Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/6291/2022

ACPR/850/2022 du 05.12.2022 sur ONMMP/1127/2022 ( MP ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 20.01.2023, rendu le 27.09.2023, ADMIS, 7B_11/2023
Descripteurs : PARTIE À LA PROCÉDURE;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;LÉSÉ
Normes : CPP.382; CPP.115; CPP.118; CP.139

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/6291/2022 ACPR/850/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du lundi 5 décembre 2022

 

Entre

A______ SA, ayant son siège social sis ______ [VD], comparant par Me Cyrille PIGUET, avocat, rue du Grand-Chêne 8, case postale 5463, 1002 Lausanne,

recourante,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 11 avril 2022 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 22 avril 2022, A______ SA recourt contre l'ordonnance du 11 avril 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 1er octobre 2020.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et au renvoi de la cause au Ministère public pour complément d'instruction, subsidiairement pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

b. Elle a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 1er octobre 2020, B______, directeur, représentant A______ SA (anciennement C______ SA, puis D______ SA), a déposé plainte contre inconnu pour le vol de la voiture E______ [marque, modèle], immatriculée VD 1______, commis entre le 17 août 2020 à 17h00 et le 30 septembre 2020 à 9h00, à la rue 2______ no. ______, à Genève.

A teneur de la plainte, la voiture était en leasing et avait été mise à disposition – dans des conditions qu'on ignore – d'un client de la société, lequel l'avait garée dans un parking souterrain, accessible par une clé ou un badge. À son retour, la voiture avait disparu. Les deux clés de contact se trouvaient en possession du détenteur. Le permis de circulation était à bord de la voiture et celle-ci ne disposait pas de dispositif de traçage (tracker ou carte SIM intégrée).

b. Par courrier du 22 juin 2021, A______ SA a informé le Ministère public qu'elle disposait d'éléments nouveaux. F______ qui était l'utilisateur du véhicule, avait vécu en concubinage avec G______ jusqu'en octobre 2019. Durant la vie commune, cette dernière conduisait régulièrement la E______. Elle avait présenté F______ à un ami garagiste, soit H______, lequel s'était ensuite occupé de l'entretien des véhicules utilisés par F______ durant plusieurs années, même après la rupture entre ce dernier et G______.

À la suite du vol de la E______, F______ a constaté qu'un jeu de clé de la voiture avait disparu.

Lors d'une visite au garage de H______, celui-ci a spontanément fait part de ses soupçons à l'encontre de G______. Il courait des rumeurs persistantes selon lesquelles elle aurait volé les clés de la voiture avant sa séparation d'avec F______ et aurait ensuite entretenu des contacts avec des tiers afin de se faire livrer la voiture en France contre paiement. Elle aurait elle-même dérobé la voiture après avoir pénétré dans le garage lors de la sortie d'un autre véhicule et n'aurait finalement pas touché l'argent escompté. Il a en outre indiqué avoir reçu différents messages sur son téléphone concernant ces faits et était disposé à les révéler.

Pour ces motifs, A______ SA dirigeait sa plainte pénale à l'encontre de G______ et sollicitait l'audition de H______.

c. Le 7 septembre 2021 à la police, H______ a confirmé avoir entendu des rumeurs provenant de clients du café qu'il fréquentait et de son entourage, selon lesquelles G______ avait "sûrement" volé la voiture pour se faire de l’argent, étant précisé qu'après sa séparation, elle avait emprunté de l’argent à beaucoup de monde dans le quartier et n'aurait jamais remboursé ses emprunts. Il avait indiqué à F______ que G______ avait probablement le double des clés de la E______ et que, si elle avait volé la voiture, celle-ci serait sûrement déjà vendue en France. Il n'avait jamais dit que G______ avait volé le double des clés, ni entretenu des contacts avec des tiers afin de livrer la voiture contre paiement. Il ignorait à quel prix la voiture aurait été vendue et où elle se trouverait. Il n'avait aucun message sur son téléphone portable qui pourrait mettre en cause le ou les voleurs et n'avait plus de contact avec G______ depuis décembre 2020. Il a contesté avoir dit à F______ que celle-ci serait venue elle-même s'emparer de la voiture en attendant que les portes du garage s'ouvrent automatiquement pour y pénétrer. Il avait seulement émis l'hypothèse que, si quelqu'un avait eu la clé, il aurait pu agir de la sorte. Il n'avait jamais dit non plus que G______ n'aurait pas touché l'argent escompté. Il n'avait jamais parlé d'argent avec F______ et ne savait pas pourquoi ce dernier inventait de tels propos.

d. Le 21 janvier 2022, G______ a été entendue à la police. Elle a nié être l'auteur du vol. Elle conduisait occasionnellement la E______, mais n'avait jamais eu le double des clés. H______ était un ami. Au début 2019, il lui avait proposé de voler la E______ pour la vendre au Portugal. Elle devait lui donner les clés de la voiture et le prévenir de l'absence de F______, afin qu'il puisse venir prendre la voiture dans le garage ou devant l'immeuble. Comme elle ne savait pas si la voiture était équipée d'un traceur, il lui avait demandé de trouver "un truc" pour qu'il puisse la contrôler dans son garage. Elle avait finalement refusé de l'aider et de lui donner la clé car elle était convaincue qu'il n'allait jamais agir de la sorte et parce qu'elle ne voulait pas avoir d'histoire. En juin 2019, H______ était venu à leur domicile pour partager un repas et faire connaissance avec F______. À la fin 2019, elle avait vu la E______ dans le garage de H______. Elle avait appris le vol de la voiture en été 2020.

e. Entendu une nouvelle fois à la police le 14 mars 2022, H______ a formellement contesté avoir proposé à G______ de voler la E______. La seule discussion qu'il avait eue au sujet de cette voiture était avec F______ en mars 2020. Il lui avait proposé de prendre sa voiture au Portugal pour en refaire complètement la peinture, ainsi que des travaux de carrosserie, ce qu'il n'a pas pu faire puisque la voiture avait entretemps été volée. Il n'avait jamais parlé de traceur avec G______ et n'avait pas volé la voiture.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public relève qu'il ne disposait pas de soupçons suffisants pour retenir une prévention pénale à l'encontre de G______. Cette dernière contestait les faits et les déclarations de H______ se fondaient uniquement sur des rumeurs et suppositions. Au vu des déclarations contradictoires et en l'absence d'autres éléments de preuve, il n'était pas possible de privilégier une version plutôt que l'autre.

D. a. Dans son recours, A______ SA reproche au Ministère public d'avoir considéré qu'il n'y avait pas de prévention suffisante. Les déclarations de G______ étaient peu crédibles. Des mesures d'investigation supplémentaires devaient être entreprises, à savoir l'audition des personnes ayant propagé les rumeurs, la recherche de la E______ (accès aux données GPS, inscription de la voiture en France), la vérification d'éventuelles images de vidéosurveillance et des alibis des personnes déjà entendues. Au vu des auditions effectuées, il fallait considérer qu'une instruction avait été ouverte, de sorte qu'une ordonnance de non-entrée en matière ne pouvait pas être rendue. En outre, le Ministère public aurait dû autoriser l'accès au dossier et permettre à A______ SA de se déterminer avant de rendre la décision en cause.

b. Invité à se déterminer, le Ministère public conclut au rejet du recours. A______ SA n'avait pas la qualité pour recourir contre l'ordonnance querellée, dès lors qu'elle ne semblait pas être propriétaire de la voiture volée, qui était en leasing et utilisée par F______. Les investigations policières avaient été effectuées avant l'ouverture d'instruction. Les actes d'enquête sollicités n'étaient pas utiles, ni réalisables, vu les auditions déjà effectuées, l'écoulement du temps et l'absence d'éléments permettant de déterminer où se trouvait la E______.

c. A______ SA persiste dans ses conclusions. Il était surprenant de prétendre qu'elle n'aurait pas la qualité de partie plaignante, dès lors qu'en qualité de preneur de leasing, elle avait un droit à l'usage de la voiture volée et disposait ainsi de la qualité de partie plaignante, ce qui n'avait jamais été contesté auparavant.

EN DROIT :

1.        1.1. Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) et concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP).

1.2.1. Seule la partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation d'un prononcé est habilitée à quereller celui-ci (art. 382 al. 1 CPP).

Cette question doit être examinée d'office par l'autorité pénale. Toute partie recourante doit ainsi s'attendre à ce que son recours soit examiné sous cet angle, sans qu'il en résulte pour autant de violation de son droit d'être entendue (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1207/2013 du 14 mai 2014 consid. 2.1).

Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale.

Est considérée comme lésée au sens de l'art. 115 CPP toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction. Cela suppose que l'intéressé soit titulaire du bien juridiquement protégé touché par l'infraction, ce qui est le cas du propriétaire ou de l'ayant droit dans le cadre d'une infraction contre le patrimoine (M. NIGGLI/M. HEER/H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung/ Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 22 ad art. 115 ; A. KUHN/Y. JEANNERET (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 8 ad art. 115). Tant que les faits déterminants ne sont pas définitivement arrêtés sur ce point, il y a lieu de se fonder sur les allégués de celui qui se prétend lésé pour déterminer si tel est effectivement le cas (arrêt du Tribunal fédéral 6B_361/2013 du 5 septembre 2013 ; A. KUHN/Y. JEANNERET (éds), op. cit., loc. cit.). La partie plaignante doit toutefois rendre vraisemblable le préjudice et le lien de causalité entre celui-ci et l'infraction dénoncée (arrêt du Tribunal fédéral 1B_678/2011 du 30 janvier 2012 consid. 2.1 ; ACPR/198/2014 du 9 avril 2014).

1.2.2. L'art. 139 CP protège de façon générale le patrimoine et plus spécifiquement le pouvoir de disposition du propriétaire de la chose mobilière visée (ATF 118 IV 209, consid. 3b ; BSK Strafrecht II-NIGGLI/RIEDO, n. 11 ad art. 139 CP; STRATENWERTH/WOHLERS, n. 1 ad art. 139 CP ; Y. JEANNERET/A. KUHN/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019).

2. En l'espèce, la recourante affirme avoir acheté la voiture en leasing. Le permis de circulation et le contrat de leasing ne figurent toutefois pas au dossier. En l'absence de ces documents, la recourante n'a pas rendu vraisemblable qu'elle était inscrite comme détenteur, ni qu'elle était le preneur de leasing. Il n'est pas possible non plus d'établir si la voiture était en leasing au moment du vol et quelles étaient les conditions du contrat, notamment en lien avec la restitution de la voiture. En tout état, la recourante n'en était pas propriétaire. Elle n'en disposait pas non plus puisque celle-ci était utilisée par un "client de la société". Cette situation semblait d'ailleurs durer depuis un certain temps, à tout le moins depuis début 2019, selon les déclarations de G______ et de H______ à la police, ce qui est corroboré par le fait que, lors du dépôt de plainte, la recourante n'a pas été en mesure de fournir des informations, en particulier de situer le moment du vol (entre le 17 août et le 30 septembre 2020).

Dans ces circonstances, on ne peut retenir que les faits dénoncés par la recourante seraient susceptibles de la toucher personnellement et directement. Le fait d'être débitrice du leasing ne serait, à cet égard, en toute hypothèse, qu'une conséquence indirecte de l'infraction objet de la présente procédure et ne saurait, partant, fonder la qualité de partie plaignante de la recourante.

N'ayant pas le statut de lésée au sens de l'art. 115 CPP, A______ SA ne peut être admise comme partie plaignante à la procédure. Partant, la qualité pour recourir doit lui être déniée. Elle ne l’aurait pas non plus en tant que dénonciatrice (art. 105 al. 1 let. b CPP), l'art. 301 CPP ne conférant pas à cet intervenant d'autre droit que celui d'être informé sur la suite donnée à sa dénonciation (art. 301 al. 2 et 3 CPP).

Il s'ensuit que le recours est irrecevable.

3. La recourante qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'Etat, qui seront fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ SA aux frais de la procédure de recours, fixés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/6291/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00