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C/22594/2012

ACJC/646/2013 du 24.05.2013 sur OSQ/3/2013 ( SQP ) , CONFIRME

Descripteurs : SÉQUESTRE(LP); DROIT DE RÉTENTION
Normes : LP.271.1.2; LP.278.3; CC.895.1; LNA.80
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22594/2012 ACJC/646/2013

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 24 MAI 2013

 

Entre

A______SA, ayant son siège ______ à Genève, recourante contre un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 janvier 2013, comparant par Me Manuel Isler, avocat, avenue de Champel 8C, case postale 385, 1211 Genève 12, en l'étude duquel elle fait élection de domicile aux fins des présentes,

et

B______SARL, ayant son siège ______ (Vaud), intimée, comparant par Me Stefano Fabbro, avocat, rue de Bourg 33, case postale 6100, 1002 Lausanne, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,


EN FAIT

A.                a. Par jugement n° OSQ/3/2013 du 25 janvier 2013, communiqué pour notification aux parties le 28, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré recevable l'opposition formée le 21 novembre 2012 par B______SARL contre l'ordonnance de séquestre rendue le 5 novembre 2012 dans la cause n° C/22594/2012 (chiffre 1 du dispositif), a admis ladite opposition (ch. 2) et révoqué en conséquence l'ordonnance de séquestre précitée (ch. 3). Il a ensuite mis les frais, arrêtés à 750 fr., à la charge de A______SA, les a compensés avec l'avance fournie par B______SARL et a condamné A______SA à rembourser 750 fr. à B______SARL ainsi qu'à lui verser 4'400 fr. à titre de dépens (ch. 4 à 6). Le Tribunal a, enfin, débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 7).

En substance, le premier juge a considéré que A______SA n'avait pas rendu vraisemblable l'existence du cas de séquestre visé par l'art. 271 al. 1
ch. 2 LP, à savoir que B______SARL serait, dans le but de se soustraire à ses engagements vis-à-vis de ses créanciers, sur le point de brader ses deux seuls actifs - deux avions immatriculés 1______ et 2______ - et de dissimuler le bénéfice de ces ventes auprès de la société panaméenne qui la détient.

b. Par acte déposé par devant la Cour de céans le 8 février 2013, A______SA forme recours contre le jugement précité, dont elle demande l'annulation. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, à ce que le séquestre de l'aéronef immatriculé en France sous n° 2______ soit confirmé pour la créance à hauteur de 288'671 fr. 72 dont elle est titulaire à l'encontre de B______SARL.

Elle produit, à l'appui de son recours, cinq pièces nouvelles, soit deux extraits du "Aircraft Bluebook Price Digest" datés du 18 janvier 2013 (pièces B et C), un rapport établi le 1er février 2013 par C______Ltd (pièce D), l'ordonnance et procès-verbal de séquestre du 29 janvier 2013 (pièce E) et l'échange de courriels intervenus les 1er et 5 février 2013 entre A______SA et une société D______ (pièce F).

La pièce référencée n° E (procès-verbal de séquestre du 29 janvier 2013) mentionne que la valeur de l'avion immatriculé 2_______ est estimée à 1'800'000 fr. et précise : "L'estimation de l'avion a été établie par la compagnie E______, assureur de l'avion". A ce procès-verbal est jointe une attestation d'assurance (en langue française) de cet aéronef établie par ladite compagnie d'assurance le 24 février 2012 et attestant d'une valeur agréée de 3'500'000 EUR pour les dommages corporels ainsi que pour "l'assurance corps" pour les risques de guerre. En outre, le montant de la garantie responsabilité civile à l'égard des personnes non transportées a été fixée à 150'000'000 EUR. Figure également, en annexe au procès-verbal, un document intitulé "insurance certificate" (en langue anglaise) établi par E______ également le 24 février 2012, qui établit à 150'000'000 EUR la couverture pour divers dommages, y compris matériels ("Bodily Injury/ Property Damage").

c. Par mémoire en réponse expédié à la Cour le 15 mars 2013, B______SARL conclut au rejet du recours et à la confirmation du jugement entrepris.

Elle produit également quatre pièces nouvelles.

d. Les parties ont été informées par plis du greffe de la Cour du 18 mars 2013 de la mise en délibération de la cause.

B.                 Le Tribunal de première instance a retenu les faits suivants :

a. A______SA est une société anonyme avec siège à ______ (Genève), dont le but statutaire inclut notamment l'entretien et la réparation d'avions et autres moyens de transports aériens.

b. B______SARL est une société à responsabilité limitée avec siège à ______ (Vaud), active dans la gestion et la maintenance d'avions, la vente, la location et la prise en charge de vols à la demande et toutes opérations y relatives, notamment financières, au capital-actions de 100'000 fr. entièrement libéré.

L'associé unique de B______SARL est une société panaméenne, F_______.

c. Entre mai 2010 et juin 2011, A______SA a effectué des travaux de maintenance et de réparation sur deux avions de type Dassault Falcon 50, immatriculés 1______ et 2______, propriété de B______SARL.

d. En relation avec ces travaux, A______SA a émis diverses factures [entre juin 2010 et août 2011] d'un montant total de 2'740'464 fr. 20 pour le premier appareil et 458'727 fr. 50 pour le second.

e. A compter de l'automne 2010, B______SARL a contesté certains postes des factures émises par A______SA.

f. Par courrier du 16 janvier 2012, B______SARL a, à nouveau, contesté le décompte établi par A______SA le 20 décembre 2011 en relevant, notamment, que certains versements qu'elle avait effectués n'avaient pas été pris en compte.

g. Le 30 septembre 2012, B_____SARL a conclu avec la société G______SARL, sise à ______ (Gabon), deux contrats aux termes desquels elle lui a vendu ses deux avions (immatriculés 1______ et
2______, cf. let. c supra), pour un prix de 500'000 USD chacun.

L'art. 3.02 du contrat stipulait que le prix de vente était payable au plus tard le 31 octobre 2012 sur le compte courant du vendeur, soit B______SARL, auprès de la banque H______ à Genève.

Il était prévu que le transfert de la propriété des avions aurait lieu lorsque l'acheteur aurait donné la preuve que le prix avait été viré sur le compte bancaire du vendeur (art. 3.03).

h. A teneur des pièces produites en première instance, ces avions étaient toujours immatriculés au nom de B______SARL au registre de la Direction générale de l'aviation civile française.

i. Selon l'extrait des poursuites au 16 janvier 2013, B______SARL faisait l'objet d'une poursuite pendante à son encontre, d'un montant de 449'058 fr. 30 initiée par I______.

C. a. Par requête déposée le 5 novembre 2012 par devant le Tribunal de première instance (ci-après, le Tribunal), A______SA a conclu au séquestre, à concurrence de 304'177 fr. 57 plus intérêts à 5% l'an dès le 1er février 2011, de l'aéronef immatriculé 2______, qui se trouvait dans le hangar de maintenance de J______SA situé à l'aéroport de Genève.

Elle alléguait que sa créance relevait des factures relatives aux travaux qu'elle avait effectués sur les deux avions propriété de B______SARL, sous déduction des acomptes versés par celle-ci. Elle a produit ces factures sous pièces 10a à 10x et 11a à 11n - dont elle a listé les montants dans sa requête. Sur cette base, elle a indiqué que le solde dû par B______SARL s'élevait à 231'569 fr. 46 pour le premier avion (soit 2'737'823 fr. 05 de factures - 2'506'253 fr. 59 d'acomptes versés) et 72'608 fr. 11 pour le second avion (458'727 fr. 50 - 386'119 fr. 39), soit au total 304'177 fr. 57 pour les deux avions (231'569 fr. 46 + 72'608 fr. 11), intérêts non compris.

Elle a en outre fondé le séquestre sur l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP, en alléguant que B______SARL s'apprêtait à faire disparaître ses deux seuls actifs, soit les deux avions précités, dont le prix de vente ne serait, selon une haute vraisemblance, pas payé par l'acheteur en mains de B______SARL mais en faveur de la société panaméenne qui la détient. Dès lors, une fois le dernier actif ainsi vendu, le capital social de B______SARL, de 100'000 fr., ne serait plus en mesure de couvrir sa créance.

b. Le Tribunal a ordonné le séquestre le 5 novembre 2012, sur la base de l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP, moyennant 200'000 fr. de sûretés que A______SA a fournies le lendemain.

c. Le 21 novembre 2012, B____SARL a formé opposition contre l'ordonnance précitée. Elle a conclu, avec suite de frais et dépens, à la levée du séquestre et, subsidiairement, à ce que A______SA soit astreinte à verser des sûretés de 500'000 fr.

Elle a, d'une part, allégué avoir contesté à plusieurs reprises les factures sur lesquelles A______SA fondait sa créance et qu'une situation pour soldes de tous comptes avait été établie en mars 2011 déjà de sorte qu'il lui apparaissait incompréhensible que des montants lui soient encore réclamés. D'autre part, elle a contesté la réalisation du cas de séquestre visé par l'ordonnance, invoquant que la vente des deux avions était motivée par leur absence de rentabilité en raison de l'importance des coûts de maintenance et non par une quelconque intention de nuire à ses créanciers, précisant pour le surplus qu'elle n'avait aucune intention de mettre un terme à ses activités. Elle a en outre allégué que le séquestre lui causait un dommage irréparable dès lors qu'il la mettait dans l'impossibilité d'honorer ses engagements à l'égard de G______SARL à laquelle elle avait vendu les aéronefs.

d. A______SA a conclu, par mémoire en réponse du 17 décembre 2012, au rejet de l'opposition, avec suite de frais et dépens.

Elle a invoqué avoir dûment rendu vraisemblable l'existence de sa créance, par la production des factures. De façon surprenante, elle a toutefois allégué un montant différent de celui avancé dans sa requête en séquestre, alors qu'elle a fourni les mêmes factures produites à l'appui de celle-ci. Ainsi, selon l'écriture du 17 décembre 2012, elle aurait facturé 2'740'464 fr. 20 pour le premier avion, contre 2'737'823 fr. 05 mentionnés dans sa requête de séquestre. B______SARL n'a toutefois pas relevé cette différence.

A______SA a, en outre, tenu compte de deux versements supplémentaires (pièces 7p et 7q) effectués par B______SARL, portant ainsi les paiements de celle-ci à 2'524'400 fr. 59 pour le premier avion. Les chiffres relatifs au second avion demeuraient inchangés.

Elle alléguait ainsi un solde dû par B______SARL de 288'671 fr. 72 (216'063 fr. 61 + 72'608 fr. 11) en lieu et place des 304'177 fr. 57 réclamés dans sa requête de séquestre.

A______SA a, par ailleurs, confirmé l'existence du cas de séquestre prévu par l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP. Elle a allégué, sans s'appuyer sur aucun document, que le prix de vente des aéronefs fixé par B______SARL, soit 500'000 fr. chacun, était quatre fois inférieur à leur valeur, ce qui confirmait que cette dernière était en train de brader ses actifs.

Elle a en outre considéré que le montant des sûretés arrêté par le Tribunal était en adéquation avec le coût de l'immobilisation de l'appareil, aucun dommage n'étant au surplus réalisé dès lors que le transfert de propriété n'avait pas encore eu lieu.

e. Les parties ont persisté dans leurs conclusions lors de l'audience du 14 janvier 2013 devant le Tribunal.

Lors de celle-ci, le représentant de A______SA a, notamment, déclaré que la valeur résiduelle d'un avion était augmentée par l'inspection, puisque cette dernière permettait à l'avion de voler pendant six ans moyennant des travaux minimes; dès lors, l'avion valait au moins la valeur de l'inspection.

B______SARL a relevé que A______SA était au bénéfice d'un droit de rétention dont elle n'avait pas fait usage, alors que la créance dont le séquestre était demandé ne devait pas être garantie par un gage. A______SA a répondu qu'elle avait "relâché" les avions en juin 2011 - après avoir fait valoir son droit de rétention pour le paiement de précédentes factures -, ce qui avait permis la vente de l'un d'eux, de sorte qu'elle considérait étrange qu'on lui reprochât de ne pas avoir fait usage de son droit de rétention pour les factures litigieuses.

f. Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

g. Les parties ont écrit, les 16 et 17 janvier 2013, chacune un courrier au Tribunal pour, respectivement, solliciter une modification du procès-verbal et pour s'opposer à toute modification.

A noter que la requête de modification ne portait pas sur la déclaration du représentant de A______SA indiquée ci-dessus (supra, let. e).

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris étant une décision statuant sur opposition à séquestre, seule la voie du recours est ouverte (art. 278 al. 3 LP; art. 309 let. b ch. 6 et 319 let. a CPC).

Les recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 278 al. 1 LP; art. 142 al. 3 et 321 al. 2 CPC). Ils doivent aussi satisfaire aux exigences de l'art. 130 CPC (art. 251 let. a et 252 CPC).

En l'occurrence, le recours, déposé dans le délai et selon les formes requis par la loi, est recevable.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC et 278 al. 3 LP).

1.3 Les faits nouveaux peuvent être allégués (art. 278 al. 3 LP et 326 al. 2 CPC).

1.3.1 Dans la mesure où le moment déterminant pour apprécier le cas de séquestre est celui où l'autorité de recours statue (Hohl, Procédure civile, tome II, 2010 n. 1642-1644 p. 300), l'art. 278 al. 3 LP admet tout fait nouveau (Jeandin, Code de procédure civile commenté, 2011, Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/ Tappy [éd.], n. 4 ad art. 326 CPC). Ils comprennent tant les vrais que les faux nova. A cet égard, les parties peuvent alléguer des faits nouveaux (improprement dits ou pseudo-nova) survenus avant la décision du juge sur l'opposition mais que l'opposant ou le créancier séquestrant n'a pas pu produire plus tôt. Ainsi, la Cour de céans considère que les parties peuvent, à l'appui de ces faits nouveaux, offrir des preuves nouvelles mais à condition que la partie qui s'en prévaut les ait ignorés sans faute, ne soit pas censée les connaître ou n'ait eu aucune raison de les invoquer plus tôt (ACJC/1016/2010 consid. 4.1; ACJC/224/2010 consid. 3).

On rappellera que la procédure d'opposition au séquestre (art. 278 LP) est une procédure sommaire au sens propre; elle présente les trois caractéristiques : simple vraisemblance des faits, examen sommaire du droit et décision provisoire. Elle a en outre un objet et un but particulier puisque le séquestre, auquel le débiteur s'oppose, est une mesure conservatoire, soit la mise sous main de justice de biens du débiteur, qui permet de garantir une créance pendant la durée de la procédure de validation du séquestre (art. 279 LP). En tant que procédure spécifique de la LP, la procédure d'opposition au séquestre est aussi une procédure sur pièces (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2).

1.3.2 En l'espèce, la recourante a fondé sa requête de séquestre du 5 novembre 2012 sur le fait que l'intimée avait déjà vendu l'aéronef immatriculé 1_______ et s'apprêtait à vendre son second et dernier actif, soit l'aéronef immatriculé
2______, et qu'il était hautement vraisemblable que le prix de vente serait versé en mains de la société panaméenne qui la détenait. Elle a ensuite, dans sa réponse du 17 décembre 2012 à l'opposition au séquestre, allégué que le prix de vente des deux aéronefs était quatre fois inférieur à leur prix réel, ce qui confirmait que l'intimée était en train de brader l'intégralité de ses actifs. Elle n'a toutefois pas documenté ce fait.

En appel, elle a notamment produit quatre pièces, référencées B, C, D et F. Les trois premières sont des documents établis à la demande de la recourante (deux évaluations de la valeur des aéronefs par "Aircraft Bluebook" et un rapport établi par C______Ltd) et la quatrième est un échange de courriels. Dès lors, ces pièces, bien qu'établies après la notification du jugement entrepris, concernent des faits qui, non seulement étaient survenus avant le jugement (décision de l'intimée de vendre ses deux avions), mais avaient de surcroît été allégués devant le premier juge (prix trop bas des avions). Il ne s'agit donc pas, à proprement parler, de faits nouvellement invoqués par l'appelante, mais de pièces nouvelles destinées, selon l'appelante, à rende vraisemblable les faits allégués par celle-ci en première instance. Or, il n'apparaît pas que ces pièces n'auraient pas pu être produites en première instance déjà, comme le commande la procédure sommaire d'opposition au séquestre, qui, comme il a été rappelé ci-dessus, est une procédure sur pièces. La recourante n'indique d'ailleurs pas pour quel motif elle aurait été empêchée de produire ces documents devant le Tribunal.

Partant, les pièces B, C, D et F produites par la recourante seront déclarées irrecevables.

La pièce référencée sous E (ordonnance et procès-verbal de séquestre du 29 janvier 2013), qui ne pouvait être produite dans la précédente procédure, est, quant à elle, recevable.

1.3.3 L'intimée a également produit des pièces nouvelles, en réponse aux pièces précitées produites par la recourante.

Au vu de l'issue de la présente cause, la question de la recevabilité de ces pièces sera laissée ouverte.

2. La procédure de séquestre est soumise dans toutes ses phases à la maxime de disposition et à la maxime des débats (art. 58 al. 2 et 255 CPC a contrario).

Toutes les conditions matérielles du séquestre ainsi que tous les vices de procédure peuvent être examinés dans la procédure d'opposition. Comme dans la procédure d'autorisation du séquestre, le degré de preuve est limité à la vraisemblance (art. 272 LP; Stoffel/Chabloz, Commentaire romand, 2005, n. 7 et 11 ad art. 278 LP). Il suffit ainsi que l'autorité, se fondant sur des éléments objectifs, acquière l'impression que les faits pertinents se sont produits, mais sans qu'elle doive exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3; arrêts du Tribunal fédéral 4A_312/2009 consid. 3.6.1, 5A_34/2007 consid. 2.1 et 5P.374/2006 consid. 4.1; Stoffel/ Chabloz, op. cit., n° 3 ad art. 272 LP). Une simple allégation ou contestation ne suffisent pas, mais doivent reposer sur des indices concrets ou être matérialisées par des documents (Willi, Glaubhaftmachung und Glaubhaftmachungslast, in Sic ! 2011, p. 215 ss, p. 216).

3. En l'espèce, le premier juge a révoqué l'ordonnance de séquestre du 5 novembre 2012.

Avant d'examiner les griefs de la recourante, il y a lieu de vérifier, in limine litis, si le séquestre sur les biens visés n'est pas exclu de par la loi.

3.1 En l'espèce, l'aéronef litigieux aurait pu faire l'objet d'un droit de rétention de la part de l'intimée, en vertu de l'art. 895 al. 1 CC.

Le droit de rétention permet au créancier qui est en possession d'un bien appartenant au débiteur, de retenir ce bien et de le faire réaliser en cas d'inexécution de la créance (Steinauer, Les droits réels, 2012, n° 44).

Le requérant au séquestre peut, pour obtenir l'autorisation de séquestre, renoncer expressément à son droit de gage (Gilliéron, Poursuite pour dettes, faillite et concordat, 5è éd., 2012, n° 2235), même s'il n'y a, en pratique, aucun intérêt, car le séquestre ne lui confère aucun droit de préférence sinon celui relatif aux frais de l'ordonnance et de l'exécution du séquestre (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2003, n° 28 ad art. 271).

In casu, lorsque la requête de séquestre a été déposée, l'aéronef ne se trouvait plus dans les locaux de l'intimée, mais dans ceux de J______SA, une autre société. Par ailleurs, au vu des déclarations du représentant de l'intimée à l'audience du 14 janvier 2013, il y a lieu de considérer qu'elle avait expressément renoncé à son droit de rétention.

Le séquestre était dès lors possible.

3.2 L'art. 80 de la Loi fédérale sur l'aviation (ci-après, LNA; RS 748.0) admet en principe la saisie conservatoire d'un aéronef au profit du titulaire d'une créance privée. Sont toutefois réservées les hypothèses où la saisie est exclue en vertu de l'art. 81 al. 1 LNA (ATF 115 III 130 consid. 2a). Ces dispositions reprennent les principes énoncés dans la Convention du 29 mai 1933 pour l’unification de certaines règles relatives à la saisie conservatoire des aéronefs (RS 0.748.671).

A teneur de l'art. 81 al. 1 LNA, ne peuvent être saisis les aéronefs affectés exclusivement à un service d'Etat (let. a), ceux mis effectivement en service sur une ligne de transports publics exploitée régulièrement et les aéronefs de réserve indispensables (let. b), et tout autre aéronef affecté à des transports de personnes ou de biens contre rémunération, lorsqu'il est prêt à partir pour un tel transport, excepté dans le cas où il s'agit d'une dette contractée pour le voyage qu'il va faire ou d'une créance née au cours du voyage (let. c).

Les dispositions sur la saisie conservatoire de la LNA ont le caractère de lex specialis et l'emportent sur les règles du séquestre selon la LP (ATF 115 III 130 consid. 2a; Garbaski/Lembo, Saisie conservatoire ou séquestre LP d'un aéronef, in PJA 12/2010 pp. 1567ss, p. 1580).

En l'occurrence, la créance invoquée par la recourante concerne des travaux de maintenance sur un aéronef dont il n'a été ni allégué ni rendu vraisemblable qu'il était prêt à partir pour un transport de personnes ou de biens contre rémunération (art. 81 al. 1 let. c). En outre, les conditions visées aux let. a et b ne sont pas réalisées en l'espèce.

Par conséquent, l'aéronef litigieux n'est, en l'espèce, pas insaisissable, au sens de l'art. 81 LNA, se sorte que c'est à juste titre que le premier juge a examiné les conditions du séquestre à teneur de la LP.

4. La recourante fait grief au premier juge d'avoir retenu, en violation de l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP, qu'elle n'avait pas rendu vraisemblable que l'intimée était, par la vente de ses deux aéronefs à un prix prétendument largement inférieur à leur valeur réelle et par l'encaissement du prix de vente par la société panaméenne qui la détient, sur le point de brader ses seuls actifs dans l'intention de se soustraire à ses obligations envers ses créanciers.

4.1 A teneur de l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP, le créancier peut requérir le séquestre des biens du débiteur qui se trouvent en Suisse lorsque le débiteur, dans l'intention de se soustraire à ses obligations, fait disparaître ses biens, s'enfuit ou prépare sa fuite.

La prévision de fait de cette disposition reprend certains éléments constitutifs du cas de faillite sans poursuite préalable réglé par l'art. 190 al. 1 ch. 1 LP : un élément subjectif (dans l'intention de se soustraire à ses engagements/obligations) et une énumération exemplative d'actes objectivement illicites (par ex. faire disparaître ou dissimuler des droits patrimoniaux) (Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, 2003, n° 42 ad art. 271 LP; Gillieron, Poursuites pour dettes, faillite et concordat, 5ème éd., 2012, n° 2189, p. 516). Ce cas de séquestre repose uniquement sur l'idée de la mise en danger des intérêts du créancier et peut de ce fait être comparé à l'action paulienne pour dol (art. 288 LP; Stoffel/Chabloz, op. cit., n° 53 ad art. 271; Stoffel, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs II, 2010, n° 68 ad art. 271 LP). Il s'agit de protéger le soi-disant créancier contre les machinations de son prétendu débiteur qui visent à faire échec à une procédure d'exécution forcée au for suisse de la poursuite (ATF 71 III 188, JdT 1946 II 113, consid. 1; Gillieron, Commentaire LP cité ci-dessus, n° 43 ad art. 271 LP). La réalisation de ce cas repose sur un élément objectif et un élément subjectif. L'élément objectif consiste, en premier lieu, à faire disparaître des biens. Il recouvre ainsi, notamment, le fait de vendre des biens. La loi vise le résultat du comportement : le débiteur soustrait des biens auxquels son créancier aurait accès dans une procédure d'exécution forcée (Stoffel/Chabloz, op. cit., n° 54 ad art. 271 LP). Des actes préparatoires suffisent (arrêt du Tribunal fédéral 5P.403/1999 du 13 janvier 2000 consid. 2c). L'élément le plus important de l'état de fait est l'élément subjectif, à savoir l'intention de se soustraire à ses obligations. Les éléments objectifs - la disparition des biens, la fuite et la préparation de la fuite - constituent des indices d'une telle intention. D'autres circonstances suspectes peuvent la corroborer également (Stoffel/Chabloz, op. cit., n° 56 ad
art. 271 LP; Stoffel, op. cit., n° 71 ad art. 271 LP).

4.2 En l'espèce, la vente des deux aéronefs par l'intimée n'est pas contestée, ni que ces appareils constituent ses uniques actifs. Cette vente ne saurait toutefois, à elle seule, constituer une célation de biens au sens de l'art. 271 al. 1 ch. 2 LP. Encore faut-il que cette vente constitue un indice suffisant de l'intention - une "machination" - de l'intimée visant à faire échec à une procédure d'exécution forcée de la recourante.

Cette dernière considère que tel est bien le cas en l'espèce dès lors que l'intimée aurait vendu ses deux seuls biens à un prix trois ou quatre fois inférieur à leur valeur réelle. Pour rendre ce fait vraisemblable, elle se fonde sur deux éléments (ses pièces nouvelles B, C, D et F ayant été déclarées irrecevables, cf. supra consid. 1.3.2) : d'une part, la déclaration de son représentant devant le Tribunal, selon laquelle les avions litigieux valaient au moins le prix de l'inspection, soit plus de 1'000'000 fr. chacun (cf. C.e partie EN FAIT supra), et, d'autre part, l'ordonnance de séquestre du 29 janvier 2013 laquelle mentionne une valeur estimative de 1'800'000 fr. de l'avion immatriculé 2______ (pièce E recourante).

En l'occurrence, la déclaration du représentant d'une partie ne saurait valoir estimation de la valeur des biens vendus. Quant à la valeur estimée de l'avion figurant au procès-verbal de séquestre, elle semble reposer sur les certificats d'assurance de la compagnie E______, assureur de l'avion litigieux, dont on comprend, à leur lecture, qu'il ne s'agit nullement d'une estimation de la valeur réelle ou vénale de l'aéronef assuré, mais de la garantie pour les dommages corporels et matériels confondus. Ces documents ne permettent ainsi pas de rendre vraisemblable que cet avion pourrait, compte tenu du marché actuel, être vendu à un prix bien plus élevé que les 500'000 USD auxquels il a été vendu par l'intimée à G______SARL.

Ainsi, la recourante n'a pas rendu vraisemblable que le prix de vente des avions propriétés de l'intimée serait largement inférieur à leur valeur et que l'intimée, en s'apprêtant à vendre le second aéronef, aurait eu pour but de brader ses biens pour se soustraire au recouvrement de la créance invoquée par la recourante à son encontre.

En outre, la recourante, tout en alléguant qu'il était "hautement vraisemblable" que le bénéfice de la vente n'aurait pas été payé en mains de l'intimée mais de la société panaméenne qui la détient, n'a produit aucun titre de nature à rendre cet allégué vraisemblable. Or, le premier juge a très justement retenu qu'à teneur du contrat de vente, le prix devait être versé sur le compte de l'intimée auprès de la banque H______ à Genève.

Dès lors, les faits objectifs, seuls, ne sont pas de nature à rendre vraisemblable que l'intimée était sur le point de brader ses biens pour se soustraire à la poursuite.

De son côté, l'intimée allègue n'avoir jamais tenu de comportement propre à laisser douter de sa volonté de se soustraire à ses obligations. Elle souligne ne faire d'ailleurs l'objet que d'une seule poursuite, d'un montant inférieur au prix de vente d'un des deux avions. Sur le montant total facturé par la recourante, elle s'était acquittée de la quasi-totalité, le montant litigieux ne représentant plus que 8 % de la somme initiale réclamée par celle-ci. Elle estime donc que son comportement, ainsi que ses objections précises et motivées sur certaines des factures, attestent de sa volonté de régler ce qu'elle considérait être dû. Elle indique en outre avoir manifesté à plusieurs reprises vouloir trouver des solutions. Elle relève enfin que la vente des avions n'était intervenue qu'en septembre 2012, alors que le litige relatif au solde réclamé par la recourante existait depuis fin 2011.

La Cour est d'avis, avec l'intimée, que de telles circonstances, en l'absence d'éléments objectifs d'un comportement dolosif de sa part, ne sont pas de nature à rendre vraisemblable une volonté subjective et suspecte de la débitrice de brader ses biens dans le but de faire échec à une procédure d'exécution forcée de la recourante.

La décision entreprise ne consacre dès lors pas de violation de l'art. 271 al. 1
ch. 2 LP.

5. Au vu des motifs qui précèdent, le recours est rejeté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la créance invoquée par la recourante a été rendue vraisemblable (art. 271 al. 1 LP).

6. La recourante, qui succombe, sera condamnée aux frais du recours (art. 95, 104 al. 1, 105 et 106 al. 1 CPC), arrêtés à 1'125 fr. (art. 48 et 61 al. 1 OELP).

Ces frais seront compensés avec l'avance fournie par la recourante (art. 111
al. 1 CPC), acquise à l'Etat.

La recourante sera également condamnée à verser 2'000 fr. de dépens à l'intimée, débours et TVA compris (art. 95 al. 3 CPC; art. 20, 25 et 26 LaCC; art. 85 al. 1, 89 et 90 RTFMC).

7. La présente décision, rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 lit. a LTF), est susceptible d'un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. L'arrêt sur opposition au séquestre rendu par l'autorité judiciaire supérieure (art. 278 al. 3 LP) porte sur des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 135 III 232 consid. 1.2); la partie recourante ne peut donc dénoncer qu'une violation de ses droits constitutionnels (ATF 133 III 638 n° 87; 134 II 349 consid. 3, et les arrêts cités).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______SA contre le jugement OSQ/3/2013 rendu le 25 janvier 2013 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22594/2012-19 SQP.

Déclare irrecevables les pièces B, C, D et F produites par la recourante.

Au fond :

Rejette le recours.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Condamne A______SA aux frais du recours, arrêtés à 1'125 fr. et compensés par l'avance de frais versée par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat.

Condamne A______SA à verser à B______SARL 2'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Pierre CURTIN, président; Madame Elena SAMPEDRO et Madame Daniela CHIABUDINI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

Le président :

Pierre CURTIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 


Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile. La partie recourante ne peut dénoncer qu'une violation de ses droits constitutionnels (98 LTF).

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.