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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/9882/2022

ACPR/363/2022 du 19.05.2022 sur OTMC/1458/2022 ( TMC ) , ADMIS

Descripteurs : DÉTENTION PROVISOIRE;HOMICIDE PAR NÉGLIGENCE;RISQUE DE COLLUSION;RISQUE DE RÉCIDIVE;MESURE DE SUBSTITUTION À LA DÉTENTION
Normes : CP.117; LCR.90.al2; LCR.93.al2.leta; CPP.221; CPP.237

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/9882/2022 ACPR/363/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 19 mai 2022

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de F______, comparant par Me B______, avocate,

recourant,

contre l'ordonnance de mise en détention provisoire rendue le 6 mai 2022 par le Tribunal des mesures de contrainte,

et

LE TRIBUNAL DES MESURES DE CONTRAINTE, rue des Chaudronniers 9,
1204 Genève,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A.           Par acte expédié par messagerie sécurisée le 10 mai 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 6 mai 2022, notifiée le 10 suivant, par laquelle le Tribunal des mesures de contrainte (ci-après : TMC) a ordonné sa mise en détention provisoire jusqu'au 5 juillet 2022.

Le recourant conclut à l'annulation de l'ordonnance précitée et à sa mise en liberté immédiate, subsidiairement avec des mesures de substitution, qu'il propose.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. A______, planificateur financier né le ______ 1990, est prévenu d’homicide par négligence (art. 117 CP), violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), conduite en état d’ébriété qualifié (art. 91 al. 2 let. a LCR) et conduite d’un véhicule automobile ne répondant pas aux prescriptions (art. 93 al. 2 let. a LCR).

Il est soupçonné d'avoir, le 4 mai 2022, vers 18 heures 30 à Genève, alors qu'il circulait au volant d'un véhicule de marque G______ sur la route de Chancy, conduit en état d’ébriété qualifié (test éthylomètre 1.18 mg/l) et, à la hauteur du chemin de Couchefatte, s'être déporté sur la voie de circulation opposée en franchissant la ligne de sécurité, provoquant un choc frontal avec le véhicule de marque H______, venant en sens inverse sur sa propre voie de circulation, conduit par C______, accompagnée de D______.

Par suite de cette collision, le véhicule de C______ a été projeté contre un muret et celui de A______ a poursuivi sa course, heurtant la voiture de livraison, avec trois personnes à son bord, qui circulait derrière celle de C______.

C______ est décédée sur les lieux de l’accident.

b. Entendue par la police comme témoin, E______, qui roulait derrière le véhicule de livraison, a déclaré avoir vu "la G______" arriver en sens inverse à vive allure. Dans le virage situé à la hauteur du chemin de Couchefatte, ce véhicule était allé tout droit au lieu de tourner et avait percuté les deux voitures qui la précédaient, lesquelles roulaient à une vitesse normale.

c. Entendu par la police le 5 mai 2022 – après sa brève hospitalisation –, puis par le Ministère public le lendemain, A______ a admis avoir circulé alors qu'il était pris de boisson. Il a expliqué vivre depuis plusieurs mois une situation professionnelle "extrêmement compliquée", sa société essuyant d'importantes pertes financières pouvant la conduire à la faillite. En fin de matinée du 4 mai 2022, après avoir "recadré les équipes", il avait quitté les bureaux au volant du véhicule de l'entreprise, à la recherche d'un endroit calme. À midi, il était allé manger dans un restaurant à I______ [GE], où il avait bu 0.5 l de bière et deux whisky. Il était ensuite allé nager au bord du Rhône, où il avait bu environ le quart d'une bouteille de whisky – qui sera retrouvée, vide, dans la voiture après les faits. En fin d'après-midi, il s'était à nouveau rendu au restaurant de I______, où il avait bu "quelques" – il dira ensuite deux ou trois – verres de whisky. Il avait repris le véhicule pour aller rejoindre sa copine aux Eaux-Vives. Il avait un vague souvenir du trajet de retour. Il ignorait à quelle vitesse il circulait, mais pensait avoir conduit un peu plus vite que ce qui était autorisé, car le véhicule utilisé "montait" rapidement en vitesse. Il lui semblait qu'il pleuvait, mais n'en était pas sûr. Confronté au fait que le témoin précité avait déclaré qu'il circulait à vive allure, il a répondu : "j'imagine qu'elle a raison". Il se souvenait d'une montée, éventuellement d'une courbe, et d'avoir ressenti une "perte d'adhérence", le véhicule qui patinait, puis un choc. Il ne se souvenait pas s'il avait tourné le volant ni freiné. Il n'avait pas de souvenirs liés à la collision, seulement d'avoir ressenti un fort choc. Il savait que les pneus avant du véhicule étaient dans un état insuffisant, mais au regard de ses problèmes financiers cela n'avait pas été une priorité.

Interrogé sur sa consommation d'alcool, il a répondu que, depuis cinq mois, "c'[était] la seule chose [qu'il avait] trouvée" pour faire cesser ses palpitations cardiaques, liées à sa situation professionnelle et aux insomnies. Une bouteille de whisky durait environ trois jours. Il consommait par ailleurs occasionnellement de la cocaïne, trois fois par mois. Sa consommation de cannabis avait diminué "ces derniers mois". Il avait peut-être fumé un joint la veille de l'accident. Depuis sa précédente condamnation, en 2016, et jusqu'au début de ses ennuis professionnels, cinq mois avant les faits, il avait été "assez irréprochable".

Sur proposition de son défenseur, il s'est montré d'accord pour un placement volontaire au service psychiatrique des HUG.

d. Le Ministère public a ordonné le séquestre des véhicules et du téléphone portable du prévenu.

e. S'agissant de sa situation personnelle, A______, de nationalité suisse domicilié à Genève, est célibataire et sans enfant.

À teneur de l'extrait du casier judiciaire suisse, il a été condamné le 4 août 2016, à une peine pécuniaire avec sursis, pour conduite avec un taux d'alcool qualifié.

f. Le Ministère public a requis sa mise en détention provisoire, en raison des risques de collusion et réitération. L'instruction ne faisait que commencer et plusieurs actes d'instruction étaient nécessaires pour identifier d'éventuels témoins, ainsi que de procéder à l'audition de toutes les personnes blessées, lesquelles n'avaient pas encore pu être entendues en raison de leur hospitalisation. Il y avait également lieu de déterminer le plus exactement possible l'enchaînement fatal, notamment la vitesse des véhicules et leurs trajectoires, le Ministère public envisageant d'ordonner une expertise technique. Compte tenu des enjeux pour le prévenu, il pourrait être amené à vouloir influencer des témoins, ainsi que les lésés. Il fallait donc éviter qu'il n'entre en contact avec ces personnes pour influencer leurs déclarations, aligner leurs versions et faire disparaître d'éventuels moyens de preuve. Sa précédente condamnation ne l'avait en outre pas dissuadé de récidiver. Il ne semblait pas avoir initié une prise de conscience quant à sa légèreté en matière de conduite et à sa consommation d'alcool qui, au vu du résultat, n'était pas modérée. Toute mesure autre que la détention apparaissait prématurée, notamment la prise en charge psychiatrique, laquelle était aléatoire et n'empêcherait ni les contacts ni la récidive.

g. A______ s'est opposé à sa mise en détention provisoire, par des observations écrites devant le TMC.

C.           L'ordonnance querellée retient des charges suffisantes et graves, et reprend au surplus les mêmes motifs que ceux invoqués par la requête du Ministère public. Le TMC a estimé ne pas pouvoir, en l'état, au vu des enjeux pour le prévenu, se contenter de l'engagement de celui-ci de ne pas contacter les personnes mêlées à la procédure, "dont certaines sont éventuellement encore inconnues de l'autorité". La détention provisoire devait donc être ordonnée pour deux mois, au vu des actes d'instruction en cours.

D.           a. Dans son recours, A______ invoque une violation de son droit d'être entendu, le Ministère public ayant décidé de sa mise en détention provisoire avant même de procéder à son audition. Il en veut pour preuve que le nom du document PDF contenant la demande de mise en détention adressée par la Procureure au TMC – par courriel – porte la mention "20220505", laissant penser que la magistrate avait en réalité pris cette décision le 5 mai 2022 déjà, avant de l'entendre le lendemain. Le Ministère public avait ainsi préjugé de l'affaire. La Procureure avait en outre commis un grave déni de justice en refusant qu'il propose des mesures de substitution, disant à son avocat : "vous le plaiderez au TMC Maître".

Il relève avoir reconnu les faits et être plongé dans un profond remord, conscient de la gravité de ses actes. Il reproche au TMC d'avoir retenu des risques de collusion et fuite sans expliquer en quoi ils seraient concrètement réalisés, et d'avoir mécaniquement repris la subsomption du Ministère public sur les mesures de substitution sans même discuter ses propositions.

Il reproche par ailleurs au TMC de ne pas avoir démontré l'existence d'un risque concret et sérieux de collusion, l'autorité se bornant à reprendre les risques théoriques allégués par le Ministère public. Or, les faits en circulation routière étaient principalement établis par expertise, de sorte qu'une éventuelle tentative d'influencer les témoins ne servirait à rien.

En outre, le risque de réitération retenu n'était fondé sur aucun pronostic. Le véhicule impliqué dans l'accident était non seulement détruit et son épave séquestrée par le Ministère public, qui avait également saisi la clé de son scooter. Il peinait donc à comprendre comment il pourrait récidiver et l'ordonnance querellée ne le précisait pas. Il était dévasté par les conséquences de ses actes et n'avait eu de cesse d'exprimer ses regrets, durant ses auditions, ce dont n'avait pas tenu compte le TMC. Sa prise de conscience était manifeste, de sorte qu'il n'allait pas reprendre le volant, excluant ainsi tout risque de réitération.

Afin de pallier les éventuels risques précités, il propose l'obligation de se présenter au secteur psychiatrique des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et l'interdiction de contacter tout témoin, lésé ou victime dans le cadre de la procédure, "ou tout autre mesure de substitution qui serait jugée opportune" (recours, n. 41).

b. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Il était usuel, compte tenu des courts délais dans lesquels il devait éventuellement requérir une mise en détention provisoire, de créer les documents avant l'audience sans toutefois préjuger du résultat de celle-ci. Ce grief n'était donc pas pertinent, la situation évoquée ne consacrant pas de violation du droit d'être entendu du prévenu. Le risque de réitération était patent, au vu de la précédente condamnation, qui n'avait pas dissuadé A______ de récidiver. Malgré les regrets exprimés, il ne semblait pas avoir initié une prise de conscience quant à sa légèreté en matière de conduite et sa consommation d'alcool. Il était à redouter qu'il reprenne le volant et réitère des infractions graves mettant en danger la sécurité d'autrui. La destruction du véhicule et la saisie de la clé du scooter n'étaient pas de nature à l'empêcher de conduire. Le risque de collusion ne pouvait être écarté, comme retenu par le TMC. L'instruction débutait et plusieurs actes d'instruction étaient nécessaires en vue de l'identification des éventuels témoins et l'audition des personnes impliquées. L'entrée volontaire au service de psychiatrie des HUG ne pourrait pas pallier les risques précités, le prévenu n'évoquant pas de mesure en lien avec sa dépendance à l'alcool.

c. Le TMC maintient les termes de son ordonnance, sans formuler d'observations.

d. A______ renonce à répliquer et persiste dans ses conclusions.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 222 et 393 al. 1 let. c CPP) et émaner du prévenu qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. a CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             Le recourant ne contestant pas les charges, il n'y a pas à s'y attarder. Il peut être renvoyé, en tant que de besoin, à la motivation adoptée par le premier juge (art 82 al. 4 CPP; ACPR/747/2020 du 22 octobre 2020 consid. 2 et les références), qui expose les indices graves pesant sur le prévenu.

3.             Le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu et un déni de justice.

3.1. À teneur de l'art. 29 Cst, toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable (al. 1). Les parties ont le droit d’être entendues (al. 2).

3.2. En l'espèce, le recourant s'en prend, en premier lieu, au Ministère public au motif que la requête de mise en détention provisoire avait été rédigée avant l'audition du 6 mai 2022 et qu'il n'avait pas été en mesure d'exposer ses propositions de mesures de substitution. Il semble oublier que la décision de mise en détention provisoire a été prononcée par le TMC et non par le Ministère public, qui l'a simplement demandée. Au demeurant, la Procureure a expliqué dans quelles circonstances le document contenant la requête avait été préparé le 5 mai 2022. Le procès-verbal d'audition devant le Ministère public mentionne en outre la proposition de mesures de substitution et le recourant a pu faire valoir ses arguments devant le TMC. On ne constate dès lors pas de violation de son droit d'être entendu ni de déni de justice.

Le recourant critique ensuite l'absence de motivation propre du TMC. S'il n'est effectivement pas admissible que le juge de la détention se borne à recopier dans sa décision les arguments du Ministère public sans discuter ceux du prévenu – comme la Chambre de céans a déjà eu l'occasion de le préciser (ACPR/930/2020 du 21 décembre 2020 consid. 3.2) –, la décision querellée est ici motivée, le juge ayant dit qu'il ne pouvait se contenter de l'engagement du prévenu de ne pas contacter les personnes mêlées à la procédure. Le recourant a d'ailleurs pu former recours avec succès, de sorte que le grief de violation du droit d'être entendu sera rejeté.

4.             Le recourant conteste l'existence d'un risque de collusion.

4.1. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. b CPP, il existe un risque de collusion lorsqu'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu compromette la recherche de la vérité en exerçant une influence sur des personnes ou en altérant des moyens de preuve. Pour retenir l'existence d'un tel risque, l'autorité doit démontrer que les circonstances particulières du cas d'espèce font apparaître un danger concret et sérieux de manœuvres propres à entraver la manifestation de la vérité, en indiquant, au moins dans les grandes lignes et sous réserve des opérations à conserver secrètes, quels actes d'instruction doivent être encore effectués et en quoi la libération du prévenu en compromettrait l'accomplissement. Dans cet examen, entrent en ligne de compte les caractéristiques personnelles du détenu, son rôle dans l'infraction ainsi que ses relations avec les personnes qui l'accusent. Entrent aussi en considération la nature et l'importance des déclarations, respectivement des moyens de preuve susceptibles d'être menacés, la gravité des infractions en cause et le stade de la procédure. Plus l'instruction se trouve à un stade avancé et les faits sont établis avec précision, plus les exigences relatives à la preuve de l'existence d'un risque de collusion sont élevées (ATF 137 IV 122 consid. 4.2; 132 I 21 consid. 3.2; arrêt du Tribunal fédéral 1B_577/2020 du 2 décembre 2020 consid. 3.1).

4.2. En l'espèce, si le recourant n'est pas en mesure de se déterminer sur les causes de l'accident, n'ayant conservé aucun souvenir au-delà de la route qui monte et de l'éventuelle courbe, il ne conteste pas pour autant les éléments au dossier ni les déclarations de E______, concédant même que si celle-ci avait constaté qu'il roulait vite, elle devait avoir raison. On ne saurait retenir un risque de collusion avec des témoins non identifiés, sauf à présumer qu'ils feraient partie de l'entourage du recourant ou qu'il les connaîtrait, ce qui n'est ni plausible au vu des événements ni allégué par les autorités précédentes. Le TMC et le Ministère public craignent que le recourant n'influence les déclarations des personnes impliquées dans l'accident et du témoin, mais on ne voit pas comment il pourrait tenter de faire prévaloir une autre version alors que, faute de souvenirs, il n'en a aucune.

Il s'ensuit que le risque – abstrait – de collusion ne justifie ici pas la mise en détention provisoire du recourant.

5.             Le recourant conteste également tout risque de réitération.

5.1.       Pour admettre un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, les infractions redoutées, tout comme les antécédents, doivent être des crimes ou des délits graves, au premier chef les délits de violence (ATF 143 IV 9 consid. 2.3.1 et les références). Plus l'infraction et la mise en danger sont graves, moins les exigences sont élevées quant au risque de réitération. Il demeure qu'en principe le risque de récidive ne doit être admis qu'avec retenue comme motif de détention. Dès lors, un pronostic défavorable est nécessaire pour admettre l'existence d'un tel risque (ATF 143 IV 9 consid. 2.9). Pour établir le pronostic de récidive, les critères déterminants sont la fréquence et l'intensité des infractions poursuivies. Cette évaluation doit prendre en compte une éventuelle tendance à l'aggravation telle qu'une intensification de l'activité délictuelle, une escalade de la violence ou une augmentation de la fréquence des agissements. Les caractéristiques personnelles du prévenu doivent en outre être évaluées (ATF 146 IV 326 consid. 2.3.1; arrêt du Tribunal fédéral 1B_668/2021 du 4 janvier 2022 consid. 4.1). Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4).

5.2.       En l'espèce, le comportement reproché au recourant est grave, eu égard à son état d'alcoolémie qualifié, la vitesse excessive et inadaptée aux conditions de la chaussée, ainsi que l'état des pneus du véhicule. Malgré une précédente condamnation, en 2016, pour conduite en état d'ébriété qualifié, le recourant n'a pas hésité, le jour des faits, à prendre le volant d'un véhicule puissant, dont il savait que les pneus avant ne correspondaient plus aux normes de sécurité, alors que lui-même souffrait d'une dépendance à l'alcool et avait de surcroît consommé plusieurs verres de whisky dans les heures et minutes précédant la conduite. Ce seul antécédent, même vieux de cinq ans, suffit donc pour retenir un risque patent de réitération, compte tenu de la persistance avec laquelle le recourant a conduit nonobstant sa dépendance à l'alcool – voire à d'autres substances –, en mettant ainsi en danger la vie de tiers.

6.             Le recourant propose des mesures de substitution.

6.1.       Conformément au principe de la proportionnalité (art. 36 al. 3 Cst., concrétisé par l'art. 237 al. 1 CPP), le tribunal compétent ordonne une ou plusieurs mesures moins sévères en lieu et place de la détention si elles permettent d'atteindre le même but que la détention, "notamment" l'obligation de se soumettre à un traitement médical ou à des contrôles (al. 2 let. f) et l'interdiction d'entretenir des relations avec certaines personnes (al. 2 let. g). La liste des mesures de substitution énoncée à l'art. 237 CPP n'est pas exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 1B_654/2011 du 7 décembre 2011 consid. 4.2).

6.2.       En l'espèce, la proposition du recourant d'entrer volontairement au service psychiatrique des HUG, en raison de la situation de désarroi dans laquelle il se trouve, n'est pas de nature à pallier le risque de réitération, d'une part, car elle repose sur sa seule volonté, d'autre part, car cette hospitalisation, ponctuelle, n'est pas propre, au moment de la sortie, à garantir que le recourant ne reprendra pas le volant en état d'ébriété.

Cela étant, d'autres mesures sont aptes à pallier ce risque, soit : l'interdiction de conduire tout véhicule à moteur (ACPR/549/2016 du 1er septembre 2016) ; le dépôt du permis de conduire en mains du Ministère public ; l'interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants ; l'obligation de suivre un traitement pour soigner ses addictions (alcool, cocaïne et cannabis), qui sera déterminé par le Service de probation et d'insertion (ci-après : SPI); la prise en charge par le SPI dès la sortie de prison ; l'obligation de se soumettre, une fois par mois durant les trois premiers mois, puis aux échéances déterminées par le SPI, à des analyses médicales (sang, urine et/ou cheveux) dans le but de vérifier l'abstinence aux substances précitées ; l'obligation de produire en mains du SPI chaque mois – puis selon les échéances déterminées par celui-ci – un certificat attestant de la régularité du suivi psychiatrique/thérapeutique et des contrôles d'abstinence ; l'obligation de suivre les règles ordonnées par le SPI.

Ces mesures, qui paraissent aptes et adéquates à diminuer le risque de réitération seront ainsi ordonnées et le recourant y sera astreint.

Les mesures de substitution précitées portant atteinte à la liberté personnelle du recourant et à ses droits fondamentaux, elles seront soumises à un contrôle périodique et prononcées pour une durée de 6 mois, étant précisé que le recourant peut en tout temps requérir leur révocation ou modification.

7.             Fondé, le recours sera dès lors admis et les mesures de substitution précitées, ordonnées.

8.             Les frais de l'instance de recours seront laissés à la charge de l'État.

9.             Le recourant, qui est soumis à une défense obligatoire et semble, à teneur du dossier, avoir désigné un avocat de choix, allègue son impécuniosité pour demander l'extension de la "défense d'office" au recours et sollicite une indemnité de procédure de CHF 861.60 TTC pour le recours. Il ne ressort toutefois pas du dossier que le recourant serait au bénéfice d'une défense d'office en raison de son indigence (art. 132 al. 1 let. b CPP), aucune décision n'ayant été rendue à cet égard par le Ministère public.

En l'état, l'indemnité précitée, qui paraît adéquate au vu de l'activité déployée devant l'autorité de recours, sera donc accordée au recourant conformément à l'art. 429 al. 1 let. a CPP.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule l'ordonnance querellée et ordonne la libération immédiate de A______, s'il n'est retenu pour une autre cause, sous les mesures de substitution suivantes :

a)             interdiction de conduire tout véhicule à moteur, jusqu'à nouvelle décision;

b)             obligation de transmettre au Ministère public, sous 2 jours à compter de la notification du présent arrêt, son permis de conduire, s'il n'a déjà été saisi;

c)             interdiction de consommer de l'alcool et des stupéfiants;

d)            obligation de se soumettre, dès sa libération, à un traitement psychiatrique et/ou contre les addictions;

e)             obligation de se soumettre, dès sa sortie de prison, une fois par mois – pendant trois mois, puis aux intervalles proposés par le Service de probation et d'insertion – à des analyses médicales (sang, urine et/ou cheveux) destinées à vérifier l'abstinence à l'alcool et aux stupéfiants;

f)              obligation de produire en mains du Service de probation et d'insertion : 1) chaque mois, un certificat attestant de la régularité du suivi psychiatrique/thérapeutique et 2) chaque mois, puis aux intervalles requis par le Service de probation et d'insertion, le résultat des contrôles d'abstinence;

g)             obligation de suivre les règles ordonnées par le Service de probation et d'insertion;

h)             obligation de déférer à toute convocation du pouvoir judiciaire.

Ordonne à A______ de se présenter au Service de probation et d'insertion, route des Acacias 82, 1227 Carouge/Acacias (tél. 022 ______), au plus tard le 20 mai 2022 à 15 heures.

Dit que les mesures de substitution mentionnées ci-dessus sous lettres a) à g) sont ordonnées pour une durée de 6 mois, soit jusqu'au 19 novembre 2022, à charge de la Direction de la procédure d'en requérir la prolongation si elle l'estime nécessaire.

Charge la Direction de la procédure, en l'état le Ministère public, du suivi des mesures de substitution en collaboration avec le Service de probation et d'insertion.

Rappelle à A______ qu'en application de l'article 237 al. 5 CPP, le Tribunal des mesures de contrainte peut, en tout temps, révoquer les mesures de substitution, en ordonner d'autres ou prononcer la détention provisoire si des faits nouveaux l'exigent ou si le prévenu ne respecte pas les obligations qui lui ont été imposées.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'État.

Alloue à A______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 861.60 pour ses frais de recours.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, préalablement par courriel, au recourant (soit, pour lui, son défenseur), au Ministère public et au Tribunal des mesures de contrainte.

Le communique, pour information, préalablement par courriel, à la prison de F______ et au Service de probation et d'insertion.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.