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Décisions | Chambre civile

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C/19638/2012

ACJC/582/2021 du 11.05.2021 sur JTPI/10655/2020 ( OO ) , JUGE

Recours TF déposé le 14.06.2021, rendu le 11.03.2022, CONFIRME, 5A_491/2021
Descripteurs : REVEND;FIDUCI;INSPRO;RESALI
Normes : LP.106.al1; LP.107.al5; CC.960.al1; CC.972; CC.960.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/19638/2012 ACJC/582/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 11 MAI 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante d'un jugement rendu par la 19ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 septembre 2020, comparant par Me Susannah MAAS ANTAMORO DE CESPEDES, avocate, route de Florissant 122, 1206 Genève, en l'étude de laquelle elle fait élection de domicile,

et

1) B______ LTD, sise ______, Iles Vierges Britanniques, intimée comparant par Me Vincent SOLARI, avocat, Poncet Turrettini, rue de Hesse 8-10, case postale 5715, 1211 Genève 11, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

2) Monsieur C______, domicilié ______ [GE], autre intimé, comparant en personne.

 


EN FAIT

A. a. Le 19 juillet 1996, C______, avocat, a acquis la parcelle n° 1______ sise chemin 2______ [no.] ______ dans la commune de D______ (Genève) (ci-après : la parcelle n° 1______), à titre fiduciaire pour A______.

Il a été inscrit le 24 juillet 1996 au Registre foncier de Genève en qualité de propriétaire de cet immeuble.

Parallèlement, C______ et A______ ont signé un contrat de bail le 25 juillet 1996, aux termes duquel la villa était mise à disposition de cette dernière, moyennant un loyer de 60'000 fr. par an. Selon A______ le montant versé au titre de loyer correspondait en fait à celui des intérêts hypothécaires dus en remboursement du crédit contracté pour l'acquisition de l'immeuble. Cette question fait l'objet d'une procédure devant la juridiction des baux et loyers encore pendante (C/3______/2013).

b. En 2006, C______ a été inculpé notamment d'abus de confiance et incarcéré pour des faits sans lien avec la présente cause.

Dans le cadre de la procédure pénale, le juge d'instruction a ordonné l'annotation d'une restriction au droit d'aliéner sur la parcelle n° 1______.

c. Par courrier du 31 janvier 2008, A______ a sommé C______ de lui transférer la parcelle n° 1______ acquise à titre fiduciaire.

d. Ce dernier ne s'étant pas exécuté, le 15 octobre 2010, A______ a saisi le Tribunal de première instance d'une action en constatation de droit, assortie de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à l'encontre de C______. Elle a notamment conclu à ce qu'il soit constaté que C______ n'avait été inscrit au Registre foncier qu'en qualité de propriétaire à titre fiduciaire, qu'elle était propriétaire de la parcelle n° 1______ et qu'il soit ordonné en tant que de besoin au préposé du Registre foncier qu'il radie l'inscription de C______ au profit d'une inscription nouvelle en sa faveur (C/4______/2010).

e. Par ordonnance du 15 octobre 2010, le Tribunal, statuant avant audition des parties, a ordonné aux frais, risques et périls de A______, au conservateur du Registre foncier de Genève, de procéder à l'annotation provisoire d'une restriction du droit d'aliéner sur la parcelle n° 1______, inscrite comme propriété de C______ (C/5______/2010).

C'est ainsi que le 18 octobre 2010, une restriction du doit d'aliéner a été inscrite au Registre foncier en faveur de A______.

Cette décision a été confirmée, après audition des parties, par ordonnance OTPI/761/2010 du 23 décembre 2010.

f. C______ s'est opposé à la demande en constatation de droit concluant à ce que le Tribunal constate le défaut de qualité pour agir et la légitimation active de A______.

g. Par jugement du 1er décembre 2011, le Tribunal correctionnel a reconnu C______ coupable d'abus de confiance et l'a condamné à verser des dommages-intérêts, pour plus de 4 millions de francs, à divers plaignants dont B______ LTD. Il a, par ailleurs, ordonné la restitution à C______ de la cédule hypothécaire de 3ème rang saisie grevant la parcelle n° 1______, tout en maintenant la saisie pénale sur ce bien jusqu'au 31 décembre 2011, délai imparti à A______ - qui avait fait valoir sa propriété sur le bien immobilier dans le cadre de la procédure pénale - pour intenter toute action civile utile.

h. Par requête formée le 27 décembre 2011, A______ a sollicité la saisie conservatoire, en mains du Service des pièces à conviction, de la cédule hypothécaire au porteur n° 6______/2003, à hauteur de 1'052'000 fr., en capital, grevant en 3ème rang le bien fonds n° 1______ de la commune de D______.

i. Par ordonnance du 29 décembre 2011, confirmée par ordonnance OTPI/409/2012 du 18 avril 2012, le Tribunal a ordonné la saisie conservatoire sollicitée.

j. Le 5 juin 2012, B______ LTD a requis à l'encontre de C______ le séquestre, à concurrence de 3'667'167 fr., de la parcelle n° 1______, de la cédule hypothécaire grevant cet immeuble, d'une créance d'honoraires de 1'052'415 fr. 65 détenue par C______ contre E______, époux de A______, d'une créance en paiement des arriérés de loyers selon le contrat de bail à loyer conclu entre C______ et A______ pour l''immeuble de D______ et toutes les créances résultant de la convention de fiducie entre C______ et E______ et A______.

k. Le séquestre a été ordonné par ordonnance du Tribunal le 5 juin 2012 (n° 7______) et annoté le jour même au Registre foncier.

l. B______ LTD a intenté à l'encontre de C______ une poursuite par voie de saisie n° 8______ afin de faire valider ce séquestre.

m. Par courriers des 14 juin, 27 juin et 15 août 2012, A______ a informé l'Office des poursuites de ce que C______ était propriétaire de la villa à titre fiduciaire et que le contrat de bail à loyer était fictif.

n. Le 15 août 2012, sur interpellation, elle a informé l'Office des poursuites qu'elle revendiquait la propriété du bien immobilier.

o. Les 22 août et 27 août 2012, C______ et B______ LTD se sont opposés à cette revendication.

p. Par courrier du 30 août 2012, reçu le 31 août 2012, l'Office des poursuites a fixé à A______ un délai de 20 jours pour ouvrir une action en revendication.

B. a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 20 septembre 2012, A______ a formé une action en revendication à l'encontre de C______ et de B______ LTD.

Elle a conclu à ce que le Tribunal constate que C______ n'a été inscrit au Registre foncier qu'en qualité de propriétaire à titre fiduciaire de la parcelle n° 1______, qu'elle est propriétaire de ce bien immobilier et, cela fait, ordonne en tant que de besoin au préposé du Registre foncier qu'il radie l'inscription de C______ au profit d'une inscription nouvelle en sa faveur et déclare infondée la contestation de la revendication de C______ et de B______ LTD sur le bien immobilier, dans le cadre du séquestre n° 7______.

b. Par procès-verbal de saisie du 10 janvier 2013 (série n° 8______), l'Office des poursuites a converti en saisie définitive le séquestre n° 7______ ordonné au profit de B______ LTD. Mention est faite sur ledit procès-verbal de ce que A______ a ouvert action en revendication au sens de l'article 107 LP en date du 20 septembre 2012 et que la cédule hypothécaire saisie en mains du Service des pièces à conviction fait l'objet d'une procédure pénale.

c. Le 7 mars 2013, B______ LTD a requis auprès de l'Office des poursuites la réalisation forcée des biens meubles, créances, autres droits et immeubles faisant l'objet de la saisie précitée.

d. Dans sa réponse à l'action en revendication du 22 mars 2013, C______ a conclu préalablement à l'apport de la procédure en constatation de droit (C/9______/2010), à la suspension de la cause jusqu'à droit jugé dans l'affaire mentionnée, et, principalement, à la constatation du défaut de qualité pour agir de A______ et à l'irrecevabilité de la requête formée par cette dernière, l'ordonnance de mesures provisionnelles devant en conséquence être révoquée et l'annotation au Registre foncier radiée. Au fond, il a pris les mêmes conclusions, en faisant valoir que A______ ne disposait pas de la légitimation active.

e. Dans sa réponse du 22 mars 2013, B______ LTD a conclu au déboutement de A______ de toutes ses conclusions.

f. La procédure en revendication a été suspendue dans l'attente de l'issue de la procédure en constatation de droit (C/4______/2010), laquelle s'est achevée par un jugement du Tribunal du 27 mai 2015, confirmé par arrêt de la Cour de justice du 24 juin 2016 contre lequel le recours au Tribunal fédéral formé par C______ a été rejeté par arrêt du le 31 janvier 2017, condamnant C______, en sa qualité de fiduciaire, à exécuter son obligation de restituer à A______ la parcelle n° 1______, à requérir du conservateur du Registre foncier qu'il procède à l'inscription de A______ en qualité de propriétaire de ce bien immobilier, et ordonnant, en tant que de besoin, au conservateur du Registre foncier de radier l'inscription de C______ en qualité de propriétaire au profit d'une inscription nouvelle de A______ en cette qualité. Le Tribunal a également condamné C______ à exécuter son obligation de restituer à A______ la propriété de la cédule hypothécaire au porteur grevant cette parcelle. Il a, enfin, révoqué l'ordonnance du 23 décembre 2010 ordonnant l'annotation provisoire d'une restriction du droit d'aliéner sur cette parcelle, ainsi que l'ordonnance du 18 avril 2012 ordonnant la saisie conservatoire de la cédule hypothécaire n° 6______/2003.

g. Le ______ 2017, a eu lieu une publication dans la Feuille d'Avis Officielle indiquant le transfert de propriété de l'immeuble à A______ le ______ 2017.

h. Par ordonnance du 7 mars 2017, le Tribunal a ordonné la reprise de la procédure en revendication.

i. Compte tenu de l'issue de l'action en constatation, par décision du 30 mars 2017, l'Office des poursuites a considéré que la question de la propriété de la parcelle n° 1______ et de la cédule hypothécaire au porteur avait été définitivement tranchée et que la saisie opérée au préjudice de C______ était dès lors devenue sans objet. Il a, en conséquence, levé la saisie portant sur la parcelle n° 1______ et celle portant sur la cédule hypothécaire, considéré que le séquestre n° 7______ ne portait plus sur la parcelle ni sur la cédule hypothécaire et rejeté partiellement la réquisition de vente du 7 mars 2013 dans la mesure où elle portait sur la réalisation de la parcelle n° 1______ et la cédule hypothécaire.

j. Le 13 avril 2017, B______ LTD a déposé plainte auprès de la Chambre de surveillance à l'encontre de la décision de l'Office des poursuites du 30 mars 2017, concluant à son annulation et préalablement à l'octroi de l'effet suspensif, lequel lui a été accordé.

k. Le 6 septembre 2017, le Tribunal a ordonné la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé de la plainte déposée par B______ LTD devant la Chambre de surveillance de l'Office des poursuites.

l. Par décision du 12 avril 2018, la Chambre de Surveillance de l'Office des poursuites a admis la plainte formée par B______ LTD à l'encontre de la décision de l'Office du 30 mars 2017 et l'a annulée. Elle a pour le surplus invité l'Office à procéder conformément aux article 107 et ss LP, en ce qui concernait la cédule hypothécaire n° 6______/2003.

La Cour a considéré que l'Office n'était pas fondé à lever les séquestres ordonnés et valablement exécutés, pas plus que les saisies, avant l'issue des procédures de revendications, les griefs concernant la propriété ou la titularité des biens n'étant pas de sa compétence, mais de celle du juge saisi.

m. Par ordonnance du 9 décembre 2019, le Tribunal a ordonné la reprise de la procédure en revendication.

n. A l'audience de plaidoiries finales du 8 juin 2020 du Tribunal, A______ et B______ LTD ont persisté dans leurs conclusions. C______ s'en est rapporté à justice.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

C. Par jugement JTPI/10655/2020 rendu le 7 septembre 2020, le Tribunal a débouté A______ de ses conclusions en revendication (ch. 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 48'000 fr. (ch. 2), les a mis à la charge de A______, compensés avec l'avance fournie de 2'400 fr. et a condamné A______ à verser 45'600 fr. aux Services financiers du Pouvoir judiciaire (ch. 3), à payer à B______ LTD la somme de 23'000 fr. TTC à titre de dépens (ch. 4) et à C______ la somme de 2'000 fr. y compris la TVA à titre de dépens (ch. 5) et a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

Le Tribunal a constaté que l'action en revendication avait été déposée dans le délai de 20 jours imparti par l'Office des poursuites de sorte qu'elle était recevable. Il a considéré que A______ et C______ étaient liés par un contrat de fiducie portant sur la parcelle n° 1______ et que C______ était dûment inscrit au Registre foncier en qualité de propriétaire de cet immeuble, lequel faisait dès lors intégralement partie de son patrimoine, A______ ne conservant qu'un droit personnel à la restitution. Cette dernière avait déclaré résilier le contrat de fiducie le 31 janvier 2008, réclamant à C______ la restitution de son bien. Elle n'était toutefois devenue formellement propriétaire du bien qu'à compter de son inscription au Registre foncier, soit le 8 février 2017. Ainsi, le 5 juin 2012, lors du prononcé du séquestre sur l'immeuble litigieux requis par B______ LTD, annoté au Registre foncier le jour même, seul C______ était inscrit comme propriétaire. A______ étant devenue propriétaire du bien séquestré postérieurement à l'annotation du séquestre, tant le séquestre que la saisie lui étaient opposables. Elle ne pouvait se prévaloir de l'annotation provisoire du droit d'aliéner ordonnée le 15 octobre 2010, une telle annotation n'ayant aucune incidence sur l'annotation du séquestre et ses conséquences pour les tiers.

D. a. Par acte expédié le 14 octobre 2020 à la Cour de justice, A______ appelle de ce jugement, qu'elle a reçu le 14 septembre 2020. Elle conclut à l'annulation de cette décision et, cela fait, à ce que soit déclarée infondée la contestation de revendication de B______ LTD et C______ sur la parcelle n° 1______ dans le cadre du séquestre n° 7______, sous suite de frais et dépens.

Elle produit une pièce nouvelle, soit un jugement rendu par le Tribunal de première instance le 20 août 2020 entre elle-même et C______.

b. Dans sa réponse du 14 décembre 2020, B______ LTD conclut à la confirmation du jugement, sous suite de frais et dépens.

c. C______ s'en est rapporté à justice.

d. Dans leurs réplique et duplique, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

A______ a produit une pièce nouvelle, soit un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 28 décembre 2020 entre elle-même et B______ LTD.

e. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 1er mars 2021.

EN DROIT

1. 1.1 Le jugement entrepris étant une décision finale de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC), rendue dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC), la voie de l'appel est ouverte.

1.2 Interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 al. 1 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.

1.3 L'appel peut être formé pour violation du droit (art. 310 let. a CPC) et constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC). La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). En particulier, le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC).

2. La cause présente un caractère international en raison du domicile à l'étranger de l'intimée.

Les parties ne contestent, à juste titre, pas la compétence des autorités judiciaires genevoises (art. 97 LDIP) et l'application du droit suisse (art. 99 al. 1 LDIP) au présent litige.

3. L'appelante produit deux pièces nouvelles devant la Cour.

A teneur de l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en compte que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

En l'espèce, les pièces produites par l'appelante sont recevables dès lors qu'il s'agit de deux jugements rendus postérieurement à l'audience lors de laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger et qu'elles ont été produites sans retard.

4. Lorsqu'il est allégué qu'un tiers a sur le bien saisi un droit de propriété, de gage ou un autre droit qui s'oppose à la saisie ou qui doit être pris en considération dans la suite de la procédure d'exécution, l'office des poursuites mentionne la prétention du tiers dans le procès-verbal de saisie ou en informe les parties si la communication du procès-verbal a déjà eu lieu (art. 106 al. 1 LP).

Si la prétention est contestée, l'office des poursuites assigne un délai de 20 jours au tiers pour ouvrir action en constatation de son droit contre celui qui le conteste (art. 107 al. 5 LP).

La procédure de revendication prévue aux art. 106 ss LP a pour but de permettre aux tiers de faire reconnaître leur droit de propriété, leur droit de gage, ou tout autre droit ou prétention qui pourrait s'opposer au séquestre ou qui devrait être pris en considération lors de la réalisation des biens (art. 106 al. 1 LP). Elle n'est applicable que pour élucider des prétentions incertaines ou litigieuses découlant du droit matériel et déterminer si celles-ci doivent être incluses ou non dans la procédure d'exécution forcée (ATF 144 III 541 consid. 8.2; 127 III 115 consid. 3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_763/2009 du 21 avril 20201 consid. 4.1; Tschumy, La procédure de revendication des art. 106 à 109 et 242 LP, BlSchK 2016, p. 169).

Le moment déterminant pour trancher la question de l'existence ou de l'inexistence du droit dont se prévaut le revendiquant est, dans la poursuite consécutive au séquestre, celle de l'exécution du séquestre (Tschumy, La revendication de droits de nature à soustraire un bien à l'exécution forcé, Thèse 1987, p. 110).

5. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir considéré qu'elle n'était pas propriétaire du bien immobilier jusqu'à son inscription comme telle au Registre foncier alors qu'une partie de la doctrine considère que les biens fiduciaires ne devraient pas être intégrés dans le patrimoine du fiduciaire.

5.1 Le contrat de fiducie est celui par lequel une personne (le fiduciant) transfère un droit - propriété d'un bien ou d'une créance - à une autre (le fiduciaire) avec la charge de ne l'exercer qu'à une fin déterminée et de le transférer à la demande du fiduciant, à l'échéance du rapport contractuel ou d'un terme convenu (Tercier, Les contrats spéciaux, 2016, n. 4810, p. 701; Werro, Commentaire romand, CO I, 2012, n. 34 et 36 ad art. 394 CO).

Une cession fiduciaire a pour effet, d'un point de vue juridique, d'opérer pleinement le transfert des droits qui en sont l'objet (ATF 130 III 417 consid. 3.4 et les arrêts cités). Le fiduciaire doit être considéré comme légitime et plein propriétaire du bien à lui transféré fiduciairement. Les choses et les droits qui lui appartiennent à titre fiduciaire peuvent en principe être saisis en ses mains et tombent, dans le cadre d'une exécution générale, dans sa masse en faillite ou concordataire, même s'ils appartiennent du point de vue économique à un tiers (ATF 117 II 429 consid. 1b = JdT 1994 II 2; ATF 114 II 50 consid. 1 rés. JdT 1988 I 383; ATF 113 III 31 = JdT 1989 II 84 consid. 3 et les réf.).

5.2 L'appelante fait valoir que d'importants auteurs de doctrine estiment que les biens fiduciaires ne devraient pas être automatiquement et mécaniquement intégrés dans le patrimoine du fiduciaire. Il ne s'agit toutefois que de l'avis de la doctrine et, si la question pourrait se poser s'agissant de biens meubles, les biens immobiliers sont soumis à un régime particulier du fait de l'inscription de la propriété au Registre foncier. Par conséquent, il ne saurait être retenu que l'appelante a toujours été propriétaire de l'immeuble litigieux quand bien même elle n'était pas inscrite comme telle au Registre foncier.

Reste à examiner l'incidence de l'inscription provisoire de la restriction du droit d'aliéner qui a été inscrit en faveur de l'appelante.

6. L'appelante reproche au Tribunal de ne pas avoir considéré que l'inscription provisoire de la restriction d'aliéner inscrite en sa faveur avant le séquestre puisse faire échec à la saisie du bien immobilier litigieux.

6.1.1 Selon l'art. 960 al. 1 ch. 1 CC, les restrictions apportées au droit d'aliéner de certains immeubles peuvent être annotées, notamment lorsqu'elles résultent d'une décision officielle, rendue pour la conservation de droits litigieux ou de prétentions exécutoires.

L'annotation d'une restriction apportée au droit d'aliéner un immeuble peut être ordonnée pour la conservation d'un droit personnel dont l'exécution implique une modification du registre foncier, tel qu'une créance tendant au transfert de la propriété d'un immeuble (ATF 110 II 128 consid. 2a; 104 II 170 consid. 5 et les références citées).

L'annotation se distingue de l'inscription au sens étroit par le fait qu'elle ne crée pas ou ne confirme pas l'existence formelle de droits réels, mais elle renforce un droit personnel ou un rapport de droit en lui offrant une garantie réelle (Joye-Yerly, Le registre foncier : le système, les écritures au grand livre et leurs effets, Thèse 2018, n. 371, p. 166).

6.1.2 Les droits réels naissent, prennent leur rang et reçoivent leur date par l'inscription dans le grand livre (art. 972 al. 1 CC) mais l'effet de l'inscription remonte à l'époque où elle a été faite dans le journal (art. 972 al. 2 CC).

Les restrictions du droit d'aliéner deviennent, par l'effet de leur annotation, opposables à tout droit postérieurement acquis sur l'immeuble (art. 960 al. 2 CC).

Cela signifie que le droit ou le rapport juridique annoté sera prioritaire face à d'autres droits, à condition que ces droits aient été inscrits postérieurement et qu'ils soient incompatibles avec le droit contenu dans l'annotation (Joye-Yerly, op. cit., n. 445, p. 120). Il s'agit d'une concrétisation du principe de la priorité dans le temps, qui s'applique pleinement entre tous les types d'annotations (Joye-Yerly, op. cit., n. 453, p. 203).

Le Tribunal fédéral a ainsi admis que le droit annoté a le pas sur les mesures d'exécution forcée postérieures à l'annotation (ATF 104 II 170 = JdT 1979 I 68; Joye-Yerly, op. cit., n. 457, p. 205).

6.1.3 Le but de l'annotation de la restriction du droit d'aliéner est de garantir l'exécution d'une créance tendant à l'acquisition d'un droit réel dans le registre foncier (Joye-Yerly, op. cit., n. 449, p. 201) en fixant un rang au droit réel litigieux, par voie de mesures provisionnelles (art. 261 ss CPC), au cas où il serait acquis définitivement (Grisoni, Les expectatives réelles, Thèse 2018, p. 52). L'annotation contenant le droit personnel ou le rapport de droit tendant à l'acquisition d'un droit réel ne permet pas seulement de protéger l'exécution de ce droit, mais elle reçoit un rang, comme les autres inscriptions de droits réels, et c'est ce rang qui assure aux droits annotés une protection contre les droits inscrits ultérieurement (ATF 87 I 479 consid. 2; Dubois, Commentaire romand, CC II, 2016, nn. 16 ad art. 812 CC; Joye-Yerly, op. cit. n. 461, p. 206). C'est comme si le droit réel était dans un stade embryonnaire et que sa naissance était assurée par l'annotation (Deschenaux, Traité de droit privé suisse, Tome V/II/2, 1983, p, 526 ss). Dans l'intervalle, les droits acquis ne sont pas limités dans leur exercice (Grisoni, op. cit., p. 52). Une restriction du droit d'aliéner annotée au Registre foncier (art. 960 al. 1 CC) n'exclut pas la saisie. Mais si les droits du tiers qui a obtenu l'annotation de la restriction sont finalement reconnus judiciairement, ces droits sont opposables à l'adjudicataire de l'immeuble (ATF 104 II 170; 103 III 97; Marchand, Précis de droit des poursuites, 2013, p. 90).

Les annotations des art. 960 al. 1 ch. 1 CC sont des écritures provisoires destinées à être remplacées par des écritures définitives. Comme les autres annotations constitutives protégeant un droit personnel (art. 959 et 960 al. 1 ch. 3 en partie), l'annotation constitutive provisoire (art. 960 al. 1 ch. 1, 961 al. 1 ch. 2 CC, 22 et 22a ORF) crée un droit réel accessoire du droit personnel protégé. Ce droit réel accessoire offre cette particularité d'être destiné à être remplacé par un droit réel définitif, qui prendra le rang déterminé par le moment de l'annotation, et non par celui de l'écriture définitive. L'annotation provisoire n'a aucun effet pratique et elle est purement et simplement radiée, si le droit qu'elle doit protéger n'existe pas. Si, au contraire, ce droit existe, elle suppose une écriture définitive au registre foncier, laquelle la remplacera (Piotet, Les effets typiques des annotations au registre foncier, 2004, p. 472; cf également Mooser, Commentaire romand, CC II, 2016, n. 16 ad art. 972 CC).

6.2 En l'espèce, lors de l'exécution du séquestre, l'appelante n'était certes pas inscrite comme propriétaire de l'immeuble litigieux. Une restriction du droit d'aliéner ce dernier était toutefois déjà annotée en sa faveur de sorte que son droit personnel au transfert de la propriété de ce bien a été garanti le temps que la procédure en constatation de son droit de propriété soit définitivement tranché. A l'issue de cette procédure, le droit de propriété de l'appelante a été reconnu par les tribunaux et l'annotation provisoire de la restriction d'aliéner a été remplacée par l'inscription définitive de l'appelante comme propriétaire de l'immeuble litigieux.

L'appelante a indiqué dans sa demande en revendication être au bénéfice de cette annotation provisoire d'une restriction d'aliéner sur la parcelle litigieuse (allégué n. 19 de la demande), laquelle résulte également de l'extrait du Registre foncier produit par l'intimée dans son chargé du 16 mai 2017 (pièce 12). Il ne saurait dès lors être retenu que l'appelante a fait valoir tardivement ce fait, étant relevé que l'appelante n'avait pas à "revendiquer" pour le surplus une annotation inscrite en sa faveur.

En outre, le fait que l'annotation ait été radiée lorsque l'appelante a été définitivement inscrite comme propriétaire au Registre foncier ne lui a pas fait perdre les droits attachés à cette inscription puisque, au contraire, elle doit être considérée comme étant propriétaire du bien immobilier depuis la date de cette annotation.

Comme l'annotation a été inscrite antérieurement au séquestre, la propriété de l'appelante sur le bien immobilier saisi a pris naissance lors de l'inscription provisoire, soit en octobre 2010. Dès lors que le séquestre est intervenu postérieurement, en juin 2012, la priorité des droits conduit alors à retenir que la parcelle n° 1______ ne peut pas être réalisée au bénéfice des créanciers de l'intimé. Cette considération scelle l'issue du litige.

Compte tenu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'examiner les autres arguments soulevés subsidiairement par l'appelante qui ne mèneraient en tout état pas à une autre solution.

Partant, le jugement querellé sera annulé et il sera statué à nouveau en ce sens que la revendication de l'appelante sur le bien immobilier est fondée et ce bien immobilier ne peut pas être réalisé au bénéfice des créanciers de l'intimé.

7. 7.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les parties ne critiquent pas le montant des frais de première instance, arrêté à 48'000 fr., lequel est conforme au règlement fixant le tarif des frais en matière civile (art. 17 RTFMC) et sera donc confirmé.

Compte tenu de l'issue du litige, il sera mis à la charge des intimés, solidairement entre eux (art. 106 al. 1 CPC).

Les frais judiciaires seront compensés avec l'avance versée par l'appelante (2'400 fr.), qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Ainsi, les intimés seront condamnés solidairement entre eux à verser à l'appelante la somme de 2'400 fr. et un montant de 45'600 fr. à l'Etat de Genève (art. 111 al. 2 CPC).

Ils seront également condamnés solidairement entre eux à verser à l'appelante une somme de 28'000 fr., débours et TVA comprise, au titre de dépens de première instance.

7.2 Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 43'200 fr. (art. 13, 17 et 35 RTFMC), mis à la charge des intimés qui succombent (art. 106 al. 1 CPC) et compensés avec l'avance de frais versée par l'appelante (art. 111 al. 1 CPC). Les intimés, solidairement entre eux, verseront 43'200 fr. à l'appelante (art. 111 al. 2 CPC).

Enfin, les intimés, solidairement entre eux, verseront à l'appelante 16'000 fr., débours et TVA compris, à titre de dépens d'appel (art. 84, 85, 89 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 14 octobre 2020 par A______ contre le jugement JTPI/10655/2020 rendu le 7 septembre 2020 par le Tribunal de première instance dans la cause C/19638/2012.

Au fond :

Annule les chiffres 1 et 3 à 5 du dispositif du jugement entrepris, et cela fait, statuant à nouveau :

Admet la revendication de A______ sur la parcelle n° 1______ sise chemin 2______ [no.] ______ dans la commune de D______ (Genève) visée dans le cadre du séquestre 7______ et du procès-verbal de saisie du 10 janvier 2013 (série n° 8______) et dit que ce bien immobilier ne peut pas être saisi au bénéfice des créanciers de C______.

Met solidairement les frais judiciaires de première instance à la charge de C______ et B______ LTD.

Condamne C______ et B______ LTD, pris solidairement, à verser la somme de 2'400 fr. à A______ au titre de remboursement des frais judiciaires de première instance.

Condamne C______ et B______ LTD, pris solidairement, à verser la somme de 45'600 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pourvoir judiciaire, au titre de solde des frais judiciaires de première instance.

Condamne C______ et B______ LTD, pris solidairement, à verser la somme de 28'000 fr. à A______ au titre de dépens de première instance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 43'200 fr., dit qu'ils sont entièrement compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève, et les met solidairement à la charge de C______ et B______ LTD.

Condamne C______ et B______ LTD, pris solidairement, à verser la somme de 43'200 fr. à A______ au titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Condamne C______ et B______ LTD, pris solidairement, à verser la somme de 16'000 fr. à A______ au titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.