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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/390/2016

ACJC/832/2016 du 13.06.2016 sur JTBL/168/2016 ( SBL ) , CONFIRME

Descripteurs : EXPULSION DE LOCATAIRE; EXÉCUTION FORCÉE; SURSIS À LA RÉALISATION; PROPORTIONNALITÉ; MAXIME INQUISITOIRE
Normes : LaCC.30.4
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/390/2016 ACJC/832/2016

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

du LUNDI 13 JUIN 2016

 

Entre

A______, domiciliée ______, Genève, recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 24 février 2016, représentée par l'ASLOCA, rue du Lac 12, case postale 6150, 1211 Genève 6, en les bureaux de laquelle elle fait élection de domicile,

et

B______, sise ______, Genève, intimée, représentée par l'agence immobilière C______, ______, Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement du 24 février 2016, expédié pour notification aux parties le 2 mars 2016, le Tribunal des baux et loyers a condamné A______ à évacuer immédiatement de sa personne et de ses biens ainsi que de toute autre personne faisant ménage commun avec elle l'appartement n° 1______ de quatre pièces situé au quatrième étage de l'immeuble sis ______ à ______ (GE) (ch. 1 du dispositif), a autorisé B______ à requérir l'évacuation par la force publique de A______ dès le soixantième jour après l'entrée en force du jugement (ch. 2), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 3), et a dit que la procédure était gratuite (ch. 4).

B.            Par acte expédié le 14 mars 2016 au greffe de la Cour de justice, A______ forme recours contre ce jugement. Elle conclut à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de celui-ci, cela fait à ce que l'exécution soit autorisée dès le 1er mars 2017, subsidiairement, à ce que la cause soit retournée au Tribunal pour instruction et nouvelle décision.

Elle allègue nouvellement souffrir de douleurs thoraciques et de diverses atteintes d'ordre psychique.

Par décision du 23 mars 2016, la Cour a, à la requête de A______, suspendu le caractère exécutoire du chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris.

Par réponse du 21 mars 2016, B______ conclut au rejet du recours.

La recourante a répliqué persistant dans ses conclusions, tandis que l'intimée a persisté dans ses écritures de réponse.

Par avis du 19 avril 2016, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent de la procédure de première instance :

a. Les parties ont été liées par un contrat de bail portant sur la location d'un appartement n° 1______ de quatre pièces situé au quatrième étage de l'immeuble sis ______ à ______ (GE), dont le loyer a été fixé en dernier lieu à 1'505 fr. par mois, charges comprises.

b. La bailleresse a, sur la base de l'art. 257d CO, résilié le contrat pour le
31 décembre 2015.

Les locaux n'ont pas été libérés à cette date.

c. Par requête déposée au Tribunal des baux et loyers le 12 janvier 2016, la bailleresse a conclu à l'évacuation de la locataire, avec exécution directe immédiate.

A l'audience du Tribunal du 24 février 2016, tenue en présence des représentants visés à l'art. 30 al. 2 LaCC, A______ n'a pas pris de conclusions; elle a déclaré qu'elle était soutenue par l'Hospice général et qu'elle avait effectué un paiement de 3'010 fr. en date du 24 décembre 2015. La bailleresse a déclaré que, compte tenu des paiements intervenus, le montant de l'arriéré s'élevait à 4'645 fr.

Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Contre la décision relative à l'exécution de l'évacuation, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

Le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs
(art. 248 let. b et 257 CPC).

Le présent recours, qui respecte les dispositions précitées, est recevable.

2.             Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables.

Les nouveaux allégués de la recourante ne sont donc pas recevables.

3.             La recourante reproche au Tribunal d'avoir procédé à une mauvaise application du principe de la proportionnalité, en fixant l'entrée en force de sa décision soixante jours après celle-ci, et d'avoir violé la maxime inquisitoire en n'instruisant pas la question de sa situation médicale.

3.1 En vertu de l'art. 236 al. 3 CPC, le Tribunal qui statue sur le fond ordonne des mesures d'exécution à la requête de la partie qui a eu gain de cause. Aux termes de l'art. 337 al. 1 CPC, la décision peut être exécutée directement si le Tribunal qui la rend ordonne les mesures d'exécution nécessaires.

Selon l'art. 341 al. 3 CPC, sur le fond, la partie succombante peut uniquement alléguer que des faits s'opposant à l'exécution de la décision se sont produits après la notification de celle-ci, par exemple l'extinction, le sursis, la prescription ou la péremption de la prestation due; l'extinction et le sursis doivent être prouvés par titres.

L'exécution forcée d'un jugement ordonnant l'expulsion d'un locataire est régie par le droit fédéral (cf. art. 335 ss CPC). En procédant à l'exécution forcée d'une décision judiciaire, l'autorité doit tenir compte du principe de la proportionnalité. Lorsque l'évacuation d'une habitation est en jeu, il s'agit d'éviter que des personnes concernées ne soient soudainement privées de tout abri. L'expulsion ne saurait être conduite sans ménagement, notamment si des motifs humanitaires exigent un sursis, ou lorsque des indices sérieux et concrets font prévoir que l'occupant se soumettra spontanément au jugement d'évacuation dans un délai raisonnable. En tout état de cause, l'ajournement ne peut être que relativement bref et ne doit pas équivaloir en fait à une nouvelle prolongation de bail (ATF 117 Ia 336 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_207/2014 du 19 mai 2014
consid. 3.1).

Selon l'art. 30 al. 4 LaCC, le Tribunal peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécution du jugement d'évacuation dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement du locataire ou du fermier lorsqu'il est appelé à statuer sur l'exécution d'un jugement d'évacuation d'un logement, après audition des représentants du département chargé du logement et des représentants des services sociaux ainsi que des parties.

3.2 Lorsqu'il applique la maxime inquisitoire simple, le tribunal n'est soumis qu'à une obligation d'interpellation accrue. Comme sous l'empire de la maxime des débats, applicable en procédure ordinaire, les parties doivent recueillir elles-mêmes les éléments du procès. Le tribunal ne leur vient en aide que par des questions adéquates afin que les allégations nécessaires et les moyens de preuve correspondants soient précisément énumérés. Mais il ne se livre à aucune investigation de sa propre initiative. Les parties doivent renseigner le juge sur les faits de la cause et lui indiquer les moyens de preuve propres à établir ceux-ci. De son côté, le juge doit les informer de leur devoir de coopérer à la constatation des faits et à l'administration des preuves. Il doit les interroger pour s'assurer que leurs allégués de fait et leurs offres de preuves sont complets s'il a des motifs objectifs d'éprouver des doutes sur ce point. Son rôle ne va toutefois pas au-delà (ATF 141 III 569 consid. 2.3).

3.3 En l'occurrence, à teneur du procès-verbal de l'audience du Tribunal tenue en présence des représentants prévue par l'art. 30 al. 4 LaCC, la recourante n'a pris aucune conclusion à la suite de la requête de l'intimée, n'a formé aucun allégué au sujet de sa situation personnelle (en particulier de sa situation médicale), pas plus qu'elle n'a émis de déclaration, à l'exception de la circonstance qu'elle bénéficiait de subsides de l'Hospice général.

En dépit de l'absence de toute indication du dossier dans ce sens, le Tribunal a retenu, en fait et en droit, que la recourante vivait avec sa fille de quatorze ans. Tenant compte de cet élément, mais également de l'importance de l'arriéré mentionné par le bailleur, dont la quotité n'a pas été contestée par la recourante, il a différé de soixante jours l'exécution de l'évacuation.

Ce faisant, il a respecté le principe de la proportionnalité.

Contrairement à l'avis de la recourante, et en l'absence de tout allégué formulé par elle ou de tout élément du dossier relatif à une situation de santé hypothétiquement particulière, les premiers juges n'étaient pas tenus, dans le cadre de la maxime inquisitoire simple, d'instruire d'office cette question.

Par conséquent, les griefs de la recourante sont infondés, de sorte que le recours sera rejeté.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours formé le 14 mars 2016 par A______ contre le jugement JTBL/168/2016 rendu le 24 février 2016 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/390/2016-7 SE.

Au fond :

Rejette ce recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.