Aller au contenu principal

Décisions | Chambre pénale de recours

1 resultats
P/10294/2013

ACPR/510/2014 (3) du 06.11.2014 sur OMP/7767/2014 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ; QUALITÉ POUR RECOURIR; SÉQUESTRE(MESURE PROVISIONNELLE); ESCROQUERIE; GESTION DÉLOYALE; FAUX MATÉRIEL DANS LES TITRES; SOUPÇON; CONFISCATION(DROIT PÉNAL); CRÉANCE; PROPORTIONNALITÉ; INDEMNITÉ(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPP.382.1; CPP.197.1.B; CPP.263.1.D; CPP.433.1; CP.146; CP.158.1.1; CP.251; CP.70.1; CP.71.3
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/10294/2013 ACPR/510/2014

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 6 novembre 2014

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Pierre BAYENET, avocat, rue Verdaine 6, case postale 3215, 1211 Genève 3,

recourant,

 

contre les décisions rendues le 24 juin 2014 par le Ministère public,

 

et

B______, domiciliée ______, comparant par Me Charles PONCET, avocat, CMS von Erlach Poncet SA, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5824, 1211 Genève 11,

C______SA, sise ______; D______SA, sise ______; E______SA, sise ______; F______SA, p.a. ______, comparant toutes quatre par Me Giorgio CAMPA, avocat, avenue Pictet-de-Rochemont 8, 1207 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé au greffe de la Chambre de céans le 7 juillet 2014, A______ recourt contre deux décisions rendues par le Ministère public le 24 juin 2014 dans la cause P/10294/2013, par lesquelles cette autorité l'informe avoir ordonné le séquestre des biens suivants :

·      le 11 mars 2014, auprès de G______SA, des avoirs déposés sur les relations bancaires n° 1______, n° 2______, n° 3______, n° 4______et n° 5______, du contenu d'un coffre-fort n° 6______, des documents d'ouverture des comptes précités ainsi que des relevés bancaires correspondants;

·      le 19 juin 2014, auprès des Registres fonciers de ______ et de ______, de deux parts de copropriété d'immeubles lui appartenant, sis à ______ et à ______.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance de séquestre du 11 mars 2014, en tant que cette mesure porte sur les avoirs déposés sur les comptes bancaires précités, ainsi qu'à l'annulation des deux ordonnances de séquestre du 19 juin 2014, sous suite de frais et de dépens.

b. En cours de procédure, soit le 8 août 2014, le Ministère public a ordonné la levée du séquestre portant sur les comptes n° 2______ et n° 5______, relations bancaires qui présentaient un solde négatif.

c. Le Ministère public propose le rejet du recours, dans la mesure où cet acte concerne les valeurs et biens demeurant séquestrés.

d. Les parties plaignantes, soit B______ d'une part, et C______SA, D______SA, E______SA et F______SA d'autre part, concluent au rejet du recours, sous suite de frais et de dépens, dépens que la première des précitées chiffre à CHF 3'780.-, TVA incluse, pour les sept heures d'activité alléguées de son conseil, et que les secondes chiffrent à CHF 4'320.-, TVA incluse, somme correspondant à huit heures d'activité d'avocat alléguées.

e. A______ a répliqué le 20 août 2014 et a persisté dans ses conclusions.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a.a. B______, veuve et héritière - entre autres personnes - de H______, décédé à Genève en 2004, est propriétaire de plusieurs biens immobiliers, dont un appartement sis à Genève, canton dans lequel elle est domiciliée, et une villa située à Y______ (France).

Elle est également la principale ayant droit économique des sociétés genevoises D______SA, E______SA et C______SA, sociétés qui sont propriétaires de trois hôtels situés à Genève, soit I______, l'hôtel J______ et l'hôtel K______.

a.b. Certains des intérêts patrimoniaux de la famille de B______ sont gérés par les sociétés genevoises L______SA (depuis 1994) et F______SA (société créée par B______ à cet effet en décembre 2009).

b. A______ a été employé par L______SA entre les mois d'avril 1997 et de juillet 2009, années au cours desquelles il a tissé des liens privilégiés avec la famille de B______.

c. A compter de l'année 2007, B______ a fait procéder à d'importants travaux de rénovation dans sa maison sise en France. A______ est, à la requête de la précitée, intervenu à divers titres sur ce chantier.

d.a. Au terme de ses rapports de travail avec L______SA, A______ avait exercé la fonction d'administrateur président des quatre sociétés plaignantes (du ___ 2009 au ___ 2012 pour C______SA, du ___ 2009 au ___ 2012 pour F______SA ainsi que du ___ 2011 au ___ 2012 pour D______SA et E______SA).

Le 1er juillet 2010, il a été engagé par F______SA en qualité de directeur général, fonction rémunérée CHF 130'000.- bruts par an.

d.b. Par courriel du 27 mars 2011, M______, fils de B______, a requis de A______ qu'il lui présentât un compte-rendu exhaustif de la situation des hôtels et des sociétés détenus par sa mère.

Les précités ont échangés divers courriers électroniques les 30 décembre 2011 et 14 avril 2012. Une séance s'est, par ailleurs, tenue entre les intéressés à cette dernière date, au cours de laquelle le thème de l'augmentation des ressources, respectivement de la diminution des dépenses, des hôtels et sociétés a été abordé.

d.c. Le 25 juin 2012, A______ a démissionné de ses fonctions d'administrateur président des quatre sociétés plaignantes.

Le 29 août 2012, F______SA a résilié le contrat de travail qui la liait au précité avec effet au 31 octobre suivant.

d.d. Par pli du 16 janvier 2013, les quatre sociétés plaignantes informaient A______ avoir fait procéder à un "audit détaillé des activités commerciales et autres qui [avaient] été conduites sous [son] contrôle direct et/ou sous [sa] supervision", audit qui avait "mis en lumière la commission de fautes graves" par ses soins. Elles requéraient, en conséquence, des clarifications au sujet de diverses opérations financières - opérations qui seront énumérées infra, celles-ci étant, pour la plupart, objets de la plainte pénale déposée par ces sociétés.

En réponse, A______ a contesté la commission de quelconques actes répréhensibles, sans toutefois apporter les explications requises par les sociétés.

e.a. A______ a acquis, au mois de ___ 2004, conjointement avec son épouse, un appartement avec dépendances sis à ______, pour un prix de CHF 867'600.-, dont les conjoints sont copropriétaire à raison de 50% chacun.

e.b. Les époux ont acheté, en ___ 2011, un autre bien immobilier situé à ______, au prix de CHF 2'850'000.- environ, dont ils sont également copropriétaires. La famille de A______ y est domiciliée.

e.c. A______ dispose de plusieurs comptes bancaires auprès de G______SA. Il est personnellement titulaire de la relation n° 1______ et détient, conjointement avec son épouse, N______, la relation n° 3______.

N______ est seule titulaire de la relation bancaire n° 4______, compte sur lequel A______ dispose d'une procuration.

C. a. Le 8 juillet 2013, B______ a déposé plainte pénale - acte qui est documenté - à l'encontre de plusieurs personnes, parmi lesquelles A______, des chefs, notamment, de gestion déloyale, d'escroquerie et de faux dans les titres.

En substance, elle exposait avoir mandaté A______, personne en laquelle elle avait placé sa confiance, en qualité de directeur financier des travaux de rénovation de sa maison sise en France. Dans ce cadre, A______ lui avait présenté, entre 2009 et 2011, de nombreuses fausses factures à l'en-tête de l'entreprise de O______, le cas échéant avec la complicité de ce dernier, factures qu'elle avait visées et payées. A______ avait également perçu diverses commissions et/ou rétrocessions illicites de O______, à concurrence d'EUR 150'000.- et de CHF 394'000.-. La totalité des sommes détournées dans ce contexte s'élevait à CHF 950'000.-. De surcroît, A______ avait, au moyen d'un modus operandi similaire à celui sus-décrit, procédé à d'autres détournements. En effet, un montant de CHF 658'054.61 avait été débité du compte dont elle était titulaire en relation avec des travaux prétendument exécutés par P______SARL, montant qui s'est révélé ne correspondre à aucune des factures effectivement établies par cette société.

La plaignante requérait, en conséquence, la saisie conservatoire, entre autres biens, des avoirs, titres ou valeurs patrimoniales déposés par A______ auprès de G______SA, respectivement des deux parts de copropriété des immeubles appartenant à ce dernier, situés à ______ et à ______.

b. Le 24 octobre 2013, C______SA, D______SA, E______SA et F______SA ont déposé plainte pénale - acte qui est documenté - à l'encontre de A______ des chefs, notamment, de gestion déloyale et d'escroquerie.

En résumé, les plaignantes reprochaient à A______, personne en laquelle l'ensemble de leurs administrateurs avait placé leur confiance, d'avoir :

·      perçu des rétrocessions occultes de la société Q______SARL, mandatée par A______ pour effectuer divers travaux au sein des hôtels J______, K______ et I______; compte tenu de la proportion de ces rétrocessions, soit une somme de CHF 91'723.40 sur les CHF 301'550.29 facturés par Q______SARL, A______ avait certainement, le cas échéant avec la complicité de l'associé gérant de cette société, établi de fausses factures et/ou fait surfacturer, respectivement fait facturer à double, certains travaux;

·      perçu des rétrocessions occultes de CHF 88'000.- de la société P______SARL, mandatée par A______ pour effectuer divers travaux au sein tant des trois hôtels sus-désignés que de la maison de B______ sise en France; A______ avait également proposé au gérant de cette société de compenser une partie du coût des travaux que P______SARL avait effectués à son domicile privé de ______, avec le montant des commissions que cette société devrait lui verser en contrepartie de l'attribution de chantiers au sein des hôtels J______ et K______;

·      perçu des rétrocessions substantielles de la société de nettoyage R______SARL, mandatée par A______ pour assurer les services d'entretien et de femmes de chambre au sein des hôtels J______ et K______;

·      obtenu de D______SA d'être mis au bénéfice d'un contrat de travail et d'un salaire annuel brut de CHF 80'000.- à l'insu de B______, principale ayant-droit économique de cette société;

·      acquis, pour son usage personnel, aux frais de D______SA, un ordinateur portable d'une valeur de CHF 1'634.05;

·      utilisé, pour l'entretien de son domicile personnel sis à ______, les services d'une femme de ménage employée et rémunérée par C______SA;

·      acquis, aux frais de l'une et/ou de plusieurs des sociétés plaignantes, pour son domicile privé situé à ______ : divers téléviseurs; un système de chauffage au sol et de climatisation (facturé CHF 94'491.50 par la société S______SA); plusieurs pièces de marbre (facturées EUR 51'000.- par la société italienne T______SRL); du papier peint (facturé EUR 33'000.- par la société italienne U______SRL) ainsi que divers accessoires de luxe pour les salles d'eau (facturés EUR 11'174.21 par la société italienne V______).

Les quatre sociétés requéraient, en conséquence, la saisie conservatoire de divers biens propriétés de A______, en particulier des valeurs et immeubles énumérés à la lettre C.a supra.

c. Le 11 mars 2014, le Ministère public a ordonné l'ouverture d'une instruction pénale contre A______ pour gestion déloyale, escroquerie et faux dans les titres.

d.a. Le même jour, il a ordonné le séquestre, auprès de G______SA, des avoirs, dépôt et documents énumérés à la lettre A.a ci-dessus, estimant qu'il était probable que ces objets et valeurs soient utilisés comme moyens de preuve, respectivement utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure; la restitution aux lésées de ces objets et valeurs, le cas échéant leur confiscation par le juge du fond, étaient également envisageables.

d.b. Certains des comptes compris dans les relations n° 1______ et n° 3______ présentaient, le 11 mars 2014, des soldes positifs (CHF 58'865.- au total). Tel était également le cas de la relation bancaire n° 4______, détenue par N______ (CHF 3'353.-). Depuis cette dernière date, le Ministère public a autorisé G______SA à prélever, sur certaines des relations bancaires précitées, divers montants, soit les intérêts courus sur des prêts hypothécaires contractés par les époux A______ et N______.

d.c. Le 19 juin 2014, le Ministère public a ordonné le séquestre des deux parts de copropriétés d'immeubles détenues par A______ (cf. lettre A.a supra), en vue de garantir une éventuelle confiscation de ces biens.

e. Le 9 septembre 2014 - soit après le dernier échange d'écritures intervenu entre les parties devant la Chambre de céans -, A______ a été prévenu du chef d'infractions aux art. 146, 158 et 251 CP pour avoir adopté l'essentiel des comportements dénoncés par les parties plaignantes.

Le prévenu, respectivement les parties plaignantes, ont été entendues par le Ministère public lors de quatre audiences, appointées entre le 9 septembre et le 28 octobre 2014. A______ a, à ces occasions, repris, dans les grandes lignes, les dénégations et arguments qu'il énonce dans son recours (cf. à cet égard lettre D.a infra); il a également produit diverses pièces. Les plaignantes, ont, quant à elles, confirmé, pour l'essentiel, la teneur de leurs plaintes.

D. a. Dans le cadre de ses recours et réplique, A______ conteste l'existence de soupçons suffisants à son encontre.

En ce qui concerne la plainte déposée par B______, il nie être intervenu en qualité de directeur financier des travaux de rénovation de la maison sise à Y______; son activité s'était limitée à assister aux réunions de chantier et à donner des instructions aux entrepreneurs, lesquels lui remettaient des factures qu'il transmettait à B______; il expliquait alors à l'intéressée la teneur de ces documents. Certains travaux avaient dû être exécutés à deux reprises, B______ variant dans ses souhaits. Il conteste également avoir "procédé à [de] quelconques malversations ou avoir encaissé des commissions ou bénéficié d'avantages en nature de la part d'entrepreneurs ayant travaillé sur ce chantier".

S'agissant de la plainte déposée par C______SA, D______SA, E______SA et F______SA, il expose avoir "travaillé de manière totalement transparente et honnête pour le compte de" la famille de B______. Son travail était "toutefois devenu extrêmement difficile après" le décès de H______; en effet, il recevait alors des instructions contradictoires de divers membres de la famille, dont les intérêts étaient parfois divergents. Il nie avoir bénéficié des services, à son domicile privé, d'une femme de ménage rémunérée par C______SA. Il souligne également que l'acquisition, aux frais de l'une et/ou de plusieurs des sociétés plaignantes, de certains matériaux et installation pour son domicile de ______, est intervenue avec l'accord de B______. Pour étayer cet allégué, il produit une attestation - qu'il soutient avoir été établie et signée par B______ - dont la teneur est la suivante : "Je soussignée, Madame B______, atteste par la présente, avoir fait appel aux sociétés D______SA, E______SA et C______SA, par le biais de M. A______, administrateur des sociétés citées, pour des avances de frais facturés aux sociétés et aux fournisseurs de ces dernières pour des dépenses, à titre privé, tel que des dépenses courantes pour sa résidence à ______ (…). Ces factures ou avances en espèces ont à chaque fois été remboursées par moi-même [suit la signature]" (pièce 17 du bordereau du recourant).

Il fait également valoir que la mise sous séquestre des biens querellés est injustifiée, aux motifs que la saisie de ses valeurs et immeubles n'est "aucunement utile à la manifestation de la vérité", qu'il n'a pas pour intention de dilapider ses biens, ni de s'enfuir, enfin qu'aucun des immeubles et valeurs concernés n'a été acquis au moyen de fonds illicites. A ce dernier égard, il établit par pièces que l'achat, en 2011, du bien immobilier situé à ______, a été financé, d'une part, au moyen d'une somme d'argent remise par B______ aux époux A______ et N______ (CHF 2'000'000.- partiellement affectés à cette acquisition) et, d'autre part, au moyen d'un prêt hypothécaire (CHF 1'450'000.-).

Enfin, il qualifie de disproportionnées les mesures querellées. En particulier, la quotité des avoirs bancaires saisis est insignifiante au regard des sommes prétendument détournées. Les séquestres portent, de surcroît, sur l'ensemble de ses revenus et fortune, de sorte que la préservation de son minimum vital n'est plus assurée.

b. Du point de vue du Ministère public, les deux plaintes pénales déposées à l'encontre de A______ fondent des soupçons suffisants de la commission d'infractions aux art. 146, 158 et 251 CP. Le séquestre des biens querellés se justifie en vue de garantir l'éventuelle exécution d'une créance compensatrice et/ou d'une confiscation; en particulier, A______ a vraisemblablement acquis de manière indue certains des matériaux et installation incorporés à l'immeuble de ______.

c. Dans le cadre de leurs brèves observations, les plaignantes se prévalent d'arguments similaires à ceux développés par le Ministère public. C______SA, D______SA, E______SA et F______SA contestent, par ailleurs, l'authenticité de l'attestation produite par A______ sous cote 17 de son chargé.

EN DROIT :

1. Le recours a été interjeté dans les délai (art. 90 al. 2 cum art. 396 al. 1 CPP) et forme (art. 385 al. 1, 390 al. 1 et 396 al. 1 CPP) utiles, à l'encontre de deux décisions sujettes à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP; art. 127 et 128 LOJ/GE).

Si le prévenu dispose d'un intérêt juridiquement protégé, et partant de la qualité pour recourir (art. 382 al. 1 CPP), en ce qui concerne la mise sous séquestre des parts de copropriété des immeubles sis à ______ et à ______ - biens sur lesquels il dispose d'un droit de propriété -, respectivement des avoirs bancaires dont il est le titulaire - le droit personnel de disposition dont il jouit sur ces espèces équivalant économiquement à un droit réel (ATF 133 IV 278 consid. 1.3; arrêts du Tribunal fédéral 6B_422/2013 du 6 mai 2014 consid. 1.2 et 1B_94/2012 du 2 avril 2012 consid. 2.1) -, tel n'est, en revanche, pas le cas en ce qui concerne la relation bancaire n° 4______détenue par son épouse (ibidem).

Le recours n'est donc recevable que dans la mesure où il porte sur le séquestre des biens dont le prévenu est propriétaire et/ou titulaire.

2. Le recourant conteste que les conditions permettant d'ordonner le séquestre des biens querellées soient réunies.

2.1.1. Conformément à l'art. 197 al. 1 let. b CPP, toute mesure de contrainte - au nombre desquelles figure le séquestre - doit répondre à l'existence de soupçons suffisants laissant présumer une infraction.

Au début de l'enquête, un soupçon crédible ou un début de preuve de l'existence de l'infraction reprochée suffit à ordonner le séquestre, ce qui laisse une grande place à l'appréciation du juge. On exige toutefois que ce soupçon se renforce au cours de l'instruction pour justifier le maintien du séquestre (A. KUHN/Y. JEANNERET (éds), Code de procédure pénale suisse, n. 17, 22 et 25 ad art. 263).

Selon l'art. 146 CP se rend coupable d'escroquerie celui qui, notamment, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses - par exemple en utilisant un faux titre (B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, Vol. I, 3ème éd., 2010, p. 334 n. 49) - et aura, de la sorte, déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un tiers.

L’art. 158 ch. 1 al. 1 CP réprime le comportement de la personne qui, en vertu de la loi, d’un mandat officiel ou d’un acte juridique, est tenue de gérer les intérêts pécuniaires d’autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu’ils soient lésés. La peine sera aggravée si l’auteur a agi dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime (al. 3).

Se rend coupable de faux matériel dans les titres au sens de l'art. 251 CP, celui qui fabrique un titre dont l'auteur réel ne coïncide pas avec l'auteur apparent. Ainsi, en va-t-il de l'auteur qui établit une fausse facture, l'intéressé se prévalant alors faussement de l'autorité d'un tiers - i.e. l'auteur apparent - en vue d'établir l'existence et le prix des prestations énumérées dans ce document (ATF 106 IV 41 consid. 3a/bb = JdT 1981 IV 51; arrêt du Tribunal fédéral 6S.39/2003 du 6 mai 2003 consid. 2.2).

2.1.2. L'art. 263 CPP permet de mettre sous séquestre des objets - par exemple, une part de copropriété immobilière (ATF 140 IV 57 consid. 4.3) - ainsi que des valeurs patrimoniales appartenant au prévenu ou à des tiers, lorsqu'il est probable que ces biens seront utilisés comme moyens de preuves (art. 263 al. 1 let. a CPP), qu'ils seront utilisés pour garantir le paiement des frais de procédure, des peines pécuniaires, des amendes et des indemnités (art. 263 al. 1 let. b CPP), qu'ils devront être restitués au lésé (art. 263 al. 1 let. c CPP) ou qu'ils devront être confisqués (art. 263 al. 1 let. d CPP).

Le séquestre institué par l'art. 263 al. 1 let. d CPP tend à préserver les objets ou les valeurs que le juge du fond pourrait être amené à confisquer (art. 70 al. 1 CP). L'application de l'art. 70 al. 1 CP suppose l'existence d'un lien de causalité entre l'infraction et l'obtention des valeurs patrimoniales; cette hypothèse est notamment réalisée lorsque l'obtention desdites valeurs est l'un des éléments constitutifs de l'infraction, respectivement lorsqu'elle constitue un avantage direct découlant de la commission de l'infraction (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.1).

L'autorité d'instruction peut également placer sous séquestre, en vue de garantir l'exécution d'une créance compensatrice (art. 71 al. 1 et al. 3 CP) - créance qui est soumise aux mêmes conditions que la confiscation -, des valeurs patrimoniales qui ne se rattachent à aucune infraction (ATF 140 IV 57 consid. 4.2).

2.1.3. La mesure de séquestre est proportionnée lorsqu'elle porte sur des avoirs dont on peut admettre qu'ils pourront être vraisemblablement confisqués en application du droit pénal (art. 70 et 71 CP). Tant que l'instruction n'est pas achevée, une simple probabilité de confiscation suffit car, à l'instar de toute mesure provisionnelle, la saisie se rapporte à des prétentions encore incertaines. L'autorité doit pouvoir décider rapidement du séquestre provisoire (cf. art. 263 al. 2 CPP), ce qui exclut qu'elle résolve des questions juridiques complexes ou qu'elle attende d'être renseignée de manière exacte et complète sur les faits avant d'agir (ATF 140 IV 57 consid. 4.1.2; 116 Ib 96 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 1B_390/2013 du 10 janvier 2014 consid. 2.1).

Seul le séquestre en couverture des frais de procédure (art. 263 al. 1 let. b CPP) impose de prendre en compte les revenus et fortune - saisissables au sens du droit des poursuites - du prévenu (art. 268 al. 2 et al. 3 CPP), à l'exclusion des séquestres fondés sur les art. 263 al. 1 let. d CPP et 71 al. 3 CP (arrêt du Tribunal fédéral 1B_177/2012 du 28 août 2012 consid. 2.2).

2.2. En l'espèce, l'instruction de la cause vient de débuter. En effet, les parties ont été entendues aux mois de septembre et d'octobre 2014. Dès lors, à ce stade de la procédure, il suffit, pour que le Ministère public puisse ordonner un séquestre, qu'il dispose d’un soupçon crédible, respectivement d'un début de preuve, de l'existence des infractions reprochées au recourant.

Or, les plaignantes allèguent, de manière précise et documentée, avoir été spoliées de diverses sommes par le prévenu

En effet, il résulte de leurs plaintes - dont les intéressées ont, dans les grandes lignes, confirmé la teneur devant le Ministère public - que le recourant aurait, pour l'essentiel, le cas échéant avec la complicité de tiers, établi de fausses factures - qui ont été acquittées - et/ou fait procéder à la surfacturation, respectivement à la facturation à double, de travaux et ce, dans le but d'en retirer un avantage financier de CHF 1'787'777.- (CHF 950'000.- + CHF 658'054.- + CHF 91'723.- + CHF 88'000.-). Le prévenu aurait également acquis, aux frais et à l'insu des quatre sociétés plaignantes, divers objets, matériaux et installations pour son usage personnel, respectivement pour son domicile privé sis à ______, à concurrence de CHF 96'125.- (CHF 1'634.- + CHF 94'491.-) et d'EUR 95'174.- (EUR 51'000.- + EUR 33'000.- + EUR 11'174.-).

En l'état, les simples dénégations du recourant sont impropres à lever le soupçon, suffisant, de la commission des infractions qui lui sont reprochées, les agissements sus-décrits étant susceptibles d'être réprimés par les art. 146, 158 et 251 CP.

De surcroît, le fait que le prévenu aurait pu, comme il le soutient, ne pas avoir officié en qualité de directeur financier des travaux de rénovation de la maison sise à Y______ (art. 158 CP) n'est pas déterminant, les comportements dénoncés par B______ pouvant également relever de l'art. 146 CP.

Quant à l'attestation produite par le prévenu (pièce 17), elle est contestée par les sociétés plaignantes, contestation qui n'apparaît pas, en l'état actuel de la procédure, privée de tout fondement. En effet, on distingue mal les raisons pour lesquelles B______ n'aurait pas remis directement au recourant les sommes dont il avait besoin pour procéder à ses dépenses d'ordre privé, en lieu et place de l'autoriser à utiliser les comptes des sociétés à cette fin, sociétés qu'elle devait ensuite défrayer. Il n'apparaît pas non plus que B______ aurait remboursé les sommes prélevées, comme le laisse pourtant entendre le libellé de l'attestation. Au demeurant, ce document fait exclusivement référence à des dépenses courantes, l'achat prodigue de biens, du type de ceux effectués par le prévenu, n'y étant pas évoqué.

L'existence de soupçons crédibles doit donc, à ce stade, être admise.

Par ailleurs, il ne peut être exclu, en l'état de la procédure, que les avoirs bancaires séquestrés aient été obtenus au moyen des infractions reprochées. Les matériaux et installations acquises par le prévenu pour son domicile de ______ sont, quant à eux, incorporés à l'immeuble.

En outre, la confiscation de biens de provenance licite - soit, en l'occurrence, la part de copropriété de l'appartement sis à ______, certaines parties de l'immeuble situé à ______ et, éventuellement, les valeurs séquestrées, dans l'hypothèse où elles ne se rattacheraient à aucune infraction - pourrait être prononcée dans le cadre d'une créance compensatrice de l'État.

En effet, le séquestre des biens litigieux en vue de l'exécution d'une créance compensatrice serait également justifié, compte tenu des soupçons évoqués ci-dessus qui pèsent sur le prévenu, dès lors que, dans un tel cas, c'est un montant de remplacement équivalent - de provenance licite - qui pourrait être séquestré.

Les conditions d'un séquestre du produit de l'infraction, voire d'un séquestre en vue d'une créance compensatrice, apparaissent donc, prima facie, réunies. Dans ces circonstances, l'examen des griefs soulevés par le recourant en lien avec un séquestre probatoire (art. 263 al. 1 let. a CPP), respectivement un séquestre en couverture des frais (art. 263 al. 1 let. b CPP), est superflu, tout comme l'examen de la problématique de la préservation du minimum vital, les séquestres querellés reposant sur les 263 al. 1 let. d CPP et 71 al. 3 CP.

Par ailleurs, les mesures litigieuses sont proportionnées, puisque la valeur approximative des biens saisis, soit CHF 1'921'018.- selon les éléments figurant au dossier (CHF 433'800.- [50% du prix d'achat de l'appartement sis à ______, correspondant à la part de copropriété du recourant] + CHF 1'425'000.- [50% du prix d'achat de l'immeuble situé à ______] + CHF 62'218.- environ sur les comptes qui présentaient, le 14 mars 2011, un solde positif, montant qui est toutefois actuellement moins élevé), est inférieure aux dommages dont le prévenu serait l'auteur (CHF 1'883'902.- [soit CHF 1'787'777.- + CHF 96'125.-] + EUR 95'174.-).

Au vu de ces considérations, force est de constater que les exigences des art. 197 et 263 CPP ainsi que 71 al. 3 CP sont, en l'état, respectées, étant relevé que l'instruction de la cause n'en est qu'à ses débuts - instruction qui devra notamment porter sur le bien-fondé et/ou l'authenticité des diverses pièces produites par les parties - et qu'il s'agit d'une affaire relativement complexe.

2.3. En conclusion, le recours se révèle mal fondé et doit être rejeté.

3. En tant qu'il succombe, le prévenu supportera les frais de la procédure (art. 428 al. 1 CPP).

4. Les parties plaignantes sollicitent le versement, par le recourant, d'indemnités de CHF 3'780.- et de CHF 4'320.- au titre de dépenses occasionnées par la procédure de recours.

4.1. A teneur de l'art. 433 al. 1 CPP, applicable par le renvoi de l'art. 436 al. 1 CPP, la partie plaignante peut demander au prévenu une juste indemnité pour ses dépenses obligatoires, si elle obtient gain de cause ou si le prévenu est astreint au paiement des frais.

La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante. L'utilité des démarches entreprises ne s'examine pas sous l'angle du résultat obtenu; celles-ci doivent apparaître adéquates pour la défense du point de vue d'une partie plaignante raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.2 et 2.3).

4.2. En l'espèce, les observations déposées par les plaignantes sont succinctes; en effet, l'acte de B______ comporte 6 pages et celui des sociétés plaignantes 4 pages. Les questions soulevées par la présente procédure ne présentent pas non plus de difficultés particulières.

Une indemnité de CHF 1'730.-, TVA de 8% incluse, sera donc allouée à chacune des deux parties plaignantes, correspondant à quatre heures d'activité d'avocat, rémunérée au tarif horaire usuel de CHF 400.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 consid. 3, paru in SJ 2012 I 175), indemnités qui seront acquittées par le prévenu.

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit le recours formé par A______ contre les décisions rendues le 24 juin 2014 par le Ministère public dans la procédure P/10294/2013.

Le rejette, dans la mesure de sa recevabilité.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 2'000.-.

Condamne A______ au paiement d'une indemnité de CHF 1'730.- à B______.

Condamne A______ au paiement d'une indemnité de CHF 1'730.- à C______SA, D______SA, E______SA et F______SA.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

Le président :

Christian COQUOZ

 






Indication des voies de recours
 :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110) ; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

 

éTAT DE FRAIS

P/10294/2013

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10 03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

70.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision indépendante (let. c)

CHF

2'000.00

-

CHF

     

Total

CHF

2'145.00