le calcul était fait en tenant compte de 8,95 hectares et dix chevaux (sept juments poulinières, une pouliche et deux chevaux adultes). Chaque jument poulinière comptait pour 0,03 UMOS, la pouliche pour 0,015 UMOS, les chevaux adultes pour 0,21 UMOS chacun et chaque hectare de culture pour 0,028 UMOS.

19. Figurent également au dossier les déclarations fiscales concernant le revenu et la fortune professionnels de l'agriculteur pour les années 2000 à 2003. Le cheptel qui était de huit chevaux de 2000 à 2002, était passé à six chevaux en 2003. Une jument poulinière et son poulain avaient été vendus en octobre 2001. Le revenu net provenant de l'agriculture était de CHF 1'942,50 en 2000 ; CHF - 7'599,70 en 2001 ; CHF 6'550,30 en 2002 et CHF - 5'215.- en 2003. Ce revenu était composé notamment de CHF 12'000.- annuels provenant des pensions.

20. Sur quoi, l'affaire a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant a requis l'autorisation de transformer en maison d'habitation un hangar délabré situé en zone agricole.

3. a. L'aménagement du territoire est régi au niveau fédéral par la LAT et ses dispositions cantonales d'application dont notamment la LaLAT.

b. La création ou la transformation d’une construction ou d’une installation en zone agricole est soumise à autorisation (art. 22 al. 1 LAT). Cette dernière est délivrée si la construction ou l’installation est conforme à l’affectation de la zone (art. 22 al. 2 litt. a LAT).

c. La zone agricole est régie par les articles 16 et 16a LAT, ainsi que par les articles 20 et suivants LaLAT. Ces dispositions définissent notamment les constructions qui sont conformes à l'affectation de la zone, soit qu'elles sont nécessaires à l'exploitation agricole, soit qu'elles servent au développement interne d'une activité conforme.

d. Une autorisation ne peut être délivrée qu'à la condition que la construction soit conforme à la zone ou qu'elle puisse bénéficier d'une dérogation. Les conditions de dérogation pour les constructions hors de la zone à bâtir sont prévues par le droit fédéral aux articles 24 à 24d LAT. Ces dispositions sont complétées ou reprises par les articles 27 à 27D LaLAT en ce qui concerne la zone agricole.

4. Il convient d'examiner d'abord si une autorisation peut être délivrée selon le régime ordinaire (art. 16 et 16a LAT ; art. 20 et ss LaLAT).

a. Aux termes de l'article 16 LAT, les zones agricoles servent à garantir la base d'approvisionnement du pays à long terme, à sauvegarder le paysage et les espaces de délassement et à assurer l'équilibre écologique ; elles devraient être maintenues autant que possible libres de toute construction (…).

b. Sont conformes à l'affectation de la zone agricole les constructions et installations qui sont nécessaires à l'exploitation agricole (art.16a al. 1 LAT), soit les constructions et installations qui sont destinées durablement à cette activité et aux personnes l'exerçant à titre principal (art. 20 al. 1 lett. a LaLAT). Les constructions doivent en outre respecter la nature et le paysage et les conditions fixées par les articles 34 et suivants de l'OAT (art. 20 LaLAT).

c. Sont conformes à l'affectation agricole les constructions qui servent au logement indispensable à l'entreprise agricole, y compris le logement destiné à la génération qui prend sa retraite (art. 34 al. 3 OAT). Sont autorisables, les constructions nécessaires à l'exploitation en question si aucun intérêt prépondérant ne s'oppose à l'implantation à l'endroit prévu et s'il est prévisible que l'exploitation pourra subsister à long terme (34 al. 4 OAT). Les constructions et installations qui servent à l'agriculture pratiquée en tant que loisir ne sont pas réputées conformes à l'affectation de la zone agricole (34 al. 5 OAT).

A cet égard, la jurisprudence concernant l'ancienne version de la LAT, en vigueur jusqu'au 31 août 2000, a gardé toute sa pertinence. Le Tribunal fédéral a précisé que les nouveaux articles 16 et suivants ainsi que 24 et suivants LAT n'avaient pas assoupli les conditions très restrictives auxquelles était soumise en zone agricole la construction d'un logement pour l'exploitant d'une entreprise agricole ou horticole (Arrêts du Tribunal fédéral 1A.105/2003 du 19 mars 2003 consid. 3 ; 1A.210/2000 du 1er mai 2001 consid. 4c ; P. ZEN-RUFFINEN, C. GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, Berne 2001, p. 239).

5. Il convient en premier lieu de déterminer si l'exploitation du recourant correspond à une "entreprise agricole" au sens du droit de l'aménagement du territoire.

a. La LAT ne définit pas expressément l'entreprise agricole mais la définition donnée par l'article 7 LDFR sert en général de référence (ZBl 3/1997 p. 134 ; Explications relatives à l'OAT, publiées en 2000/2001 par l'Office fédéral du développement territorial ; F. MEYER STAUFFER, La zone agricole, Journées suisses du droit de la construction, Fribourg 2001, p. 45). Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que les critères figurant à l'article 7 LDFR pouvaient être pris en compte pour définir l'entreprise agricole, pour autant que cela soit compatible avec les buts de l'aménagement du territoire et que ces critères ne soient pas appliqués schématiquement (ATF 121 II 307, consid. 5 d., p. 314). Il n'y avait pas lieu de poser d'autres exigences en droit de l'aménagement du territoire qu'en droit foncier rural tout en prenant en compte le fait que la LDFR et la LAT ne poursuivaient pas les mêmes buts (ZBl 3/1997 p. 135). Ainsi, la LDFR, au contraire de la LAT, n'accordait pas d'importance à la notion de rentabilité de l'exploitation mais uniquement à celle du temps consacré à l'agriculture (Y. DONZALLAZ, Quelques problèmes relatifs à la LDFR, in RVJ 1993, p. 367-368). Il s'ensuit que des indices quantitatifs peuvent être nécessaires pour déterminer si l'entreprise est en majeure partie dévolue à l'activité agricole. Ces indices sont notamment, la grandeur de l'exploitation, le temps consacré au travail agricole, le revenu qui en est retiré (Y. DONZALLAZ, op. cit., p. 368 ) ou encore, l'existence de paiements directs (AGVE 2003 p. 198).

b. L'article 7 alinéa 1 LDFR définit comme entreprise agricole, l'exploitation qui exige au moins 0,75 UMOS. Cette unité sert à saisir les besoins en travail de toute une exploitation à l'aide de facteurs standardisés (art. 3 al. 1 de l'ordonnance sur la terminologie agricole et la reconnaissance des formes d'exploitation du 7 décembre 1998 - OTerm - RS 910.91). Ainsi chaque type de surface agricole utile se voit attribuer un coefficient d'UMOS par hectare en fonction des cultures et du terrain ; de même chaque animal de rente se voit attribuer des UMOS par unité de gros bétail (UGB). Chaque animal est converti par un coefficient fixe dépendant par exemple de son âge, en unité de gros bétail (art. 27 OTerm).

En l'espèce, selon le rapport établi à la demande du recourant par l'association faîtière de l'agriculture genevoise, l'exploitation en cause requiert 0,52 UMOS, soit moins que le minimum exigé par la LDFR pour considérer l'exploitation comme une entreprise agricole.

Le législateur genevois, comme le lui permet l'article 5 LDFR, a réduit le nombre d'UMOS nécessaires pour appliquer les dispositions sur les entreprises agricoles de la LDFR à 0,5 UMOS (art. 3A de la loi d'application de la LDFR du 16 décembre 1993 - LALDFR - M 1 10).

Néanmoins, dans le cadre de l'examen de la conformité d'une construction en zone agricole aux exigences du droit de l'aménagement du territoire, l'application à des exploitations de dimension réduite, tel que prévu par le droit genevois, des dispositions de la LDFR relatives au entreprises agricoles, ne permet pas de considérer ipso facto toute exploitation requérant 0,5 UMOS comme étant une entreprise agricole au sens de la LAT comme cela n'est pas le cas non plus des entreprises agricoles requérant 0,75 UMOS, au vu de la jurisprudence exposée ci-dessus.

De plus, toute activité exercée dans le cadre d'une exploitation agricole et requérant des UMOS n'est pas nécessairement considérée comme une activité "agricole" au sens de l'aménagement du territoire. C'est notamment le cas de certaines des activités liées à la garde de chevaux. Chaque cheval détenu sur le domaine représente un certain nombre d'UGB qui génèrent des UMOS, alors même que l'activité prise en compte n'est pas forcément considérée comme conforme à l'affectation de la zone agricole au sens de la LAT.

6. a. L'élevage de chevaux considéré comme conforme dans le cadre d'une exploitation agricole peut se présenter sous deux formes  : détention de juments poulinières (et le cas échéant d'étalons reproducteurs) et élevage de poulains nés sur place ou appartenant à des tiers. Un tel élevage est considéré, en outre, comme dépendant du sol et donc conforme à l'affectation de la zone agricole, si la base fourragère produite par l'exploitation agricole est suffisante et si les animaux ne sont pas nourris de façon prépondérante avec du fourrage acheté (ATF 122 II 160 consid. 3c ; guide OFDT, pt 2.2).

b. Héberger, nourrir et offrir des surfaces d'ébats à un nombre limité de chevaux adultes appartenant à des tiers et pris en pension sont des activités admises en zone agricole à condition qu'elles soient exercées dans le cadre d'une exploitation agricole que cette dernière dispose d'une base fourragère suffisante et que l'exploitation agricole constitue, même sans la pension pour chevaux, une entreprise agricole au sens de l'article 7 alinéa 1 LDFR. Ces conditions permettent d'éviter que l'agriculture ne passe progressivement à l'arrière-plan et que l'exploitation agricole ne se transforme peu à peu en une entreprise commerciale (guide OFDT, pt 4). Le Tribunal fédéral a admis que la prise en pension de quatre chevaux appartenant à des tiers dans une exploitation agricole traditionnelle peut être considérée, dans le cadre de la LAT, comme une activité admissible en zone agricole pour autant que la production de fourrage soit suffisante (ATF 122 II 160 consid. 3b ; P. ZEN-RUFFINEN, C. GUY-ECABERT, op. cit., p. 240). Est également jugée conforme à l'affectation de la zone, la garde d'un cheval de sport en zone agricole, pour autant qu'il serve les besoins personnels de l'exploitant ou de sa famille (ZBl 1995 p. 178 ss).

7. L'exploitation du recourant comporte trois secteurs distincts : l'exploitation du sol par des cultures (8,95 ha), l'élevage de chevaux et la garde de chevaux en pension. Il convient donc de déterminer si l'activité purement agricole (culture, détention de juments poulinières et cas échéant, élevage de poulains), par opposition à l'activité commerciale (chevaux en pension), est suffisante pour constituer une entreprise de nature agricole au sens de la LAT.

En l'espèce, on constate d'une part, que seules 0,3706 UMOS (0,2506 relatives à la culture des 8,95 ha et 0,12 à l'élevage des quatre juments poulinières appartenant au recourant) sont nécessaires à l'exploitation agricole en tant que telle, les autres UMOS l'étant pour les six chevaux pris en pension. D'autre part, l'exploitation du recourant, hormis les chevaux pris en pension, comporte au plus 4 UGB (4 juments poulinières à 1 UGB selon le coefficient fixé dans l'annexe à l'article 27 OTerm). Si les juments ne sont ni portantes ni allaitantes, le coefficient est de 0,7 UGB, réduisant d'autant le nombre d'UGB à prendre en considération.

En cela, la situation du recourant se distingue clairement de celle examinée par le Tribunal fédéral dans l'ATF 121 II 307, que le recourant estime similaire. Le Tribunal fédéral avait jugé que la construction de maisons d'habitation pour les petites exploitations agricoles, même exploitées à titre accessoire, pouvait correspondre aux buts de l'aménagement du territoire. Dans l'espèce jugée, il s'agissait d'un domaine de 4,5 ha comprenant 9,5 UGB (11 bovins, 3 porcs, 25 poules et un cheval) et produisant un revenu annuel de CHF 21'000.-, correspondant à l'époque à 41% des besoins de la famille. La construction d'une maison d'habitation supplémentaire pouvait être envisagée dans ce cas, les parents de l'exploitant étant titulaires d'un droit d'habitation à vie sur la maison d'habitation existante et en l'absence d'habitation proche du domaine.

Selon le Tribunal fédéral, l'exploitation, quoique de taille réduite et représentant une activité accessoire, devait être considérée comme une "entreprise agricole" au sens de la LAT. Elle exigeait 2'200 heures annuelles de travail. Ce dernier chiffre dépassait de peu l'exigence minimale fixée par l'article 7 LDFR dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2003 pour qu'une exploitation soit considérée comme une entreprise agricole; le critère de 2'100 heures annuelles de travail a été remplacé depuis par l'exigence de 0,75 UMOS qui devrait être équivalent (FF 2002 V p. 4614). L'exploitation du recourant quant à elle, ne comporte, au mieux, que 4 UGB et nécessite 0,3706 UMOS, s'agissant de ses activités purement agricoles, soit moins de la moitié.

Finalement, dans le cas jugé par le Tribunal fédéral, l'entreprise générait un revenu appréciable, ce que les comptes d'exploitation produits par le recourant ne permettent pas de retenir en l'espèce, ceux-ci étant négatifs deux ans sur quatre et l'étant en moyenne sur cette période.

8. Le recourant se prévaut également du fait qu'il a reçu des paiements directs ce qui prouverait sa qualité d'agriculteur et devrait donc lui permettre d'habiter sur le lieu de l'exploitation.

Or, pour qu'un exploitant d'entreprise paysanne puisse toucher des paiements directs (art. 70 LAgr et art. 18 OPD), l'exigence en charge de travail minimale n'est que de 0,25 UMOS. Ainsi, l'existence de paiements directs, qui peut constituer un indice dans l'examen du caractère professionnel de l'exploitation (AGVE 2003 p. 197), n'est pas suffisante à elle seule pour prouver l'importance de l'exploitation sous l'angle du droit de l'aménagement du territoire. En outre, ce n'est pas la qualité d'agriculteur ou non du propriétaire qui détermine si une activité agricole est effectivement exercée sur le bien-fonds (ATA/608/2004 du 5 août 2004).

L'exploitation du recourant, vu sa dimension et la proportion des activités à caractère non agricole qu'elle comporte, ne peut être considérée comme une entreprise de nature agricole au sens des articles 16a LAT et 34 alinéa 3 OAT. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner plus avant les autres exigences posées par la LAT ou son ordonnance, voire même celle du caractère principal de l'activité agricole du recourant - compte tenu de son activité salariée à 100% - au sens de l'article 20 alinéa 1 lettre a LaLAT.

La construction envisagée ne peut ainsi être qualifiée de "logement indispensable à l'entreprise agricole" (art. 34 al. 3 OAT) et de ce fait n'est pas conforme à l'affectation de la zone. Une autorisation de construire selon le régime ordinaire ne peut être délivrée.

9. Reste à examiner si les conditions d'une autorisation dérogatoire au sens des articles 24 et suivants LAT et 27 LaLAT sont remplies.

a. En vertu de l'article 24 LAT des autorisations peuvent être délivrées pour de nouvelles constructions ou installations ou pour tout changement d'affectation si l'implantation de ces constructions ou installations hors de la zone à bâtir est imposée par leur destination et si aucun intérêt prépondérant ne s'y oppose. Ces conditions cumulatives sont reprises par l'article 27 LaLAT.

b. Seuls des critères objectifs sont déterminants pour l'examen de ces conditions à l'exclusion des préférences dictées par des raisons de commodité ou d'agrément (ATF 129 II 63 consid. 3.1 p. 68 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence, la condition de nécessité découlant d'une part de l'article 16a LAT et d'autre part celle de l'implantation imposée par la destination de l'article 24 LAT, ont pour l'essentiel la même portée ou la même signification s'agissant de la construction d'habitation en zone agricole (ATF 125 II 278 consid. 3a p. 281 ; 121 II 67 consid 3c p. 71).

L'élevage équin du recourant, qui pourrait justifier sa présence constante sur le domaine dans le cadre d'une entreprise agricole correspondant aux exigences des articles 16a LAT et 34 alinéa 3 OAT, ne peut la justifier en l'espèce, puisque la part de l'exploitation du recourant qui peut être qualifiée d'agricole n'a pas la dimension suffisante pour être reconnue comme "entreprise agricole" sous l'angle de la LAT. Il s'ensuit que le logement projeté qui n'est pas conforme à l'affectation de la zone, ne peut pas non plus être autorisé sur la base de l'article 24 LAT.

10. Au vu de ce qui précède, c'est à juste titre que la CCRMC a confirmé le refus d'autorisation de construire. Le recours ne peut être que rejeté.

11. Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 LPA), qui comprendront les frais de transport sur place à hauteur de CHF 35,95.

Il ne lui sera pas alloué d'indemnité de procédure.

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 février 2005 par Monsieur Gérald Giuriani contre la décision de la commission cantonale de recours en matière de constructions du 5 janvier 2005 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge du recourant un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il ne lui est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux articles 97 et suivants de la loi fédérale d'organisation judiciaire, le présent arrêt peut être porté, par voie de recours de droit administratif, dans les trente jours dès sa notification, par devant le Tribunal fédéral ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé en trois exemplaires au moins au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14 ; le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyen de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Marie-Claude de Rham-Casthélaz, avocate du recourant, à la commission cantonale de recours en matière de constructions ainsi qu’au département des constructions et des technologies de l'information.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :