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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/19609/2021

ACPR/394/2022 du 03.06.2022 sur OTMC/1340/2022 ( TMC ) , REJETE

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION;RISQUE DE COLLUSION;PRINCIPE DE LA CÉLÉRITÉ;ALLÉGEMENT
Normes : CPP.221; CPP.237; CPP.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/19609/2021 ACPR/394/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 3 juin 2022

Entre

A______, domicilié ______[GE], comparant par Me Martin AHLSTRÖM, avocat, Dayer Ahlström Fauconnet, quai Gustave-Ador 38, case postale 6293, 1211 Genève 6,

recourant,

contre l'ordonnance de refus de modification des mesures de substitution rendue le 28 avril 2022 par le Tribunal des mesures de contraintes (OTMC/1340/2022),

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte déposé au greffe de la Chambre de céans le 9 mai 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 28 avril 2022, notifiée le lendemain, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a refusé de modifier les mesures de substitution à la détention provisoire ordonnées le 12 novembre 2021 en l'état jusqu'au 11 mai 2022.

Le recourant conclut, sous suite de frais, principalement à l'annulation de l'ordonnance entreprise et à ce que les mesures de substitution soient modifiées en ce sens qu'il est autorisé à reprendre son travail auprès de l'entreprise B______ SA, subsidiairement en télétravail ou uniquement sur les chantiers à l'extérieur.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. À la suite d'une plainte pénale de la Ville de C______, le Ministère public instruit, depuis le 12 octobre 2021, une procédure pénale contre D______ et A______ – anciens chef et adjoint au chef du Service E______ de la Ville de C______ (ci-après : E______) – pour gestion déloyale des intérêts publics (art. 314 CP), alternativement gestion déloyale (art. 158 CP), violation du secret de fonction (art. 320 CP), corruption passive (art. 322quater CP) et acceptation d'un avantage (art. 322sexies CP) .

En particulier, il est reproché à A______ d'avoir, de 2016 à 2021 :

-                 violé son devoir de fidélité envers son employeur en exploitant avec F______, administrateur-président de B______ SA, une société immobilière de droit français, la SCI G______ ;

-                 organisé un système de boîte aux lettres visant à domicilier de manière fictive plusieurs entreprises non C______ au chemin 1______ [GE], de manière à les rendre éligibles à des mandats adjugés par la Ville de C______, soit les sociétés H______, I______ SARL, J______ SARL, K______, étant précisé que ces sociétés n'ont jamais eu de bureaux à ladite adresse et se sont vues attribuer des mandats par la Ville de C______ ;

-                 reçu des présents et des avantages ;

-                 reçu des véhicules détenus en son nom et pour son compte par la société B______ SA ; et

-                 perçu 10% des mandats payés par la Ville de C______ aux sociétés prétendument domiciliées à ladite adresse.

b. A______ a été arrêté le 10 novembre 2021 à son domicile.

À teneur du rapport d'arrestation, une enquête administrative avait été ouverte par la Ville de C______ à son encontre le 10 janvier 2020, laquelle s'était achevée le 2 septembre 2020, concluant qu'il avait violé son devoir de fidélité envers son employeur. Les actes d'enquête menés n'avaient cependant pas permis de démontrer l'acceptation de dons ou d'autres avantages. À la suite d'une convention de résiliation des rapports de service, il avait été mis fin à son emploi au sein de la commune dès juillet 2021. Quant à D______, une enquête administrative avait également été ouverte à son encontre, le 3 août 2021, le précité ayant démissionné avec effet immédiat le 1er octobre 2021, ce qui avait ainsi clos la procédure administrative.

c. Entendu le 11 novembre 2021 par le Ministère public en qualité de prévenu, A______ a déclaré travailler actuellement chez B______ SA – active dans le bâtiment et dont son ami d'enfance F______ était l'administrateur –, en tant que technicien à la division étanchéité. Il a contesté les faits reprochés.

d. Le Ministère public a demandé la mise en détention provisoire de A______ pour une durée de quinze jours, soit jusqu'au 30 novembre 2021.

Dans ses déterminations écrites au TMC, A______ a notamment proposé que des mesures de substitution, consistant en une interdiction de communiquer avec les personnes impliquées dans la procédure, voire une assignation à domicile, soient prononcées en lieu et place de sa détention provisoire.

Par ordonnance du 12 novembre 2021 (OTMC/3818/2021), le TMC a refusé la mise en détention provisoire de A______ et ordonné sa mise en liberté sous les mesures de substitution suivantes, valables six mois, soit jusqu'au 11 mai 2022 :

a.             interdiction de tout contact avec les personnes mêlées à la présente procédure, notamment ses supérieurs à C______, le personnel et les représentants de la Ville de C______, l'ensemble des employés et responsables des entreprises ciblées par l'enquête, l'ensemble des employés et responsables de l'entreprise B______ SA ;

b.             interdiction d'évoquer le contenu de la procédure pénale en cours avec quiconque hormis son conseil, y compris dans le cercle familial ; et

c.              interdiction de reprendre son emploi chez B______ SA jusqu'à décision contraire de la Direction de la procédure.

e. Sur recours du Ministère public, la Chambre de céans a, par arrêt du 23 novembre 2021 (ACPR/811/2021), confirmé cette ordonnance.

Le risque de collusion, s'il existait toujours avec les personnes impliquées, devait cependant être fortement relativisé. La plainte pénale de la Ville de C______ avait été déposée après la fin des rapports de service des co-prévenus et les deux enquêtes administratives diligentées à leur encontre étaient désormais clôturées, l'enquête visant A______ s'étant au demeurant soldée par l'absence de sanction administrative contre lui. Dans le cadre desdites enquêtes, de nombreuses auditions avaient eu lieu, dont celle de F______. On pouvait ainsi affirmer que le temps écoulé avait déjà pu largement permettre aux protagonistes impliqués d'accorder leurs versions. Le Ministère public ne démontrait pas l'existence d'un risque de collusion concret. Le fait que l'enquête administrative eût d'autres visées que l'enquête pénale n'y changeait rien. Dès lors, l'interdiction de tout contact avec les personnes mêlées à la présente procédure ainsi que les autres mesures ordonnées par le TMC, que l'intimé s'était engagé à respecter, paraissaient suffisantes pour pallier le risque de collusion, une mise en détention s'avérant disproportionnée.

f. Le 29 novembre 2021, le Ministère public a entendu le représentant de la Ville de C______, les prévenus A______, D______ et L______ – à qui la procédure avait été étendue entretemps – ainsi que deux témoins.

Le représentant de la Ville de C______ a déclaré qu'au moment de l'enquête administrative concernant A______ en 2020, les deux points visés étaient la gestion déloyale des intérêts publics et possiblement l'acceptation d'un avantage en lien avec B______ SA. En 2021, à la suite de l'ouverture de l'enquête administrative concernant D______, il avait eu connaissance de deux nouveaux éléments, soit un système de boîtes aux lettres et des soupçons de rétrocessions concernant H______ notamment. Il n'avait pas pu confronter A______ à ces deux éléments, puisque ce dernier avait accepté de démissionner à l'automne 2020, après le bouclement de l'enquête administrative le concernant, et ne faisait donc plus partie de leur administration.

g. Le 30 novembre 2021, A______ a demandé la modification des lettres a et c de l'ordonnance du 12 novembre 2021, de manière à lui permettre de reprendre, sous certaines conditions (interdiction de contact et communication par e-mail seulement), son activité professionnelle au sein de B______ SA.

Le Ministère public a transmis cette requête au TMC le 1er décembre 2021, concluant à son rejet et précisant devoir auditionner F______ "sur l'ensemble de ses agissements sur la commune de M______ [sic], notamment sur son implication dans la SCI laquelle aurait fait des affaires en France, et dont A______ était le co-actionnaire alors qu'il était fonctionnaire de la ville de C______ et que F______ obtenait des mandats de gré à gré sur la ville de C______".

Par ordonnance du 3 décembre 2021 (OTMC/4056/2021), le TMC a refusé la modification proposée. L'instruction se poursuivait et F______ – qui était le chef actuel, mais aussi l'ami d'enfance et de longue date du prévenu – devait encore être auditionné. Le risque de collusion était toujours élevé et il était peu vraisemblable que A______ perde son emploi chez B______ SA dans l'immédiat. Les mesures de substitution retenues avaient été proposées par A______ lui-même. Les aménagements de l'organisation du travail proposés étaient invérifiables et ne pouvaient pallier le risque de collusion. Enfin, les buts, moyens et cadre de l'enquête administrative n'avaient que peu en commun avec l'enquête pénale, qui était toujours en cours et justifiait le risque de collusion.

h. Le 28 janvier 2022, le Ministère public a entendu plusieurs témoins, en présence des prévenus et de la partie plaignante.

i. Le 14 avril 2022, A______ a sollicité à nouveau une modification similaire des mesures de substitution. Dans la mesure où le Ministère public n'entendait pas procéder à l'audition de F______ dans un délai raisonnable, le maintien des mesures de substitution était disproportionné. Il était privé de revenus et sa situation financière devenait intenable. Il n'existait pas de risque réel et effectif de collusion avec son employeur et ami F______, qui avait été entendu dans le cadre de l'enquête administrative. Il avait travaillé avec le prénommé tous les jours entre le 1er août 2021 – date de sa prise d'emploi au sein de B______ SA – et le jour de son arrestation.

j. Le 25 avril 2022, le Ministère public a transmis cette requête au TMC, concluant à son rejet. L'instruction suivait son cours, notamment par l'analyse des SMS et e-mails envoyés par les prévenus et des travaux effectués sur la Ville de C______. Une audience avait été agendée à cet effet. Les charges restaient suffisantes et graves, A______ ayant été mis en cause par plusieurs personnes. Une audience serait tenue au sujet de B______ SA, au rythme dicté par la procédure et non par le prévenu directement.

k. Dans ses déterminations du 28 avril 2022 au TMC, A______ soutient encore que le risque de son licenciement était réel. Il avait fait certaines propositions permettant de pallier l'éventuel risque de collusion. Enfin, les charges retenues à son encontre reposaient uniquement sur des témoignages, dont le contenu était contesté.

C. Dans son ordonnance querellée, le TMC retient l'existence de charges suffisantes, eu égard à la plainte pénale et aux déclarations des personnes entendues au cours de la procédure. L'instruction suivait son cours, par diverses analyses et auditions, notamment celle du témoin N______ le 20 mai 2022 et celles déléguées à la police par mandat du 6 avril 2022. Les modifications requises ciblaient une personne et une société – et par voie de conséquence l'ensemble du personnel de cette dernière – à l'égard desquelles il existait un risque de collusion élevé. Les liens étroits entre A______ et F______ ressortaient du dossier. L'avancement de la procédure administrative n'était pas un facteur de réduction du risque de collusion. La modification des mesures de substitution plaidée à titre subsidiaire n'apparaissait ni réaliste, ni réalisable, F______ étant administrateur et président de B______ SA. Avant son arrestation, A______ ne pouvait avoir conscience que des actes de nature pénale lui étaient reprochés et n'avait dès lors aucune raison de s'accorder avec F______ sur une version des faits.

D. a. À l'appui de son recours, A______ conteste l'existence de soupçons suffisants. Les charges pesant à son encontre reposaient uniquement sur le témoignage de L______ – titulaire de l'entreprise en raison individuelle H______ –, dont les affirmations n'étaient pas crédibles. Les faits avaient déjà été examinés dans le cadre de l'enquête administrative, au terme de laquelle aucune sanction n'avait été prononcée à son encontre.

Il n'existait pas de risque de collusion concret avec F______, qui avait été entendu de façon exhaustive lors de l'enquête administrative en 2020. Comme l'avait retenu la Chambre de céans dans son arrêt du 23 novembre 2021, ils auraient déjà largement pu accorder leurs versions à l'occasion de ladite enquête.

Il faisait valoir des faits nouveaux (art. 237 al. 5 CPP) : d'une part, il était privé de travail depuis le 23 novembre 2021 et ne percevait aucun salaire depuis presque six mois. Il était en arrêt maladie et percevait à cet effet des indemnités perte de gain, qui avaient toutefois pris fin en avril. D'autre part, B______ SA ne pouvait plus se permettre d'avoir un employé indisponible pour une durée indéterminée. Un risque de licenciement était légitime. Les mesures de substitution devaient être modifiées afin de lui permettre de reprendre son emploi, à tout le moins à un taux d'activité réduit, et toucher ainsi un revenu.

Enfin, le Ministère public n'avait pas estimé utile de convoquer F______ aux précédentes audiences des 29 novembre 2021 et 28 janvier 2022, ni à la prochaine du 20 mai 2022. Ce manquement avait pour conséquence de retarder la confrontation, de maintenir un éventuel risque de collusion et donc de prolonger des mesures de substitution qui portaient fortement atteinte à sa liberté personnelle et le privaient de toute rentrée d'argent. Le principe de la célérité était violé.

b. À réception, la cause a été gardée à juger, sans échange d'écritures ni débats.

E. a. Les mesures de substitution arrivant à échéance le 11 mai 2022, le Ministère public a, par requête du 6 mai 2022, sollicité leur prolongation pour une durée de six mois, précisant, s'agissant du risque de collusion, que trop de personnes étaient impliquées et qu'elles nécessitaient d'être auditionnées en amont.

b. Par ordonnance du 10 mai 2022 (OTMC/1494/2022), le TMC a ordonné la prolongation des mesures de substitution pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 11 septembre 2022. L'instruction se poursuivait, notamment avec l'audition du témoin N______ le 20 mai 2022 et l'instruction de nouveaux faits à l'audience du 31 mai 2022 pouvant conduire à la notification de nouvelles charges, certes "pas nécessairement" à l'encontre de A______. Ce nonobstant, des actes d'instruction restaient à effectuer le concernant. Les mesures de substitution seraient prolongées pour une durée de quatre mois, ce qui paraissait raisonnable au vu de l'état de la procédure, et compte tenu du fait que la mesure prévue sous la lettre c constituait une atteinte particulièrement importante à la liberté personnelle de A______, empêché d'exercer une activité lucrative auprès de son employeur.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222, 237 al. 4 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

Après le dépôt du recours, les mesures de substitution à la détention provisoire du recourant ont été prolongées jusqu'au 11 septembre 2022 par le TMC. Cette décision ultérieure se fonde sur des motifs analogues à ceux retenus dans l'ordonnance attaquée, de sorte que le recourant conserve un intérêt actuel et pratique au sens de l'art. 382 al. 1 CPP à l'examen de ses griefs (comp. avec l'arrêt du Tribunal fédéral 1B_134/2022 du 19 avril 2022 consid. 1 [art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF] ; cf. aussi ACPR/18/2022 du 13 janvier 2022 consid. 1) .

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant conteste l'existence de charges suffisantes.

3.1.       Selon l'art. 237 al. 4 CPP, les dispositions sur la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté s'appliquent par analogie au prononcé des mesures de substitution ainsi qu'au recours contre elles. Ce renvoi général aux règles matérielles et formelles concernant la détention se justifie par le fait que les mesures de substitution sont ordonnées aux mêmes conditions que la détention provisoire, soit en présence de soupçons suffisants ainsi que de risques de fuite, de collusion ou de réitération (art. 221 CPP), conditions qui doivent en elles-mêmes faire l'objet d'une réévaluation périodique (ATF 141 IV 190 consid. 3.3).

Dans le cadre de l'examen des soupçons suffisants (art. 221 al. 1 CPP), il n'appartient pas au juge de la détention de procéder à une pesée complète des éléments à charge et à décharge et d'apprécier la crédibilité des personnes qui mettent en cause le prévenu. Il doit uniquement examiner s'il existe des indices sérieux de culpabilité justifiant une telle mesure. L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale ; si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, la perspective d'une condamnation doit apparaître avec une certaine vraisemblance après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables (ATF 143 IV 330 consid. 2.1 ; 143 IV 316 consid. 3.1 et 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_88/2022 du 29 mars 2022 consid. 2.1).

3.2.       En l'espèce, le recourant conteste l'existence de soupçons suffisants, motif pris qu'ils reposeraient uniquement sur le témoignage, selon lui contesté et peu crédible, de L______. Outre que cette critique a manifestement trait à l'appréciation des preuves, qui ne relève pas du juge de la détention, mais du juge du fond, on observe que le dossier contient plusieurs autres éléments à charge, dont la plainte et la déposition de la partie plaignante, mais aussi les déclarations de témoins entendus les 29 novembre 2021 et 28 janvier 2022 par le Ministère public et, avant cela, par la police. Ces autres éléments, que le recourant ne discute pas, constituent manifestement des indices sérieux au sens exigé par la jurisprudence, suffisants pour justifier, à ce stade de l'instruction, une prolongation des mesures de substitution.

Quant aux conclusions de l'enquête administrative, dont le recourant fait grand cas, elles doivent être relativisées, dès lors qu'il ressort de l'instruction, notamment de l'audition du 29 novembre 2021 du représentant de la Ville de C______, que de nouveaux éléments à charge concernant le recourant étaient apparus postérieurement à la clôture de ladite enquête, laquelle a des visées différentes que celle d'une instruction pénale.

Le grief sera rejeté.

4.             Le recourant conteste le risque de collusion avec F______.

4.1.       Selon l'art. 221 al. 1 let. b CPP, applicable aux mesures de substitution par renvoi de l'art. 237 al. 4 CPP, la détention provisoire ne peut être ordonnée que lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuves.

Pour retenir l'existence d'un risque de collusion au sens de l'art. 221 al. 1 let. b CPP, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction elle doit encore effectuer et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2 ; 132 I 21 consid. 3.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_687/2021 du 11 janvier 2022 consid. 4.1).

4.2.       En l'espèce, le recourant ne remet pas en question les liens d'amitié étroits qui l'unissent à F______, ni l'implication de ce dernier dans une partie au moins des faits qui lui sont reprochés, notamment en lien avec SCI G______ et B______ SA.

Contrairement à ce que le recourant affirme, un risque de collusion avec les personnes impliquées – dont F______ – avait bien été retenu par la Chambre de céans dans son arrêt du 23 novembre 2021, avec la précision que ce risque devait être fortement relativisé au vu des enquêtes administratives et qu'il pouvait être suffisamment pallié par les mesures de substitution prononcées par le TMC et proposées par le recourant lui-même.

Il n'en va pas autrement aujourd'hui, étant précisé que, comme il a été vu ci-dessus, le poids de l'argument lié à l'enquête administrative n'est plus le même qu'à l'époque, dès lors que cette dernière ne portait apparemment pas sur l'ensemble des faits aujourd'hui reprochés au recourant. Ce dernier ne saurait donc valablement affirmer que l'audition de F______ lors de l'enquête administrative aurait été exhaustive. À cela s'ajoute que, selon les déterminations du Ministère public du 1er décembre 2021, l'audition à venir du prénommé porterait sur l'ensemble de ses agissements, à savoir son rôle dans la SCI G______, mais aussi l'obtention des mandats de gré à gré de la Ville de C______, soit des faits similaires à ceux reprochés au recourant. Dans ces conditions, on ne peut exclure que le recourant puisse être tenté d'influencer les futures déclarations de son ami d'enfance et employeur actuel, ce qui justifie la prolongation des mesures de substitution prononcées en raison du risque de collusion.

Le grief est rejeté.

5.             Le recourant invoque l'existence de faits nouveaux, qui commanderaient la modification des mesures de substitution.

5.1.       En vertu du principe de proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., l'autorité doit tenter autant que possible de substituer à la détention toute autre mesure moins incisive propre à atteindre le même résultat (ATF 133 I 270 consid. 2.2). Le Code de procédure pénale le prévoit expressément à l'art. 237, en énumérant, de manière non exhaustive (cf. ATF 142 IV 367 consid. 2.1), certaines mesures de substitution, notamment l'interdiction de se rendre dans un certain lieu ou un certain immeuble (let. c) ou l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (let. g). Une interdiction de travailler est également abordée en doctrine, par exemple lorsque l'infraction reprochée est en lien avec la place de travail ou avec la profession du prévenu (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 14c ad art. 237).

Les mesures de substitution ne sauraient sans autre être considérées comme des atteintes bénignes aux droits fondamentaux du prévenu (ATF 141 IV 190 consid. 3.3). À l'instar de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté, les mesures de substitution doivent en tout temps demeurer proportionnées au but poursuivi, tant par leur nature que par leur durée (ATF 140 IV 74 consid. 2.2).

Conformément à l'art. 237 al. 5 CPP, le tribunal peut en tout temps révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer la détention provisoire si des faits nouveaux l'exigent ou si le prévenu ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées. Le tribunal compétent dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation, comme cela ressort de la formulation potestative de la loi (arrêt du Tribunal fédéral 1B_485/2019 du 12 novembre 2019 consid. 3.1).

5.2.       En l'espèce, le recourant, s'il prétend être privé de travail et ne plus percevoir de salaire depuis presque six mois, admet également être en arrêt maladie et avoir dans ce cadre touché des indemnités perte de gain, lesquelles auraient toutefois pris fin en avril 2022. Il ne produit aucune pièce à l'appui de ces (nouvelles) affirmations et n'explique pas en quoi il aurait été privé de la possibilité de le faire.

Le risque de perdre son emploi, s'il ne peut être exclu, doit toutefois être nuancé, compte tenu des relations existant entre le recourant et F______. Ici aussi, aucune pièce ne vient attester que ce risque serait réel et imminent.

En tout état, les mesures de substitution proposées à titre subsidiaire par le recourant, consistant à lui permettre de reprendre son emploi auprès de B______ SA, mais en télétravail ou uniquement sur les chantiers à l'extérieur, n'apparaissent pas réalistes au vu de la position occupée par F______ au sein de ladite société et du domaine d'activité concerné (bâtiment), qui suppose des contacts fréquents. De telles mesures, au demeurant difficilement contrôlables par l'autorité, sont ainsi inaptes à pallier le risque de collusion existant en l'état avec le prénommé.

Cela étant, on ne peut ignorer que les mesures de substitution litigieuses, notamment celle qui fait interdiction au recourant de reprendre son emploi chez son employeur actuel, constituent une atteinte importante à sa liberté personnelle et doivent rester proportionnées au but poursuivi, notamment quant à leur durée. Dans la mesure où le recourant invoque cette circonstance à l'appui de son grief de violation du principe de la célérité, elle sera examinée dans ce cadre (consid. 6. infra).

Le grief sera rejeté.

6.             Le recourant se plaint enfin d'une violation du principe de la célérité (art. 5 CPP), devant entraîner la levée des mesures de substitution.

6.1.       La levée des mesures de substitution en raison d'un retard dans la procédure n'entre en considération que si ce manquement est particulièrement grave et qu'il apparaît au surplus que l'autorité ne serait plus en mesure de conduire la procédure à chef dans un délai raisonnable (ATF 140 IV 74 consid. 3.2). Pour procéder à cette appréciation, les circonstances d'espèce sont déterminantes ; il y a également lieu de tenir compte de la complexité de l'affaire et du comportement du prévenu (arrêt du Tribunal fédéral 1B_77/2021 du 23 mars 2021 consid. 2.1).

6.2.       En l'espèce, quoi qu'en dise le recourant – qui n'a pas déposé de recours pour déni de justice –, on ne saurait retenir l'existence d'un grave retard dans la procédure menée par le Ministère public. Depuis l'ouverture de l'instruction, ce dernier a procédé lui-même à – ou délégué à la police – de nombreux actes d'enquête, dont les auditions des trois prévenus et de plusieurs témoins, mais aussi l'analyse des données informatiques et des téléphones des prévenus. De nouvelles auditions et, apparemment, des mises en prévention complémentaires sont annoncées. La procédure, qui compte déjà trois prévenus et porte sur différents complexes de faits, n'est pas dénuée de toute complexité et n'en est encore manifestement qu'à ses débuts. Rien ne permet d'affirmer que l'autorité ne serait pas ou plus à même de la mener à bien dans un délai raisonnable.

Certes, on doit constater, avec le recourant, que la mesure de substitution litigieuse, qui lui interdit de reprendre son emploi chez B______ SA, a été prononcée puis prolongée principalement en raison du risque de collusion existant avec F______, et que ce dernier n'a toujours pas été entendu par le Ministère public. Dans la mesure toutefois où, comme on l'a vu, l'audition du prénommé doit porter sur plusieurs complexes de faits, il n'apparaît en soi pas critiquable, pour l'autorité d'instruction, de s'être d'abord concentrée sur l'analyse des données informatiques des prévenus et des travaux effectués sur la Ville de C______ (cf. le pli du 25 avril 2022 au TMC) avant de l'entendre.

Le grief est rejeté.

7.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

8.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 800.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à A______, soit pour lui son conseil, au Tribunal des mesures de contraintes et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/19609/2021

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

800.00