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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4055/2013

ATA/15/2014 du 08.01.2014 ( EXPLOI ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4055/2013-EXPLOI ATA/15/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 8 janvier 2014

sur mesures provisionnelles

dans la cause

 

 

Monsieur S______
représenté par Me Thierry Sticher, avocat

 

contre

 

SERVICE DU COMMERCE

 



Attendu, en fait, que :

1) Monsieur S______ a obtenu du service du commerce (ci-après : Scom), rattaché depuis le 11 décembre 2013 au département de la sécurité et de l’économie (ci-après : DSE) , l’autorisation d’exploiter un cabaret-dancing à l’enseigne « X______ », situé ______, chemin des Y______ à Genève.

2) Le 8 mai 2013, il a sollicité l’autorisation d’exploiter un deuxième cabaret-dancing à l’enseigne « Z______ », situé ______, rue A______ à Genève.

3) Par une décision unique du 22 novembre 2013, le Scom a refusé d’autoriser M. S______ à exploiter le cabaret-dancing « Z______ ». Dans la même décision, il a constaté la caducité de l’autorisation d’exploiter le cabaret-dancing « X______ » accordée le 10 juillet 2006. M. S______ ne présentait pas le caractère honorable exigé par la loi, en raison, d’une part, d’une condamnation par ordonnance pénale du Ministère public du canton de Genève du 9 mars 2012 pour usure au sens de l’art. 157 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) à une peine pécuniaire de cent-vingt jours-amende à CHF 50.- avec sursis pendant un délai d’épreuve de trois ans et à une amende de CHF 1'500.-, auxquelles s’ajoutaient deux rapports de dénonciation des 13 avril et 28 juin 2012 pour infraction à la loi sur la restauration, le débit de boissons et l’hébergement du 17 décembre 1987 (LRDBH - I 2 21), établis en raison de la présence constatée de mineurs dans un cabaret. La condamnation pour usure de M. S______ était liée à la sous-location à des prostituées de studios dans un immeuble du quartier des Pâquis pour un montant de loyer dépassant largement les 20 % à 30 % de majoration du loyer initial, par l’exploitation de leur dépendance.

4) Le 16 décembre 2013, M. S______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du Scom du 22 novembre 2013 précitée, concluant à son annulation, au maintien d’exploiter le « X______ » et à la délivrance de l’autorisation d’exploiter l’établissement « Z______ ». Préalablement, il sollicitait, sur mesures provisionnelles, l’octroi immédiat de l’autorisation d’exploiter ce dernier établissement.

Sur le fond, il expliquait avoir ignoré les principes jurisprudentiels et doctrinaux qui avaient conduit le Ministère public à retenir à son encontre l’existence d’un cas d’usure. Concernant la présence de mineurs au « X______ », il avait pris les mesures nécessaires pour prévenir cet état de fait. Le refus de délivrer l’autorisation d’exploiter l’établissement de la rue A______ lui causait un préjudice économique important.

5) Le 6 janvier 2014, le Scom a conclu au rejet de la requête de mesures provisionnelles. Les conditions de l’ordonnance de telles mesures n’étaient pas réunies. Autoriser de délivrer provisoirement l’autorisation d’exploiter le cabaret-dancing « Z______ » conduirait à anticiper le jugement définitif, étant précisé que, vu les art. 4 et 5 al. 1 let. d LRDBH, le Scom était fondé à refuser à M. S______ l’autorisation d’exploiter requise.

Considérant, en droit, que :

1) La compétence pour ordonner, d’office ou sur requête, des mesures provisionnelles en lien avec un recours appartient au président de la chambre administrative (art. 21 al. 1 et 66 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 7 ch. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 21 décembre 2010).

2) Sauf disposition légale contraire ou décision de retrait prise par l’autorité compétente, le recours a effet suspensif (art. 66 al. 1 LPA). En l’espèce, le recours interjeté par M. S______ contre la décision constatant la caducité de l’autorisation d’exploiter le cabaret-dancing « X______ » du 10 juillet 2006 a suspendu de jure les effets du volet de son dispositif en rapport avec cet établissement public.

3) Selon la jurisprudence et la doctrine, un effet suspensif ne peut être restitué lorsque le recours est dirigé contre une décision négative, soit contre une décision qui porte refus d’une prestation. La fonction de l’effet suspensif est de maintenir un régime juridique prévalant avant la décision contestée. Si, sous le régime antérieur, le droit ou le statut dont la reconnaissance fait l’objet du contentieux judiciaire n’existait pas, 1’effet suspensif ne peut être restitué car cela reviendrait à accorder au recourant d’être mis au bénéfice d’un régime juridique dont il n’a jamais bénéficié (ATF 127 II 132 ; 126 V 407 ; 116 Ib 344 ; ATA/84/2009 du 9 avril 2009 ; P. WEISSENBERG / A. HIRZEL, Der suspensiveffekt und andere vorsorgliche Massnahme, p. 166 in I. HAENER / B. WALDMANN, Brennpunkte im Verwaltungsprozess, Fribourg 2013 ; U. HÄFELIN / G. MÜLLER / F. UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010 n. 1800 ; P. MOOR / E. POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2010, p. 814 n. 5, 8. 3. 3).

Le refus d’accorder l’autorisation d’exploiter le cabaret-dancing « Z______ » constituant une décision de nature purement négative, c’est à juste titre que le recourant n’a pas conclu à la restitution d’un tel effet suspensif, seule pouvant entrer en considération à ce stade du contentieux l’ordonnance de mesures provisionnelles au sens de l’art. 21 LPA.

4) A teneur de l’art. 21 LPA, l’autorité administrative peut ordonner, d’office ou sur requête, des mesures provisionnelles lorsqu’il est nécessaire de régler provisoirement la situation en cause jusqu’au prononcé de la décision finale.

5) Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/744/2013 du 7 novembre 2013 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2). Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (arrêts précités ; T. TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 290 n. 846). Dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (I. HAENER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungs-verfahren und Verwaltungsprozess, RDS 1997 II 253-420, 265).

6) En l’espèce, le recourant sollicite que, par le biais de mesures provisionnelles, l’autorisation d’exploiter le cabaret-dancing « Z______ » lui soit délivrée sans attendre l’issue de la procédure de recours. Lui accorder ce droit reviendrait à obtenir de la chambre administrative qu’elle lui accorde immédiatement ce que l’autorité administrative lui a refusé, qui fait l’objet du fond du contentieux judiciaire. C’est exactement le type de mesures provisionnelles proscrites par la jurisprudence et la doctrine précitées. La requête en délivrance de ladite autorisation ne peut qu’être refusée.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette la demande en mesures provisionnelles du 16 décembre 2013 formée dans le cadre du recours interjeté par Monsieur S______ contre la décision du service du commerce du 22 novembre 2013 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision, en copie, à Me Thierry Sticher, avocat du recourant, ainsi qu’au service du commerce.

 

 

Le président :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :