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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/22811/2020

ACPR/139/2021 du 04.03.2021 sur ONMMP/3900/2020 ( MP ) , IRRECEVABLE

Descripteurs : CONDITION DE RECEVABILITÉ;LÉSÉ;BIEN PROTÉGÉ;INTERPRÉTATION(SENS GÉNÉRAL);ACQUISITION D'IMMEUBLES PAR DES PERSONNES À L'ÉTRANGER;DISPOSITIONS PÉNALES DE LA LFAIE
Normes : CPP.382; CPP.115; CPP.118; LFAIE.28

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22811/2020 ACPR/139/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 4 mars 2021

 

Entre

A______, comparant par Mes Albert RIGHINI et Elisa BIANCHETTI, avocats, RVMH Avocats, rue Gourgas 5, case postale 31, 1211 Genève 8, ,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 7 décembre 2020 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié au greffe de la Chambre de céans le 18 décembre 2020, A______ recourt contre l'ordonnance du 7 décembre 2020, expédiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les faits visés par la procédure.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée et à ce qu'il soit ordonné au Ministère public d'ouvrir une procédure pénale.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 1'000.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par acte du 26 novembre 2020, A______ a dénoncé au Ministère public des faits susceptibles de constituer une violation de l'art. 28 de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 16 décembre 1983 (LFAIE ; RS 211.412.41), commise par B______.

En substance, il a exposé que B______ s'était présentée à lui comme acquéreuse de ses actions dans la société immobilière C______ SA, propriétaire de plusieurs immeubles et appartements à Genève, tout en garantissant qu'elle n'était pas soumise à la LFAIE. Un contrat de vente et d'achat d'actions avait été signé et les actions de C______ SA avaient été endossées en faveur de la prénommée. Il s'avérait aujourd'hui que B______ était vraisemblablement soumise à la LFAIE et que les actes précités étaient intervenus en violation de l'art. 28 LFAIE. Rien n'indiquait que la prénommée avait saisi le département de la sécurité, de l'emploi et de la santé (DSES) afin d'obtenir une autorisation d'acquérir, respectivement de faire constater qu'elle n'était pas assujettie (art. 17 LFAIE). Il n'avait jamais eu de quelconque intention de conclure avec quelqu'un n'ayant pas la capacité d'acquérir conformément à la LFAIE et s'estimait trompé par l'engagement donné lors de la signature du contrat. Il sollicitait du Ministère public le prononcé de mesures provisionnelles (art. 23 LFAIE), telles que le séquestre des actions, ainsi que le dépôt d'une action en cessation de l'état illicite (art. 27 LFAIE).

b. Le 7 décembre 2020, A______ a, par trois fois, écrit au Ministère public pour l'informer de récents développements lui faisant craindre que les différents participants à l'établissement, à la signature et à la mise en oeuvre du contrat de vente d'actions en poursuivaient l'exécution. Il sollicitait des mesures conservatoires urgentes, sous la forme d'un blocage des certificats d'actions de C______ SA en main du tiers séquestre chez qui ils étaient conservés.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public a examiné les faits sous l'angle des art. 28, 29 et 30 LFAIE, retenant que les éléments objectifs de ces infractions n'étaient pas remplis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

D. a. À l'appui de son recours, A______ affirme disposer d'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP) à faire annuler la décision entreprise. Il précisait avoir également recouru contre cette décision auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : CACJ), si la Chambre de céans devait se déclarer incompétente au motif que le Ministère public aurait agi en sa qualité "d'autorité cantonale habilitée à recourir", ayant exercé sa "fonction administrative" en refusant d'ouvrir une procédure conformément à la LFAIE (art. 15 al. 1 let. b LFAIE et 9 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger du 20 juin 1986 [LaLFAIE ; E 1 43]). Cette question avait d'ailleurs été laissée ouverte par la CACJ dans un arrêt récent (ATA/862/2020 du 8 septembre 2020).

Sur le fond, il reproche au Ministère public d'avoir violé l'art. 310 CPP et le principe in dubio pro duriore en refusant d'ouvrir une instruction du chef de violation de l'art. 28 LFAIE.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

2.             2.1. Le recours a été déposé selon la forme et - faute de notification de la décision querellée conforme à l'art. 85 al. 2 CPP - dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP).

2.2. Il concerne une ordonnance de non-entrée en matière rendue par le Ministère public en sa qualité d'autorité de poursuite pénale, soit une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2 cum 322 al. 2 CPP ; art. 393 al. 1 let. a CPP ; art. 128 LOJ).

Peu importe, dans ce cadre, que la LaLFAIE (art. 9) désigne le Ministère public comme autorité habilitée à recourir, à requérir la révocation d'une autorisation, à ordonner l'ouverture d'une procédure pénale et à agir en cessation de l'état illicite au sens de l'art. 15 al. 1 let. b LFAIE et que cette compétence comprenne également, selon la doctrine, celle d'ordonner des mesures provisionnelles au sens de l'art. 23 LFAIE (cf. les références citées par l'ATA/862/2020 du 8 septembre 2020 consid. 2a). Dans sa décision, le Ministère public ne s'est pas prononcé sur d'éventuelles mesures provisionnelles au sens de la LFAIE, décision qui pourrait semble-t-il faire l'objet d'un recours à la CACJ (cf. ATA/862/2020 précité consid. 2a in fine). Il n'a pas non plus agi en sa qualité d'autorité cantonale habilitée à recourir, mais en tant qu'autorité de poursuite pénale compétente pour poursuivre les infractions à la LFAIE (cf. art. 35 al. 1 LFAIE). Le recourant l'a du reste bien compris, puisqu'il ne conclut pas, dans ses écritures, au prononcé de mesures provisionnelles selon la LFAIE, mais uniquement à l'ouverture d'une procédure pénale. Ainsi, indépendamment du sort du recours parallèle à la CACJ, le Ministère public était matériellement compétent pour rendre l'ordonnance de non-entrée en matière litigieuse, laquelle peut donc faire l'objet d'un contrôle par la Chambre de céans, sous réserve toutefois des autres conditions de recevabilité.

2.3. Reste en effet à examiner la question de la qualité pour agir du recourant.

2.3.1. Toute partie qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification d'une décision a qualité pour recourir contre celle-ci (art. 382 al. 1 CPP).

La partie plaignante a qualité de partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP). Selon l'art. 118 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil (al. 1). Une plainte pénale équivaut à une telle déclaration (al. 2). La déclaration doit être faite devant une autorité de poursuite pénale avant la clôture de la procédure préliminaire (al. 3). Si le lésé n'a pas fait spontanément de déclaration, le ministère public attire son attention dès l'ouverture de la procédure préliminaire sur son droit d'en faire une (al. 4).

La notion de lésé est définie à l'art. 115 al. 1 CPP. Il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (ATF 145 IV 491 consid. 2.3 p. 495). Lorsque la norme ne protège pas en première ligne les biens juridiques individuels, seule est considérée comme lésée la personne qui est affectée dans ses droits par l'infraction sanctionnée par la norme en cause, pour autant que l'atteinte apparaisse comme la conséquence directe du comportement de l'auteur. Il suffit, dans la règle, que le bien juridique individuel dont le lésé invoque l'atteinte soit protégé secondairement ou accessoirement, même si la disposition légale protège en première ligne des biens juridiques collectifs. En revanche, celui dont les intérêts privés ne sont atteints qu'indirectement par une infraction qui ne lèse que des intérêts publics, n'est pas lésé au sens du droit de procédure pénale (ATF 145 IV 491 consid. 2.3.1 p. 495). Pour être directement touché, le lésé doit en outre subir une atteinte en rapport de causalité directe avec l'infraction poursuivie. Les personnes subissant un préjudice indirect ou par ricochet n'ont donc pas le statut de lésé et sont des tiers n'ayant pas accès au statut de partie à la procédure pénale (ATF 141 IV 454 consid. 2.3.1 p. 457 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_40/2020 du 18 juin 2020 consid. 3 et les arrêts cités).

2.3.2. En l'espèce, le recourant n'a pas fait de déclaration expresse au sens de l'art. 118 al. 1 CPP. Il n'a pas non plus déposé de plainte pénale contre la mise en cause au sens de l'art. 118 al. 2 CPP, mais s'est contenté, dans son acte du 26 novembre 2020, de porter les faits litigieux à la connaissance du Ministère public. Cet acte s'interprète donc comme une simple dénonciation (art. 301 CPP), insuffisante en soi pour valoir constitution de partie plaignante. Toutefois, dès lors que le Ministère public a immédiatement clos la procédure par une ordonnance de non-entrée en matière, sans donner au recourant l'occasion de se prononcer sur cette question, le lésé pourrait se voir reconnaître certains droits de partie, dont celui d'interjeter recours (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_722/2018 du 20 novembre 2018 consid. 4.3 et les références citées).

Ce qui précède ne dispense pas l'intéressé de son obligation d'établir sa qualité de lésé, notamment lorsque celle-ci n'est pas d'emblée évidente (cf. arrêt du Tribunal fédéral 1B_304/2020 du 3 décembre 2020 consid. 2.1 et la référence citée). En l'occurrence, le recourant, assisté par des avocats, se contente d'affirmer disposer d'un intérêt juridiquement protégé (art. 382 al. 1 CPP) à faire annuler la décision entreprise. Cette motivation est clairement insuffisante. Il lui appartenait d'exposer les éléments propres à fonder sa qualité de lésé, soit que l'infraction dénoncée vise à protéger un bien juridique dont il est titulaire et qu'elle lui cause une atteinte directe. Cependant, dès lors que cette question a trait à une condition de recevabilité, qui doit être examinée d'office par l'autorité de recours (cf. ACPR/261/2020 du 27 avril 2020 consid. 2.3.2 in fine et la référence citée), on peut encore préciser ce qui suit.

2.3.3. Déterminer quel est le bien juridique protégé par l'infraction, respectivement qui peut en être le titulaire, se fait par l'interprétation du texte de l'infraction (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2ème éd., Bâle 2019, n. 11 ad art. 115).

La seule infraction litigieuse au stade du recours est l'art. 28 LFAIE (actes visant à éluder le régime de l'autorisation), dont le texte est le suivant :

Quiconque, intentionnellement, met à exécution un acte juridique nul en raison du défaut d'autorisation ou, en sa qualité d'héritier tenu de requérir une autorisation, ne demande pas celle-ci dans le délai prescrit, est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

Si l'auteur agit par métier, la peine est une peine privative de liberté de trois ans au plus ou une peine pécuniaire de 180 jours-amende au moins.

Si l'auteur a agi par négligence, la peine sera l'amende jusqu'à 50 000 francs.

4 Si l'auteur rétablit l'état antérieur, le juge pourra atténuer la peine.

La lecture de cette disposition ne permet pas d'affirmer qu'elle viserait à protéger des biens juridiques individuels, tels que la propriété ou les intérêts pécuniaires des parties à l'acte juridique. Elle semble plutôt souligner l'importance du régime de l'autorisation, soit un contrôle étatique sur certaines acquisitions d'immeubles, et par là un intérêt avant tout public. La doctrine souligne d'ailleurs que l'"élément caractéristique" de l'infraction est l'inobservation de l'art. 17 al. 1 LFAIE, disposition qui soumet à une procédure d'autorisation les acquisitions d'immeubles par des personnes à l'étranger (C. FAVRE / M. PELLET / P. STOUDMANN, Droit pénal accessoire : code annoté, Lausanne 2018, n. 1.1 ad art. 28 LFAIE). On ne discerne pas, dans ce cadre, de protection (même secondaire) d'intérêts purement privés des parties à l'acte juridique soumis à autorisation.

Sur le plan téléologique, le Tribunal fédéral a considéré qu'en mettant à exécution un acte juridique nul en raison du défaut d'autorisation, l'auteur élude le régime de l'autorisation et contourne ainsi le but de la loi, prévu à l'art. 1 LFAIE, qui est de limiter l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger dans le but de prévenir l'emprise étrangère sur le sol suisse (ATF 123 IV 167 consid. 4b p. 174). Ce but de prévention est présenté soit comme le seul et unique but de la loi (U. MÜHLEBACH / H. GEISSMANN, Lex F., Kommentar zum Bundesgesetz über den Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland, Brugg/Baden 1986, n. 1 ad art. 1 ; voir aussi arrêt du Tribunal fédéral 2C_808/2018 du 12 avril 2019 consid. 3.2.2 et les arrêts cités, qui parle de "but principal"), soit comme un but parmi d'autres, tels que la politique monétaire, l'aménagement du territoire ainsi que la protection de la nature, du patrimoine culturel et du paysage, la politique foncière ou encore la protection d'installations militaires importantes (T. GEISER / P. MÜNCH (éds), Handbücher für die Anwaltspraxis, Ausländerrecht, Bâle 2002, p. 679 s., n. 16.4 s. p. 679). Sur le plan historique, on peut relever que le Message du Conseil fédéral relatif à la LFAIE (FF 1981 III 553 ss), s'il ne livre aucun élément utile s'agissant de l'art. 28 LFAIE en tant que tel, précise malgré tout, dans son commentaire de l'art. 1er, qu'"il ressort de la loi que le territoire doit rester en premier lieu en mains suisses et que l'étendue de la propriété étrangère doit être stabilisée de manière durable et raisonnable. Axer sur ce seul objectif cet acte législatif doit constituer avec l'aménagement du territoire un des piliers de la politique foncière du Conseil fédéral" (p. 588 s.).

Même s'ils ne sont pas à eux seuls décisifs pour déterminer le bien juridique protégé par l'art. 28 LFAIE, aucun de ces buts ne permet de rattacher la protection pénale offerte par cette disposition à un bien juridique individuel. Ces buts relèvent bien plus d'un intérêt public et, partant, d'un bien juridique (exclusivement) collectif.

Sur le plan systématique, l'art. 28 LFAIE fait partie du Chapitre 5 de la loi, dénommé "Sanctions", lui-même divisé en trois sections, soit "Droit administratif" (art. 25 LFAIE), "Droit civil" (art. 26-27 LFAIE) et "Droit pénal" (art. 28-35 LFAIE). Les dispositions de droit civil offrent déjà certains moyens légaux aux parties à un acte juridique conclu en l'absence d'autorisation, puisqu'elles prévoient notamment l'inefficacité et la nullité dudit acte et permettent aux parties de répéter les prestations déjà exécutées (art. 26 LFAIE). Si certains renvois entre les dispositions civiles et pénales doivent être constatés (ainsi, l'art. 26 al. 4 let. b LFAIE, qui rallonge le délai pour agir en répétition en cas de procédure pénale, ou l'art. 28 al. 1 LFAIE, qui renvoie implicitement à la nullité de l'art. 26 LFAIE [cf. à cet égard ATF 123 IV 167 consid. 2 p. 170 ss]), il n'en demeure pas moins que la présence, dans une section distincte de la loi, de dispositions visant à protéger les intérêts privés des parties au contrat ne permet pas d'affirmer que les dispositions pénales, ou à tout le moins l'art. 28 LFAIE litigieux en l'espèce, protégeraient également ces mêmes intérêts.

Toujours d'un point de vue systématique, l'art. 33 LFAIE (dévolution d'avantages patrimoniaux illicites) dispose que celui qui, par l'effet d'une infraction, aura obtenu un avantage illicite qui n'est pas supprimé ensuite d'une action, doit être tenu, avant l'expiration du délai de prescription de l'action pénale et alors même qu'aucune personne déterminée ne peut être poursuivie ou condamnée, de payer au canton un montant correspondant à cet avantage (al. 1). Les dons et autres avantages sont dévolus conformément aux art. 70 à 72 du code pénal (al. 2). L'art. 33 al. 1 LFAIE doit permettre aux autorités de supprimer les effets de l'infraction que les sanctions civiles n'ont pas réussi à éliminer (cf. C. FAVRE / M. PELLET / P. STOUDMANN, op. cit., n. 1.5 ad art. 33 LFAIE). Il prévoit toutefois uniquement un paiement au canton, et non à la partie au contrat, ce qui tend à souligner que celle-ci doit se contenter des moyens civils, et que les dispositions pénales n'ont pas vocation à protéger ses intérêts. Cette interprétation est confortée par la lecture de l'art. 33 al. 2 LFAIE, qui renvoie aux seuls art. 70-72 CP, à l'exclusion de l'art. 73 CP (allocation au lésé), ce qui permet d'affirmer qu'il n'y a pas de place, dans ce cadre, pour une quelconque partie lésée.

Partant, il ressort de l'interprétation de l'art. 28 LFAIE que cette disposition vise à protéger le bon fonctionnement du régime d'autorisation prévu par la loi, qui doit permettre de limiter l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger, dans le but (ultime) de prévenir l'emprise étrangère sur le sol suisse. Il s'agit d'un bien juridique collectif. L'art. 28 LFAIE ne protège pas - même secondairement ou accessoirement - de bien juridique individuel, tel que le patrimoine des personnes touchées par la nullité de la vente, lesquelles ne peuvent dès lors prétendre à la qualité de lésé.

Cette appréciation est du reste partagée par la jurisprudence (arrêt du Kantonsgericht des Grisons SK2 19 33 du 24 septembre 2019 consid. 2.4.2 et les références citées ; arrêt du Tribunal pénal fédéral BB.2018.136 du 13 novembre 2018 consid. 2.2 in fine et la référence citée, publié in TPF 2018 133 ; voir aussi OCA/236/1987 du 9 novembre 1987, citée par M. HARARI / R. ROTH / B. STRÄULI, Chronique de procédure pénale genevoise (1986-1989), SJ 1990 417 ss, p. 423) et la doctrine
(P.-H. WINZAP, Les dispositions pénales de la loi fédérale sur l'acquisition d'immeubles par des personnes à l'étranger (lex Friedrich), thèse Lausanne 1992, p. 157 et 172 s., qui retient que la LFAIE protège le sol en tant que bien collectif).

2.3.4. En définitive, le recourant se plaint d'une infraction qui ne protège aucun bien juridique dont il pourrait être titulaire, ce qui permet de lui dénier la qualité de lésé et, partant, celle de partie plaignante. Par rapport à la procédure pénale, le recourant est un simple dénonciateur (art. 105 al. 1 let. b et 301 al. 1 CPP), lequel ne jouit d'aucun autre droit que celui d'être informé, à sa demande, par l'autorité de poursuite pénale sur la suite que celle-ci a donné à sa dénonciation (art. 301 al. 2 CPP ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_438/2016 du 14 mars 2017 consid. 2.2.3). Tel a bien été le cas en l'occurrence, dès lors que l'ordonnance querellée a été expédiée au recourant. Ce dernier ne dispose toutefois pas de la qualité pour recourir contre celle-ci, et son recours doit par conséquent être déclaré irrecevable.

3.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Déclare le recours irrecevable.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Le communique, pour information, au Ministère public de la Confédération (art. 35 al. 2 LFAIE) ainsi qu'à la Chambre administrative de la Cour de justice.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/22811/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00