Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/16806/2019

ACPR/673/2020 du 23.09.2020 sur OMP/7171/2020 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : REPRISE DE LA PROCÉDURE;NOUVEAU MOYEN DE FAIT;NOUVEAU MOYEN DE PREUVE
Normes : CPP.323

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16806/2019ACPR/673/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 23 septembre 2020

 

Entre

 

A______, domicilié ______, Belgique, comparant par Me B______, avocat,

C______, domicilié ______ [GE], comparant par Me D______, avocat,

recourants,

 

contre l'ordonnance de reprise de la procédure préliminaire rendue le 17 juin 2020 par le Ministère public,

 

et

 

E______ SA, sise ______, comparant par Me Jean-Charles LOPEZ, avocat, BUDIN & ASSOCIÉS, rue De-Candolle 17, case postale 166, 1211 Genève 12,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé au greffe de la Chambre de céans le 3 juillet 2020, A______ recourt contre l'ordonnance rendue le 17 juin 2020, notifiée par pli simple, aux termes de laquelle le Ministère public a ordonné la reprise de la procédure préliminaire P/16806/2019.

Il conclut, sous suite de frais et dépens non chiffrés, à l'annulation de l'ordonnance querellée.

b. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 6 juillet 2020, C______ recourt contre l'ordonnance précitée, qui lui a été notifiée le 26 juin 2020.

Il conclut, sous suite de frais et dépens chiffrés à CHF 3'600.-, à son annulation.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. E______ SA est une société anonyme inscrite au Registre du commerce du canton de Genève, dont le but est la fabrication et vente de bijoux et de pierres précieuses. F______ en est son administrateur unique, avec signature individuelle, et G______ son actionnaire principal.

b. Par courrier du 15 août 2019, E______ SA, représentée par F______, a déposé plainte contre notamment A______ et C______ pour escroquerie (art. 146 CP), abus de confiance (art. 138 CP) et tentative de contrainte (art. 181 CP). Il leur était, en substance, reproché d'avoir, par des manoeuvres astucieuses et divers montages, créé un lien de confiance avec G______, en vue de se voir confier un diamant et de se l'être approprié dans un dessein d'enrichissement.

À l'appui, elle exposait, en substance, avoir fait la connaissance au printemps 2018 de A______, qui était à la recherche de diamants taillés pour le compte de clients résidant au Moyen-Orient.

Le 13 juin 2018, elle avait confié au représentant de ce dernier à H______ [USA] un diamant ovale de 25,21 carats, dont la valeur était estimée à USD 4'159'650.-. À l'issue de négociations, son prix de vente avait été fixé à USD 3'250'000.- et devait être payé par A______ au 15 août 2018. Ce dernier s'était en outre porté acquéreur d'un diamant émeraude de 19,05 carats et d'un lot de bijoux, pour un montant total de USD 6'750'000.-.

Un certificat de couverture d'assurance émanant de la société I______ SA, couvrant les deux diamants - pour une valeur totale de USD 6'400'000.- -, lui avait, sur sa demande, été remis par l'intéressé. Ce dernier avait également signé un "Mémorandum", le 15 juin 2018, à teneur duquel il confirmait la réception des pierres précieuses et s'engageait à les conserver en dépôt jusqu'à leur vente finale. Le document prévoyait en outre que le transfert de propriété sur ceux-ci n'interviendrait qu'à réception du prix de vente intégral.

Dans le courant du mois de juillet 2018, elle avait été informée par un tiers que le diamant ovale avait été présenté à la vente à H______ [USA], alors même que le prix d'achat n'avait pas encore été acquitté. Il avait, de surcroît, été retaillé pour supprimer une impureté et avait, de ce fait, perdu 0,07 carats. Lorsqu'elle avait interpellé A______ à cet égard, ce dernier lui avait indiqué que le diamant avait été dérobé aux J______ et K______ SA par l'un de ses experts.

Nonobstant le fait que le diamant soit assuré, A______ avait renoncé à demander l'intervention de son assureur et s'était engagé à payer personnellement la facture, afin de rester le plus discret possible sur cette affaire. Par virements bancaires des 10 octobre et 9 novembre 2018, il lui avait versé sur son compte ouvert auprès de L______ SA les sommes de USD 250'000.- et de USD 200'000.-, de sorte qu'une somme de USD 3'331'500.- lui restait due.

Dans le cadre de discussions survenues au mois d'août 2018, elle lui avait présenté un rubis de 21,32 carats, qui devait être vendu au ______ d'Arabie Saoudite, M______, qui, selon les dires de A______, souhaitait créer un musée de pierres précieuses. Dans ce cadre et pour la vente de diamants audit musée, ce dernier lui avait indiqué qu'il serait opportun de procéder par le biais d'une société de droit anglais, N______ LTD, qu'il avait créée et dont le directeur était C______, son ami et homme de confiance. Cette société devait ainsi se voir facturer les futures acquisitions de pierres précieuses mais également celle du diamant ovale sus-évoqué, ce qu'elle avait fait le 28 novembre 2019.

Cependant, A______ et C______ lui avaient demandé de faire preuve de patience pour le paiement dudit diamant, dans l'attente que leur société soit constituée et opérationnelle. C______ lui avait en particulier indiqué que le ______ O______, neveu de M______, devait rejoindre son conseil d'administration, ce qui l'avait convaincue de la solidité financière des intéressés. Dans un second temps, C______ avait toutefois invoqué des "difficultés administratives", qui auraient retardé l'inscription du précité en tant qu'administrateur.

Par courrier du 7 mars 2019, les intéressés lui avaient indiqué que les fonds nécessaires au paiement de la pierre précieuse avaient été réceptionnés sur le compte client du conseil de N______ LTD à Londres le 12 décembre 2018. Ces fonds avaient cependant été restitués, en raison de problèmes liés à la gestion de la société. Le paiement des USD 3'331'500.- devait toutefois intervenir dans la semaine du 25 mars 2019, après que des ajustements auraient été apportés au Registre du commerce.

Depuis, et en dépit de plusieurs relances, ce montant demeurait impayé.

Au mois de mai 2019, elle avait par ailleurs découvert qu'un certain P______ accusait A______ d'avoir acquis et revendu le rubis dont elle était propriétaire - et qu'elle lui avait présenté au mois d'août 2018 - grâce aux EUR 3'000'000.- et à deux véhicules de marque Q______ qu'il lui aurait confiés pour cette opération et s'en être approprié les bénéfices. Lorsqu'elle avait interpellé A______, ce dernier lui avait expliqué - afin de dissiper ses craintes - qu'une procédure (P/1______/2019) était pendante contre P______, à la suite de la plainte qu'il avait déposée contre ce dernier.

Ces éléments, en sus de la disparition et l'altération du diamant ovale, lui avaient néanmoins causé une grave inquiétude.

Enfin, les mis en cause avaient menacé G______ de poursuites pénales en Angleterre afin "d'empêcher" ce dernier de déterminer l'auteur du vol du diamant litigieux et d'obtenir la réparation de son dommage par suite de la disparition et du non-paiement de celui-ci.

À l'appui de sa plainte, E______ SA a produit un bordereau de 75 pièces, comprenant notamment le Mémorandum du 15 juin 2018, les avis de crédit des 10 octobre et 9 novembre 2018 relatifs aux USD 450'000.- versés par A______, ainsi que les échanges de courriers intervenus entre elle-même et les mis en cause.

c. Entendue par le Ministère public le 2 septembre 2019, E______ SA a, en substance, confirmé sa plainte. A______ s'était engagé à conserver le diamant ovale en dépôt, jusqu'au paiement de celui-ci par le client final. Or, il ne s'était toujours pas acquitté du montant dû et n'avait pas restitué le diamant en question. Aucune procédure civile n'avait cependant été introduite à son encontre. Le diamant émeraude de 19,05 carats avait, quant à lui, été restitué par A______ et le lot de bijoux ne lui avait jamais été livré.

d.i. Par avis de prochaine clôture du 6 septembre 2019, le Ministère public a informé E______ SA qu'il entendait rendre une ordonnance de classement. Un délai lui a été imparti pour présenter ses éventuelles réquisitions de preuve.

d.ii. Cette dernière a sollicité l'audition de A______, de C______ et de divers témoins, le séquestre des avoirs du premier cité et diverses perquisitions.

e. Par ordonnance du 4 octobre 2019, le Ministère public a rejeté ces réquisitions de preuve.

f. Par décision séparée du même jour, il a classé la procédure "contre inconnu", retenant que les faits dénoncés par E______ SA ne remplissaient pas les éléments constitutifs d'une quelconque infraction pénale.

L'infraction d'abus de confiance (art. 138 CP) supposait en effet que la personne à qui une chose de valeur avait été confiée ne soit pas en mesure de la restituer ou d'en payer le prix. Or, tel n'était pas le cas en l'espèce, dès lors qu'aucun élément ne permettait de retenir que la personne qui avait reçu le diamant litigieux à H______, pour une vente future à un tiers, était insolvable. Au surplus, aucune action civile en paiement ou en restitution n'avait été intentée par la plaignante.

Par ailleurs, le retard dans le paiement du diamant litigieux ou dans sa restitution, en l'absence de toute mise en demeure, ne pouvait constituer une tromperie ou un appauvrissement de la plaignante, dans la mesure où celle-ci n'avait pas fait valoir son droit au paiement ou à la restitution du diamant. Les éléments constitutifs de l'infraction d'escroquerie (art. 146 CP) n'était, en conséquence, pas non plus réunis.

Enfin l'infraction de contrainte, respectivement de tentative de contrainte n'était pas non plus réalisée, puisque le fait de réserver une action en justice ne constituait pas une menace au sens de l'art. 181 CP.

g. E______ SA n'a pas recouru contre cette décision.

h. Par courrier du 12 juin 2020 adressé au Ministère public, dans le cadre de la P/2______/2019, E______ SA a repris les faits évoqués dans sa plainte du 15 août 2019. A______, ses sociétés ainsi que C______ s'étaient enrichis grâce à la vente du diamant litigieux, par le truchement de différents "concours de circonstances" et "assurances fallacieuses".

La création de N______ LTD et les discussions qui s'en étaient suivies, notamment en ce qui concernait la nomination de ses administrateurs et la facturation du diamant ovale, avaient permis aux mis en cause de conserver différentes pierres précieuses pendant une longue durée, cela sans bourse délier.

Aussi, à la lecture des comptes de la société précitée - déposés au registre du commerce britannique et signés le 31 janvier 2019 par C______ -, il n'était pas possible d'établir que celle-ci disposait de fonds suffisant pour régler le montant de USD 3'331'500.-. Il apparaissait donc que celle-ci avait été créée afin d'éluder le paiement de ses dettes à ses fournisseurs.

Au cours de l'instruction, elle avait, par ailleurs, découvert que P______, qui avait réalisé un projet d'investissement avec A______, accusait ce dernier d'avoir acheté et vendu un rubis à l'aide de ses fonds et de s'en être approprié les bénéfices. A______ avait, par la suite, déposé plainte contre le précité en janvier 2019, pour tentative d'extorsion, tentative de contrainte et menaces.

Ainsi, il apparaissait que les méthodes employées par A______ et C______ dans la procédure P/2______/2019 étaient quasi identiques à celles qui avaient été mises en oeuvre dans le cadre de la P/16806/2019. Les protagonistes, tout comme les "subterfuges" utilisés se "recoupaient" dans les deux procédures. Par conséquent, en raison des faits nouveaux exposés, elle sollicitait la reprise de la procédure précitée.

E______ SA a joint le bordereau de pièces produit à l'appui de sa plainte du 15 août 2019 ainsi qu'un avis de droit émanant d'une étude d'avocats anglaise, accompagné d'annexes. Il en ressort que, sur la base des informations contenues au Registre du commerce britannique, rien ne permettait d'établir que N______ LTD disposait de fonds suffisants pour régler le montant de sa dette envers la plaignante, ses fonds propres s'élevant à GPB 100.- au 31 janvier 2019.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public considère que les éléments contenus dans la procédure P/16806/2019, en particulier le versement de USD 200'000.- intervenu le 9 novembre 2018 au débit du compte de A______ ouvert auprès de L______ SA en faveur de E______ SA constituaient des moyens de preuve nouveaux, qui justifiaient la reprise de la procédure.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Ministère public une mauvaise application de l'art. 323 al. 1 CPP. E______ SA n'avait produit aucun fait probant nouveau à l'appui de son courrier du 12 juin 2020. Elle ne faisait que reprendre sa plainte initiale - reformulée pour les besoins de la cause - sans toutefois l'étayer de moyens de preuve nouveaux et pertinents. Les propos tenus lors de l'audition de la partie plaignante et contenus dans le procès-verbal de l'audience du 2 septembre 2019 - antérieure à l'ordonnance de classement - ne pouvaient constituer des faits nouveaux, respectivement des preuves nouvelles, dès lors que ceux-ci faisaient partie intégrante du dossier d'instruction.

Si le Ministère public motivait la reprise de la procédure préliminaire par le versement de USD 200'000.-. intervenu le 9 novembre 2018, celui-ci ressortait néanmoins déjà de la plainte du 15 août 2019 (allégué n. 48, p. 6 de la plainte pénale du 15 août 2019).

E______ SA tentait, par une restructuration de sa plainte, d'amener le Ministère public à conclure que la création de N______ LTD et les discussions qui s'en étaient suivies avec elle, notamment en ce qui concernait la nomination des administrateurs et la facturation du diamant sus-évoqué, lui auraient permis de conserver différentes pierres précieuses pendant une longue durée sans devoir les payer. Elle alléguait ensuite, sans aucune preuve, que N______ LTD aurait été créée pour éluder en tout ou en partie les paiements à ses fournisseurs. Or, ces allégations ressortaient d'ores et déjà de sa plainte initiale.

Elle ne démontrait ainsi pas plus en quoi ses agissements seraient constitutifs d'infraction pénale et n'avait au demeurant produit aucune pièce nouvelle venant soutenir d'éventuelles démarches entreprises à son encontre sur le plan civil.

Au vu de ces éléments, aucun fait ou moyen de preuve nouveaux ne permettait au Ministère public de constater, en l'état et de manière différente que lors du prononcé de l'ordonnance de classement du 4 octobre 2019, sa responsabilité pénale. En réalité, E______ SA semblait déterminée à utiliser la voie pénale pour des faits relevant exclusivement des juridictions civiles.

Aussi, la plaignante tentait de faire passer les pièces déjà produites à l'appui de sa plainte initiale comme de nouvelles pièces. Or, la seule pièce nouvelle produite était la pièce n°76, soit l'avis de droit émanant d'une étude d'avocats anglaise, qui ne pouvait être considéré autrement que comme un allégué, utilisé pour soutenir une nouvelle argumentation, mais en aucun cas pour étayer sa responsabilité pénale.

Enfin, si par impossible le Ministère public entendait le poursuivre pour des faits constitutifs d'escroquerie au détriment de P______, c'était dans le cadre de la procédure P/2______/2019, et uniquement dans le cadre de celle-ci, que ces faits devaient être instruits, dès lors qu'ils n'avaient aucun lien évident avec les accusations de la plaignante.

b. Dans son recours, C______ fait siens les développements de A______. Il n'entendait pas revenir sur les faits de la cause, dans la mesure où l'on pouvait s'interroger sur le fait même qu'il soit visé par la plainte de E______ SA. À la lecture de celle-ci, l'on ne distinguait en effet pas quel comportement pénalement répréhensible lui était personnellement reproché. Partant, c'était de façon "artificielle" qu'il s'était vu notifier une ordonnance de reprise de la procédure préliminaire. En tout état, il n'existait aucun élément nouveau. Dans la faible mesure où l'on devrait estimer qu'il était visé par le courrier du 12 juin 2020 - lequel avait du reste été adressée au Ministère public dans le cadre de la P/2______/2019 à laquelle E______ SA n'était pas partie -, il demandait l'annulation de la décision entreprise.

c. Dans ses observations du 14 août 2020, le Ministère public relève qu'à l'examen de l'extrait du compte bancaire détenu par A______ auprès de L______ SA, un des acomptes avait été payé au moyen de fonds "soutirés" à P______. Le paiement intervenu le 9 novembre 2018 démontrait ainsi que A______ ne disposait pas de moyens financiers suffisants pour acquérir le diamant litigieux, qu'il s'était approprié au détriment de E______ SA. L'infraction d'abus de confiance, ou à tout le moins la condition de l'incapacité à restituer la chose, était donc réalisée. Par ailleurs, l'extrait du compte bancaire sus-évoqué avait été porté à sa connaissance le 24 juin 2020, par suite du séquestre ordonné le 17 juin 2020. Il s'agissait dès lors d'un fait nouveau dont il n'avait pas connaissance le 4 octobre 2019 et qui justifiait la reprise de la procédure préliminaire. Ce fait révélait une responsabilité pénale de A______ mais également de C______, qui avait pris une part active. En procédant au versement de USD 200'000.- en faveur de E______ SA, A______ avait également commis un acte propre à entraver l'identification de l'origine, la découverte ou la confiscation de valeurs patrimoniales dont il savait qu'elles provenaient d'un crime. Aussi, en versant un acompte pour le diamant dont il s'était finalement porté acquéreur, il avait commis une infraction de blanchiment d'argent (art. 305bis CP).

d. Dans ses observations du 24 août 2020, E______ SA estime qu'il était évident que les faits de la P/2______/2019 - dont elle n'était pas encore formellement partie plaignante - "s'entrecroisaient" et complétaient ceux de la P/16806/2019. Ces éléments étaient donc des faits nouveaux, qui ne ressortaient aucunement de la présente cause. Par ailleurs, le comportement astucieux des recourants était démontré par "l'enchevêtrement" de leurs actes commis à son détriment et à celui de P______. En outre, les éléments contenus dans la P/16806/2019 constituaient des moyens de preuve nouveaux, en particulier le versement de USD 200'000.- intervenu le 9 novembre 2018. Les conditions prévues à l'art. 323 al. 1 CPP étaient dès lors réalisées.

e. Dans sa réplique du 31 août 2020, A______ persiste dans les conclusions de son recours et relève que le principal argument invoqué par le Ministère public en vue de légitimer une réouverture de la procédure préliminaire était celui selon lequel il aurait prétendument employé l'argent de P______ pour payer un acompte le 9 novembre 2018. Or, l'on ne pouvait comprendre en quoi le fait qu'il ait pu - ou non - utiliser l'argent du précité pour payer un acompte à E______ SA permettrait de démontrer qu'il ne disposait pas des moyens financiers suffisants pour payer l'intégralité du prix du diamant litigieux. Les récentes garanties qu'il avait proposées et mises en place dans le cadre de la P/2______/2019 ne faisait qu'attester de sa capacité - notoirement reconnue - à assumer financièrement ses obligations contractuelles. En tout état, le versement de USD 200'000.- ressortait d'ores et déjà de la plainte déposée par E______ SA le 15 août 2019, étant rappelé que les moyens de preuve déjà administrés mais qui n'auraient pas été complètement exploités ne pouvaient être considérés comme étant nouveaux. Enfin, le second argument invoqué par le Ministère public - relatif à l'infraction de blanchiment d'argent - n'était guère concevable dans la mesure où il ne ressortait nullement de la P/2______/2019 qu'il savait que le montant de USD 200'000.- provenait d'un crime. Pire, au vu de l'état d'avancement de la procédure, cette autorité était "bien malvenue" de considérer qu'un quelconque crime eût même été commis.

f. Par courrier daté du même jour, C______ a indiqué ne pas avoir d'observations à formuler.

EN DROIT :

1.             En tant qu'ils ont été interjetés contre la même décision, ont trait au même complexe de faits et relèvent d'une problématique juridique identique, il se justifie de joindre les recours, sur lesquels la Chambre de céans statuera par un seul et même arrêt.

2.             Les recours sont recevables pour avoir été déposés selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner des prévenus qui, parties à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), ont qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

3.             Les recourants reprochent au Ministère public d'avoir ordonné la reprise de la procédure préliminaire.

3.1. L'art. 323 al. 1 CPP énonce deux conditions - cumulatives (ATF 141 IV 194 consid. 2.3 p. 197) - qui restreignent le champ d'application de cette forme de révision. Les faits ou moyens de preuve nouveaux doivent "révéler une responsabilité pénale du prévenu", mais aussi ne doivent pas "ressortir du dossier antérieur". Ces deux conditions sont cependant moins sévères après une non-entrée en matière qu'après un classement (ATF 141 IV 194 consid. 2.3 p. 199). Par conséquent, l'ordonnance de non-entrée en matière bénéficie d'une autorité de chose jugée plus limitée encore que celle, déjà réputée restreinte, de l'ordonnance de classement (ATF 144 IV 81 consid. 2.3.5 p. 88).

3.2.  Le fait est nouveau si l'autorité n'a pas pu en avoir eu connaissance. L'art. 323 al. 1 CPP assimile à la connaissance concrète les situations dans lesquelles il existait déjà dans le dossier des éléments se référant au fait (A. KUHN/ Y. JEANNERET/ C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 20 ad art. 323). Ainsi, des moyens de preuves qui ont été cités voire administrés dans le cadre de la procédure antérieure sans être toutefois complètement exploités, ne peuvent pas être considérés comme étant nouveaux (ATF 141 IV 194 consid. 2.3. p. 197). Par faits, l'on entend toute circonstance susceptible d'influer sur l'état de fait qui fonde le jugement. Quant aux moyens de preuve, ils apportent la preuve d'un fait qui peut déjà avoir été allégué. Une opinion, une appréciation personnelle ou une conception juridique nouvelles ne peuvent pas justifier une révision (ATF 141 IV 93 consid. 2.3; ATF 137 IV 59 consid. 5.1.1).

On ne saurait exiger qu'un fait ou un moyen de preuve ne soit considéré comme nouveau que dans la mesure où le ministère public ne pouvait pas en avoir connaissance, dans le cadre de la procédure antérieure, même en ayant fait montre de la plus grande diligence. Concevoir les choses ainsi serait trop strict puisqu'en raison du grand nombre d'affaires pénales qu'elles ont à traiter, les autorités d'instruction sont naturellement enclines à classer les procédures, ce qui donne à penser que l'on ne saurait se monter par trop exigeant s'agissant du respect du devoir de diligence (Message du Conseil fédéral relatif à l'unification du droit de la procédure pénale du 21 décembre 2005, FF 2006 1257). Les exigences quant à la diligence de l'autorité de poursuite doivent être raisonnables. Le législateur a visé un compromis entre l'impossibilité absolue pour l'autorité de poursuite de revenir sur sa propre absence de diligence et une possibilité d'y remédier en tout temps par opportunité, cette dernière solution étant manifestement proscrite par le texte même de l'art. 323 al 1 CPP (A. KUHN / Y. JEANNERET / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), op. cit., n. 20 ad art. 323). Les faits ou moyens de preuve nouveaux doivent remettre en cause les certitudes que le ministère public devait être à même d'afficher pour rendre une telle décision et, dans le même temps, fonder des soupçons suffisants laissant présumer qu'une infraction a été commise (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1153/2016 consid. 3.2. in fine, non publié aux ATF 144 IV 81).

Il est concevable qu'au cours de la première procédure, le ministère public ou une partie, notamment la partie plaignante, ait eu connaissance d'un moyen de preuve ou d'un fait important mais pour une raison quelconque, n'en ont volontairement pas parlé durant la procédure. En pareille occurrence, le principe de la bonne foi ou l'interdiction de l'abus de droit devrait en règle générale faire obstacle à une reprise de la procédure au détriment du prévenu (FF 2006 p. 1257).

3.3. En l'espèce, force est de constater que, dans son courrier du 12 juin 2020, l'intimée fait état, pour ainsi dire intégralement, des mêmes faits que ceux dénoncés dans sa plainte du 15 août 2019, dirigée contre les mêmes personnes. Aussi, les pièces produites à l'appui de son courrier, à l'exception de l'avis de droit anglais, faisaient partie du dossier antérieur et ne constituent dès lors, en aucune manière, des moyens de preuve nouveaux.

S'agissant de cette dernière pièce, il apparaît que les comptes de N______ LTD, sur lesquels elle est fondée ont été déposés par C______ au Registre du commerce britannique le 31 janvier 2019, soit avant le dépôt de la plainte pénale du 15 août 2019. Il apparaît ainsi que l'intimée aurait pu communiquer ce document au cours de cette procédure, qui s'est soldée par une décision de classement le 4 octobre 2019 et contre laquelle elle a renoncé à recourir.

Quand bien même cette pièce devrait être considérée comme nouvelle, elle ne serait, en tout état de cause, pas susceptible de révéler une responsabilité pénale des prévenus dans les faits dénoncés.

En effet, il n'est pas contesté que le diamant litigieux - qui a été confié à A______ - n'a pas été restitué à l'intimée et que le solde de son prix de vente n'a pas encore été honoré par les mis en cause. Cependant, aucun élément au dossier ne permet de présumer que ces derniers n'auraient pas eu la volonté et la possibilité de respecter les termes du contrat. Il est relevé, à cet égard, qu'aucune action civile n'a été intentée par l'intimée contre les intéressés. Or, il apparaît que le litige relève plutôt des juridictions civiles, étant rappelé que l'instruction pénale n'a pas pour vocation de préparer les voies civiles ni de les éluder.

Il en va de même de l'infraction d'escroquerie. L'intimée ne démontre pas en quoi une éventuelle tromperie des mis en cause aurait eu un caractère astucieux et en quoi ces derniers auraient fait preuve d'une rouerie particulière, dans le but de se voir confier un diamant et de se l'approprier dans un dessein d'enrichissement illégitime. Le fait qu'il ne soit pas établi que N______ LTD disposait de fonds suffisants pour s'acquitter de sa dette n'est pas non plus suffisant pour retenir qu'elle aurait été créée dans l'unique but d'éluder le paiement de celle-ci envers la plaignante.

Quant au virement de USD 200'000.-, intervenu le 9 novembre 2018 au débit du compte de A______ en faveur de la plaignante, il ressortait déjà du dossier antérieur. Celui-ci n'est par ailleurs manifestement pas constitutif en lui-même d'une infraction commise au détriment de cette dernière. 

Il découle de ces considérations que l'intimée ne fournit aucun moyen de preuve nouveau ni autre élément plus tangible, par rapport à sa plainte du 15 août 2019, qui seraient susceptibles de fonder une prévention pénale à l'encontre des recourants. Il n'y a dès lors pas matière à revenir sur les motifs ayant fondé l'ordonnance de classement du 4 octobre 2019. 

4.             Fondé, le recours doit être admis; partant, l'ordonnance querellée sera annulée.

5.             L'admission du recours ne donne pas lieu à la perception de frais (art. 428 al. 1 CPP).

6.             Les recourants, prévenus, qui obtiennent gain de cause, ont demandé une indemnité pour leur frais de défense.

6.1.       En vertu de l'art. 436 al. 1 CPP, les prétentions en indemnité dans les procédures de recours sont régies par les art. 429 à 434 CPP.

Selon l'art. 429 al. 1 let. a CPP, le prévenu a droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure, cette indemnisation visant les frais de la défense de choix (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER, Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, Bâle 2011, n. 12 ad art. 429). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause, c'est-à-dire raisonnable au sens de la loi (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

6.2.       La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 = SJ 2012 I 172 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014).

6.3.       A______ n'a pas produit d'état de frais ni chiffré ses prétentions. Compte tenu de l'ampleur de ses écritures - un recours de 18 pages, dont 6 pages et demie sont consacrées à la discussion juridique, et une réplique de 3 pages -, un montant de CHF 4'050.-, correspondant à 9 heures d'activité, au tarif horaire de CHF 450.- apparaissent en adéquation avec le travail accompli. La TVA n'est pas due, en raison du domicile à l'étranger du recourant (ATF 141 IV 344).

6.4.       C______ a demandé une indemnité qu'il a chiffré à CHF 3'600.-, correspondant à 8 heures d'activités au tarif horaire de CHF 450.-. Ce montant apparaît toutefois excessif compte tenu de l'ampleur de son écriture - deux pages, pages de garde et de conclusions comprises - et sera ramené à CHF 2'423,25, TVA comprise, correspondant à cinq heures d'activité, au tarif de CHF 450.-.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Ordonne la jonction des recours.

Les admet et annule l'ordonnance querellée.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 4'050.-, sans TVA, pour ses frais de défense dans le cadre de la procédure de recours.

Alloue à C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 2'423,25.-, TVA (à 7.7%) incluse, pour ses frais de défense dans le cadre de la procédure de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, aux recourants (soit pour eux leurs conseils), à E______ SA (soit pour elle son conseil), et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).