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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/11798/2022

ACPR/878/2022 du 15.12.2022 sur ONMMP/3684/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON
Normes : CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/11798/2022 ACPR/878/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 15 décembre 2022

Entre

A______, domiciliée ______, ______ [GE], comparant par Me Alexandra LOPEZ, avocate, Etude @LEX AVOCATS, rue de Contamines 6, 1206 Genève,

recourante

contre la décision de non-entrée en matière rendue le 21 octobre 2022 par le Ministère public

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6b, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565 - 1211 Genève 3

intimé

 


EN FAIT :

A. a. Par acte déposé au guichet universel du Pouvoir judiciaire le 1er novembre 2022, A______ recourt contre la décision rendue le 21 octobre 2022, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d’entrer en matière sur sa plainte du 25 mai 2022 contre B______.

La recourante conclut, préalablement, à l’assistance judiciaire et, principalement, à l’annulation de cette décision et au renvoi de la cause au Ministère public pour l’ouverture d’une instruction.

b. Elle a versé les sûretés, en CHF 900.-, qui lui étaient demandées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents pour l'issue du litige sont les suivants :

a.        Dans sa plainte pénale, A______ reproche à B______ d’avoir, en 2018 et en 2021, requis une poursuite et obtenu la mainlevée de l’opposition qu’elle y avait formée, en se fondant fallacieusement sur cinq attestations de prêts qu’elle n’avait en réalité jamais signées et qui totalisaient CHF 44'100.-.

b.        Seule, l’une des attestations jointes à la plainte, celle datée du 30 septembre 2015, comporte les nom et signature apparents de A______ en qualité de débitrice principale d’un montant de CHF 8’000.-. Une nommée C______ a signé en qualité de codébitrice, pour le cas où A______ mourrait ou souffrirait d’un handicap ou d’« absence ».

Selon la plaignante, il avait bien existé – mais en février 2014 – un prêt totalisant ce montant, composé de CHF 4'000.- pour elle et de CHF 4'000.- pour C______ ; elle avait cependant acquitté sa part, en capital et intérêts, en remettant ses remboursements au fur et à mesure en mains propres à cette dernière, à l’intention de B______.

c.         À l’inverse, deux autres attestations, de teneurs identiques à la première, mais datées des 30 août 2015 et 29 février 2016, désignent C______ en qualité de débitrice principale (de CHF 20'400.-, pour l’une, et de CHF 13'500.-, pour l’autre), A______ apparaissant codébitrice aux mêmes conditions que ci-dessus.

d.        Les deux autres « attestations » n’ont pas d’intitulé et ne comportent pas non plus le nom de A______, mais se présentent sous la forme de récépissés manuscrits de C______, datés des 11 avril et 19 juillet 2016 (pour respectivement CHF 1'900.- et CHF 300.- que lui aurait remis B______).

e.         Le 4 décembre 2018, A______ s’était déjà adressée au Ministère public. Se référant expressément à C______ et sachant que le Ministère public instruisait contre B______ une procédure en usure et menaces, elle se plaignait que cette dernière s’était « inventé » d’« autres contrats de prêt » en faveur de C______ ou d’elle-même, en « ajoutant » sa signature, dans le dessein de lui soutirer de l’argent.

f.         Entendue par la police, B______ a contesté toute infraction. Les documents sur lesquels elle s’était appuyée étaient authentiques.

Elle a précisé que les deux plus récents étaient de la main de C______ et que, dans la procédure pénale séparée, elle avait « fait recours », mais fini par accepter « l’amende ».

Elle a produit un acte de défaut de biens correspondant aux quatre montants (sur cinq) pour lesquels la mainlevée lui avait été accordée.

C. Dans la décision attaquée, le Ministère public reprend la motivation du juge de la mainlevée, pour qui A______ s’était contentée d’alléguer que les titres produits par B______ étaient faux, sans toutefois rendre vraisemblable pareille assertion. Il ajoute que, en l’absence de preuve matérielle, une non-entrée en matière devait être prononcée.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reprend les faits et arguments de sa plainte.

Elle souligne qu’elle n’était pas signataire des reçus des 11 avril et 19 juin 2016 et que, sur les trois attestations antérieures, les signatures figurant au-dessus de son nom étaient toutes différentes. Le juge de la mainlevée n’avait pas considéré que sa plainte pénale suffisait à rendre vraisemblables les faux, alors qu’une expertise privée (sic) eût pu en apporter la preuve. Or, dans la procédure pénale suivie contre B______ pour usure et menaces et dans le cadre de laquelle elle-même avait été entendue à titre de renseignements, le Procureur avait « déclaré » que les cinq attestations étaient autant de faux.

La recourante produit, notamment, copie du procès-verbal de cette audition, du 29 janvier 2019, ainsi que la traduction d’une déclaration écrite de C______, du 20 novembre 2018, affirmant qu’elle était quitte de l’emprunt – antérieur – de CHF 4’000.- à B______, en 2014, et qu’un autre prêt « de CHF 1'000.- » de celle-ci à celle-là, dont elle s’était portée garante du remboursement « au début de l’année 2016 », avait été entièrement acquitté depuis lors.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l’art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 310 al. 2, 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Il résulte, en effet, de la jurisprudence du Tribunal fédéral qu'un faux dans les titres (art. 251 CP) peut constituer une atteinte aux intérêts individuels, notamment lorsqu'il est l'un des éléments d'une infraction contre le patrimoine (ATF 119 Ia 342 consid. 2b p. 346), comme l’escroquerie alléguée en l’espèce, et qu'une personne peut être considérée comme lésée par un faux dans les titres lorsque le faux vise précisément à lui nuire (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.3 p. 159).

2.             La recourante ne reprend ni en fait ni en droit ses accusations de calomnie, sur lesquelles il n’y a donc pas à s’attarder (art. 385 al. 1 let. a CPP), mais soutient que sa prétendue créancière lui avait réclamé de l’argent en se fondant sur des faux.

2.1.       Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP ; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). La non-entrée en matière peut également résulter de motifs juridiques. La question de savoir si les faits qui sont portés à sa connaissance constituent une infraction à la loi pénale doit être examinée d'office par le ministère public. Des motifs juridiques de non-entrée en matière existent lorsqu'il apparaît d'emblée que le comportement dénoncé n'est pas punissable (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 10 ad art. 310).

2.2.       À teneur de l'art. 251 CP, se rend coupable de faux dans les titres quiconque, dans le dessein de porter atteinte aux intérêts pécuniaires ou aux droits d’autrui, ou de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, aura créé un titre faux, falsifié un titre, abusé de la signature ou de la marque à la main réelles d’autrui pour fabriquer un titre supposé, ou constaté ou fait constater faussement, dans un titre, un fait ayant une portée juridique, ou aura, pour tromper autrui, fait usage d’un tel titre. Cette disposition vise non seulement un titre faux ou la falsification d'un titre (faux matériel), mais aussi un titre mensonger (faux intellectuel). Il y a faux matériel lorsque l'auteur réel du document ne correspond pas à l'auteur apparent, alors que le faux intellectuel vise un titre qui émane de son auteur apparent, mais dont le contenu ne correspond pas à la réalité (ATF 142 IV 119 consid. 2.1 p. 121 ; 138 IV 130 consid. 2.1 p. 134). L'art. 110 al. 4 CP définit les titres comme les écrits destinés et propres à prouver un fait ayant une portée juridique et tous les signes destinés à prouver un tel fait.

2.3.       En l’occurrence, la recourante a succombé dans l’instance en mainlevée provisoire et n’a pas agi en libération de dettes, puisque le commandement de payer que lui a fait notifier B______ a débouché sur un acte de défaut de biens pour les quatre créances concernées.

Sous l’angle du faux dans les titres, seules pourraient entrer en considération, à cet égard, les attestations où les nom et signature de la recourante apparaissent formellement, que ce soit à titre de débitrice personnelle ou de garante.

En premier lieu, la recourante elle-même a admis, dans la procédure pénale antérieure dont elle a produit une copie de sa déposition – et où elle bénéficiait du concours d’un interprète –, que l’attestation relative au prêt en sa faveur – qui ne peut donc être que celle datée du 30 septembre 2015 – portait bien sa signature (cf. pièce n° 1, p. 2 in fine). De surcroît, elle a reconnu (au même endroit) qu’il en allait de même de « celle » – sans autre précision – où elle se portait garante de C______.

Or, il existe deux attestations de ce type au dossier. Dans son recours, la recourante ne désigne pas laquelle serait la fausse. Sauf à se livrer à de la divination, il n’est donc pas possible d’identifier le (seul) document qui comporterait, selon elle, sa signature falsifiée ou imitée. Alléguer que ses signatures seraient différentes les unes des autres sur les trois actes ne suffit pas pour qu’en résultent des soupçons d’infraction et une obligation d’enquêter.

Qui plus est, la recourante, bien qu’elle conclue à une expertise des signatures, y compris de B______ qui n’apparait nulle part sur les documents litigieux, n’indique pas où se trouveraient les originaux. On peut ajouter que, selon ses propres explications, B______ n’était pas poursuivie pour faux dans la procédure pénale antérieure, mais pour usure et menaces au préjudice de C______, alors même que la recourante était intervenue dans cette procédure en se plaignant au Ministère public que la prénommée s’était « inventé » des contrats de prêt en « ajoutant » sa signature, dans le dessein de lui soutirer de l’argent. Il y aurait d’ailleurs quelque contradiction à retenir une culpabilité d’usure si les documents établissant cette prévention étaient des faux.

Quant au prêt de CHF 8'000.- que la recourante aurait partagé avec C______ en 2014 et remboursé pour la moitié qui lui incombait, on ne voit pas en quoi il ferait soupçonner de faux les documents attestant de prêts ultérieurs. La recourante n’a pas pris la précaution, élémentaire, de se faire délivrer des quittances par B______ ou par C______ qui lui servit d’auxiliaire de paiement (cf. p.-v. de son audition du 29 janvier 2019, pièce n° 1 jointe au recours, p. 4) ; et elle a choisi de mettre en cause l’une plutôt que l’autre sans s’en expliquer. Or, s’il devait avoir régné une confusion entre l’éventuel prêt consenti en 2014 et celui du 30 septembre 2015 – leurs montants étant identiques –, C______ aurait eu un intérêt évident à donner unilatéralement quittance à la recourante, comme elle l’a fait par sa déclaration écrite du 20 novembre 2018, d’un remboursement dont elle était la garante.

Pour le surplus, aucune pièce du dossier ne concerne le prêt de CHF 1'000.- auquel il est aussi fait référence dans cette décharge.

3.             Faute de soupçon de faux dans les titres, le grief concomitant d’escroquerie – qui ne pourrait être que celui d’une escroquerie au procès, dans le sens d’une tromperie astucieuse du juge de la mainlevée provisoire (cf. ATF 122 IV 197 consid. 2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1110/2021 du 11 janvier 2022 consid. 3.2) – n’a pas à être examiné.

4.             Le recours est infondé. Comme tel, il pouvait être rejeté d’emblée, sans échange d’écritures ni débats (art. 390 al. 5, a contrario, CPP).

5.             La recourante demande l’assistance judiciaire pour la procédure de recours. Comme son recours était d’emblée dénué de chances de succès, cette prestation ne peut lui être accordée (ACPR/791/2022 du 10 novembre 2022 consid. 7 et les références).

6.             La recourante supportera, par conséquent, les frais de la procédure de recours, puisqu’elle n’a pas gain de cause (art. 428 al. 1 CPP). Ces frais seront fixés en totalité à 900.- (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

 

 

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Rejette le recours.

Refuse d’accorder l'assistance judiciaire à A______.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son avocate) et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

 


 

P/11798/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10 03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision indépendante (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

     

Total

CHF

900.00