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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/7786/2017

ACPR/553/2020 du 21.08.2020 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : JONCTION DE CAUSES
Normes : CPP.29; CPP.30

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7786/2017 ACPR/553/2020

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 21 août 2020

Entre

A______, domiciliée c/o B______, ______, comparant par Me Michael RUDERMANN, avocat, boulevard des Tranchées 36, 1206 Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de jonction rendue le 29 juin 2020 par le Ministère public,

 

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B,
1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé au greffe de la Chambre de céans le 9 juillet 2020, A______ recourt contre l'ordonnance du 29 juin 2020, notifiée par pli simple, par laquelle le Ministère public a joint la cause P/1______/2019 à la P/7786/2017 sous ce dernier numéro.

La recourante conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance entreprise.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 10 avril 2017, C______, D______ et l'Association E______ ont porté plainte contre A______, médecin spécialiste en dermatologie et vénéréologie, et F______, médecin au sein du même cabinet, des chefs d'escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et infraction à la loi sur la concurrence déloyale (art. 3 al. 1 let. b cum 23 al. 1 LCD).

En substance, il leur était reproché d'avoir, entre 2015 et 2017, au sein du G______ [cabinet médico-chirurgical], facturé des prestations médicales effectuées par A______ au nom de F______, par le biais de fausses factures et de faux justificatifs de remboursement, alors que la première citée n'était pas en droit d'exercer la médecine à la charge de l'assurance obligatoire de soins (ci-après : AOS), ce qu'elle avait omis de dire à ses patients, induisant de ce fait en erreur leurs assurances-maladies et déterminant ces dernières à rembourser des prestations qui ne devaient pas l'être.

b. Entendue le 31 mai 2017 par la police en qualité de prévenue, A______ a déclaré qu'à l'époque des faits, elle facturait parfois ses consultations au nom de F______. En 2013, elle avait demandé à être inscrite au Registre des codes- créanciers (RCC) mais, ensuite d'un moratoire, son dossier était toujours en examen. Cette attente la mettait dans une position inconfortable, ne pouvant facturer à son propre nom, raison pour laquelle ils avaient procédé de cette manière.

c. Entendu le 6 juin 2017 en qualité de prévenu, F______ a déclaré avoir laissé A______ utiliser partiellement son code créancier. Ils avaient demandé par deux fois un droit de pratique à charge de l'assurance-maladie, qui leur avait été refusé. Une nouvelle demande était en cours mais le processus était bloqué. Après le second refus, le médecin cantonal l'avait averti que ce qu'il faisait était illégal. Il en avait informé sa collègue, lui disant qu'ils ne pouvaient continuer ainsi. Cela avait duré jusqu'à fin janvier 2017. Arrêter d'un coup n'avait pas été évident car les patients LAMal représentaient 80% de la clientèle du [cabinet médico-chirurgical G______].

d. Le Ministère public a tenu une première audience le 13 février 2019, lors de laquelle [l'association] E______, représentée par son président D______, a confirmé sa constitution de partie plaignante. Entendue à cette occasion en qualité de prévenue, A______ a, par l'intermédiaire de son conseil, contesté la qualité de partie plaignante de [l'association] E______, précisant qu'elle souhaitait voir cette question tranchée avant que la procédure ne se poursuive. Au vu de cette requête, le Ministère public a ajourné l'audience et invité les parties à prendre position par écrit, précisant que le dossier était désormais librement accessible.

e. Par ordonnances du 4 février 2020, le Ministère public a dénié la qualité de partie plaignante à C______ et D______ et admis celle de [l'association] E______ uniquement s'agissant d'éventuelles infractions à la LCD. Le recours déposé par A______ à l'encontre de cette dernière décision a été rejeté par la Chambre pénale de recours le 29 avril 2020 (ACPR/265/2020).

f. Précédemment, [la caisse maladie] H______ a déposé plainte contre F______, A______, I______ et J______, K______ et L______, tous médecins dermatologues, ainsi que contre le [cabinet médico-chirurgical] G______ et M______ SA en liquidation [activités hospitalières], pour obtention illicite de prestations d'une assurance sociale (art. 148a CP), escroquerie (art. 146 CP), faux dans les titres (art. 251 CP), et subsidiairement infraction à l'art. 92 lit. b LAMal. La plaignante soupçonnait ces médecins, dont A______, d'avoir, entre 2013 et 2019, exercé et facturé, sans droit, à charge de l'assurance de base, en utilisant le code créancier (RDD) des Drs F______ et K______.

La procédure a été ouverte sous le numéro de procédure P/1______/2019. La police a communiqué son rapport de renseignements en date du 27 septembre 2019.

C. Dans son ordonnance querellée, le Ministère public retient la connexité des faits entre les deux procédures; F______ et A______ étaient mis en cause dans les deux procédures et les autres personnes visées dans la P/1______/2019 entretenaient des rapports avec les premiers cités.

D. a. À l'appui de son recours, A______ considère que les prémisses de l'art. 29 CPP n'étaient pas remplies (sans autres précisions).


Elle considère que la procédure P/786/2017 était plus ancienne et avancée que la P/1______/2019; les plaignants et auteurs présumés des infractions reprochées n'étaient pas les mêmes dans les deux procédures; les infractions reprochées à chacun des auteurs présumés étaient différentes. Il n'y avait pas de connexité entre les agissements présumés des uns et des autres. La dénonciation de [la caisse maladie] H______ recouvrait une période pénale différente et concernait un nombre élevé de faits, dont l'instruction s'annonçait difficile.

Les motifs du Ministère public pour joindre les deux procédures n'étaient pas suffisants, ce d'autant qu'une troisième procédure initiée par [la caisse maladie] H______ n'avait pas été jointe.

b. Dans ses observations, le Ministère public relève que les procédures concernées visaient le même complexe de fait (même si les périodes étaient différentes) et les mis en cause se voyaient reprocher des comportements identiques, commis alors qu'ils avaient travaillé dans les mêmes [cabinets médico-chirurgicaux], en qualité de dermatologues. Ainsi, une administration conjointe des preuves se justifiait notamment compte tenu de la connexité des faits (que la recourante contestait sans toutefois motiver son raisonnement), par économie de procédure et afin d'éviter que des décisions contradictoires ne soient rendues s'agissant de problématiques identiques mettant en jeu les mêmes prévenus, respectivement des prévenus ayant interagi sur le plan professionnel. Le principe de la célérité n'était pas mis en péril par la jonction ordonnée dans la mesure où les procédures jointes en étaient au même stade; aucune audition par le Ministère public n'avait eu lieu dans la P/7786/2017 dès lors que les prévenus avaient refusé de s'exprimer avant que ne soient tranchées les questions de qualité de lésé. Il lui appartiendrait de déterminer si la troisième procédure sera jointe, cette question étant en tout état de cause exorbitante au présent litige, lequel est circonscrit à l'ordonnance de jonction entreprise.

c. A______ ne réplique pas.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP) - faute de preuve de la date de notification - concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP) et émaner de la prévenue qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2. La recourante conteste le bien-fondé de la jonction litigieuse.

2.1. L'art. 29 al. 1 let. a CPP consacre le principe de l'unité de la procédure pénale, à savoir qu'il y a lieu de poursuivre et juger, en une seule et même procédure, l'ensemble des infractions reprochées à un même prévenu. En vertu de ce principe, les infractions commises en concours doivent - y compris lorsqu'elles sont de nature différente (ATF 138 IV 214 consid. 3.6 et 3.7 où il était question de violences domestiques et d'escroquerie) - être réprimées dans un même jugement, un seul magistrat devant statuer sur l'ensemble des faits imputés à un délinquant. Cette solution permet, en sus d'éviter tant la multitude de décisions rendues à l'encontre d'une même personne que les frais liés à toute nouvelle procédure (ATF 138 IV 29 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 du 7 novembre 2018 consid. 3.2), de prononcer une peine complémentaire ou d'ensemble (art. 49 CP; L. MOREILLON/ A. PAREIN-REYMOND, Code de procédure pénale - Petit commentaire, 2ème édition, Bâle 2016, n. 3 ad art. 29).

Selon l'art. 30 CPP, la disjonction peut être ordonnée si des raisons objectives le justifient. Elle doit rester l'exception. Elle sert, avant tout, à garantir la rapidité de la procédure et à éviter un retard inutile. Des causes pourront être disjointes, par exemple, lorsque plusieurs faits sont reprochés à un auteur et que seule une partie de ceux-ci sont en état d'être jugés, la prescription s'approchant ; elles pourront également l'être en cas d'arrestation d'un coauteur lorsque les autres participants sont en voie d'être jugés, en présence de difficultés liées à un grand nombre de coauteurs dont certains seraient introuvables, ou encore lorsqu'une longue procédure d'extradition est mise en oeuvre (ATF 138 IV 214 précité, consid. 3.2, et arrêt du Tribunal fédéral 1B_428/2018 précité). Une violation du principe de célérité - garanti par les art. 6 CEDH, 29 al. 1 Cst féd. et 5 CPP - constitue également un motif objectif de disjonction (arrêt du Tribunal fédéral 1B_684/2011 du 21 décembre 2011 consid. 3.2 in fine).

2.2. En l'occurrence, la recourante et le Dr F______ sont prévenus dans les deux procédures pour des faits similaires. Conformément au principe de l'unité de la procédure, ces faits - et les infractions qui y sont associées - doivent être poursuivis conjointement, nonobstant leur absence éventuelle de connexité avec les autres mis en cause - étant rappelé que l'art. 29 al. 1 let. a CPP ne circonscrit nullement la jonction aux affaires similaires -. Cela permettra, d'une part, de regrouper les actes d'instruction afférents à ces protagonistes (auditions, etc.) et, d'autre part, d'envisager le prononcé d'une éventuelle peine d'ensemble (art. 49 al. 1 CP).

Aucune raison objective ne milite pour une disjonction (art. 30 CPP).

En effet, l'instruction des deux causes précitées en est à ses débuts; les enquêtes préliminaires ont été faites par la police. La jonction litigieuse ne saurait donc, en elle-même, entraîner la violation du principe de célérité.

Aussi, la décision déférée est-elle, à ce stade, exempte de critique.

Le recours sera, partant, rejeté.

3. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, fixés en totalité à CHF 1'000.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante, soit pour elle son conseil, ainsi qu'au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Monsieur Sandro COLUNI, greffier.

 

Le greffier :

Sandro COLUNI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/7786/2017

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

     

- délivrance de copies (let. b)

CHF

     

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

     

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CHF

1'000.00