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C/15706/2016

ACJC/264/2017 du 10.03.2017 sur OTPI/579/2016 ( SP ) , CONFIRME

Descripteurs : MESURE PROVISIONNELLE; DÉCLARATION D'EXÉCUTION; COMPÉTENCE RATIONE LOCI
Normes : CPC.339
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15706/2016 ACJC/264/2017

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 10 MARS 2017

Entre

A.A______, domiciliée______ (Etats-Unis d'Amérique), appelante d'une ordonnance rendue par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 3 novembre 2016, comparant par Me James Bouzaglo, avocat, place du Molard 3, 1204 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

1) A.B______, domicilié______ (Mexique),

2) A.C______ LTD, sise______ (Bahamas),

intimés comparant tous deux par Me Philippe Neyroud et Me Stephan Fratini, avocats, rue François Versonnex 7, 1207 Genève, en l'étude desquels ils font élection de domicile.

Le présent arrêt est communiqué aux parties par plis recommandés du 13.03.2017.

 

 

 

 

 

 

 



EN FAIT

A. a. A.A______ et A.B______, tous deux de nationalité mexicaine, ont contracté mariage en 1953 au Nouveau-Mexique (États-Unis d'Amérique).

Le 26 mai 2014, A.A______, domiciliée à______ (Texas, États-Unis d'Amérique), a introduit par-devant la District Court______, au Texas, une demande en divorce à l'encontre de A.B______.

b. Par ordonnance de mesures provisionnelles ("temporary order") du 27 août 2014, ce tribunal texan a prononcé, dans le cadre de la procédure de divorce, la saisie conservatoire des avoirs de A.B______.

Cette ordonnance précisait qu'elle restait en vigueur jusqu'à la signature du jugement de divorce ou jusqu'à nouvel ordre du même tribunal.

c. Le 3 juin 2015, par requête déposé par devant le Tribunal de première instance de Genève, A.A______ a sollicité l'exequatur de ladite ordonnance texane du 27 août 2014. La procédure y relative, n° C/1______, a été jointe ultérieurement à la procédure n° C/27038/2015 (cf. infra let. f.) qui est actuellement toujours pendante.

d. Le 2 septembre 2015, la District Court______, toujours saisie de la procédure de divorce au Texas, a rendu une ordonnance de clarification et de mesures conservatoires additionnelles, laquelle énumérait de façon nominative certaines tierces personnes physiques (dont A.D______ et A.E______) visées par la saisie conservatoire, sans pour autant limiter cette saisie aux seules personnes expressément nommées.

Cette ordonnance précisait également qu'elle restait en vigueur jusqu'à la signature du jugement de divorce ou jusqu'à tout autre ordre du même tribunal.

e. Le 21 décembre 2015, la District Court______ a rendu un jugement de divorce ("Final Decree of Divorce") entre A.A______ et A.B______.

A teneur de ce jugement, la District Court______ a octroyé à A.A______ une indemnité d'un montant de USD 537'680'823.- et attribué à cette dernière la propriété exclusive de certains biens immobiliers et mobiliers et de certaines sociétés, au nombre desquelles figuraient notamment les sociétés suisses A.F______ SA, A.G______ SA, A.H______ SA, A.I______ SA, A.J______ SA, A.K______ SA, A.L______ SA, A.M______ SA, A.N______ Sàrl, A.O______ SA, A.P______ SA et A.Q______ SA que le tribunal texan a considérées comme "alter ego" de A.B______.

Dans le jugement de divorce, la District Court______ a également prononcé un certain nombre d'interdictions à l'encontre de A.B______, dont les suivantes :

- procéder à la vente, le transfert, l'attribution, hypothéquer, "encombrer", ou de toute autre manière, aliéner des biens immobiliers et personnels par et à travers les entités alter ego sous le contrôle et/ou contrôle constructif de [A.B______], y compris, mais non limité à la liste des intimés et les autres entités connues pour être sous son contrôle, y compris, mais sans limiter les entités énumérées dans ce jugement et retrouvées dans les territoires désignés qui sont attribuées à la demanderesse. Cette injonction comprend spécialement la vente d'actifs détenus dans les intérêts en gaz et en pétrole, terminaux de gaz, le stockage de gaz, la distribution, le transport, le transfert, la détention ou tout autre lien aux produits énergétiques, y compris les espèces ou transferts d'actifs ou en provenance ou avec l'assistance d'une ou l'autre des entités,

- dépenser toute somme d'argent des entités attribuées à [A.A______] et

- tenter de contourner, modifier et/ou violer les ordres précédemment émis par cette Cour concernant les droits d'[A.A______] acquis pendant son mariage avec [A.B______].

f. Le 22 décembre 2015, A.A______ a formé, par devant le Tribunal de première instance de Genève (ci-après : le Tribunal), une requête en exequatur des deux ordonnances de mesures provisionnelles ("temporary orders") rendues les 27 août 2014 et 2 septembre 2015 par la District Court______, assortie d'une requête de mesures provisionnelles et superprovisionnelles à l'encontre de A.B______ (cause n° C/27038/2015, actuellement toujours pendante, à laquelle la cause n° C/1______ a été jointe dans l'intervalle).

g. A.B______ s'est opposé à la requête de mesures provisionnelles, concluant subsidiairement à la constatation de ce que d'éventuelles mesures provisionnelles ne pouvaient d'aucune manière porter sur son patrimoine commercial, ainsi qu'au versement, par A.A______, d'un montant minimal de 1'000'000 fr. à titre de sûretés.

h. Le Tribunal a admis l'intervention, dans la procédure n° C/27038/2015, des sociétés A.C______ LTD, sise aux Bahamas, et A.R______.

Chacune de ces deux sociétés a conclu, à titre principal, à la constatation que l'ordonnance texane du 2 septembre 2015 ne visait pas son compte auprès de A.W______ SA à Genève et au rejet de la requête en tant qu'elle visait le compte en question. Subsidiairement, chacune a notamment conclu à ce que le Tribunal autorisât expressément tous les paiements liés à son activité opérationnelle, sur requête, pendant toute la durée des mesures de blocage.

i. A.A______ a indiqué ne pas s'opposer à une levée partielle des blocages des comptes de A.C______ LTD et A.R______, à savoir une levée s'agissant des paiements en faveur des fournisseurs de ces deux sociétés, mais a attiré l'attention du Tribunal sur le fait que des paiements à titre personnel, plus exactement en faveur de A.S______, la concubine de A.B______, apparaissaient sur les relevés bancaires du compte de A.C______ LTD. En conséquence, elle était d'accord avec les conclusions subsidiaires des deux sociétés uniquement.

Pour le surplus, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.

j. Par ordonnance n° OTPI/183/2016, rendue le 5 avril 2016 dans le cadre de la procédure n° C/27038/2015 portant sur l'exequatur des deux ordonnances provisionnelles texanes des 27 août 2014 et 2 septembre 2015, le Tribunal, statuant sur mesures provisionnelles, a ordonné le blocage de tous les biens de A.B______, en son nom, au nom d'une dizaine de sociétés incorporées en Suisse et de A.C______ LTD et A.R______.

Ainsi, il a :

1) interdit à A.P______ SA, ainsi qu'à A.D______, A.E______ et A.T______ et à tout autre administrateur ou liquidateur de droit ou de fait, de procéder, sans l'accord d'A.A______ ou du Tribunal, à tout acte d'administration ou de liquidation en relation avec les sociétés A.U______ SA, Genève, A.V______, Sion, H______ SA, Sion, A.I______SA, Genève, A.Q______ SA, Genève, A.K______ SA, Sion, A.L______ SA, Sion, A.M______SA, Sion, A.N______ Sàrl, Lucerne, et A.O______ SA, Sion;

2) prononcé cette interdiction sous la menace de la peine de l'art. 292 CP;

3) ordonné aux banques suivantes de bloquer tous les avoirs, espèces, titres, métaux précieux, créances et autres valeurs de quelque nature que ce soit, déposés en son nom propre ou sous autre désignation conventionnelle ou numérique, société, en compte, dépôt, coffre-fort, individuel ou joint, propriété de A.B______ ou d'entités dont ce dernier était, directement ou indirectement, le bénéficiaire économique réel ou désigné, soit notamment :

a) en mains de A.W______ SA, à Genève :

• compte 1______ au nom de A.M______SA;

• compte 2______ au nom de A.V______ SA;

• compte 3______au nom de A.N______ Sàrl;

• compte 4______au nom de A.N______ Sàrl;

• compte 5______au nom de A.I______SA;

• compte 6______au nom de A.I______SA;

• compte 7______au nom de A.C______ LTD;

• compte 8______au nom de A.B______;

• compte 9______au nom de A.X______;

b) en mains de A.Y______ SA, Genève :

• compte 10______au nom de C______ LTD;

c) en mains de A.Z______ SA, Genève :

• compte 11______au nom de A.B______;

d) en mains de B.A______ SA ou toute autre entité affiliée à laquelle B.A______ SA aurait transféré les relations clientèles concernées :

• compte 12______au nom de A.B______;

4) réservé l'autorisation expresse, par le Tribunal, de tous les paiements liés à l'activité opérationnelle de A.C______ LTD, sur requête de cette dernière, pour toute la durée des mesures de blocage du compte n° 7______ détenu par A.C______ LTD auprès de A.W______ SA, à Genève;

5) réservé l'autorisation expresse, par le Tribunal, de tous les paiements liés à l'activité opérationnelle de A.R______., sur requête de cette dernière, pour toute la durée des mesures de blocage du compte n° 13______ détenu par A.R______. auprès de A.W______ SA, à Genève;

6) dit que cette ordonnance déployait ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties;

7) à 9) réglé le sort des frais et dépens et débouté les parties de toutes autres conclusions.

k. A.B______ a appelé de cette ordonnance.

La procédure sur appel est actuellement suspendue par devant la Cour de justice, à la suite d'un recours au Tribunal fédéral interjeté par une société B.B______ SA contre l'arrêt ACJC/1______ du 26 août 2016, rejetant la requête en intervention formée par cette société, dans la procédure n° C/27038/2015.

l. Dans l'intervalle, le 18 mars 2016, A.B______ a appelé du jugement de divorce texan.

La First Court of Appeals a ordonné à A.B______ de déposer des sûretés à hauteur de USD 278'300'000.- afin de suspendre l'exécution du jugement de divorce pendant la procédure d'appel ("supersedeas bond").

Sur appel de A.B______, le montant de ces sûretés a été réduit à USD 25'000'000.- par décision du 26 mai 2016 qui indiquait notamment :

"Under Texas Rule of Appellate Procedure 24.2 and Texas Civil Practices and Remedies Code Section 52.006, a judgment debtor may supersede the execution of a judgment by filing sufficient security".

A.B______ a versé les sûretés en question le 13 juin 2016.

m. Le 28 mars 2016, A.A______ a requis au Texas le prononcé de mesures provisionnelles ("temporary orders") durant la procédure d'appel, concluant notamment à la reprise des interdictions prononcées à l'encontre de A.B______ dans le jugement de divorce du 21 décembre 2015, et à leur complément par d'autres interdictions tendant en particulier à empêcher A.B______ de disposer de son argent et de ses biens, directement ou par le biais des sociétés qu'il contrôlait.

Elle a basé sa requête sur l'art. 6.709 du Texas Family Code, lequel dispose ce qui suit :

"(a) Not later than the 30th day after the date an appeal is perfected, on the motion of a party or on the court's own motion, after notice and hearing, the trial court may render a temporary order necessary for the preservation of the property and for the protection of the parties during the appeal, including an order to :

(1) require the support of either spouse;

(2) require the payment of reasonable attorney's fees and expenses;

(3) appoint a receiver for the preservation and protection of the property of the parties; or

(4) award one spouse exclusive occupancy of the parties' residence pending the appeal".

n. Le 1er avril 2016, la District Court______ a rendu une ordonnance indiquant qu'elle allait prononcer des mesures provisionnelles relatives à l'entretien d'A.A______ et à la prise en charge de ses frais d'avocats, et rejetant les autres conclusions prises par A.A______.

Le même jour, la District Court______ a rendu une seconde ordonnance fixant le montant de la pension alimentaire provisoire due à A.A______ à USD 300'000.- par mois et celui de la participation de A.B______ aux frais d'avocat de celle-ci à USD 50'000.- par mois.

B. a. Par acte déposé au greffe du Tribunal de première instance le 12 août 2016, A.B______ et A.C______ LTD ont conclu à la révocation de l'ordonnance n° OTPI/183/2016 rendue le 5 avril 2016 dans la cause n° C/27038/2015, subsidiairement à sa modification dans le sens de la levée du blocage du compte n° 14______ de A.C______ LTD dans les livres du A.W______.

A l'appui de leur requête, A.B______ et A.C______ LTD ont allégué que les deux ordonnances provisionnelles texanes ("temporary orders") des 27 août 2014 et 2 septembre 2015, dont l'exequatur avait été requise à Genève par A.A______, avaient expiré au plus tard le jour de la signature du jugement de divorce, soit le 21 décembre 2015.

L'exécution du jugement de divorce et des injonctions qu'il contenait était suspendue en raison du dépôt par A.B______ d'un "supersedeas bond" d'USD 25'000'000 le 13 juin 2016. En effet, selon eux, le dépôt d'un "supersedeas bond" empêchait en procédure civile texane toute mesure d'exécution du jugement de première instance jusqu'à droit jugé en appel.

Ils relevaient également que les tribunaux texans avaient refusé d'accorder à A.A______ des injonctions semblables à celles contenues dans les deux ordonnances de mesures provisionnelles ("temporary orders") des 27 août 2014 et 2 septembre 2015, qui n'étaient plus en vigueur, et dans le jugement de divorce, qui était suspendu.

Ils ont produit un avis de droit émis par B.C______, professeur de droit à la faculté de droit de______, Texas, lequel confirmait en substance leurs explications juridiques.

b. A.A______ a conclu au rejet de la requête de révocation.

Elle a relevé que la question de la validité de l'ordonnance n° OTPI/183/2016, rendue le 5 avril 2016 à Genève dans le cadre de la procédure n° C/27038/2015, faisait déjà l'objet d'une procédure d'appel pendante et, selon elle et contrairement à l'avis de droit produit ses parties adverses, les deux ordonnances de mesures provisionnelles ("temporary orders") litigieuses déployaient toujours leurs effets aux États-Unis d'Amérique.

C. a. La requête de révocation de l'ordonnance n° OTPI/183/2016 rendue le 5 avril 2016 dans la cause n° C/27038/2015 a donné lieu à l'ouverture de la présente procédure.

Lors de son audience du 26 septembre 2015, le Tribunal a entendu B.C______ qui a confirmé la teneur de son avis de droit, en particulier le fait que A.B______ disposait aujourd'hui librement aux États-Unis d'Amérique de la totalité de ses biens, compte tenu des décisions texanes rendues.

Les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives, A.A______ relevant que les mesures provisionnelles pouvaient en tout état de cause être ordonnées en Suisse sans reposer sur la base préalable d'ordonnances étrangères, en application de l'art. 10 LDIP.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de cette audience.

b. Par courrier de son conseil du 30 septembre 2016, A.A______ a indiqué au Tribunal qu'elle entendait produire une déclaration écrite, en cours de préparation par son conseil américain, en vue de réfuter la position soutenue par B.C______, en particulier relative à la libre disposition de A.B______.

Par courrier de leurs conseils du 5 octobre 2016, A.B______ et A.C______ LTD se sont opposés à la recevabilité du courrier susmentionné, ainsi qu'à celle de toute nouvelle pièce que souhaiterait produire A.A______.

D. Par ordonnance OTPI/579/2016 rendue le 3 novembre 2016, reçue par A.A______ le 7 novembre 2016, le Tribunal a révoqué l'ordonnance OTPI/183/2016 rendue le 5 avril 2016 dans la cause C/27038/2015, statué sur les frais et débouté les parties de toutes autres conclusions.

En substance, le Tribunal a considéré qu'il était compétent pour révoquer les mesures provisionnelles litigieuses, en dépit de l'appel interjeté contre l'ordonnance de ces mesures, que le caractère sommaire de la procédure à Genève s'opposait à sa suspension alors que la cause avait été gardée à juger, que les "temporary orders" prononcés les 27 août 2014 et 2 septembre 2015 au Texas semblaient avoir cessé de déployer leurs effets dès la signature du jugement de divorce texan, intervenue le 21 décembre 2015, et que la fourniture de sûretés ("supersedeas bond") par A.B______ semblait avoir empêché le caractère immédiatement exécutoire de ce jugement de divorce qui prévoyait lui-même de nouvelles interdictions ("injunctions") visant à l'empêcher de disposer de ses biens.

E. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 17 novembre 2016, A.A______ forme appel contre cette ordonnance, concluant à son annulation et à la confirmation de l'ordonnance OTPI/183/2016 du 5 avril 2016.

Elle conteste l'interprétation des décisions américaines faites par le Tribunal et relève que dans l'intervalle, le 3 novembre 2016, la District Court______ a nommé un administrateur judiciaire ("receiver") chargé, selon les pièces nouvelles 4a et 4b produites par l'appelante, de prendre des mesures destinées à faciliter le paiement de la pension alimentaire en sa faveur, ainsi que de la participation à ses frais d'avocat.

b. Par décision ACJC/1564/2016 du 28 novembre 2016, la Cour a rejeté la requête d'A.A______ tendant à la suspension de l'effet exécutoire attaché à l'ordonnance dont est appel, et a dit qu'il serait statué sur les frais liés à cette décision dans l'arrêt rendu sur le fond de l'appel.

c. A.B______ et A.C______ LTD concluent à la confirmation de l'ordonnance querellée, avec suite de frais et dépens.

d. Aux termes de sa réplique, A.A______ persiste dans ses conclusions et sollicite, pour le surplus, la suspension de la présente procédure d'appel, pour permettre une médiation entre les parties que la Fourteenth Court of Appeals de______ (Texas) aurait ordonnée, selon un courrier du conseil américain d'A.A______, dans la procédure de divorce texane.

e. Aux termes de leur duplique, A.B______ et A.C______ LTD persistent dans leurs conclusions et s'opposent à la suspension de la présente procédure d'appel.

f. Les parties ont été informées le 3 janvier 2017 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions de première instance sur les mesures provisionnelles; dans les affaires patrimoniales, il est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 1 let. b et al. 2 CPC).

En l'espèce, compte tenu de l'étendue des blocages litigieux et en l'absence d'une contestation y relative par les intimés, il convient d'admettre que la valeur litigieuse de 10'000 fr. est atteinte.

La voie de l'appel est ainsi ouverte contre l'ordonnance entreprise.

1.2 Selon l'art. 314 CPC, si la décision a été rendue en procédure sommaire, le délai pour l'introduction de l'appel est de dix jours.

La procédure sommaire s'applique aux mesures provisionnelles (art. 248
let. d CPC) et l'appelante a saisi la Cour dans les dix jours dès la réception de l'ordonnance motivée du premier juge, si bien que son appel est recevable à cet égard.

1.3 Selon l'art. 311 CPC, l'appel doit être écrit et motivé.

Ces exigences étant également respectées, l'appel est recevable.

2. L'appel peut être formé pour violation du droit et constatation inexacte des faits (art. 310 CPC). La Cour dispose ainsi d'un plein pouvoir d'examen.

3. Le présent litige a un caractère international en raison des domiciles et siège des parties au Mexique, aux États-Unis d'Amérique et aux Bahamas, et de l'existence de plusieurs décisions judiciaires rendues au Texas, aux États-Unis d'Amérique.

3.1 La compétence ratione loci pour l'exécution (l'exequatur) en Suisse de décisions judiciaires américaines est déterminée, en l'absence d'un traité international applicable, par l'art. 29 LDIP qui prévoit la compétence du canton où la décision étrangère est invoquée.

En l'espèce, les tribunaux genevois sont ainsi compétents pour décider de l'exécution des décisions judiciaires texanes invoquées devant eux.

3.2 La procédure est réglée par les art. 335 ss CPC, dans la mesure où la LDIP n'y déroge pas (art. 335 al. 3 CPC).

Si la décision ne peut pas être exécutée directement, une requête d'exequatur doit être présentée au tribunal de l'exécution (art. 338 al. 1 CPC).

A Genève, la fonction de tribunal de l'exécution est exercée par le Tribunal de première instance (art. 86 al. 2 let. c LOJ, E 2 05).

4. 4.1 En matière d'exécution de décisions judiciaires, la procédure sommaire est applicable (art. 339 al. 2 CPC), et des mesures conservatoires peuvent être ordonnées en cours de procédure d'exécution (art. 340 CPC).

Ces mesures conservatoires s'apparentent à des mesures provisionnelles
(art. 261 CPC; Jeandin in Bohnet/Haldy/Jeandin/Schweizer/Tappy [éd.], Code de procédure civile commenté, 2011, n° 1 ad art. 340 CPC), mais elles ne doivent servir qu'à éviter que la partie contre laquelle est dirigée la requête d'exécution ne commette des actes de disposition ou de toute autre nature propres à rendre vaine l'exécution requise (Jeandin, op. cit., n° 3 ad art. 340 CPC).

Les mesures provisoires ordonnées par un juge étranger peuvent également être qualifiées de "décisions", au sens de l'art. 25 LDIP, pouvant être reconnues et exécutées en Suisse à certaines conditions (Dutoit, Droit international privé suisse, Commentaire de la loi fédérale du 18 décembre 1987, 5ème éd. 2016, n° 9 ad art. 25 LDIP avec références), selon la procédure prévue aux art. 29 LDIP
et 335 ss CPC.

Par conséquent, tant que dure la procédure d'exequatur de ces mesures, le juge suisse saisi de la requête d'exécution peut ordonner des mesures conservatoires destinées à éviter que la partie contre laquelle est dirigée la requête d'exécution ne commette des actes propres à rendre vaine cette exécution.

Puisque le juge jouit d'une large pouvoir d'appréciation à l'égard des mesures conservatoires (Jeandin, op. cit., n° 2 ad art. 340 CPC) qui s'apparentent comme indiqué à des mesures provisionnelles, il peut aussi les révoquer ultérieurement s'il s'avère par la suite qu'elles sont injustifiées ou que les circonstances se sont modifiées (art. 268 al. 1 CPC par analogie).

4.2 L'ordonnance, par le tribunal de l'exécution, de mesures conservatoires est à distinguer de l'ordonnance, par le tribunal suisse du lieu de leur exécution, de mesures provisoires qui précèdent ou accompagnent une procédure au fond à l'étranger (art. 10 let. b LDIP) et que le juge suisse compétent ratione materiae
- soit, à Genève, le Tribunal de première instance (art. 86 al. 2 let. a LOJ) - peut ordonner sur requête d'une partie (261 al. 1 CPC).

4.3 En l'espèce, l'appelante avait sollicité, à Genève, l'exécution de mesures provisoires ("temporary orders") ordonnées par un tribunal texan.

Saisi en sa qualité de juge de l'exécution (art. 86 al. 2 let. c LOJ, E 2 05), le Tribunal de première instance avait ordonné des mesures à caractère provisoire qu'il convient de qualifier de mesures conservatoires, puisqu'elles ont été ordonnées dans l'attente de l'issue de la procédure d'exequatur.

Ultérieurement, le Tribunal de première instance a révoqué ces mesures conservatoires en considérant notamment que les deux seules décisions judiciaires texanes visée par la procédure d'exequatur à Genève (soit celles ordonnant des mesures provisoires dans le cadre de la procédure de divorce texane) semblaient avoir cessé de déployer leurs effets.

Le présent litige concerne donc la question de savoir si c'est à juste titre que le Tribunal de première instance a révoqué les mesures conservatoires litigieuses, ordonnées auparavant par ce même tribunal dans le cadre d'une procédure d'exequatur relevant de sa compétence de juge de l'exécution (art. 86 al. 2
let. c LOJ).

En revanche, en raison de son lien avec la procédure d'exequatur, le présent litige ne porte pas sur la question de savoir si le Tribunal de première instance a révoqué à tort des mesures provisoires (art. 10 LDIP et 261 al. 1 CPC) que cette même instance judiciaire pourrait ordonner en sa qualité d'autorité de jugement (art. 86 al. 2 let. a LOJ).

5. 5.1 Selon l'art. 126 al. 1 CPC, la procédure peut être suspendue si des motifs d'opportunité le commandent, soit notamment lorsque la décision dépend du sort d'un autre procès.

Dès lors qu'elle contrevient à l'exigence de célérité de la procédure, imposée par les art. 29 al. 1 Cst et 124 al. 1 CPC, la suspension ne peut être ordonnée qu'exceptionnellement, en présence d'un motif objectif sérieux, en particulier lorsqu'il s'agit d'attendre le jugement principal d'une autorité compétente permettant de trancher une question de nature préjudicielle (ATF 119 II 386 consid. 1b; arrêts du Tribunal fédéral 1B_231/2009, 1B_253/2009, 1B_261/2009 du 7 décembre 2009 consid. 4.1). Le juge doit procéder à une pesée des intérêts des parties, l'exigence de célérité devant l'emporter en cas de doute (arrêt du Tribunal fédéral 9C_293/2014 du 16 octobre 2014 consid. 2.2.2; ATF 135 III 127 consid. 3.4; 119 II 386 consid. 1b).

La suspension de la procédure dans l'attente du sort d'une autre procédure suppose que la seconde procédure, dont l'issue sera déterminante pour le sort de la procédure suspendue, soit déjà bien avancée faute de quoi, en règle générale, la suspension ne sera pas compatible avec l'exigence de célérité (Frei, in Berner Kommentar Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n° 5 ad art. 126 CPC).

5.2 L'appelante sollicite - contre la volonté des intimés - la suspension de la présente procédure de révocation des mesures conservatoires ordonnées à Genève dans l'attente de l'issue de la procédure genevoise d'exequatur de deux ordonnances texanes de mesures provisoires, rendues en première instance d'une procédure de divorce texane qui est actuellement pendante en deuxième instance au Texas et qui y ferait, selon l'appelante, l'objet d'une suspension pour permettre une médiation entre les ex-époux.

D'une part, la procédure texane de divorce n'est ainsi pas bien avancée en deuxième instance. D'autre part, comme démontré ci-dessous (consid. 7 et 8), l'issue du présent litige, concernant la révocation de mesures conservatoires genevoises liées à l'exequatur de mesures provisoires texanes rendues avant le jugement texan de divorce, ne dépend pas de l'issue de la procédure d'appel contre ce dernier jugement texan au fond.

Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de suspendre la présente procédure.

6. En matière d'exécution de décisions, la procédure sommaire est applicable (art. 248 let. a, art. 339 al. 3 CPC), ce qui vaut également pour les mesures conservatoires que le tribunal de l'exécution peut rendre (art. 340 CPC), puis éventuellement révoquer ultérieurement (art. 268 al. 1 CPC par analogie).

Comme en matière de mesures provisionnelles, également soumises à la procédure sommaire (art. 248 let. d CPC), la cognition du juge est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit (art. 261 CPC par analogie). Ainsi, il n'est pas nécessaire que le juge soit persuadé de l'existence des faits; il suffit que, sur la base d'éléments objectifs, il acquière l'impression d'une certaine vraisemblance de l'existence des faits pertinents, sans pour autant qu'il doive exclure la possibilité que les faits aient pu se dérouler autrement (ATF 130 III 321 consid. 3.3, cité par Hohl, Procédure civile, tome II, 2e éd., Berne, 2010, n° 1773 p. 325).

Par ailleurs, la preuve est généralement rapportée par titres, l'administration d'autres moyens de preuve étant restreinte (art. 254 CPC).

7. 7.1 Comme indiqué ci-dessus (consid. 4.1), les mesures conservatoires ordonnées pendant une procédure d'exequatur d'une décision étrangère ne doivent servir qu'à éviter que la partie contre laquelle est dirigée la requête d'exécution ne commette des actes de disposition ou de toute autre nature propres à rendre vaine l'exécution requise.

S'il y a lieu d'admettre qu'une décision étrangère sur mesures provisionnelles peut être exécutée en Suisse, il faut également admettre que les mesures conservatoires ordonnées pendant la procédure d'exequatur perdent leur raison d'être lorsque les mesures provisionnelles étrangères deviennent sans objet et/ou lorsque la décision étrangère y relative perd son caractère exécutoire, notamment parce qu'une décision au fond a été rendue dans l'intervalle.

7.2 Comme le Tribunal de première instance, la Cour retient que les deux décisions judiciaires texanes provisoires ("temporary orders") visées par la requête d'exequatur de l'appelante ont cessé de déployer leurs effets dès la signature du jugement de divorce texan.

Ceci résulte, d'une part, de la teneur littérale de ces décisions provisoires qui indiquent déployer leurs effets jusqu'à nouvel ordre du même tribunal texan ou jusqu'à la signature du jugement de divorce ("These Temporary Orders shall continue in force until the signing of the Final Decree of Divorce or until further order of the Court") et du fait que le jugement de divorce texan ("Final Decree of Divorce") a effectivement été signé en date du 21 décembre 2015.

D'autre part, ceci résulte également du fait que ledit jugement de divorce prévoit lui-même des interdictions et autres ordres ("injunctions") qui se recoupent en partie avec le contenu des mesures provisionnelles texanes dont l'exécution a été requise à Genève et qui visent également à empêcher l'ex-époux de l'appelante de disposer de ses biens, directement ou indirectement. Or, il paraît que selon le droit texan applicable au divorce, le jugement de divorce est immédiatement exécutoire, même en cas d'appel de l'une ou l'autre des parties, à moins que la partie appelante soit autorisée à déposer des sûretés qui suspendent l'exécution du jugement de première instance ("supersedeas bond"). En effet, la décision texane rendue le 26 mai 2016 par l'instance judicaire ("First Court of Appeals") saisie de l'appel contre le jugement de divorce texan précise expressément que selon la loi texane, l'appelant peut obtenir la suspension de l'exécution du jugement entrepris, par le biais du versement de sûretés.

Qui plus est, en date du 28 mars 2016, l'appelante a elle-même requis au Texas, auprès de la District Court______, de nouvelles mesures provisionnelles pour la durée de la procédure d'appel contre le jugement de divorce, toujours afin d'empêcher son ex-époux de disposer, directement ou indirectement, de ses biens.

Enfin, cette compréhension du droit texan est confirmée par les explications fournies par le professeur B.C______ lors de son audition par le Tribunal de première instance, tandis que l'appelante a omis de fournir, en temps utile, des pièces ou autres moyens de preuve permettant, au contraire, de conclure à un effet durable des mesures provisionnelles texanes à exécuter en Suisse au-delà de la signature, désormais passée, du jugement de divorce texan.

Il s'ensuit que l'exécution en Suisse de ces mesures provisionnelles texanes n'a plus lieu d'être et que, partant, le maintien des mesures conservatoires genevoises, en vue de l'exécution de ces décisions provisoires texanes, dépassées à l'heure actuelle, ne se justifie plus.

8. L'appelante soutient que les mesures genevoises se justifient néanmoins toujours en tant que mesures provisoires au sens de l'art. 10 LDIP et relève que le Tribunal de première instance est également compétent pour ordonner de telles mesures.

Or, la conversion des mesures conservatoires en mesures provisoires d'un contenu identique ne se justifie pas.

En effet, le dossier ne permet pas de conclure, avec une vraisemblance suffisante, que l'appelante serait d'ores et déjà propriétaire exclusive de certaines sociétés suisses et que cette propriété serait mise en péril par les agissements de son ex-époux ou de tierces personnes.

Quant aux prétentions purement pécuniaires de l'appelante, il y a lieu de relever qu'en droit suisse, le séquestre (art. 271 ss LP) est l'unique mesure provisoire admissible pour parer le risque de non-paiement. Or, le séquestre n'est ordonné qu'en cas de réalisation de l'un des cas de séquestre prévus par la loi (art. 272 al. 1 ch. 2, art. 271 LP; cf. notamment art. 271 al. 1 ch. 4 LP), et il ne doit porter qu'à concurrence du montant des créances dont il est censé garantir le paiement futur (art. 275, 97 al. 2 LP). Il n'est pas possible de contourner ces exigences légales par une autre mesure de blocage provisoire.

Qui plus est, le tribunal texan saisi de l'appel contre le jugement de divorce texan a déjà lui-même ordonné des mesures provisoires, sur requête de l'appelante, et il a rejeté cette requête pour le surplus, soit en tant qu'elle visait à garantir des prétentions ne relevant ni de l'entretien de l'appelante, ni de ses frais d'avocat. Dans ces conditions, l'ordonnance de mesures provisoires supplémentaires à Genève reviendrait à contourner le caractère limité des mesures provisoires texanes ordonnées dans la procédure d'appel (l'appelante s'étant d'ailleurs abstenue de réclamer l'exequatur de l'ordonnance texane en question) et paraît ainsi à tout le moins inopportune.

C'est donc à juste titre que le Tribunal de première instance a révoqué les mesures conservatoires litigieuses, au lieu de les maintenir à un autre titre.

Par conséquent, l'ordonnance querellée du 3 novembre 2016 sera confirmée.

9. 9.1 Les frais judiciaires d'appel sont arrêtés à 2'400 fr. (art. 95 al. 2, art. 96 CPC, art. 19 LaCC, art. 26, 13 RTFMC), y compris les frais liés à l'arrêt préparatoire du 28 novembre 2016, et mis à la charge de l'appelante, qui succombe
(art. 106 CPC).

Ils sont compensés avec l'avance du même montant opérée par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

9.2 L'appelante sera également condamnée à verser aux intimés, pris conjointement et solidairement et représentés par le même avocat, la somme de 4'000 fr. à titre de dépens d'appel, débours et TVA compris (art. 95 al. 3 let. a
et b CPC; art. 20, 25 et 26 LaCC, art. 84, 85, 88 et 90 RTFMC).

10. Le cas échéant, il appartiendra à la partie recourante d'indiquer au Tribunal fédéral la valeur litigieuse du présent litige, afin de lui permettre de déterminer si la valeur litigieuse minimale pour un recours en matière civile (art. 74 al. 1
let. b LTF, RS 173.110) est atteinte.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A.A______ le 17 novembre 2016 contre l'ordonnance OTPI/579/2016 rendue le 3 novembre 2016 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15706/2016-4 SP.

Au fond :

Confirme ladite ordonnance.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais d'appel à 2'400 fr.

Condamne A.A______ aux frais d'appel et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais fournie par celle-ci, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne A.A______ à payer à A.B______ et A.C______ LTD, pris conjointement et solidairement, la somme de 4'000 fr. à titre de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Sylvie DROIN, présidente; Madame Nathalie LANDRY-BARTHE et Monsieur Ivo BUETTI, juges; Madame Céline FERREIRA, greffière.

 

La présidente :

Sylvie DROIN

 

La greffière :

Céline FERREIRA

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF : cf. considérant 10.