Aller au contenu principal

Décisions | Chambre des baux et loyers

1 resultats
C/25185/2020

ACJC/317/2021 du 15.03.2021 sur JTBL/942/2020 ( SBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25185/2020 ACJC/317/2021

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 15 MARS 2021

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______ [GE], appelante et recourante contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 14 décembre 2020, comparant en personne,

et

B______ SA, sise ______ [GE], intimée, comparant par Me Guillaume ETIER, avocat, route de Florissant 10, 1206 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/942/2020 du 14 décembre 2020, notifié à A______ le 16 décembre 2020, le Tribunal des baux et loyers a rejeté la requête en suspension de l'exécution formée par A______ le 4 décembre 2020 à l'encontre de B______ SA (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B.            a. Par acte déposé au greffe de la Cour de justice le 21 décembre 2020, A______ déclare former appel, respectivement recours, contre ce jugement, dont elle sollicite l'annulation.

Principalement, elle conclut à la suspension de la décision d'évacuation prononcée à son encontre le 1er septembre 2020, à la suspension de l'exécution de cette même décision et à sa réintégration dans les locaux précédemment loués jusqu'au 31 mars 2020.

Préalablement, elle a sollicité l'octroi de l'effet suspensif au recours.

b. Dans ses déterminations du 23 décembre 2020, B______ SA a conclu au rejet des conclusions de A______, aussi bien sur effet suspensif que sur le fond.

Elle a produit plusieurs décisions judiciaires déjà soumises au Tribunal.

c. Par arrêt du 29 décembre 2020, le président ad interim de la Chambre des baux et loyers a rejeté la requête d'effet suspensif, respectivement de suspension de l'exécution, respectivement de mesures conservatoires formée par A______.

d. A______ n'a pas fait usage de son droit de répliquer.

e. Les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger par plis du greffe du 27 janvier 2021.

C.           Les faits pertinents suivants résultent de la procédure :

a. B______ SA, en qualité de bailleresse, et A______, en qualité de locataire, ont été liées par un contrat de bail portant sur des locaux commerciaux situés aux rez-de-chaussée et sous-sol de l'immeuble sis 1______, à Genève.

b. A______ accusant d'importants arriérés de loyers, B______ SA a résilié le bail pour le 31 juillet 2019.

La validité de cette résiliation a été admise par jugement du Tribunal des baux et loyers du 3 mars 2020. L'appel formé par A______ contre ce jugement a été déclaré irrecevable par arrêt de la Cour de justice du 15 mai 2020.

c. A______ n'a pas restitué les locaux loués à l'échéance du bail.

d. Par requête déposée au Tribunal des baux et loyers le 22 juin 2020, B______ SA a requis l'évacuation de A______ par la procédure de protection de cas clair, sollicitant que l'exécution directe du jugement d'évacuation soit ordonnée.

e. Par jugement JTBL/586/2020 rendu le 1er septembre 2020, réputé notifié à A______ le 15 septembre 2020, le Tribunal a condamné celle-ci à évacuer de sa personne, de ses biens et de tout tiers dont elle était responsable les locaux situés aux rez-de-chaussée et sous-sol de l'immeuble sis 1______, à Genève. Simultanément, le Tribunal a autorisé B______ SA à requérir l'évacuation de la locataire par la force publique dès le dixième jour suivant l'entrée en force du jugement.

f. Le 1er octobre 2020, A______ a tardivement formé appel, respectivement recours, contre ce jugement, concluant à ce que le délai pour former appel, respectivement recours, lui soit restitué. Cette requête a été rejetée par arrêt de la Cour de justice du 19 octobre 2020.

g. A______ a formé contre cet arrêt un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral, lequel, par ordonnance du 30 novembre 2020, a rejeté la requête d'effet suspensif formulée par la recourante au motif que le recours apparaissait dénué de chances de succès.

h. Le 4 décembre 2020, A______ a saisi le Tribunal d'une requête en suspension de l'exécution du jugement du 1er septembre 2020, au sens de l'art. 337 al. 2 CPC.

A l'appui de sa requête, elle exposait que la suspension requise était nécessaire dans l'attente de la décision du Tribunal fédéral sur son recours en matière civile. Elle invoquait également la situation sanitaire liée au coronavirus et indiquait se trouver dans l'attente d'aides financières qui lui permettraient de régulariser sa situation. Elle avait d'ailleurs soumis à la bailleresse une proposition de bail d'une durée limitée en vue d'honorer ses engagements envers ses clients et divers partenaires commerciaux, ajoutant que son évacuation immédiate l'exposerait à un préjudice irréparable.

i. B______ SA a conclu au déboutement de A______ des fins de sa requête, indiquant que le montant des loyers impayés s'élevait à plus de 140'000 fr. et que la situation ne pouvait durer davantage.

B______ SA a soumis au Tribunal copie des différentes décisions rendues dans la procédure en contestation de congé et la procédure d'évacuation.

j. Il ressort de l'acte de recours formé par A______ le 21 décembre 2020 que le jugement d'évacuation a été exécuté le 18 décembre 2020, avec l'assistance de la force publique.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré que ni le recours en matière civile pendant devant le Tribunal fédéral, ni la situation sanitaire invoquée par la recourante ne constituaient des faits emportant l'extinction, le sursis, la prescription ou la péremption de la prestation due, de sorte que la requête en suspension de l'exécution devait être rejetée.

EN DROIT

1.             1.1 La voie du recours est ouverte contre la décision du Tribunal relative à l'exécution de l'évacuation (art. 309 let. a et 319 let. a CPC).

Formé dans le délai de dix jours et suivant la forme écrite prévue par la loi, le recours est en l'espèce recevable (art. 130, 131, 248 let. b et 321 al. 2 CPC).

L'appel formé contre cette même décision est en revanche irrecevable.

1.2 Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

1.3 Les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'un recours (art. 326 al. 1 CPC).

En l'espèce, les diverses décisions produites par l'intimée à l'appui de ses déterminations sur le recours ont été soumises au Tribunal et ne sont donc pas nouvelles. Elles sont ainsi recevables, ce qui n'est pas contesté.

2.             Sur le fond, la recourante reproche au Tribunal de ne pas avoir suspendu l'exécution du jugement d'évacuation du 1er septembre 2020. Elle sollicite le prononcé de cette suspension, ainsi que sa réintégration temporaire dans les locaux loués.

2.1 Si le tribunal qui a rendu la décision a ordonné les mesures d'exécution nécessaires, la décision peut être exécutée directement. La partie succombante peut demander la suspension de l'exécution auprès du tribunal de l'exécution (art. 337 al. 1 et 2 CPC).

Au stade de la procédure d'exécution, qui ne peut servir à la remise en cause de la décision au fond, une partie ne peut revenir sur l'objet du litige, puisque le jugement déploie autorité de chose jugée (art. 59 al. 2 let. e CPC). Ainsi, la partie succombante peut uniquement alléguer que des faits s'opposant à l'exécution de la décision se sont produits après la notification de celle-ci, par exemple l'extinction, le sursis, la prescription ou la péremption de la prestation due (art. 341 al. 3 CPC), dans la même mesure que devant le juge de la mainlevée définitive (Jeandin, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 16 ad
art. 341 CPC).

La protection de l'art. 30 al. 4 LaCC ne s'applique pas aux locaux commerciaux. Le fait qu'une évacuation immédiate entraînerait une cessation immédiate des activités professionnelles du locataire et des répercussions sur sa situation financière n'est pas pertinent et ne peut faire obstacle à l'exécution immédiate du jugement d'évacuation (ACJC/937/2018 du 12 juillet 2018 consid. 4.1; ACJC/671/2013 du 27 mai 2013 consid. 7.2).

2.2 En l'espèce, outre que la suspension de l'exécution apparaît désormais dénuée d'objet, puisque de l'aveu même de la recourante, son évacuation des locaux litigieux a été diligentée le 18 décembre dernier avec le concours de la force publique, force est de constater que celle-ci ne démontre pas en quoi les conditions d'une telle suspension, telles que prévues aux art. 337 al. 2 et 341
al. 3 CPC, seraient réalisées.

La recourante ne soutient notamment pas que ses dettes de loyer envers l'intimée seraient éteintes ou prescrites, ni que celle-ci lui aurait accordé un quelconque sursis de paiement ou délai supplémentaire pour libérer les locaux. Les motifs que la recourante invoque en lien avec la situation sanitaire, ses rapports avec ses partenaires commerciaux et/ou son exposition à subir un préjudice difficilement réparable, se rapprochent davantage des motifs humanitaires pour lesquels il pourrait être sursis à l'exécution de l'évacuation en application de l'art. 30
al. 4 LaCC. Cette disposition n'est cependant pas applicable à des locaux commerciaux tels que les locaux litigieux, mais uniquement aux locaux d'habitation servant effectivement de logement au locataire. La recourante ne saurait par ailleurs requérir la suspension de l'exécution afin de pallier le refus du Tribunal fédéral d'accorder l'effet suspensif au recours en matière civile qu'elle a formé contre l'arrêt rejetant sa demande de restitution de délai pour appeler du jugement d'évacuation.

Par conséquent, c'est à bon droit que le Tribunal a débouté la recourante de ses conclusions en suspension de l'exécution et le recours sera rejeté.

3.             A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers, étant rappelé que l'art. 116 al. 1 CPC autorise les cantons à prévoir des dispenses de frais dans d'autres litiges que ceux visés à l'art. 114 CPC (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté le 21 décembre 2020 par A______ contre le jugement JTBL/942/2020 rendu le 14 décembre 2020 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/25185/2020-8-SD.

Déclare irrecevable l'appel formé le même jour contre ledit jugement.

Au fond :

Rejette le recours.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, présidente; Madame Sylvie DROIN et Monsieur Laurent RIEBEN, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

La présidente :

Nathalie LANDRY-BARTHE

 

La greffière :

Maïté VALENTE

 

 

 

Indication des voies de recours :

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005
(LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.