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A/3555/2021

ATA/1217/2021 du 12.11.2021 sur JTAPI/1072/2021 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3555/2021-MC ATA/1217/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 novembre 2021

en section

 

dans la cause

 

M. A______
représenté par Me Mathieu Jacquerioz, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 octobre 2021 (JTAPI/1072/2021)


EN FAIT

1) Le 10 mars 2014, M. A_______ (également connu sous d'autres identités, dont celle de B_______), né le ______ 1981, originaire d'C_______, dépourvu de tout document d'identité, s'est vu notifier une décision de renvoi de Suisse, immédiatement exécutoire, par l'office cantonal de la population et de migrations (ci-après : OCPM). Il a fait l'objet d'une interdiction d'entrée en Suisse, notifiée le 8 décembre 2014, valable jusqu'au 7 décembre 2019.

2) La demande de soutien en vue de l'exécution de son renvoi, initiée en novembre 2010, a abouti à son identification par les autorités C_______ en octobre 2014.

3) Les 6 septembre 2014 et 24 juillet 2015, il s'est vu notifier deux décisions lui faisant interdiction de pénétrer dans le centre-ville de Genève pour une durée de respectivement six et douze mois, en raison du trafic de stupéfiants auquel il se livrait.

4) Entre le 14 novembre 2012 et le 15 juin 2016, il a été condamné à dix reprises pour entrée illégale, séjour illégal, vol d'usage d'un véhicule automobile, opposition aux actes de l'autorité, contravention et délit contre la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée et recel.

5) Le 12 octobre 2016, alors qu'il faisait l'objet d'un mandat de recherche et d'arrestation, il a été interpellé par la police genevoise à la suite d’une agression au couteau. Il était en possession de 20,8 g de haschich, destinés selon lui à sa consommation. Il a indiqué être arrivé en Suisse en 2012, en provenance d'Italie, dans le but de trouver du travail, n'avoir aucun lieu de résidence fixe en Suisse et ne pas disposer des ressources financières permettant son retour en C_______, où il n'avait d'ailleurs pas l'intention de retourner. Une amie intime et des amis – dont il n'a pas voulu révéler l'identité – subvenaient à ses besoins. Il a été prévenu de tentative de meurtre, de lésions corporelles graves et d'infraction à la LStup et à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20 ; à l'époque dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr), puis incarcéré.

6) Par arrêt du 29 novembre 2017, la chambre pénale d'appel et de révision (ci-après : CPAR) de la Cour de justice a rejeté l'appel qu'il avait formé contre le jugement rendu à son encontre le 29 juin 2017 par le Tribunal correctionnel, lequel l'avait reconnu coupable de tentative de meurtre, dommages à la propriété et infractions à la LEI et condamné à une peine privative de liberté de quatre ans, tout en ordonnant son expulsion de Suisse pour une durée de dix ans, ainsi que son maintien en détention pour des motifs de sûreté.

La CPAR a considéré que sa faute était grave, voire très grave, dès lors qu'il s'en était pris à la vie d'une personne, même sous la forme d'une tentative, que des circonstances indépendantes de sa volonté avaient permis d'éviter la consommation de l'infraction et qu'il avait agi pour un mobile futile et avec facilité, donnant satisfaction à sa pulsion d'agressivité dans le cadre du conflit qui l'opposait à la partie plaignante. Sa collaboration avait été mauvaise, tout comme la prise de conscience de ses actes, étant relevé que, lors de l'audience d'appel, il n'avait pas exprimé le moindre regret envers la victime et mis surtout en avant le conflit qui continuait de les opposer, observant qu'il n'était pas lui-même source de problème. S'agissant de la mesure d'expulsion, elle a relevé qu'il n'avait aucun lien avec la Suisse et qu'aucun intérêt prépondérant ne justifiait d'y renoncer.

7) Le 20 mai 2019, le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après : TAPEM) a refusé sa libération conditionnelle.

8) Au vu des déclarations qu'il avait faites dans le cadre de l'examen relatif à sa libération conditionnelle (soit qu'il souhaitait se rendre à Marseille chez son amie), la police a demandé au centre de coopération policière et douanière s'il était titulaire d'une autorisation de séjour en France. Les autorités françaises ont indiqué, le 10 février 2020, qu'elles ne disposaient d'aucune information à son sujet.

9) Le 13 mai 2020, il a été procédé à la réservation, en sa faveur, d'une place sur un vol à destination d'D_______.

10) Par jugement du 18 mai 2020, le TAPEM a à nouveau refusé la libération conditionnelle.

La commission de dangerosité n'avait pas été saisie, le service d'application des peines et des mesures (ci-après : SAPEM) ayant considéré qu'il présentait une dangerosité, y compris pour une libération conditionnelle suspendue à son expulsion, dans le sens, notamment, où il avait déjà bénéficié d'un élargissement anticipé le 27 décembre 2013, que son parcours pénal démontrait un ancrage dans la délinquance, qu'il avait fait globalement preuve d'un comportement transgressif à l'égard du règlement de l'établissement (neuf sanctions disciplinaires, dont trois pour des bagarres) et que son introspection était inexistante. Considérant que le risque de récidive apparaissait très élevé, ce d'autant plus que sa situation personnelle, faute d'effort de sa part, demeurait inchangée et que son projet de s'établir à Marseille, alors même qu'il ne détenait aucun titre de séjour en France, était irréaliste, le pronostic relatif à son comportement futur, une fois en liberté, était clairement défavorable.

11) Par courrier du 6 octobre 2020, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a informé l'OCPM de sa convocation à un entretien consulaire – indispensable en vue de la délivrance d'un laissez-passer – devant se dérouler à Berne le 21 octobre 2020. Selon le SEM, Air C_______ avait planifié la reprise de ses vols au départ de Genève à compter du 29 octobre 2020.

12) À sa sortie de prison, le 14 octobre 2020, M. A_______ a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement hors de Suisse.

13) Le même jour, l’OCPM lui a notifié une décision de non-report de son expulsion judiciaire, après qu'il avait pu s'exprimer à cet égard.

14) Le même jour encore, le commissaire de police a ordonné sa mise en détention administrative pour une durée d'un mois, afin que les différentes démarches nécessaires à l'exécution de son expulsion, à savoir, en premier lieu, sa présentation à l'entretien consulaire prévu le 21 octobre 2020, puissent être accomplies. L’intéressé avait précédemment déclaré qu'il n'était pas d'accord de retourner en C_______.

15) Par jugement du 16 octobre 2020, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a confirmé la mise en détention.

La représentante du commissaire de police avait notamment indiqué qu'il n'y avait pas eu de vol pour l'C_______ depuis le mois de mars 2020. Le 13 mai 2020, la police avait sollicité une place sur un vol pour procéder à son refoulement, mais n'avait pas reçu de confirmation. Elle avait pris contact avec le SEM, qui lui avait confirmé que les vols à destination de l'C_______ allaient reprendre le 29 octobre 2020. L'audition consulaire du 21 octobre 2020 était la première mise en place depuis février 2020 ; elle concernait trois personnes dépendant du canton de Genève. Une fois la reprise des vols confirmée, le SEM contacterait les cantons, afin de désigner les personnes pouvant être encore renvoyées, étant souligné que certaines personnes avaient dû être remises en liberté ; les personnes détenues étaient prioritaires.

16) Le 16 octobre 2020, le SEM a fait savoir à l’OCPM que le consulat d'C_______ avait annoncé le même jour le report de l'audition prévue le 21 octobre 2020.

17) Par courrier électronique du 27 octobre 2020, le SEM a indiqué à l'OCPM que les entretiens consulaires avec l'C_______ étaient suspendus jusqu'à nouvel avis.

18) Le 29 octobre 2020, l’OCPM a ordonné la mise en liberté de M. A_______.

19) Par décision du même jour, prise en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a fait interdiction à ce dernier de quitter le territoire de la commune de E_______, tel que délimité par le plan annexé, pour une durée de vingt-quatre mois.

20) Devant le TAPI, son avocate a indiqué, le 30 octobre 2020, qu'elle avait rencontré son client la veille. S'il ne comparaissait pas à l'audience, il avait pu lui exposer les motifs de son opposition. Il ne s'opposait pas, en soi, à une mesure d'assignation à un périmètre. Il souhaitait toutefois que celle-ci ne soit pas limitée à la commune de E_______, mais au canton de Genève, afin, en particulier, de pouvoir se rendre, quand il le souhaitait, auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et non pas seulement sur la base d'un rendez-vous. Il estimait également la durée de la mesure disproportionnée. Elle a versé à la procédure un chargé de quatre pièces, notamment des documents médicaux.

Le représentant du commissaire de police a expliqué que l’intéressé pouvait se rendre à tous les rendez-vous médicaux, sans sauf-conduit, à condition qu'il disposât d'une convocation. Il s'agissait de la pratique usuelle. Pour des besoins plus spécifiques, il lui était possible d'obtenir un sauf-conduit. Il devait en faire la demande préalablement au commissaire de police.

21) Par jugement du 30 octobre 2020, le TAPI a confirmé la mesure d'assignation, mais en a réduit sa durée à douze mois.

M. A_______ séjournait illégalement en Suisse depuis six ans, faisait l'objet d'une décision de renvoi et d'une mesure d'expulsion pénale d'une durée de dix ans. Il n'avait pas respecté la décision qui lui avait fait interdiction de pénétrer au centre-ville de Genève et avait menti aux autorités quant à son identité, afin de faire obstacle à son renvoi. Il avait par ailleurs été condamné à de très nombreuses reprises, en particulier pour tentative de meurtre, soit une infraction mettant gravement en danger la vie ou l'intégrité corporelle d'autres personnes et un crime.

Au vu de son comportement et de ses déclarations devant le commissaire de police et le TAPI, il n'avait non seulement aucune intention de se plier aux décisions et de regagner son pays d'origine, mais encore n'entendait pas coopérer avec les autorités. Il remplissait ainsi incontestablement les conditions posées par l'art. 74 al. 1 let. a et b LEI. Il s'imposait ainsi en vue de protéger l'ordre et la sécurité publics, de l'éloigner des lieux notoirement connus en matière d'actes répréhensibles et de prévenir ainsi la commission d'infractions, mais aussi de l'assigner à un lieu de résidence et de lui faire interdiction de quitter le territoire de la commune s'y rapportant pour permettre son refoulement

La commune de E_______ disposait d'un large territoire sur lequel il jouirait d'une liberté de mouvement totale et de toute l'infrastructure utile, notamment pour y entretenir des relations sociales.

La durée de la mesure, tenant compte de son comportement, de l'intérêt public en jeu et des difficultés auxquelles les autorités suisses étaient confrontées pour exécuter son refoulement, était toutefois réduite à douze mois, conformément au principe de la proportionnalité. Une nouvelle mesure d'assignation pourrait au besoin être requise.

22) Par courrier du 6 octobre 2021, le SEM a indiqué à l'OCPM que l'entretien consulaire à Berne était prévu « prochainement » et que la convocation lui serait « transmise le moment venu ».

23) Le 18 octobre 2021, l'OCPM a sollicité la prolongation de la mesure d'assignation pour une nouvelle durée de douze mois.

24) Lors de l’audience, qui s’est tenue le 20 octobre 2021 devant le TAPI, la représentante de l'OCPM a indiqué que les entretiens consulaires avec les autorités C_______ avaient été suspendus pendant une longue période. Certaines personnes avaient été auditionnées avant l’été. Ces entretiens avaient ensuite à nouveau été suspendus. Ils étaient supposés reprendre en octobre 2021. Ils étaient organisés entre le SEM et les autorités C_______, le SEM transmettant ensuite les convocations aux autorités cantonales. Elle ne disposait pas de date plus précise quant au déroulement de l’audition de M. A_______. Il ne lui était pas possible de relancer le SEM, qui lui avait répondu le 6 octobre 2021. Il n’y avait pas de vols disponibles à destination de l’C_______, sauf pour les personnes disposées à y retourner volontairement et en possession d’un passeport. Ces vols avaient été totalement suspendus depuis mars 2020 et avaient dernièrement repris, mais seulement pour les personnes titulaires d’un passeport en cours de validité. Les autorités C_______ procéderaient à l’audition de M. A_______, puis indiqueraient si elles étaient disposées à délivrer un laissez-passer et, le cas échéant, émettraient celui-ci lorsque les vols pourraient reprendre.

M. A_______ a déclaré qu'il séjournait toujours au foyer F_______. Il n’avait pas sollicité de sauf-conduit au cours de l’année écoulée. Il n'avait pas une seule fois eu affaire aux autorités judiciaires pendant cette même période. Il ne supportait plus sa vie au foyer F_______ et la mentalité des gens qui y logeaient. Il ne pouvait rien faire d'autre que d'y rester. Il ne pouvait pas voir son amie ou aller chez le coiffeur, par exemple. La mesure d’assignation était pour lui très difficile à supporter.

La représentante de l'OCPM a relevé que la mesure en cause reposait sur les lettres a et b de l'art. 74 al. 1 LEI. L'art. 7 al. 1 let. b de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), prévoyant une durée maximale de six mois pour la prolongation d'une telle mesure, était obsolète, car il ne tenait pas compte de la jurisprudence, qui admettait des durées allant jusqu'à vingt-quatre mois pour les mesures fondées sur l'art. 74 LEI, lequel n'imposait d'ailleurs pas de limite à cet égard.

M. A_______ a conclu au rejet de la requête, à la levée immédiate de la mesure et, subsidiairement, à ce que celle-ci ne soit prolongée que pour une durée de trois mois au maximum. Si la réalisation des motifs prévus par l'art. 74 al. 1 let. a et b LEI n'était pas contestable, la prolongation se heurtait au principe de la proportionnalité, s'agissant tant de l'aptitude de la mesure que de sa durée. Elle ne se justifiait plus, dès lors que son retour en C_______ n'était pas possible, même sur une base volontaire, puisqu'il ne disposait pas d'un passeport. En outre, le 30 octobre 2020, le TAPI avait limité la durée de la mesure à douze mois, alors même que les entretiens consulaires étaient suspendus. Or, ceux-ci avaient repris et son audition était prévue prochainement, de sorte qu'une nouvelle durée de douze mois était clairement disproportionnée. Celle-ci ne devrait pas dépasser trois mois.

25) Par jugement du 21 octobre 2021, le TAPI a partiellement admis la requête de prolongation et prolongé la mesure pour une durée de six mois.

Le retour en C_______ de M. A_______ n’était pas possible dans un délai prévisible, dès lors que le rapatriement des ressortissants C_______ dans leur pays n'était envisageable que s'ils détenaient un passeport en cours de validité et que les autorités suisses ne disposaient pas de la moindre indication quant à la possibilité de rapatrier les personnes qui en étaient dépourvues. Il ne fallait toutefois pas perdre de vue que la mesure tendait aussi à juguler la menace pour la sécurité et l'ordre publics que M. A_______ représentait. En outre, ladite mesure ne faisait à M. A_______ aucunement obligation de demeurer au foyer F_______. Elle lui permettait de se déplacer librement et de jouir de toutes les infrastructures disponibles sur le territoire de la commune de E_______, où il avait aussi la possibilité d'entretenir des relations sociales.

En application de l'art. 7 al. 4 let. b LaLEtr, la prolongation était limitée à six mois. Le texte de cette disposition légale était clair et il n'y avait pas lieu de s'en écarter, même si l'obsolescence et la systématique parfois hasardeuse de la LaLEtr ne pouvaient être niées. L'art. 7 al. 4 let. b LaLEtr ne s'attachait qu'à la prolongation de la mesure, non son prononcé initial, pour lequel la loi ne prévoyait pas une durée maximale, de sorte que la jurisprudence à laquelle le commissaire de police se référait n'apparaissait pas déterminante. Le cas échéant, une nouvelle prolongation (de six mois au plus) de la mesure pourrait être requise en temps voulu.

26) Par acte expédié le 1er novembre 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice ci-après : la chambre administrative), M. A_______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, principalement, à la levée de la mesure d’assignation d’un lieu de résidence, subsidiairement, à ce qu’une mesure visant à l’obliger à se présenter à intervalles réguliers à l’OCPM, soit tous les trois jours, soit prononcée.

Il s’était conformé au prononcé de l’assignation territoriale. Il n’avait plus commis d’infraction. Dès lors que le retour forcé n’était pas possible dans un délai prévisible, les conditions de l’art. 74 al. 1 let. b LEI n’étaient pas remplies, ce que le TAPI avait reconnu implicitement. Les conditions de l’art. 74 al. 1 let. a LEI étaient, certes, remplies, mais le TAPI avait violé le principe de la proportionnalité. Le but de cette disposition était, en premier lieu, d’assurer le déroulement d’une procédure de renvoi. L’exécution du renvoi étant actuellement impossible, la mesure, prononcée en réalité pour une durée indéterminée, était disproportionnée. Des infractions à la LStup étaient fréquentes dans la commune de E_______, de sorte que l’assignation, qui était motivée par le but d’éviter des infractions de ce type, n’était pas adéquate. Enfin, le critère de nécessité n’avait pas été examiné. Ce critère était rempli, si le recourant était contraint de se présenter régulièrement à l’OCPM.

27) Ce dernier a conclu au rejet du recours.

La demande de prolongation de la mesure d’assignation territoriale était fondée sur l’art. 74 al. 1 let. a et let. b LEI. Le SEM avait confirmé le 1er novembre 2021 que les vols pour l’C_______ avaient repris et que les retours volontaires étaient possibles si la personne collaborait. La mesure d’assignation avait pour but d’exercer une certaine pression sur l’intéressé afin qu’il quitte la Suisse. Par ailleurs, quand bien même la commune d’assignation connaissait également des infractions à la LStup, le but de protection de l’ordre et de la sécurité publics était atteint en ce sens que la totalité du reste du territoire cantonal était soustrait au risque que le recourant y commette de nouvelles infractions.

Était joint un courriel du SEM à l’OCPM confirmant que les autorités C_______ avaient reconnu et identifié « l’intéressé ». Les retours en C_______ étaient possibles si la personne coopérait.

28) Dans sa réplique, M. A_______ a relevé que le courriel précité ne permettait pas de retenir que « l’intéressé » le concernait. Un retour volontaire nécessitait de posséder un passeport, ce qui n’était pas son cas. Son retour, même volontaire, n’était donc pas possible.

29) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 LaLEtr).

2) Selon l'art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 2 novembre 2021 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3) Est litigieux le bien fondé de la prolongation de six mois de l’assignation au territoire de la commune de E_______.

a. Au terme de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas quitter le territoire qui lui est assigné notamment lorsque l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et que des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b). L’assignation à un territoire ou l’interdiction de pénétrer un territoire peut également être prononcée lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).

L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l'étranger peut être contraint à ne pas quitter un territoire assigné, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment à la suite d'une condamnation pour vol, brigandage, dommage à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

b. L'assignation d'un lieu de résidence ou l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée fondée sur l'art. 74 al. 1 let. b LEI vise à permettre le contrôle du lieu de séjour de l'intéressé et à s'assurer de sa disponibilité éventuelle pour la préparation et l'exécution de son renvoi de Suisse par les autorités (arrêt 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.1), mais aussi, en tant que mesure de contrainte poursuivant les mêmes buts que la détention administrative, à inciter la personne à se conformer à son obligation de quitter la Suisse (ATF 144 II 16 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.1; CHATTON/MERZ, in Code annoté de droit des migrations, vol. II: Loi sur les étrangers [LEtr], 2017 n° 22 ad art. 74 LEtr).

Si le législateur a expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants (cf. art. 74 al. 1 let. a LEI), cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.).

c. La mesure doit en outre respecter le principe de la proportionnalité. Elle doit être apte à atteindre le but visé (ATF 144 II 16 consid. 2.2 ; 142 II 1 consid. 2.3), ce qui implique notamment qu'une mesure fondée sur l'art. 74 al. 1 let. b LEI ne peut être prononcée que si un départ de Suisse est effectivement possible, car elle ne peut atteindre son but que dans ce cas (ATF 144 II 16 consid. 2.3). Il suffit qu'un départ volontaire soit possible (ATF 144 II 16 consid. 4.6 et consid. 4.8). La mesure doit aussi ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but poursuivi et il doit exister un rapport raisonnable entre ce but et le moyen choisi (ATF 144 II 16 consid. 2.2 ; 142 II 1 consid. 2.3).

La mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prévue à l'art. 74 LEI peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2A.253/2006 du 12 mai 2006 ; 2C_231/2007 du 13 novembre 2007), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1).

4) En l’espèce, l’assignation au territoire de la commune de E_______ vise à permettre le contrôle du lieu de séjour du recourant et à s'assurer de sa disponibilité pour la préparation et l'exécution de son renvoi de Suisse par les autorités, conformément à la jurisprudence susmentionnée. Elle est en conséquence nécessaire.

Elle est également apte à pouvoir contrôler le lieu de séjour de l'intéressé et à s'assurer de sa disponibilité éventuelle pour la préparation et l'exécution de son renvoi.

Sous l'angle de la proportionnalité au sens étroit, il apparaît que l'intéressé est, depuis 2014, sous le coup de décisions de renvoi et d’expulsion entrées en force et qu'il séjourne toujours en Suisse de manière illégale et ne se soumet pas aux injonctions des autorités.

Contrairement à ce qu’il soutient, l’OCPM ne fait pas valoir que la personne visée par le SEM dans le courriel du 1er novembre 2021 serait le recourant. L’autorité intimée s’est uniquement prévalue de ce courriel en tant qu’il l’informe que les retours volontaires vers l’C_______ sont possibles, si la personne coopère. Or, le recourant s’oppose toujours à son renvoi. Ainsi, son manque de coopération pose un frein à l’exécution des décisions de renvoi et d’expulsion. En effet, s’il coopérait, il serait, notamment, possible d’établir un passeport en sa faveur et de lui permettre de monter à bord d’un vol vers l’C_______.

Par ailleurs, au vu des infractions commises par le recourant, la protection de l’ordre et de la sécurité publics justifie pleinement que la liberté de mouvement du recourant soit restreinte. Le fait que se déroulent sur la commune au territoire duquel le recourant a été assigné également des infractions à la LStup, notamment du trafic de drogue, ne permet pas d’invalider pour autant la mesure. Il est, en effet, notoire que d’autres lieux, notamment en Ville de Genève, sont davantage la scène du trafic de drogue. L’éloignement du recourant de ces lieux-là répond à un besoin d’ordre et de sécurité publics.

Par ailleurs, la commune de E_______, sur le territoire de laquelle le recourant a été assigné à résidence, dispose de parcs communaux, d'installations sportives, de diverses infrastructures sociales, de centres commerciaux et s'étend sur 7,68 km2. L'intéressé, qui jouit d'une liberté de mouvement totale sur le territoire en question, peut ainsi profiter de ces infrastructures et y entretenir des relations sociales.

Au vu de ce qui précède, il n'apparaît pas qu'une autre mesure, moins incisive, tel que le seul contrôle hebdomadaire, ou même plus fréquent, à l'OCPM permettrait d'atteindre les buts visés par la mesure. En outre, la mesure ne fixe aucune limite aux visites que le recourant peut recevoir et aux relations qu'il peut nouer à l'intérieur du périmètre qui lui a été assigné ou par d'autres moyens de communication.

Enfin, compte tenu de la durée de la mesure, prononcée le 29 octobre 2020, valable pour une année, le TAPI a, à juste titre, réduit la prolongation requise à six mois, afin de tenir compte du principe de la proportionnalité. Le jugement querellé sera, par conséquent, confirmé et le recours rejeté.

5) Vu la nature de la cause, aucun émolument ne sera perçu et vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er novembre 2021 par M. A_______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mathieu Jacquerioz, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Verniory et Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :