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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3091/2006

ATA/292/2007 du 05.06.2007 ( LCR ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3091/2006-LCR ATA/292/2007

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 5 juin 2007

1ère section

dans la cause

 

 

 

 

Monsieur B______
représenté par Me Bénédict Fontanet, avocat

 

 

 

 

contre

 

 

 

 

SERVICE DES AUTOMOBILES ET DE LA NAVIGATION


 


1. Monsieur B______, né en 1974, est domicilié à Genève. Il est titulaire d’un permis de conduire de catégorie B délivré dans cette ville le 31 juillet 1992.

2. Le 17 juin 2006, à 03h00, il circulait en voiture sur le boulevard Helvétique en direction de la rue Ferdinand-Hodler. L’un de ses amis, Monsieur P______, avec lequel il avait passé la soirée à la fête de la musique, avait également pris sa voiture. Tous deux devaient se suivre, M. P______ devant déposer son véhicule au domicile de M. B______. Selon les différentes déclarations figurant au dossier, les deux automobilistes circulaient sur le boulevard Helvétique, M. P______ sur la voie de circulation de droite et M. B______ sur celle de gauche. Ils ont, selon des témoins, cherché à faire la course ce que les deux intéressés ont contesté.

Sur la droite de M. P______ se trouvait un scooter dont le conducteur avait freiné. Surpris par cette manœuvre, M. P______ avait freiné à son tour pour éviter une collision mais sans y parvenir. Il avait heurté l’arrière du scooter. Suite à ce choc, le conducteur du motocycle était tombé sur la chaussée.

M. B______ ayant poursuivi sa route sans remarquer cet accident, il en avait été informé par M. P______ lequel lui avait téléphoné pour l’informer qu’il était impliqué dans un accident avec un scootériste mais que ce n’était pas trop grave. M. B______ a indiqué être revenu sur les lieux mais, constatant qu’il y avait déjà beaucoup de personnes sur place, il avait regagné son domicile.

3. Une procédure pénale a été ouverte contre M. P______ (P/9446/2006) dans le cadre de laquelle M. B______ n’a pas été entendu.

4. Par décision du 25 juillet 2006, le service des automobiles et de la navigation (ci-après  : SAN) a retiré le permis de conduire de M. B______ pour six mois en considérant que l’intéressé avait circulé à une vitesse inadaptée aux circonstances ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité le 17 juin à 03h00, qu’il faisait la course avec une autre voiture à une vitesse totalement inadaptée aux conditions du trafic et de la circulation. Il s’agissait d’une infraction grave aux règles de la circulation routière au sens de l’article 16c alinéa 1 LCR. La durée minimale du retrait de permis de conduire était de trois mois (art. 16c al. 2 litt. a LCR). De plus, M. B______ ne pouvait pas justifier d’une bonne réputation puisqu’il avait fait l’objet d’un retrait de permis d’une durée de deux mois prononcé le 28 mai 2003 dont l’exécution avait pris fin le 15 septembre 2003. Enfin, il n’avait pas présenté d’observations dans le délai que le SAN lui avait fixé et ne justifiait pas davantage d’un besoin professionnel de conduire.

Le SAN a exposé que, pour toutes ces circonstances et notamment l’antécédent précité, il s’était écarté du minimum légal.

5. Par acte déposé le 28 août 2006 auprès du Tribunal administratif, M. B______ a recouru contre cette décision en concluant à son annulation et au prononcé d’un retrait de permis d’un mois.

Il contestait les déclarations des témoins qui avaient allégué que M. P______ et lui-même faisaient la course et circulaient à une vitesse estimée entre 100 et 120 km/h sur le boulevard Helvétique. A la requête du conseil de M. B______, le SAN a fourni des explications complémentaires le 21 août 2006 s’agissant de la prise en compte des antécédents. Il admettait qu’aucun mécanisme de récidive n’avait été appliqué en l’espèce et que la durée minimale du retrait était de trois mois. Il avait toutefois majoré cette durée minimale pour tenir compte de la gravité des faits d’une part et de l’existence d’un antécédent grave en matière d’excès de vitesse, d’autre part.

Le recourant se disait choqué par la décision du SAN, insuffisamment motivée, et qui violait de plus le principe de proportionnalité ainsi que le droit à la preuve. En effet, la vitesse à laquelle il avait circulé ne pouvait pas être établie de manière certaine. La motivation de la décision était confuse et omettait de préciser les dispositions légales de l’ancien droit qui avaient permis au SAN de fonder sa décision.

Pour le recourant, cette incertitude quant à la vitesse exacte à laquelle il roulait aurait dû inciter l’autorité intimée à qualifier l’infraction de moyennement grave et à s’en tenir au minimum légal s’agissant de la durée du retrait de permis, à savoir un mois.

6. Le 6 octobre 2006, les parties ont été entendues lors d’une audience de comparution personnelle. Il a été convenu d’attendre l’issue de la procédure pénale.

7. Le 16 octobre 2006, le juge délégué a prié le juge d’instruction en charge de la procédure P/9446/2006 dirigée contre M. P______ de bien vouloir transmettre son dossier en prêt.

8. Le 23 octobre 2006, le juge délégué a fait parvenir aux parties une copie de l’ordonnance de condamnation rendue par le juge d’instruction le 28 septembre 2006 dans le cadre de la procédure pénale précitée à l’encontre de M. P______. Ce dernier a été reconnu coupable de conduite en état d’ébriété et de violation grave des règles de la circulation routière au sens des articles 91 chiffre 1 et 90 chiffre 2 LCR. Cette ordonnance est devenue définitive puisqu’elle n’a pas fait l’objet d’une opposition.

9. Le juge délégué a prié le conseil du recourant de bien vouloir lui faire parvenir l’avis de contravention qu’il avait reçu afin de s’assurer des dispositions légales retenues par ledit service.

A la requête du juge délégué, le service des contraventions a répondu le 5 janvier 2007 qu’un avis de contravention avait été notifié au recourant le 12 décembre 2006 et qu’il n’était donc pas définitif.

10. Le 23 janvier 2007, le conseil du recourant a exposé que son mandant n’avait pas fait opposition à l’avis de contravention qu’il produisait, portant sur un montant total de CHF 2’060.-. Cette contravention, fondée sur les articles 26, 32 et 90 LCR ainsi que 4 OCR visaient la vitesse inadaptée aux circonstances ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation, de la visibilité avec mise en danger mais non une vitesse excessive.

Par ailleurs, dans le cadre de la procédure pénale ouverte contre M. P______, M. B______ n’avait pas été entendu en qualité de témoin.

La vitesse à laquelle il circulait avait été estimée par un piéton et non déterminée au moyen d’un instrument de mesure. Cette estimation violait le droit à la preuve car un piéton n’était pas à même d’apprécier la vitesse. Les instructions techniques relatives aux contrôles de vitesse édictées par l’Office fédéral des routes prévoyaient en particulier au point 12 qu’"il n’est pas admis d’effectuer des contrôles de vitesse au moyen d’un véhicule qui précède le véhicule contrôlé ou au moyen de chronomètres manuels, ni de faire de simples estimations de la vitesse, sans possibilités de comparaison".

Le délai pour contester la contravention étant échu, M. B______ priait le Tribunal administratif de reprendre l’instruction de la cause et persistait dans l’intégralité de ses conclusions.

11. Quant au SAN, il a indiqué le 12 février 2007 maintenir sa décision puisqu’il n’avait pas reproché au recourant de circuler à une vitesse excessive mais bien à une vitesse inadaptée.

Le 20 février 2007, le courrier du SAN a été transmis au conseil du recourant avec la mention que la cause était gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 litt. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. A l’intérieur d’une localité, la vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre 50 km/h lorsque les conditions de la route, de la circulation et de la visibilité sont favorables (art. 4a al. 1 lettre a de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 - OCR - RS 141.11 ; ATF 121 II 127).

3. Tout conducteur a l’obligation de toujours adapter sa vitesse aux circonstances, en particulier aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité (art. 32 al. 1 LCR). Il doit se comporter dans la circulation de manière à ne pas gêner ni mettre en danger ceux qui utilisent la route conformément aux règles établies (art. 26 al. 1 LCR).

4. Lorsque la qualification de l’acte ou la culpabilité sont douteuses, il convient de statuer sur le retrait du permis de conduire après seulement que la procédure pénale est achevée par un jugement en force. Fondamentalement en effet, il appartient au juge pénal de se prononcer sur la réalisation d’une infraction. Le juge administratif ne peut alors s’écarter du jugement pénal que s’il est en mesure de fonder cette décision sur des constatations de fait inconnues du juge pénal ou que celui-ci n’a pas prises en considération, s’il existe des preuves nouvelles dont l’appréciation conduit à un autre résultat, si l’appréciation à laquelle s’est livré le juge pénal se heurte clairement aux faits constatés, ou si le juge pénal n’a pas élucidé toutes les questions de droit, en particulier celles qui touchent à la violation des règles de la circulation. En effet, il convient d’éviter le plus possible que la sécurité du droit ne soit mise en péril par des jugements opposés fondés sur les mêmes faits (ATF 109 Ib 203 et jurisprudence citée ; ATA/228/2007 du 8 mai 2007).

Selon la jurisprudence toutefois, "tel est le cas surtout lorsque le jugement pénal a été rendu au terme d’une procédure publique ordinaire au cours de laquelle les parties ont été entendues et des témoins interrogés (ATF 119 Ib 158 consid. 3c/aa p. 164). Tel n’est toutefois pas le cas en l’espèce puisque le prononcé pénal rendu à l’encontre du recourant est un simple avis de contravention comportant la seule mention des infractions imputées au recourant et des dispositions légales appliquées.

Néanmoins, le principe selon lequel l’autorité administrative ne peut s’écarter des faits retenus au pénal s’applique également, à certaines conditions, lorsque la décision a été rendue à l’issue d’une procédure sommaire, par exemple si la décision pénale se fonde uniquement sur le rapport de police. C’est notamment le cas lorsque la personne impliquée savait ou aurait dû prévoir, en raison de la gravité des faits qui lui sont reprochés, qu’il y aurait également une procédure de retrait de permis et qu’elle a néanmoins omis, dans le cadre de la procédure pénale, de faire valoir ses droits ou qu’elle y a renoncé. Dans ces circonstances, on considère que la personne impliquée est tenue, selon les règles de la bonne foi, de faire valoir ses griefs dans le cadre de la procédure pénale (sommaire), cas échéant en épuisant les voies de droit à sa disposition, et qu’elle ne peut donc pas attendre la procédure administrative pour présenter ses arguments (ATF 123 II 97 consid. 3c/aa p. 104 ; 121 II 214 consid. 3a p. 217 s)" (Arrêt du Tribunal fédéral 6A.21/2006 du 15 janvier 2006).

5. En l’espèce, M. B______ a fait l’objet d’une contravention qu’il n’a pas contestée. Une telle décision n’a certes pas la valeur d’un jugement rendu par un tribunal et la contravention produite ne précise pas si elle repose sur l’article 90 chiffre 1 ou l’article 90 chiffre 2 LCR.

6. En l’espèce, il appartient au tribunal de céans d’apprécier, au vu des éléments figurant au dossier, si M. B______ a commis une infraction grave au sens de l’article 16c alinéa 1 LCR, comme l’a retenu l’autorité intimée.

Sur le boulevard Helvétique sur lequel circulait l’intéressé le 17 juin 2006, la vitesse est limitée à 50 km/h.

Il est constant que la vitesse à laquelle roulait le recourant n’a pas été mesurée par un moyen technique. Il résulte toutefois de la déclaration qu’il a lui-même faite à la gendarmerie le 20 juin 2006 qu’il circulait sur ce boulevard dans la voie de gauche "au-dessus de la vitesse autorisée" étant précisé qu’il a estimé cette vitesse à 80 km/h. Il a déclaré également ne pas se souvenir s’il avait dépassé une voiture.

Un autre automobiliste qui circulait sur le même boulevard dans la voie de droite, à une vitesse qu’il a indiqué être de 60 km/h, a déclaré avoir été dépassé par deux véhicules roulant à vive allure, l’un étant celui de M. P______ et l’autre, celui de M. B______. Selon ce témoin, la vitesse des ces deux véhicules au moment où ils l’avaient dépassé se situait entre 100 à 120 km/h. Ce témoin a déclaré que selon lui, ces deux véhicules faisaient la course.

Cette même appréciation a été portée par un piéton qui se trouvait alors sur le pont St-Victor surplombant le boulevard Helvétique. Ce témoin a constaté que le conducteur de la Porsche, (soit M. P______) avait ensuite percuté violemment un scooter qui se tenait dans la voie de circulation de droite.

M. P______ n’a, devant la police, donné aucune estimation de la vitesse qui était la sienne pas plus que de celle de M. B______. Cependant, M. P______ n’a pas fait opposition à l’ordonnance de condamnation du 28 septembre 2006 aux termes de laquelle il lui a été reproché non seulement d’avoir conduit sous l’effet de l’alcool mais d’avoir fait la course avec le véhicule conduit par le recourant avant de heurter un scooter.

Même si aucune mesure technique de la vitesse de M. B______ n’a été effectuée, il résulte de tous ces éléments qu’un faisceau d’indices suffisant permet de considérer que M. B______ roulait à une vitesse inadaptée aux circonstances et qu’il a de ce fait contrevenu aux articles 26, 32 et 90 chiffre 1 LCR de même qu’à l’article 4a OCR.

Il ne saurait toutefois être établi de la description des faits qui précèdent qu’il a également mis en danger d’autres usagers, comme l’a fait M. P______, mais bien qu’il en a pris le risque.

7. En conséquence, le tribunal de céans retiendra que M. B______ n’a pas commis une infraction grave mais bien une infraction moyennement grave au sens de l’article 16b alinéa 1 lettre a LCR.

8. Le 1er janvier 2005, de nouvelles dispositions relatives au retrait du permis de conduire sont entrées en vigueur (RO 2002 p., 27, 67 et ss). Toutefois, selon les dispositions transitoires de la novelle, cette dernière ne s’applique qu’aux infractions aux dispositions sur la circulation routière commises après son entrée en vigueur. Chaque fois qu’une cascade potentielle se fonde sur un antécédent décidé sous l’ancien droit, il convient de se demander quelle eût été la mesure à prononcer si la loi n’avait pas changé. Si l’ancien droit est plus favorable, il y a lieu d’appliquer les anciennes dispositions sur la récidive en vertu du principe de la lex missior (MISEL, Les nouvelles dispositions légales sur le retrait de permis in RDAF 2004 I p. 361 et ss notamment 423 et ss ; ATA/231/2007 du 8 mai 2007).

Le recourant a fait l’objet d’un retrait de permis de deux mois prononcé le 28 mai 2003 en raison d’une infraction grave étant précisé que l’exécution de cette mesure a pris fin le 15 septembre 2003.

En l’espèce, la fin de la mesure précédente remonte à plus de deux ans avant le 17 juin 2006 de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’en tenir compte qu’il soit fait application de l’ancien ou du nouveau droit s’agissant de la récidive. Au vu de l’ensemble des circonstances, le SAN aurait dû prononcer à l’encontre de M. B______ un retrait de permis d’un mois correspondant au minimum légal (art. 16b al. 2 litt a LCR).

9. Le recours sera admis. La décision attaquée sera réformée. Un retrait de permis d’un mois sera prononcé à l’encontre de M. B______ en lieu et place du retrait de permis de six mois.

10. Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument. Une indemnité de procédure de CHF 500.- sera allouée au recourant à charge de l’Etat de Genève (art. 87 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 août 2006 par Monsieur B______ contre la décision du service des automobiles et de la navigation du 25 juillet 2006 lui retirant son permis de conduire pour une durée de six mois ;

au fond :

l’admet ;

réduit à un mois la durée de la mesure ;

dit qu’il ne sera pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 500.- au recourant, à la charge de l’Etat de Genève ;

dit que, conformément aux articles 82 et suivants de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'article 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Bénédict Fontanet, avocat du recourant, au service des automobiles et de la navigation ainsi qu’à l'office fédéral des routes à Berne.

Siégeants : M. Paychère, président, Mmes Hurni et Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

C. Del Gaudio-Siegrist

 

le président :

 

 

F. Paychère

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :