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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2281/2021

ATA/1176/2021 du 02.11.2021 ( ANIM ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2281/2021-ANIM ATA/1176/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 novembre 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né en 1966, habite en Ville de Genève.

2) Il est le détenteur – enregistré depuis le 3 juillet 2020 – d'un chien femelle de race Akita Inu, né le ______ 2019, RID 1______, répondant au nom de B______. La chienne pèse 24 kg 500 et mesure plus de 56 cm au garrot.

3) Le 19 août 2020, B______ a attaqué un autre chien et a infligé à la propriétaire de ce dernier qui tentait de les séparer une morsure à la main.

4) Le 28 octobre 2020, la chienne B______ a agressé un congénère, lequel a subi une lésion de type perforation de l'épiderme.

5) À la suite de cette seconde agression, par courrier du 21 décembre 2020, le service cantonal de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) a rappelé à M. A______ ses obligations en qualité de détenteur de chien.

6) Le 22 décembre 2020, M. A______ a répondu au SCAV, disant ne pas se rappeler cet épisode et contester les faits décrits.

7) Le 4 janvier 2021, B______ a agressé un nouveau congénère alors que les animaux se trouvaient dans l'espace de liberté pour les chiens. Elle l'a mordu au dos et à un membre postérieur, blessures qualifiées d'hématome, de tuméfaction et d'éraflure, ainsi que de perforation de l'épiderme et musculaire.

8) À la suite de cet incident, le chien B______ a été séquestré préventivement par la


police et placé à la fourrière cantonale pour chiens (ci-après : la fourrière).

9) Le 7 janvier 2021, le SCAV a convoqué M. A______ à la fourrière afin d'être évalué avec sa chienne.

10) Le compte rendu de cette séance, tel que rédigé par le SCAV, indique notamment que la chienne présentait des comportements d'agression envers ses congénères sans raison apparente, B______ les menaçant en présentant une posture haute et tendue. Elle se hérissait, grognait en découvrant les crocs, puis partait en agression, sans respecter les signaux de communication émis par lesdits congénères. Elle n'avait pas établi de lien relationnel avec son détenteur, préférant le personnel de la fourrière. M. A______ ne maîtrisait pas sa chienne et manquait de « sens cynologique », notamment pour ce qui est de l'exercice du « rappel » puisqu'elle exécutait cet ordre immédiatement avec l'expert et uniquement contre friandise avec son détenteur.

11) B______ a été restituée à son détenteur à l'issue de l'évaluation du 14 janvier 2021.

12) Le 25 janvier 2021, vers 8h00, la police est intervenue dans l'espace de liberté pour les chiens du parc C______ à la suite de la dénonciation d'une morsure provoquée par B______ sur un de ses congénères à l'oreille gauche. La police n'a pas constaté de blessure, mais a noté que M. A______ maîtrisait mal son animal, qui ne répondait pas aux rappels et faisait fi de ses ordres.

13) Entendu par la police, M. A______ a démenti toute agression perpétrée par son chien, lequel n'avait pas de problème avec les autres chiens du parc. Sa chienne aboyait pour dire « non » lorsqu'elle était provoquée par d'autres chiens. Elle avait sauté de manière amicale sur les policiers lors de leur intervention du 25 janvier 2021. M. A______ a déclaré suivre des cours d'éducation canine.

Dans un courriel au SCAV du 4 février 2021 rédigé en anglais, M. A______ s'est plaint de ce que l'évaluation avait eu lieu dans des conditions climatiques extrêmes, car il faisait très froid, humide et qu'il neigeait ce jour-là. Son chien avait été maltraité.

14) Il ressort de l'audition par la police et par le SCAV des propriétaires du chien victime que les blessures à l'oreille du chien n'avaient pas été remarquées tout de suite. M. A______ avait nié le comportement agressif de B______ et avait même accusé le propriétaire du chien blessé d'être raciste.

15) Une vétérinaire a constaté, le 25 janvier 2021 également, que le chien blessé par B______ le matin même présentait une blessure à l'oreille gauche et qu'il y avait eu perforation de l'épiderme.

16) Lors de l'entretien téléphonique du 27 janvier 2021 entre un collaborateur du SCAV et M. A______, ce dernier a démenti tout incident qui se serait produit avec sa chienne.

17) Le 28 janvier 2021, le SCAV a reçu une plainte formulée par neuf habitants du quartier D______, relatant les diverses altercations entre M. A______ et les autres propriétaires de canidés fréquentant l'espace de liberté pour les chiens du parc C______. Il y était également rappelé les agressions perpétrées par B______ sur d'autres chiens.

18) Une autre dénonciation a été adressée au SCAV le 28 février 2021, indiquant que M. A______ promenait sa chienne dans l'espace de liberté pour les chiens sans laisse et sans muselière. Le dénonciateur indiquait ne pas se sentir en sécurité en présence de B______ et de M. A______ et disait quitter systématiquement ledit parc afin de se protéger, de même que ses chiens.

19) Par décision du 2 février 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, le SCAV a ordonné à M. A______, ainsi qu'à toute autre personne susceptible de détenir et de promener B______, de suivre des cours d'éducation canine à but de thérapie comportementale afin de remédier au comportement indésirable de sa chienne, l'éducateur canin agréé – selon liste jointe – devant être avisé des antécédents de l'animal. Il était également ordonné à M. A______ de transmettre au SCAV, le 1er mars 2021 au plus tard, un premier rapport et, le 1er mai 2021 au plus tard, un second rapport, relatifs aux cours ordonnés et dûment remplis par l'éducateur canin agréé choisi. M. A______ serait convoqué, le 1er juillet 2021 au plus tard, pour passer une nouvelle évaluation avec B______.

Il était également ordonné à M. A______ que B______ soit tenue en laisse et muselée au moyen d'une muselière de type « à panier » dès la sortie du domicile de son détenteur, y compris dans les espaces de liberté pour les chiens, jusqu'à sa parfaite maîtrise. En cas de non-respect de la décision ou en cas de nouvel incident, le SCAV prendrait des mesures plus contraignantes, pouvant notamment conduire au séquestre définitif de B______.

20) Par acte du 10 février 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée. La cause a été enregistrée sous numéro A/418/2021.

21) Le 11 février 2021, le Ministère public a prononcé une ordonnance de non-entrée en matière à la suite de la dénonciation de M. A______ par le propriétaire du chien blessé le 4 janvier 2021. Il s'agissait de dommages à la propriété, lesquels ne pouvaient être poursuivis que s'ils avaient été commis intentionnellement, ce qui n'était pas le cas.

22) Selon un rapport de thérapie comportementale du 28 février 2021 émis par une vétérinaire comportementaliste consultée – comme demandé par le SCAV – par M. A______, B______ n'avait pas démontré de comportement agressif. Toutefois, au vu des informations fournies par le SCAV, elle recommandait de continuer l'observation de la chienne notamment à l'approche d'autres canidés. En effet, la rencontre avec certains d'entre eux avait pu se montrer délicate, B______ tirant sur sa laisse, aboyant fort et adoptant une posture haute obligeant M. A______ à changer de trottoir. Les observations avaient eu lieu les 10 et 17 février 2021, à l'appartement de M. A______ et lors d'une promenade autour du domicile et aux abords du parc C______.

23) Par courriels des 28 février et 1er mars 2021, des particuliers ont signalé au SCAV que M. A______ promenait sa chienne sans muselière.

24) Le 18 mars 2021, des agents de la police municipale ont prévenu le SCAV que M. A______ promenait sa chienne au parc E______ sans muselière.

25) Par décision du même jour, le SCAV a ordonné le séquestre préventif de l'animal.

26) Par acte déposé le 20 mars 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée. La procédure a été enregistrée sous numéro A/1027 /2021.

27) M. A______ a été reçu dans les locaux du SCAV le 22 mars 2021.

Il résidait à Genève depuis l'an 2000. Il avait été vice-président assistant dans une grande banque de la place, jusqu'au 31 octobre 2019. Depuis, il était sans emploi.

Le 18 mars 2021, son chien ne portait pas la muselière car l'apprentissage du port de celle-ci prenait du temps. Il s'était inscrit à un « cours de chiots ». Il s'engageait à respecter les mesures prévues par la décision du 2 février 2021 en cas de restitution de son chien. Son chien représentait beaucoup pour lui, et la situation actuelle le bouleversait. Il était sous traitement psychothérapeutique et médicamenteux.

28) Le 24 mars 2021, M. A______ a transmis au SCAV un échange de courriels avec Madame F______, vétérinaire comportementaliste. Cette dernière rappelait l'obligation du port de la muselière en l'état, soit tant qu'un tribunal ou le SCAV n'aurait pas autorisé M. A______ à ne pas faire porter la muselière à sa chienne.

29) Le 25 mars 2021, le SCAV a indiqué à la chambre administrative avoir levé le séquestre et restitué l'animal à M. A______ contre paiement des frais de fourrière, vu le respect par ce dernier d'une partie des exigences contenues dans sa décision du 2 février 2021.

30) Des fonctionnaires de la police municipale ont indiqué au SCAV avoir rencontré M. A______ les 23 et 25 mars 2021 avec son chien, qui était sans muselière.

31) Suite à la levée du séquestre, la chambre administrative a rayé la cause A/1027/2021 du rôle le 30 mars 2021 (ATA/388/2021), étant devenue sans objet.

32) À une date indéterminée, Madame G______, éducatrice canine, a établi un rapport concernant deux cours qu'elle avait dispensés à B______ les 26 février et 24 avril 2021.

Le but des cours était notamment d'habituer B______ au port de la muselière, de lui apprendre à marcher en laisse de façon fluide, et de la préparer, de même que son détenteur, au test de maîtrise et de comportement.

Lors des deux cours, M. A______ lui avait dit qu'un tribunal avait levé la mesure de port de la muselière, et n'avait pas de muselière avec lui.

33) Par arrêt du 11 mai 2021 (ATA/521/2021), la chambre administrative a déclaré le recours dans la cause A/418/2021 irrecevable, faute de paiement dans les délais de l'avance de frais demandée.

34) Le 21 juin 2021, une annonce de morsure a été transmise au SCAV par la police au moyen du formulaire pour l'annonce de blessures par un chien à un animal dûment complété. Il ressort de ce document que, le 19 juin 2021, aux alentours


de 8h30, B______ a perforé l'épiderme d'une congénère au niveau de la nuque. Le propriétaire dudit chien aurait déposé plainte à l'encontre de M. A______.

35) Ces faits ont été confirmés par le détenteur de l'animal blessé, lequel a indiqué au SCAV par téléphone que M. A______, à la suite de l'incident, n'avait pas arrêté de répéter « your dog is OK » et avait refusé de communiquer son identité.

36) Le 21 juin 2021, B______ a été séquestrée préventivement par le SCAV, avec l'appui de la police. Un serrurier a dû intervenir car M. A______ refusait l'accès de son domicile aux intervenants. B______ a été trouvée par les collaborateurs du SCAV et les policiers enfermée dans une pièce dans le noir, sans eau à disposition, stores et fenêtres fermés.

37) Le 25 juin 2021, M. A______ a fait parvenir au SCAV un rapport établi par Madame H______, éducatrice canine, qui avait dispensé deux cours à B______ les 29 mai et 8 juin 2021, étant précisé qu'un cours prévu le 22 juin 2021 n'avait pu avoir lieu en raison du séquestre de l'animal.

Lors des cours, B______ marchait de manière fluide à côté de son propriétaire, et commençait à bien accepter le port de la muselière.

38) M. A______ a été entendu le 28 juin 2021 dans les locaux du SCAV. Il a nié les faits qui lui étaient reprochés, déclarant notamment qu'il tenait sa chienne en laisse sauf dans les espaces autorisés ; en revanche, il ne lui mettait pas la muselière car il avait peur que les autres chiens attaquent B______ et qu'elle ne parvienne pas à se défendre.

Le 19 juin 2021, il promenait sa chienne en laisse puis l'avait détachée. Il avait croisé une dame qui promenait elle aussi sa chienne, et avait alors rappelé B______ qui était venue à lui sans faire montre d'un comportement agressif. Par la suite, il avait rencontré un autre propriétaire accompagné d'un grand chien et d'un petit ; en raison de l'anxiété de cette personne, les chiens s'étaient chamaillés, l'autre personne lui demandant de reprendre B______ en laisse, ce qu'il avait fait.

39) Par décision du 30 juin 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, le SCAV a prononcé le séquestre définitif de B______, a interdit à M. A______, pour une durée de cinq ans, de détenir un chien dont le poids excéderait 10 kg à l'âge adulte, et a mis à la charge de M. A______ divers frais et débours, en particulier les frais inhérents au séquestre et à l'exécution de celui-ci.

M. A______ n'avait pas respecté les mesures exigées dans la décision du 2 février 2021, notamment en ne respectant pas suffisamment les recommandations des spécialistes en éducation canine pour lui permettre de maîtriser correctement sa chienne afin d'éviter un nouvel incident, en ne transmettant pas les rapports exigés et en ne faisant pas porter systématiquement une muselière à son animal lorsque ce dernier se trouvait hors de son domicile.

40) Par acte déposé le 6 juillet 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles.

B______ était le chien de la famille et avait été acquise fin décembre 2019. Elle était considérée au sein de la famille comme un membre de celle-ci, fournissant de la compagnie et un soutien émotionnel. Grand soin avait été pris afin qu'elle soit correctement socialisée, tant à l'égard des êtres humains que de ses congénères.

L'évaluation prévue le 24 juin 2021 à la fourrière n'avait pu avoir lieu car le 21 juin 2021, la police cantonale ainsi que deux employés du SCAV et des inconnus avaient « cambriolé son domicile et volé [s]a propriété ». Le SCAV et la police collaboraient sans être suffisamment surveillés, ce qui pouvait conduire au profilage racial et à l'intimidation. Ces deux administrations l'avaient harcelé. Le SCAV n'avait pas prouvé les allégations à l'origine de la décision du 2 février 2021.

B______ était une chienne, et était constamment harcelée par les petits et grands chiens mâles. Pourtant, la police municipale et le SCAV avaient toléré le comportement des propriétaires de ces chiens, car ils étaient blancs.

On lui avait refusé une procédure régulière en ne lui donnant pas la possibilité d'être entendu « avant que [s]es biens ne soient volés », et le harcèlement et le vol dont il avait été victime lui avaient causé, de même qu’à sa famille détresse émotionnelle, douleur morale et souffrance.

41) Par décision du 6 juillet 2021 (ATA/726/2021), la présidence de la chambre administrative a adopté, d'office, des mesures provisionnelles. Jusqu'à droit connu, il était fait interdiction au SCAV de donner, mettre en vente ou tuer l'animal concerné.

42) Le 30 juillet 2021, le SCAV a conclu au rejet du recours.

Le grief de constatation inexacte des faits devait être écarté. L'absence de socialisation et la menace que représentait B______ pour ses congénères résultaient de six agressions constatées en moins d'un an et du non-respect des règles imposées par le SCAV pour éviter toute récidive, soit la tenue en laisse et le port de la muselière dans l'espace public. Une nouvelle agression avait eu lieu le 19 juin 2021, soit à peine plus de quatre mois après la décision du 2 février 2021. Il était prouvé par pièces que M. A______ n'avait, sciemment, pas habitué sa chienne au port de la muselière et refusait catégoriquement de la lui faire porter. Quant aux allégations de harcèlement et de discrimination raciale, de tels agissements conjoints de la police et du SCAV étaient tout simplement invraisemblables, et l'accusation hors de propos. Quant au « cambriolage » mentionné dans le recours, il s'agissait du séquestre préventif, confirmé par écrit à l'intéressé le 21 juin 2021.

Le droit d'être entendu avait été pleinement respecté. S'agissant de la décision attaquée, M. A______ avait été entendu par le service le 28 juin 2021, soit avant que celle-ci ne soit prononcée. Le séquestre préventif avait été effectué, comme le prévoyait la loi, de manière immédiate dès lors qu'il s'agissait d'un cas d'urgence.

L'atteinte à la garantie de la propriété, et le cas échéant à la liberté personnelle, était prévue par une base légale formelle, à savoir l'art. 39 de la loi sur les chiens du 18 mars 2011 (LChiens - M 3 45). Elle garantissait l'intérêt à la sécurité et à la tranquillité publiques, au vu du nombre d'agressions commises par B______, intérêt public qui primait en l'occurrence l'intérêt privé de M. A______ à conserver son chien. La mesure d'interdiction de détention, qui était une interdiction partielle puisque l'intéressé restait libre de détenir un chien plus petit, et limitée dans le temps, restait proportionnée au vu du nombre de récidives et de l'attitude du détenteur vis-à-vis des mesures ordonnées par le SCAV. Les mesures moins incisives prononcées antérieurement étaient ainsi restées sans effet.

43) Le 13 août 2021, le SCAV, sur demande du juge délégué de savoir quel sort serait réservé à l'animal séquestré en cas de confirmation de la décision attaquée, a indiqué que cela dépendrait de son comportement à la fourrière ainsi que de son évaluation par les spécialistes canins du service à l'issue de la procédure. L'euthanasie d'un animal n'était prononcée qu'en dernier recours, en respect du principe de la proportionnalité.

44) Le 18 août 2021, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 27 septembre 2021 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

45) Le 26 août 2021, M. A______ a persisté dans les termes de son recours. Il joignait un certificat médical le concernant, selon lequel il ne présentait « pas de contre-indication médicale sur le plan physique à exercer son métier ».

46) Le SCAV ne s'est pas manifesté, si bien que la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la décision de séquestre préventif du 21 juin 2021 ainsi que sur la décision de séquestre définitif et d'interdiction partielle de détention d'un chien du 30 juin 2021. Les décisions antérieures du SCAV soit sont entrées en force, soit ont été annulées, et ne peuvent dès lors plus faire l'objet d'un contrôle judiciaire.

3) La loi fédérale sur la protection des animaux du 16 décembre 2005 (LPA-CH - RS 455) vise à protéger la dignité et le bien-être de l’animal (art. 1 LPA-CH). Selon l'art. 73 al. 1 de l'ordonnance sur la protection des animaux du 23 avril 2008 (OPAn - RS 455.1), l’élevage, l’éducation et la manière de traiter les chiens doivent garantir leur socialisation, à savoir le développement de relations avec des congénères et avec l’être humain, et leur adaptation à l’environnement.

4) a. La LChiens a pour but de régir, en application de la LPA-CH, les conditions d’élevage, d’éducation et de détention des chiens, notamment en vue d’assurer la sécurité, la salubrité et la tranquillité publiques (art. 1 let. b LChiens). Il résulte des travaux préparatoires ayant conduit à son adoption que la LChiens n’est pas une loi sur les chiens, mais sur leurs détenteurs et met en particulier l’accent sur la prévention (MGC 2002 2003/XI A-6561 ; ATA/1323/2019 du 3 septembre 2019 consid. 2a).

Le département, soit pour lui le SCAV, est compétent pour l’application de la loi et de son règlement d’exécution (art. 3 al. 1 LChiens ; art. 1 al. 1 du règlement d’application de la LChiens du 27 juillet 2011 - RChiens - M 3 45.01).

b. Les art. 10 ss LChiens régissent les conditions de détention et énoncent diverses obligations à charge du détenteur, à savoir celui qui exerce la maîtrise effective sur le chien et qui a de ce fait le pouvoir de décider comment il est gardé, traité et surveillé (art. 11 al. 1 LChiens). Le détenteur doit éduquer son chien, en particulier en vue d’assurer un comportement sociable optimal de ce dernier, et faire en sorte qu’il ne nuise ni au public, ni aux animaux, ni à l’environnement, le dressage à l’attaque étant en principe interdit (art. 15 LChiens). Tout détenteur doit prendre les précautions nécessaires afin que son chien ne puisse pas lui échapper, blesser, menacer ou poursuivre le public et les animaux, ni porter préjudice à l’environnement, notamment aux cultures, à la faune et à la flore sauvages (art. 18 al. 1 LChiens). Cette dernière disposition pose le principe de la maîtrise nécessaire des chiens pour éviter la survenance d’accidents, qui peuvent mettre en cause non seulement le public, les enfants et les personnes âgées étant particulièrement vulnérables, mais également les animaux domestiques, notamment les autres chiens, qui sont souvent victimes d’agressions de la part de leurs congénères (MGC 2008-2009 XI A 15083).

c. Les art. 22 ss LChiens sont consacrés aux chiens dangereux. Entrent notamment dans cette catégorie les chiens ayant un comportement agressif ou dangereux au sens de l’art. 26 LChiens, soit ceux, toutes races confondues, ayant attaqué ou gravement blessé un être humain ou un animal et dont la dangerosité avérée est constatée par le département (al. 1). Le département se prononce sur la dangerosité à l’issue de la procédure d’instruction prévue par la loi (al. 2). Si la dangerosité est avérée, le chien est interdit sur le territoire du canton et séquestré en vue de son euthanasie (al. 3). Sont également considérés comme pouvant présenter un danger potentiel les chiens de grande taille, dès 56 cm au garrot, et d’un poids supérieur à 25 kg (art. 27 LChiens).

d. Il appartient au détenteur d’annoncer au département les cas de blessures graves à un être humain ou à un animal, causées par son chien et tout comportement d’agression supérieur à la norme, une telle obligation incombant également aux forces de l’ordre et aux vétérinaires (art. 36 al. 1 et 2 LChiens). Selon l’art. 38 LChiens, dès réception d’une dénonciation ou d’un constat d’infraction, le département procède à l’instruction du dossier conformément aux dispositions de la LPA (al. 1). Il peut séquestrer immédiatement l’animal et procéder à une évaluation générale ou faire appel à des experts afin d’évaluer le degré de dangerosité du chien, et ce aux frais du détenteur (al. 2).

À l’issue de la procédure, le département statue et prend, le cas échéant, les mesures prévues à l’art. 39 LChiens (al. 3). En application de l’al. 1 de cette dernière disposition, le département peut prononcer et notifier aux intéressés, en fonction de la gravité des faits : l’obligation de suivre des cours d’éducation canine (let. a) ; celle du port de la muselière (let. b) ; la castration ou la stérilisation du chien (let. c) ; le séquestre provisoire ou définitif du chien (let. d) ; le refoulement du chien dont le détenteur n’est pas domicilié sur le territoire du canton (let. e) ; l’euthanasie du chien (let. f) ; le retrait de l’autorisation de détenir un chien (let. g) ; l’interdiction de pratiquer l’élevage (let. h) ; le retrait de l’autorisation de pratiquer le commerce de chiens ou l’élevage professionnel (let. i) ; le retrait de l’autorisation d’exercer l’activité de promeneur de chiens (let. j) ; la radiation temporaire ou définitive de la liste des éducateurs canins (let. k) ; l’interdiction de détenir un chien (let. l).

Le catalogue des mesures prévues à l’art. 39 al. 1 LChiens concerne tant l’animal que les différents acteurs en interaction avec les chiens. Dans ce cadre, le département dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans le choix de la mesure qu’il juge la plus adéquate, tout en étant tenu par les limites du principe de proportionnalité (MGC 2008-2009 XI A 15096).

e. Dans l’exercice de ses compétences, l’autorité administrative doit respecter le principe de proportionnalité. Exprimé à l’art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), il commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et raisonnablement exigible de la part de la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1013/2015 du 28 avril 2016 consid. 4.1). Traditionnellement, le principe de proportionnalité se compose des règles d’aptitude, qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé, de nécessité, qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, celui portant l’atteinte la moins grave aux intérêts privés soit privilégié, et de la proportionnalité au sens étroit, selon lequel les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public soient mis en balance (ATA/1102/2021 du 19 octobre 2021 consid. 4e).

5) En l'espèce, la chienne du recourant a, à plusieurs reprises, mordu des congénères, la dernière fois deux jours avant son séquestre préventif. Le dossier fait en outre état de nombreuses plaintes de tiers concernant le comportement de B______ et de son maître dans les espaces réservés aux chiens. À cet égard, les agressions sont établies par pièces, et le fait que le recourant ne soit pas punissable au regard de l'art. 144 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) n'y change rien. Quant aux allégations de harcèlement ou de discrimination raciale, elles ne trouvent aucun appui dans le dossier.

Par ailleurs, le recourant est dans le déni face à cette situation. Il n'a jamais reconnu la réalité desdites agressions, rejetant la responsabilité des incidents sur les autres chiens ou sur leurs détenteurs, et insistant sur le fait que sa chienne serait – selon lui – bien socialisée, ce qu'elle n'est visiblement pas dans ses rapports avec les autres chiens.

À la suite de la décision du SCAV du 2 février 2021 – contestée par le recourant mais entrée en force – et du séquestre provisoire suivi de la restitution de B______ en mars 2021, le recourant n'a que très partiellement mis en œuvre les exigences raisonnables posées par le SCAV. Il a certes fait suivre à son animal quelques cours d'éducation canine, mais a unilatéralement décidé – et a même menti à plusieurs personnes s'agissant de la levée de la mesure par la chambre de céans – de ne pas lui faire porter la muselière, à laquelle B______ n'a commencé à s'habituer que plusieurs mois après la décision de l'intimé. Le recourant n'a pas non plus envoyé les rapports demandés dans les délais indiqués.

Dans ces conditions, les mesures de séquestre préventif puis définitif, et d'interdiction partielle et limitée dans le temps de détenir un chien de plus de 10 kg apparaissent fondées dans leur principe. Prévues par une base légale formelle, soit l'art. 38 LChiens, répondant à un intérêt public, à savoir la protection de la sécurité publique, des droits d'autrui et du bien-être des autres animaux, elles sont aussi proportionnées, étant rappelé que les décisions attaquées font suite à au moins un avertissement ainsi qu'à plusieurs autres décisions moins incisives, que le recourant a choisi de ne pas respecter ou de ne respecter que de manière très partielle. L'interdiction de détenir un chien telle que prononcée permet de surcroît au recourant de détenir un chien plus petit.

Le recours, qui ne porte pas sur d'autres aspects des décisions querellées, sera en conséquence rejeté.

6) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 juillet 2021 par Monsieur A______ contre les décisions du service de la consommation et des affaires vétérinaires des 21 et 30 juin 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'au service de la consommation et des affaires vétérinaires.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascottto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :