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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17196/2018

ACPR/775/2018 du 18.12.2018 sur OTDP/1219/2018 ( TDP ) , REJETE

Descripteurs : OPPOSITION TARDIVE
Normes : CPP.354

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17196/2018ACPR/775/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 18 décembre 2018

 

Entre

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

recourant,

contre l'ordonnance rendue le 11 septembre 2018 par le Tribunal de police,

et

LE TRIBUNAL DE POLICE, rue des Chaudronniers 9; case postale 3715, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. Par acte reçu au greffe de la Chambre de céans le 25 septembre 2018, le Ministère public recourt contre l'ordonnance du 11 septembre 2018, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal de police a constaté la validité de l'opposition formée par A______ et a renvoyé le dossier au Service des contraventions pour statuer sur opposition.

Le recourant conclut à l'annulation de cette décision et sollicite de la Chambre de céans qu'elle déclare tardive l'opposition formée par A______.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le Service des contraventions a rendu, le 2 août 2017, une ordonnance pénale
n° 1______ contre A______, lui reprochant de ne pas avoir placé, ou d'avoir placé de manière peu visible, le ticket de stationnement sur son véhicule immatriculé
GE 2______ le 8 juin 2017 au centre sportif B______, à 15h33. Cette ordonnance a été adressée à [rue] 3______ [à] C______ [NE] mais a été retournée au Service des contraventions, le destinataire étant introuvable à l'adresse indiquée. Elle a en conséquence été notifiée à nouveau le 27 février 2018, à l'adresse c/o D______, chemin 4______ à E______ [GE].

Avisée d'avoir à retirer un envoi recommandé le lendemain, A______ ne l'a pas réclamé et l'ordonnance pénale a été retournée au Service des contraventions le
8 mars suivant.

b. Le 3 mai 2018, le Service des contraventions a adressé un rappel à A______, l'invitant à payer CHF 100.- pour l'amende et les frais consécutifs à l'ordonnance pénale n° 1______. La contrevenante a signalé le 25 mai 2018 au Service des contraventions qu'elle n'avait pas reçu l'ordonnance pénale en question et qu'elle ne pouvait s'attendre à la recevoir si longtemps après les faits.

c. Le 2 août 2018, le Service des contraventions a rendu une ordonnance sur opposition tardive, considérant que l'ordonnance pénale était considérée fictivement avoir été notifiée à la fin du délai de garde le 7 mars 2018. Il transmettait en conséquence le dossier au Tribunal de police en concluant à l'irrecevabilité de l'opposition.

d. Selon le Tribunal de police, A______ est domiciliée à son adresse de E______ depuis le courant de l'année 2016 au moins.

C. Dans l'ordonnance querellée, le Tribunal de police relève qu'aucun justificatif de suivi postal n'atteste que A______ aurait été atteinte à l'adresse [de] C______ ou qu'un avis de recommandé lui y aurait été remis. Elle n'avait donc eu connaissance de l'existence de l'ordonnance pénale n° 1______ qu'à l'occasion du rappel que le Service des contraventions lui avait envoyé à son adresse de E______ par courrier du 3 mai 2018.

Le fardeau de la preuve de la notification incombe en principe à l'autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 129 I 8 consid. 2.2 p. 10; arrêts du Tribunal fédéral 6B_876/2013 du 6 mars 2014 consid. 2.3.2; 6B_652/2013 du 26 novembre 2013 consid. 1.4.3) et l'art. 85 al. 2 CPP prescrit que les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l'entremise de la police. Il n'y a pas de notification au sens de l'art. 85 al. 4 CPP lorsque le pli est retourné avec la mention "inconnu"; "introuvable à l'adresse" ou "parti sans laisser d'adresse" ou lorsque l'invitation à retirer un pli recommandé ne peut pas être déposée dans
la boîte (arrêt du Tribunal fédéral 6B_652/2013 du 26 novembre 2013). En conséquence, faute de justificatif de suivi postal pertinent versé au dossier, le sort du pli recommandé du 2 août 2017 demeurait inconnu et il n'était pas établi que l'ordonnance pénale n° 1______ avait été valablement notifiée à A______. Cette dernière n'avait été informée de l'existence de cette ordonnance qu'à réception du rappel de paiement qui lui est parvenu au début du mois de mai 2018, lequel n'énonçait toutefois pas le contenu de l'ordonnance pénale, ni les voies de droit, en particulier le délai de 10 jours pour faire opposition, de sorte qu'il ne pouvait être reproché à A______ d'avoir formé opposition plus de 10 jours après qu'elle avait eu connaissance de l'existence de l'ordonnance pénale. L'opposition étant dès lors valable, la procédure devait être renvoyée au Service des contraventions pour statuer sur son sort.

D. a. Dans son recours, le Ministère public considère que le Tribunal a procédé à une application erronée de l'art. 85 al. 4 let. a CPP, l'ordonnance querellée ayant été valablement notifiée à A______ lorsqu'elle lui fut notifiée à son adresse à Genève le 27 mars 2018 et que cette dernière n'avait pas retiré le recommandé qui lui avait été remis. Il convenait donc d'annuler la décision du Tribunal de police et de déclarer l'opposition formée par A______ irrecevable car tardive.

b. À réception du recours, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

EN DROIT :

1.             Le recours, formé selon la forme prescrite et en temps utile par le Ministère public (art. 381 al. 1, 385 al. 1, 396 al. 1 CPP), contre une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP), est recevable.

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement irrecevables ou mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le Ministère public considère que l'ordonnance pénale a été valablement notifiée à l'intéressée et que cette dernière avait connaissance de l'existence d'une procédure pénale, ne pouvant ainsi bénéficier des circonstances prévues à l'art. 85 al. 4 let. a CPP.

3.1.1. À teneur de l'art. 354 al. 1 let a CPP, le prévenu peut former opposition, par écrit et dans les dix jours, devant le Ministère public, contre une ordonnance pénale. Le prononcé d'une autorité pénale est réputé notifié si son destinataire ne l'a pas retiré dans les sept jours à compter d'une tentative de remise infructueuse, à condition qu'il ait dû s'attendre à une telle remise (art. 85 al. 4 let. a CPP).

3.1.2. Selon la jurisprudence, la sécurité du droit et le principe d'économie de procédure imposent à la personne qui se sait partie à une procédure de prendre les mesures pour être atteignable et d'en supporter, le cas échéant, les conséquences (ATF 138 III 225 consid. 3.1 p. 227 ; 130 III 396 consid. 1.2.3 p. 399 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1015/2011 du 12 octobre 2012 consid. 3.3.1).

Certains auteurs posent la question de savoir durant combien de temps le prévenu devrait s'attendre à recevoir une communication : "La jurisprudence rendue en matière de droit administratif considère qu'un délai de l'ordre d'une année est admissible. Il s'ensuit que le justiciable contre qui une procédure est ouverte doit s'attendre durant l'année qui suit à recevoir une communication. En matière d'ordonnance pénale, cette jurisprudence pourrait prêter à discussion. Celui qui a été entendu une fois par la police, par exemple pour une infraction à la LCR, doit-il véritablement durant un an s'attendre à recevoir une communication et organiser ses affaires en conséquence ? Un laps de temps de quelques mois, jusqu'à six mois, ne serait-il pas plus raisonnable ? Dans le cas particulier de l'ordonnance pénale, le laps de temps entrant en ligne de compte pourrait, suivant les circonstances concrètes, faire l'objet d'un nouvel examen par le Tribunal fédéral" (Ch. DENYS, Ordonnance pénale : questions choisies et jurisprudence récente, in SJ 2016 II p. 125ss, p. 130 et références citées).

La Chambre de céans a eu la même appréciation, en estimant que l'écoulement d'un délai de quatre mois entre l'audition à la police du prévenu et la notification de l'ordonnance pénale permettait d'appliquer l'art. 85 al. 4 let. a CPP (ACPR/470/2013 du 10 octobre 2013 ; ACPR/202/2016 du 12 avril 2016). En revanche, elle a jugé que l'écoulement de huit mois et demi entre ces deux mêmes actes devait être considéré comme une longue période de passivité du Ministère public, au sens de la jurisprudence, de sorte que le prévenu pouvait penser que cette affaire avait été classée (ACPR/825/2017 du 30 novembre 2017 ; ACPR/78/2014 du 3 février 2014).

3.2. En l'espèce, l'autorité précédente a considéré, à tort, que, l'ordonnance pénale n'ayant pas été notifiée à l'intimée en août 2017 et le rappel du 3 mai 2018 n'étant
pas suffisant pour faire courir le délai d'opposition, celle-ci était valable. L'ordonnance a été notifiée une seconde fois, en février 2018, à l'intimée, dûment avisée cette fois-ci, et elle n'a pas retiré le pli en cause, de sorte que sa notification devrait être considérée comme valable. Néanmoins, l'application des dispositions légales et de la jurisprudence précitées doit conduire, par substitution de motifs, à la confirmation de la décision entreprise. En effet, l'intimée a été sanctionnée le 8 juin 2017 pour une contravention de stationnement d'un montant de CHF 40.- et n'en a plus entendu parler jusqu'en mai de l'année suivante. On ne saurait considérer dans ces circonstances, dans son ignorance de l'existence d'une procédure pénale dirigée contre elle, qu'elle devait s'attendre à la remise d'un acte judiciaire et n'avait dès lors pas à s'organiser pour en recevoir un. C'est en ce sens que son opposition doit être admise, solution qui, dans le cadre de l'examen d'un cas d'espèce particulier, ne viole pas la loi, n'est pas arbitraire ni ne porte atteinte à la sécurité du droit.

4.             Justifiée par substitution de motifs, l'ordonnance querellée sera donc confirmée et les frais laissés à la charge de l'Etat.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt ce jour au Ministère public et au Tribunal de police.

Le communique pour information à A______ et au Service des contraventions.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ, Monsieur Louis PEILA, juge suppléant; Madame Sandrine JOURNET EL MANTIH, greffière.

 

La greffière :

Sandrine JOURNET EL MANTIH

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).