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C/3715/2018

ACJC/37/2019 du 11.01.2019 sur JTPI/14015/2018 ( SML ) , JUGE

Descripteurs : MAINLEVÉE PROVISOIRE ; RECONNAISSANCE DE DETTE ; RÉQUISITION DE POURSUITE ; CÉDULE HYPOTHÉCAIRE ; GAGE ; DÉNONCIATION(EN GÉNÉRAL)
Normes : CPC.180.al1; LP.82.al1; LP.67.al1.ch1; LP.67.al1.ch2; LP.67.al2; LP.151.al1.leta; CC.794.al1; CC.818.al1.ch1; CC.847.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/3715/2018 ACJC/37/2019

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 11 JANVIER 2019

Entre

A______ SA, c/o B______ SA, avenue ______ (Genève), recourante contre un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 septembre 2018, comparant par
Me Marc Balavoine, avocat, rue François-Bellot 2, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur C______, domicilié chemin ______ (Genève), intimé, comparant par Me Fabio Spirgi, avocat, rue Ferdinand-Hodler 15,
case postale 6090, 1211 Genève 6, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/14015/2018 du 17 septembre 2018, expédié pour notification aux parties le 18 septembre 2018, le Tribunal de première instance, statuant par voie de procédure sommaire, a rejeté la requête de mainlevée provisoire formée par A______ SA (chiffre 1 du dispositif), mis les frais à sa charge, arrêtés à 750 fr., et compensés avec l'avance fournie (ch. 2 et 3), condamné en conséquence la précitée à payer à C______ 450 fr. à titre de dépens (ch. 4), les parties étant déboutées de toutes autres conclusions (ch. 5).

En substance, le Tribunal a retenu que le titre invoqué dans le commandement de payer était une cédule hypothécaire au porteur de 200'000 fr., laquelle n'avait pas été produite à la procédure. La requête devait en conséquence être rejetée.

B.            a. Par acte expédié le 1er octobre 2018 au greffe de la Cour de justice, A______ SA a formé recours contre ce jugement, sollicitant son annulation. Elle a conclu au prononcé de la mainlevée provisoire de l'opposition faite au commandement de payer, poursuite n° 1______, sous suite de frais et dépens de première instance et de recours.

Elle a reproché au Tribunal une constatation manifestement inexacte des faits et une violation de l'art. 82 al. 1 LP, dès lors qu'elle avait produit à l'appui de sa requête la cédule hypothécaire au porteur en cause. La créance était exigible en raison de la survenance d'un cas de résiliation fixé dans la convention de sûretés du 4 mars 2016. S'agissant des intérêts, ils étaient dus dès l'expiration du délai du remboursement du prêt, soit le 30 mai 2017.

b. Dans sa réponse du 18 octobre 2018, C______ a conclu à la confirmation du jugement et au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais judiciaires et dépens.

Il a soutenu que, s'agissant d'un titre au porteur, celui-ci devait être produit en original dans la procédure de mainlevée, ce que A______ SA n'avait pas fait. Il a contesté l'exigibilité de la créance et s'est prévalu de l'absence de dénonciation conforme du contrat.

c. Dans sa réplique du 1er novembre 2018, A______ SA a persisté dans ses conclusions.

Elle a contesté la nécessité de produire l'exemplaire original de la cédule hypothécaire, se référant à diverses jurisprudences et avis de doctrine. Elle a produit la cédule hypothécaire sur papier au porteur original à l'appui de sa réplique.

Elle a réaffirmé l'exigibilité de sa créance, une transaction n'étant pas intervenue au 30 avril 2017, ni le remboursement de la dette à cette date.

d. Par duplique du 9 novembre 2018, C______ a également persisté dans ses conclusions.

e. Les parties ont été avisées par plis du greffe du 12 novembre 2018 de ce que la cause était gardée à juger.

f. Par courrier du 13 novembre 2018, A______ SA a indiqué qu'elle n'entendait pas se prononcer sur la duplique.

C. Les faits pertinents suivants résultent de la procédure de première instance :

a. A______ SA, inscrite au Registre du commerce de Genève le
4 février 2010, a pour but les services et prestations dans le domaine du transport, de la manutention, de la gestion et de la commercialisation de déchets et autres matériaux.

D______ en est l'administrateur délégué et E______ administrateur, tous deux disposant d'une signature collective à deux.

A______ SA fait partie du groupe F______ SA.

b. C______ a exploité, en raison individuelle du
29 janvier 1998 au 19 avril 2016, une entreprise à l'enseigne G______, ayant pour but l'exploitation d'une entreprise de transport, multi-benne et multi-lift avec atelier de réparation de véhicules lourds et le recyclage de déchets de chantiers.
Elle a été radiée à la suite de l'inscription de la société H______ SA le
19 avril 2016 au Registre du commerce, l'entreprise précitée consistant en un apport en nature de la seconde.

C______ est l'administrateur avec signature individuelle de la société anonyme.

Le capital-actions, de 100'000 fr. est constitué de 100'000 actions de 1 fr., nominatives. Elles sont détenues par C______.

c. Le 26 février 2016, A______ SA d'une part, et C______ d'autre part, ont signé une "lettre d'intention", visant à formaliser leur discussion portant sur l'acquisition par A______ SA de H______ SA, alors en constitution. C______ entendait à terme (environ cinq ans) céder l'ensemble de ses actions de H______ SA.

Les parties sont ainsi convenues d'une promesse de vente et d'achat à terme (dans cinq ans environ) portant sur la totalité (100%) des actions propriété de C______ de H______ SA, cette vente étant "exerçable" dans le premier trimestre suivant le cinquième anniversaire de la constitution de H______ SA, à un prix ferme défini dans une offre annexée (mais non produite à la procédure) ainsi que d'un crédit sans intérêt d'un million accordé par
A______ SA à C______, garanti par le nantissement des actions de H______ SA. Ledit prêt devait être versé en deux temps, soit 2000'000 fr. après la signature de la lettre d'intention et moyennant l'octroi par C______ d'un gage immobilier et la promesse faite par un notaire du choix de A______ SA de lui remettre une cédule hypothécaire de 200'000 fr. grevant la parcelle n° 2______ sise ______ (Genève), aux frais de A______ SA, et de 800'000 fr. contre une mise en compte séquestre de l'intégralité du capital-actions de H______ SA, A______ SA devant alors restituer la cédule hypothécaire.

Le crédit de 200'000 fr. accordé ne comportait pas d'intérêts (ch. 4 intitulé "avance" de la lettre d'intention), les intérêts étant substitués par l'octroi de la promesse d'achat et de vente à terme des actions de H______ SA.

Si la transaction n'était pas conclue en date du 30 septembre 2016 ("le Terme"), le crédit devait être restitué à A______ SA dans les trente jours suivant ledit Terme. Si le crédit n'était pas restitué dans les trente jours suivant le Terme, la somme à payer porterait intérêts à 5% l'an.

d. Le 4 mars 2016, les parties ont signé une convention de sûretés, soit une lettre d'instruction concernant la cédule hypothécaire sur papier, au porteur, au capital de 200'000 fr., grevant en 4ème rang et sans concours, avec profit des cases libres, la parcelle 2______ de la commune de ______ (Genève). Les parties se sont engagées irrévocablement à instruire le notaire de remettre à A______ SA la cédule hypothécaire. La cédule servait de garantie à l'exécution et au paiement du prêt de 200'000 fr. octroyé par A______ SA à C______ le
26 février 2016.

L'absence de constitution de la SA avant le 30 octobre 2016 et/ou de remboursement de la créance avant cette date par C______ ou par H______ SA constituait un cas de résiliation (art. 5.1 de la convention de sûretés). Dès la survenance d'un cas de résiliation, C______, H______ SA et A______ SA devaient s'accorder afin de trouver une solution amiable avant le 31 décembre 2016 pour obtenir le paiement et le remboursement de la créance de 200'000 fr. Si à l'échéance de ce délai les parties n'arrivaient pas à un accord, A______ SA avait le droit de réaliser la cédule (art. 5.2 de la convention de sûretés).

C______ a admis et reconnu expressément sa responsabilité financière personnelle pour toutes créances résultantes de la cédule d'un montant égal ou principal figurant dans la cédule plus les intérêts courus des trois dernières années ainsi que l'intérêt en cours. Cette reconnaissance de dette était valable et contraignante à l'encontre de C______ indépendamment de toute stipulation contraire relative aux débiteurs figurant dans la cédule (art. 4 de la convention de sûretés).

e. Le 7 mars 2016, la somme de 200'000 fr. a été versée par A______ SA à C______.

f. Le 12 avril 2016, la cédule hypothécaire n° 3______ établie le 4 mars 2016 par le conservateur du Registre foncier (No 4______) a été remise à A______ SA.

g. Le 17 novembre 2016, A______ SA et C______ ont conclu un avenant n° 5______ à la lettre d'intention et sont convenus d'une nouvelle date de remboursement du prêt de 200'000 fr. octroyé à C______ au
30 avril 2017.

Ils se sont également mis d'accord concernant le prix de rachat des actions, d'un montant de 4'645'000 fr.

Si une transaction n'était pas conclue avant le 30 avril 2017 en raison d'un motif non justifié imputable à A______ SA, elle devrait s'acquitter de la somme de 300'000 fr. à C______ à titre de pénalité, réglée par compensation à hauteur de 200'000 fr. (art. 3 let. a et b i) de l'avenant n° 5______).

h. Le 28 avril 2017, à la suite d'une réunion du même jour, A______ SA a adressé une nouvelle proposition d'achat des actions, d'un montant de 2'520'702 fr. et comportant diverses dettes et créances réciproques.

Cette proposition n'a pas été acceptée par C______.

i. Le 24 mai 2017, C______ a indiqué à F______ SA qu'il avait refusé le 16 mai 2017 de signer la nouvelle version des contrats, des éléments essentiels à son sens, tels que le montant de son salaire et son PUT, avaient été supprimés et revus à la baisse. Il estimait que la société était "en défaut" mais était disposé à entrer en matière "sur l'ancienne version".

j. Par courrier du 15 novembre 2017, B______ SA a indiqué à C______ regretter sa décision prise lors d'une réunion du 12 octobre 2017 de ne pas poursuivre les discussions concernant la vente de H______ SA. Dans ce cadre un prêt de 200'000 fr. lui avait été accordé. S'y ajoutaient des créances "fournisseurs" de 319'868 fr. 10.

k. Une nouvelle séance s'est tenue entre les parties le 16 novembre 2017.

Par email du 20 novembre 2017, F______ SA a pris note du refus de C______ de la proposition faite à l'occasion de la séance précitée. La contre-proposition de location que C______ lui avait adressée était refusée, dès lors qu'elle ne correspondait pas à ses besoins. La proposition pour régulariser les factures échues n'était pas acceptable. Une ultime proposition avait dès lors été évoquée à la réunion, soumise à trois conditions, dont deux d'entre elles faisaient déjà l'objet d'un accord.

l. Le 7 décembre 2017, F______ SA a indiqué à C______ que ses créances pourraient être converties en actions de la société H______ SA et a proposé une valorisation de celles-ci.

m. Par courrier du même jour, B______ SA a constaté qu'à la suite d'une séance du 6 décembre 2017, elle n'avait pas reçu la confirmation du paiement des créances dues par
H______ SA, de 345'163 fr. 95 et le remboursement du prêt de 200'000 fr. et des intérêts y relatifs.

Elle a informé C______ de ce qu'elle avait adressé une réquisition de poursuite à son encontre.

Elle l'a également informé, le 14 décembre 2017, de ce qu'elle entamait une poursuite en réalisation de gage.

n. Le 20 décembre 2017, C______ s'est étonné de la position adoptée par A______ SA, laquelle n'avait pas attendu sa prise de position à la suite de la réunion lors de laquelle une éventuelle conversion des créances avait été évoquée. Il considérait les poursuites comme un moyen de pression abusif et illicite.

o. Le 10 janvier 2018, un commandement de payer, poursuite n° 1______, en réalisation d'un gage immobilier. portant sur un montant de 200'000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er juin 2017, a été notifié à C______.

Opposition a été formée.

Le lendemain, un commandement de payer, portant le même numéro, en réalisation d'un gage immobilier, a été notifié à H______ SA.

Opposition y a également été formée.

p. Le 16 février 2018, A______ SA a saisi le Tribunal d'une requête en mainlevée provisoire de l'opposition formée par C______ au commandement de payer précité. Elle a conclu au prononcé de la mainlevée à concurrence de 200'000 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin 2017, sous suite de frais judiciaires et dépens.

A l'appui de sa requête, elle a notamment produit la lettre d'intention, la convention de sûretés, l'avenant n° 1 à la lettre d'intention ainsi qu'une copie de la cédule hypothécaire.

q. Dans sa réponse du 15 juin 2018, C______ a conclu au déboutement de A______ SA de toutes ses conclusions, sous suite de frais et dépens.

Il a contesté l'exigibilité de la créance et l'absence de dénonciation de la cédule hypothécaire, celle-ci devant l'être pour la fin d'un mois moyennant un préavis de six mois.

Il a également excipé de la compensation à hauteur de 300'000 fr. à titre de pénalité, dès lors que les parties étaient encore en négociation à l'échéance du nouveau délai convenu entre elles, soit au 30 avril 2017.

C______ a produit un chargé de pièces.

r. A l'audience du Tribunal du 25 juin 2018, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

EN DROIT

1. 1.1 S'agissant d'une procédure de mainlevée, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. b ch. 3 et 319 let. a CPC). La procédure sommaire s'applique (art. 251 let. a CPC).

Aux termes de l'art. 321 al. 1 et 2 CPC, le recours, écrit et motivé, doit être introduit auprès de l'instance de recours dans les dix jours à compter de la notification de la décision motivée, pour les décisions prises en procédure sommaire.

En l'espèce, le recours a été interjeté dans le délai et selon la forme prévus par la loi, de sorte qu'il est recevable.

1.2 Dans le cadre d'un recours, le pouvoir d'examen de la Cour est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits
(art. 320 CPC). L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par la partie recourante (Hohl, Procédure civile, Tome II,
2ème édition, Berne, 2010, n° 2307).

Les maximes des débats et de disposition s'appliquent (art. 55 al. 1, 255 let. a
a contrario et 58 al. 1 CPC).

2. Les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

En l'espèce, la recourante a versé à la procédure la cédule hypothécaire originale, dont elle avait déjà produit une copie en première instance. Il ne s'agit dès lors pas d'une pièce nouvelle.

3. La procédure de mainlevée provisoire est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire : le créancier ne peut motiver sa requête qu'en produisant le titre et la production de cette pièce, considérée en vertu de son contenu, de son origine et des caractéristiques extérieures comme un tel titre, suffit pour que la mainlevée soit prononcée si le débiteur n'oppose pas et ne rend pas immédiatement vraisemblable des exceptions. Le juge de la mainlevée provisoire examine donc seulement la force probante du titre produit par le créancier, sa nature formelle - et non la validité de la créance - et lui attribue force exécutoire (ATF 132 III 140 consid. 4.1).

De jurisprudence constante, le juge n'a ni à revoir ni à interpréter le titre qui est produit (ATF 143 III 564 consid. 4.3.2 et les références citées).

4. La recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer.

4.1 Le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (art. 82 al. 1 LP). Le juge prononce la mainlevée si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (art. 82 al. 2 LP). Il doit vérifier d'office notamment l'existence matérielle d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (GILLIERON, Commentaire de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, n. 73ss ad art. 82 LP).

La réquisition de poursuite énonce, outre les noms et domiciles du créancier et du débiteur et le montant de la créance, le titre et sa date, et à défaut du titre la cause de l'obligation (art. 67 al. 1 ch. 1 et 2 LP). Celle qui est faite en vertu d'une créance garantie par gage doit contenir en outre les indications prévues à
l'art. 151 LP (art. 67 al. 2 LP), soit le cas échéant le nom du tiers qui a constitué le gage ou qui en est devenu propriétaire (art. 151 al. 1 let. a LP).

Dans la poursuite en réalisation de gage immobilier pour la créance abstraite, la cédule hypothécaire au porteur est une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP et vaut titre de mainlevée pour toute la créance instrumentée dans le titre (ATF 134 III 71 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_295/2012 du 9 octobre 2012 consid. 4.2.1; 5A_226/2007 du 20 novembre 2007 consid. 5.1).

Seule la créance abstraite incorporée dans la cédule hypothécaire et garantie par gage immobilier doit faire l'objet d'une poursuite en réalisation de gage immobilier, tandis que la créance causale peut faire l'objet d'une poursuite ordinaire (ATF 136 III 288 consid. 3.1).

Lorsqu'il forme opposition à la poursuite, le poursuivi est réputé avoir fait opposition à la créance invoquée et au gage (art. 85 ORFI). Dans la procédure de mainlevée, le poursuivant devra alors établir par pièces tant sa créance que son droit de gage. De même, le prononcé de mainlevée se rapportera également au droit de gage, sans mention particulière (AEBI, Poursuite et réalisation de gage en procédure de mainlevée, JdT 2012 II p. 27).

Le libellé du commandement de payer est examiné d'office par le juge. Il doit impérativement indiquer la cédule hypothécaire en premier lieu, que ce soit sans autre indication ou avec une référence à la créance causale. Le créancier a donc intérêt à n'indiquer que la créance abstraite pour éviter toute difficulté sur le sujet (AEBI, op. cit., p. 37s).

Il en va de même de l'identité entre le créancier et le poursuivant. La production par le créancier du transfert de propriété à fin de garantie de la cédule hypothécaire établit sa qualité de propriétaire de celle-ci (AEBI, op. cit., p. 38).

S'agissant de l'identité entre le débiteur et le poursuivi, le poursuivant doit produire l'acte de cession en propriété de la cédule, signé par le poursuivi, dans lequel celui-ci se reconnaît débiteur du titre hypothécaire cédé en garantie au créancier (AEBI, ibidem).

Il appartient enfin au créancier d'établir par titre que la créance abstraite a été valablement dénoncée et qu'elle était exigible lors de la notification du commandement de payer. S'agissant des intérêts, le créancier doit produire un titre relatif à la créance causale (notamment un contrat de prêt) pour les intérêts (VEUILLET, La mainlevée de l'opposition, 2017, ad art. 82, n. 229, 231, 233).

La créance causale doit également être exigible, selon les conditions de dénonciation fixées dans le contrat de prêt ou dans les conditions générales auxquelles il se réfère (AEBI, op. cit., p. 39).

Pour que le poursuivant puisse valablement se prévaloir de la créance abstraite dans une poursuite en réalisation de gage immobilier, le créancier poursuivant doit être le détenteur de la cédule hypothécaire et le débiteur de cette cédule inscrit sur le titre produit ou, à tout le moins, il faut que le débiteur poursuivi ait reconnu sa qualité de débiteur de la cédule, ou que cette qualité résulte de l'acte de cession de propriété de la cédule qu'il a signé (ATF 129 II 12 consid. 2.5; Staehelin, in Basler Kommentar ZGB II, 2011, n. 6 ad art. 856a CC et n. 7 ad art. 858a CC).

4.2 Aux termes de l'art. 794 al. 1 CC, un gage immobilier ne peut être constitué que pour une créance déterminée, dont le montant doit être indiqué en monnaie suisse (hypothèque en capital). Il garantit alors le paiement du capital
(art. 818 al. 1 ch. 1 CC), des frais de poursuite et des intérêts moratoires (art. 818 al. 1 ch. 2 CC), ainsi que des intérêts des trois années échus au moment de l'ouverture de la faillite ou de la réquisition de vente et ceux qui ont couru depuis la dernière échéance (art. 818 al. 1 ch. 3 CC; ATF 126 III 467 consid. 4b), la cédule hypothécaire ne garantissant au créancier que les intérêts effectivement dus. Pour le calcul de ces intérêts, le nouvel art. 818 al. 1 ch. 3 CC, entré en vigueur le 1er janvier 2012, est applicable immédiatement (art 26 al. 2
Tit. fin. CC; ATF 140 III 180 consid. 5.1.2). Les intérêts effectivement dus sont ceux pratiqués par les parties et découlant du rapport de base, généralement un contrat de prêt (Dubois, Commentaire romand CC II, 2016, no 22 ad art. 818 CC).

4.3 La cédule hypothécaire au porteur est une reconnaissance de dette au sens de l'art. 82 al. 1 LP et vaut titre de mainlevée pour la créance incorporée à l'encontre du débiteur figurant dans ce titre - de sorte que le créancier n'a pas à produire une reconnaissance de dette pour la créance causale (ATF 140 III 180 consid. 5.1.2) -, mais seulement dans la mesure où le débiteur est inscrit (ATF 134 III
71 consid. 3 = JdT 2007 II 51 consid. 3; arrêts du Tribunal fédéral 5A_398/2010 du 31 août 2010 consid. 3.1; 5A_226/2007 du 20 novembre 2007 consid. 5.1).

4.4 En raison de la présomption de propriété attachée à la qualité de possesseur d'une chose mobilière (art. 930 al. 1 CC), le détenteur de la cédule qui s'en prétend propriétaire est présumé en avoir acquis la propriété et être titulaire de la créance et du droit de gage immobilier incorporé dans le papier-valeur (Aebi, op. cit., p. 38).

4.5 Selon l'art. 847 al. 1 CC, sauf convention contraire, la cédule hypothécaire peut être dénoncée par le créancier ou le débiteur pour la fin d'un mois moyennant un préavis de six mois (art. 847 al. 1 CC).

Il suffit que le délai de six mois soit écoulé au jour de la notification du commandement de payer (Favre/ Liniger, Cédules hypothécaires et procédure de mainlevée, SJ 1995, p. 107; ATF 84 II 645 = JT 1959 I 493).

4.6 A teneur de l'art. 180 al. 1 CPC, une copie du titre peut être produite à la place de l'original. Le tribunal ou les parties peuvent exiger la production de l'original ou d'une copie certifiée conforme lorsqu'il y a des raisons fondées de douter de l'authenticité du titre.

Selon la doctrine, une copie assume une fonction probatoire comparable voire équivalente à celle d'un original, pour autant qu'il n'y ait pas de doute sérieux quant à la conformité de la copie à l'original. Cette règle vaut aussi en droit de l'exécution forcée, notamment en procédure de mainlevée d'opposition selon
les art. 80ss LP (Schweizer, in CPC, Code de procédure civile commenté, Bâle, 2011, n. 2 et 3 ad art. 180 CPC; Denys, Cédule hypothécaire et mainlevée,
in JdT 2008 II 3, n. 5.1).

4.7 En l'espèce, la recourante a sollicité la mainlevée provisoire des oppositions formées au commandement de payer en se fondant sur la cédule hypothécaire au porteur de 200'000 fr., établie le 4 mars 2016.

C'est à tort que le Tribunal a retenu que la recourante n'avait pas produit la cédule sur laquelle elle se fondait, pour la débouter de ses conclusions. Contrairement à ce que soutient l'intimé, la recourante n'était pas tenue de produire la cédule hypothécaire originale, l'authenticité de la copie versée à la procédure n'ayant pas été remise en cause.

Il convient dès lors d'examiner si la recourante dispose d'un titre de mainlevée provisoire.

L'intimé ne conteste pas le montant garanti par la cédule précitée, lequel ressort des documents contractuels signés par les parties, en particulier de la lettre d'intention et de la convention de sûretés.

L'intimé conteste l'exigibilité de la créance cédulaire au jour de la réquisition de poursuite, soutenant, d'une part, que les parties sont toujours en pourparlers transactionnels, et, d'autre part, que la créance causale n'a pas été valablement dénoncée.

Il résulte de la lettre d'intention conclue par les parties le 26 février 2016, que la recourante a prêté à l'intimé un montant de 200'000 fr., sans intérêts, les parties étant en discussion concernant l'achat des actions de H______ SA. Elles sont convenues de ce qu'en l'absence d'accord au 30 septembre 2016, le prêt devait être restitué dans les trente jours dès l'échéance de celui-ci et, en l'absence de paiement dans ce délai, celui-ci porterait intérêt moratoire à 5% l'an. Aux fins de garantir la somme de 200'000 fr., la cédule hypothécaire en cause a été émise. Les discussions étant toujours en cours, les parties sont convenues, le 17 novembre 2016, de repousser l'échéance du prêt au 30 avril 2017. Une pénalité a également été prévue pour le cas où un accord ne serait pas conclu en raison d'un motif non justifié imputable à la recourante.

Il s'ensuit que les parties sont convenues de ce que la dette, soit la créance causale, serait exigible trente jours suivant l'absence d'accord, soit au 30 mai 2017. Il n'est par ailleurs pas allégué, à bon droit, qu'une modification de la convention de sûretés serait intervenue.

Contrairement à ce qu'allègue l'intimé, l'existence de pourparlers au-delà du terme convenu et durant la présente procédure ne fait pas obstacle à l'exigibilité de la créance, les parties n'ayant pas conclu de nouvel avenant en ce sens.

Même à suivre la thèse de l'intimé selon laquelle la créance devait être dénoncée, pour la fin d'un mois, moyennant un préavis de six mois, la créance était exigible au jour de la réquisition de poursuite le 7 décembre 2017. En effet, l'absence de remboursement de la créance au terme convenu, soit au 30 avril 2017, constitue un cas de réalisation au sens de l'art. 5.1 de la convention du 4 mars 2016.

Il s'ensuit que la cédule hypothécaire représente un titre de mainlevée, au sens de l'art. 82 LP.

Le jugement entrepris sera par conséquent annulé.

La mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer sera par conséquent prononcée à hauteur de 200'000 fr.

S'agissant des intérêts, conformément à la convention des parties ceux-ci sont dus dès le 30 juin 2017 (trente jours après l'absence de paiement au 30 mai 2017).

Il sera statué à nouveau (art. 327 al. 3 let. b CPC) dans le sens qui précède.

5. L'intimé, qui succombe, supportera les frais des deux instances (art. 106
al. 1 CPC) arrêtés à 1'875 fr. (art. 48 et 61 OELP) couverts par les avances déjà opérées, acquises à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Il sera en conséquence condamné à les verser à la recourante (art. 111 al. 2 CPC).

L'intimé sera en outre condamné à verser à la recourante 3'000 fr. à titre de dépens de première instance et de recours, débours et TVA inclus (art. 84, 85, 89,
90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 1er octobre 2018 par A______ SA contre le jugement JTPI/14015/2018 rendu le 17 septembre 2018 par le Tribunal de première instance dans la cause C/3715/2018-9 SML.

Au fond :

Annule ce jugement.

Cela fait et statuant à nouveau :

Prononce la mainlevée provisoire de l'opposition formée au commandement de payer, poursuite n° 1______, à concurrence de 200'000 fr., avec intérêts à 5% dès le
30 juin 2017.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de première instance et de recours à 1'875 fr., couverts par les avances versées, acquises à l'Etat de Genève, et les met à la charge de
C______.

Condamne en conséquence C______ à verser 1'875 fr. à A______ SA à ce titre.

Condamne C______ à verser à A______ SA, à titre de dépens de première instance et de recours, la somme de 3'000 fr.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Mélanie DE RESENDE PEREIRA, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Mélanie DE RESENDE PEREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.