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Décisions | Chambre pénale de recours

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PS/49/2020

ACPR/311/2021 du 12.05.2021 ( PSPECI ) , REJETE

Recours TF déposé le 14.06.2021, rendu le 30.03.2022, ADMIS, 6B_711/2021
Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS);REPORT(DÉPLACEMENT);IMPOSSIBILITÉ;RÉFUGIÉ
Normes : CP.66.leta; CP.66.letd; LAsi.3; LAsi.5

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/49/2020 ACPR/311/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mercredi 12 mai 2021

 

Entre

A______, domicilié c/o Foyer B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

recourant,

 

contre la décision rendue le 18 juin 2020 par l'Office cantonal de la population et des migrations,

 

et

L'OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS, Service asile et départ, Secteur mesures, route de Chancy 88, case postale 2652, 1211 Genève 2,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. Par acte daté du 25 juin 2020, remis à une date inconnue à l'Établissement [pénitentiaire] de D______ et expédié le 30 suivant, A______ recourt contre la décision de non-report de son expulsion judiciaire, prononcée par l'Office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) le 18 juin 2020 et notifiée le lendemain.

Le recourant déclare contester cette décision.

b. Par ordonnance du 2 juillet 2020 (OCPR/24/2020), la Direction de la procédure de la Chambre de céans a accordé d'office l'effet suspensif au recours, eu égard à l'arrêt du Tribunal fédéral du 29 novembre 2019 (6B_1313/2019 et 6B_1340/2019) invitant les autorités genevoises à clarifier leur pratique en matière de compétence pour traiter les questions de report d'exécution des expulsions judiciaires.

c. Par courrier du 29 juillet 2020, Me C______ a déclaré se constituer à la défense des intérêts de A______ et sollicité sa désignation comme avocat d'office dans le cadre de la présente procédure, vu l'indigence de son client.

d. Par arrêt du 23 novembre 2020 (ACST/34/2020), la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice a admis que la Chambre de céans était compétente pour connaître des recours contre les décisions de l'OCPM rendues en matière de report de l'exécution de l'expulsion pénale au sens de l'art. 66d CP.

e. Par ordonnance du 15 décembre 2020 (OCPR/58/2020), la Direction de la procédure de la Chambre de céans, considérant que la condition de l'indigence semblait acquise et que la présente affaire présentait des difficultés juridiques propres à justifier l'intervention d'un avocat, a désigné Me C______ à la défense d'office de A______ avec effet au 29 juillet 2020 et lui a imparti un délai pour motiver le recours de son client.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______, ressortissant gabonais né le ______ 1976 à E______ (Gabon), est arrivé en Suisse le 8 août 2002 et s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 16 juillet 2004.

Entre 2004 et 2007, il a bénéficié d'une autorisation de séjour pour réfugiés (Permis B), puis a été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement pour réfugiés (Permis C).

b. Par jugement du 21 novembre 2019 (JTDP/1641/2019), aujourd'hui définitif et exécutoire - l'appel ayant été retiré -, le Tribunal de police a déclaré A______ coupable d'escroquerie (art. 146 al. 1 CP), faux dans les titres (art. 251 CP) et recel (art. 160 CP). Il l'a condamné à une peine privative de liberté de 10 mois, sous déduction de 134 jours de détention avant jugement (peine partiellement complémentaire à celle prononcée le 4 août 2010). Il a également prononcé son expulsion judiciaire du territoire suisse (art. 66a al. 1 CP) pour une durée de 5 ans.

c. Le 15 janvier 2020, A______ a été auditionné par l'OCPM pour faire valoir ses observations au sujet de l'exécution de son expulsion à destination du Gabon. L'intéressé a expliqué être opposé à son retour dans ce pays pour les mêmes raisons qui avaient motivé le dépôt de sa demande d'asile en 2002, à savoir le risque de persécution qu'il encourait de la part du pouvoir politique en place et plus particulièrement de la famille présidentielle de F______. Il était prêt à y retourner si cette famille n'était plus au pouvoir.

d. Le même jour, l'OCPM a requis l'avis du Secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) sur les éventuels empêchements à l'exécution de l'expulsion du précité à destination du Gabon.

e. Par décision du 9 mars 2020 notifiée à A______, le SEM, eu égard au jugement du Tribunal de police du 21 novembre 2019 entré en force, a constaté que l'asile qui lui avait été octroyé avait pris fin, conformément à l'art. 64 al. 1 let. e de la loi fédérale sur l'asile (LAsi). Sa qualité de réfugié n'était toutefois pas touchée. Enfin, l'exécution de l'expulsion pénale ou son report était du ressort de l'autorité cantonale compétente.

f. Dans sa réponse à l'OCPM du 11 juin 2020, le SEM a indiqué que dans un arrêt E-6921/2019 du 3 janvier 2020, le Tribunal administratif fédéral (TAF) avait qualifié la situation politique au Gabon comme certes tendue depuis la tentative de coup d'État ayant échoué à Libreville le 7 janvier 2019. Le Gabon ne connaissait cependant pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, qui permettrait de présumer, à propos de tous les ressortissants provenant de cet État - et indépendamment des circonstances de chaque cas particulier - l'existence d'une mise en danger concrète, au sens d'un préjudice subi ou craint émanant de l'être humain. L'intéressé, dans sa demande d'asile, avait invoqué avoir subi des préjudices en tant que représentant des "Jeunes ressortissants de E______" et en tant que membre actif de G______, des mouvements d'opposition au pouvoir en place. Selon le consulting de sa section Analyses du 17 février 2020, à l'heure actuelle, ni le G______ ni le H______ (scission du G______ de 1991) n'étaient représentés au Sénat et à l'Assemblée nationale. S'agissant de E______, durant la crise électorale de 2016, cette localité comptait parmi les localités où des manifestations avaient donné lieu à des actes de vandalisme et des affrontements avec les forces de l'ordre. La section Analyses n'avait pas trouvé d'informations sur l'attitude des autorités gabonaises face aux membres de ces deux entités en particulier. Toutefois, en août 2016, les forces de l'ordre avaient procédé à l'assaut du quartier général pour la campagne électorale de l'opposant I______, et arrêté près de 800 personnes à cette occasion. En 2018, une organisation de la société civile avait dressé la liste de 29 d'entre elles qui se trouvaient encore en détention. En janvier 2020, les déclarations du président du G______ avaient montré que ce parti se situait clairement dans l'opposition.

g. Dans un courriel du 23 juin 2020 à la Brigade Migration et Retour, le SEM a indiqué ne pas être autorisé à prendre contact avec l'Ambassade du Gabon à Paris afin de demander l'établissement d'un laissez-passer pour A______, vu le statut de réfugié de ce dernier et son opposition à son renvoi dans son pays.

C. Dans sa décision, l'OCPM a considéré qu'il ressortait de la prise de position du SEM du 11 juin 2020 que la situation politique générale au Gabon restait tendue mais qu'il ne pouvait être présumé à propos de tous les citoyens de cet État qu'ils seraient automatiquement exposés à un danger, notamment en cas de retour dans leur pays; que des affrontements avec les forces de l'ordre s'étaient produits en 2016 dans la localité de E______ mais ces démonstrations étaient liées à la crise électorale de cette année-là; et qu'aucune information n'avait été trouvée sur l'attitude des autorités gabonaises vis-à-vis des "Jeunes ressortissants de E______" et du G______, contrairement à d'autres partis politiques dans l'opposition dont certains membres étaient emprisonnés. En plus, A______ avait quitté le Gabon en 2002 et n'était plus membre actif des mouvements précités. Il n'avait pas rendu vraisemblable que sa vie ou son intégrité corporelle serait menacée en cas de retour au Gabon. Partant, il allait procéder, avec l'aide des Services de police, à l'exécution de son expulsion du territoire suisse à destination du Gabon.

D. a. À l'appui du recours motivé de son conseil, A______ conclut à l'annulation de la décision de non-report de l'expulsion judiciaire du 18 juin 2020 et à son report. Il expose avoir subi différents préjudices de la part des autorités officielles de son pays en raison de son activité politique, raison pour laquelle il avait dû fuir celui-ci et déposé une demande d'asile en Suisse en 2002. Ce statut lui avait été octroyé. L'actuel président du Gabon, F______, n'était autre que le fils de J______, qui était au pouvoir au moment où il avait été persécuté. La dernière élection de F______ avait donné lieu à diverses manifestations. 800 opposants avaient été arrêtés et emprisonnés dans des conditions inhumaines, certains l'étant encore. Durant sa détention liée à la procédure ayant mené à son expulsion judiciaire, il avait reçu de la part des autorités une feuille d'information à teneur de laquelle il conservait sa qualité de réfugié, même si son asile était révoqué, et ne pouvait être renvoyé (pce 2, chargé rec.). Dans le cadre de ses échanges avec le SEM, celui-ci lui avait répondu que le Gabon n'était pas un pays sûr. Or, cet élément n'avait pas été relayé dans la décision querellée. Cette dernière contrevenait au principe du non-refoulement et au principe de la bonne foi.

b. Dans ses observations du 15 janvier 2021, le Ministère public conclut au rejet du recours. Une simple feuille d'information n'était pas une assurance concrète donnée par une autorité. Le principe de la bonne foi ne s'appliquait donc pas. Le SEM avait examiné la situation concrète du recourant et indiqué, après avoir constaté que l'asile avait pris fin le 9 mars 2020, qu'il n'y avait plus de risque concret pour le recourant. Ce dernier se limitait à alléguer des risques généraux, sans démontrer, ni même rendre vraisemblable, que cela le concernait lui personnellement. Faute d'un quelconque risque concret pour sa sécurité, il n'existait aucun motif de report au sens de l'art. 66d al. 1 CP.

c. Le recourant a répliqué, contestant l'appréciation faite par le Ministère public.

d. Dans ses observations du 25 mars 2021, l'OCPM conclut au rejet du recours. La communication du SEM du 9 mars 2020 précisait clairement que nonobstant le statut de réfugié, l'exécution de l'expulsion pénale ou son report était du ressort des autorités cantonales compétentes. Le fait que le Gabon serait absent de la liste des pays sûrs ne permettait pas de conclure qu'il existait un risque concret et sérieux de persécution en cas de retour de l'intéressé dans ce pays. Un avis sur d'éventuels empêchements à l'exécution de l'expulsion avait du reste été demandé au SEM. Le recourant ne rendait nullement vraisemblable qu'il serait personnellement, en tant qu'ex-membre du G______ ou des "Jeunes ressortissants de E______", exposé à des persécutions en cas de retour au Gabon. Rien n'indiquait qu'il était encore politiquement actif. Un long délai s'était en outre écoulé entre son arrivée en Suisse et la décision critiquée.

e. Le recourant a à nouveau répliqué. Selon lui, les risques de persécution ayant mené à la reconnaissance de son statut de réfugié étaient toujours d'actualité.

f. Par pli daté du 29 avril 2021, A______, en personne, demande que son expulsion soit reportée.

EN DROIT :

1.             1.1. La compétence de la Chambre de céans pour statuer sur le recours interjeté découle désormais de l'arrêt du 23 novembre 2020 de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice.

Cette attribution résultera en outre de la modification de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LaLEI) en cours, laquelle confère au Département de la sécurité, de l'économie et de la santé, soit pour lui l'OCPM, la compétence pour statuer sur le report de l'exécution de l'expulsion. Le nouvel art. 5 al. 5 LaCP entraînera ainsi la compétence de la Chambre pénale de recours pour statuer sur les recours en la matière, par le truchement des art. 40 al. 1 et 42 al. 1 let. a LaCP.

1.2. La procédure devant la Chambre de céans est régie par le CPP, applicable au titre de droit cantonal supplétif (art. 42 al. 2 LaCP).

1.3. Le recours émane du condamné, qui a un intérêt juridiquement protégé à l'annulation ou à la modification de la décision attaquée (art. 382 al. 1 CPP) et a été dûment motivé par son conseil.

1.3.1. Le recours doit être adressé à l'autorité de recours dans le délai de 10 jours à compter de la notification de la décision querellée (art. 396 al. 1 et 90 al. 1 CPP).

Selon l'art. 91 al. 2 CPP, les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale, à la Poste suisse, à une représentation consulaire ou diplomatique suisse ou, s'agissant de personnes détenues, à la direction de l'établissement carcéral.

1.3.2. En l'espèce, le recourant s'est vu notifier la décision querellée le 19 juin 2020, de sorte que le délai pour recourir arrivait à échéance le 29 suivant. Bien que daté du 25 juin 2020, on ignore à quelle date a eu lieu la remise de l'acte au greffe de l'établissement pénitentiaire. La question de la recevabilité du recours, sous cet angle, peut néanmoins rester ouverte, vu ce qui suit.

2. 2.1. L'art. 66a CP stipule que le juge expulse de Suisse l'étranger qui est condamné quelle que soit la quotité de la peine prononcée à son encontre, pour une durée de cinq à quinze ans pour les infractions qu'il liste, soit notamment pour escroquerie (art. 146 al. 1).

À teneur de l'art. 66a al. 2 CP, le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse.

Outre le principe de proportionnalité ancré à l'art. 36 al. 3 Cst., l'art. 66a al. 2 CP vise à assurer le respect de règles de droit international. En effet, le législateur, en introduisant cet article, visait à tenir compte des accords internationaux interdisant l'expulsion, soit en particulier l'art. 8 CEDH et l'art. 17 Pacte ONU II (droit au respect de la vie privée et familiale) et la Convention relative aux droits de l'enfant, qui interdit de séparer les enfants de leurs parents contre leur volonté et assure leur droit à entretenir des relations personnelles et des contacts réguliers. Bien que formulé de manière potestative, l'art. 66a al. 2 CP impose au juge de renoncer à expulser l'étranger lorsque le cas de rigueur est réalisé. (L. MOREILLON/ A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS (éds), Commentaire romand, Code pénal I : art. 1-110 CP, Bâle 2021, ns. 47 et 48 ad art. 66a).

2.2. Selon l'art. 66d al. 1 CP, l'exécution de l'expulsion obligatoire ne peut être reportée que lorsque la vie ou la liberté de la personne concernée dont le statut de réfugié a été reconnu par la Suisse serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (let. a) ou lorsque d'autres règles impératives du droit international s'opposent à l'expulsion (let. b).

L'autorité cantonale compétente doit tenir compte d'office des obstacles à l'exécution qui sont portés à sa connaissance par l'étranger condamné ou dont elle apprend l'existence par d'autres sources (Message du Conseil fédéral concernant une modification du code pénal et du code pénal militaire [Mise en oeuvre de l'art. 121, al. 3 à 6, Cst. relatif au renvoi des étrangers criminels] du 26 juin 2013, FF 2013 5373 ss, 5429). Elle présume, au moment de prendre sa décision, qu'une expulsion vers un État que le Conseil fédéral a désigné comme un État sûr au sens de l'art. 6a al. 2 de la loi sur l'asile (LAsi) ne contrevient pas à l'art. 25 al. 2 et 3 Cst. (al. 2).

2.3.1. L'exécution de l'expulsion n'est pas licite lorsque le renvoi de l'étranger dans l'un des États susmentionnés est contraire aux engagements de la Suisse relevant du droit international (art. 83 al. 3 LEI). Il y a ainsi lieu de vérifier si cette exécution ne contrevient pas, notamment, au principe du non-refoulement prévu par le droit des réfugiés (art. 5 al. 1 LAsi) ou applicable au regard des droits de l'homme (art. 3 CEDH) (SEM, Manuel Asile et retour, Article E3 - Le renvoi, l'exécution du renvoi et l'octroi de l'admission provisoire, 2014, p. 18 ss).

À teneur de l'art. 3 LAsi, sont des réfugiés les personnes qui, dans leur État d'origine ou dans le pays de leur dernière résidence, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être en raison de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un groupe social déterminé ou de leurs opinions politiques (al. 1). Sont notamment considérées comme de sérieux préjudices la mise en danger de la vie, de l'intégrité corporelle ou de la liberté, de même que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable. Il y a lieu de tenir compte des motifs de fuite spécifiques aux femmes (al. 2).

L'art. 5 al. 1 LAsi prévoit que nul ne peut être contraint, de quelque manière que ce soit, à se rendre dans un pays où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté seraient menacées pour l'un des motifs mentionnés à l'art. 3 al. 1, ou encore d'où il risquerait d'être astreint à serendre dans un tel pays.

2.3.2. L'exécution ne peut par ailleurs être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger (ex. : en cas de guerre [civile], de violence généralisée, de nécessité médicale ; al. 4). Il faut donc qu'en cas de retour, l'étranger soit plongé dans une situation de détresse grave mettant en péril son existence. Une situation économique et des conditions de vie générales difficiles dans le pays d'origine ou de provenance ne suffisent pas à conclure à une mise en danger concrète (SEM, op. cit., p. 13 ss). Le Conseil fédéral désigne les États d'origine ou de provenance ou les régions de ces États dans lesquels le retour est raisonnablement exigible. Si l'étranger renvoyé ou expulsé vient de l'un de ces États, l'exécution du renvoi ou de l'expulsion est en principe exigible (art. 83 al. 5 LEI).

2.4. Selon l'art. 32 al. 1 de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (RS 0.142.30), les États Contractants n'expulseront un réfugié se trouvant régulièrement sur leur territoire que pour des raisons de sécurité nationale ou d'ordre public.

Quant à son art. 33, il prévoit qu'aucun des États Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (al. 1). Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays (al. 2).

2.5.En l'espèce, le Tribunal de police a prononcé l'expulsion obligatoire du recourant (art. 66a al. 1 CP). Cette décision, qui n'a pas fait l'objet d'un appel, est aujourd'hui définitive et exécutoire.

Il ressort du dossier que le recourant est arrivé du Gabon en Suisse en 2002, où il a obtenu l'asile deux ans plus tard, l'intéressé ayant invoqué avoir subi des préjudices en tant que représentant des "Jeunes ressortissants de E______" et en tant que membre actif de G______, soit des mouvements d'opposition au pouvoir en place. Ensuite de sa condamnation définitive par le Tribunal de police du 21 novembre 2019, le SEM lui a notifié que l'asile qui lui avait été octroyé avait pris fin, conformément à l'art. 64 al. 1 let. e LAsi. Sa qualité de réfugié n'était toutefois pas touchée. Quant à l'exécution de l'expulsion pénale ou son report, elle était du ressort de l'autorité cantonale compétente, soit à Genève, l'OCPM. Invité par cette dernière à lui préciser si A______ courrait un risque pour son intégrité corporelle s'il était rapatrié au Gabon dix-huit ans après son départ de ce pays et si le Gabon pouvait être considéré comme un pays sûr, le SEM a indiqué que le Gabon ne connaissait pas une situation de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée susceptible de mettre concrètement en danger des ressortissants de cet État, quand bien même des troubles avaient eu lieu lors de la crise électorale de 2016 - lors de laquelle des opposants au régime avaient été emprisonnés - et la situation politique y restait tendue.

Il en résulte que, nonobstant le fait que le Gabon ne figure pas expressément sur la lise des pays sûrs, rien ne s'oppose à des renvois de ressortissants gabonais dans cet État.

Le recourant prétend qu'il y risquait toujours de subir des persécutions. Or, il ne le démontre aucunement. Il réside depuis dix-huit ans en Suisse et n'établit pas avoir conservé des liens avec des mouvements d'opposition politique au Gabon, de sorte qu'on peut inférer qu'il n'est plus un militant actif. Partant, il n'est pas établi qu'en cas de renvoi dans son pays d'origine, le recourant serait concrètement exposé à des persécutions ou à d'autres traitements inhumains ou dégradants.

Il prétend ensuite que son statut de réfugié s'opposerait à son renvoi. Tel n'est pas le cas à la lumière de l'art. 66d CPP, qui est le pendant de l'art. 33 de la Convention relative au statut des réfugiés.

Il affirme encore que l'autorité aurait violé le principe de la bonne foi, dès lors qu'une feuille d'information lui avait assuré qu'en tant que réfugié, il ne pouvait être renvoyé. Or, il n'apparaît pas que ladite feuille - au demeurant non signée - émanerait de l'autorité qui a pris la décision querellée, de sorte que le principe de la bonne foi ne s'applique pas ici. À sa lecture, on constate également que le renvoi est possible, sauf si celui-ci fait peser sur le réfugié une menace sur sa vie ou sa liberté, au sens de l'art. 33 LAsi, dont on a vu que tel n'était pas le cas ici. Le recourant ne saurait donc tirer de ce document aucun argument en sa faveur.

Il en résulte que l'expulsion n'avait pas à être différée. L'OCPM a statué à bon droit.

Seule la question de la faisabilité du renvoi du recourant vers son pays d'origine semble demeurer problématique, compte tenu de l'échange intervenu entre le SEM et la Brigade Migration et Retour par rapport à l'obtention d'un document de voyage. Cette question, qui touche à la mise en oeuvre pratique de la mesure, échappe toutefois à la cognition de la Chambre de céans.

3. Justifiée, la décision querellée sera donc confirmée.

4. Le recourant a été mis au bénéfice d'une défense d'office pour la procédure de recours.

La procédure étant ici close (art. 135 al. 2 CPP), des dépens seront alloués à l'avocat d'office.

L'art. 135 al. 1 CPP prévoit que le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération et du canton for du procès. À Genève, le tarif des avocats est édicté à l'art. 16 RAJ et s'élève à CHF 200.- de l'heure pour un chef d'étude (al. 1 let. c).

Selon l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu. Les autorités cantonales jouissent d'une importante marge d'appréciation lorsqu'elles fixent, dans la procédure, la rémunération du défenseur d'office (ATF 141 I 124 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_856/2014 du 10 juillet 2015 consid. 2.3).

En l'espèce, le conseil du recourant n'a pas chiffré son indemnité. Eu égard à l'activité déployée (un courrier, un recours de dix pages dont sept en droit et deux répliques de trois, respectivement quatre pages - sans nouveaux arguments décisifs -) l'indemnité due sera fixée ex aequo et bono à CHF 900.- TTC.

5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure de recours (art. 428 al. 1 CPP; arrêts du Tribunal fédéral 1B_203/2011 du 18 mai 2011 consid. 4 et 1B_372/2014 du 8 avril 2015 consid. 4.6 [arrêts qui rappellent que l'autorité de deuxième instance est tenue de dresser un état de frais pour la procédure de recours, sans égard à l'obtention de l'assistance judiciaire]), qui seront fixés au total à CHF 800.-, émolument de décision compris (art. 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Alloue à Me C______, à la charge de l'État, une indemnité de CHF 900.- TTC pour l'activité déployée en faveur de A______ dans la procédure de recours.

Met à la charge de A______ les frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 800.-.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, à l'OCPM et au Ministère public.

Le communique pour information à la police (Brigade migration et retour).

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Monsieur Julien CASEYS, greffier.

 

Le greffier :

Julien CASEYS

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

PS/49/2020

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

715.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

800.00