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Décisions | Chambre civile

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C/24062/2014

ACJC/230/2015 du 27.02.2015 ( IUS ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.04.2015, rendu le 14.09.2015, IRRECEVABLE, 4A_197/2015
Descripteurs : CONCURRENCE DÉLOYALE; MESURE PROVISIONNELLE; LÉGITIMATION ACTIVE ET PASSIVE; TAXI; CHAUFFEUR
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/24062/2014 ACJC/230/2015

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 27 FEVRIER 2015

Entre

1) A______ SA, ayant son siège ______ Genève,

2) SOCIETE COOPERATIVE B______, c/o A______ SA, ______ Genève,

3) ASSOCIATION C______, ayant son siège ______ Genève,

4) D______ Sàrl, c/o E______ Sàrl, ______ Genève,

5) Madame F______, domiciliée ______ Genève,

6) Monsieur G______, domicilié ______ Genève,

7) Monsieur H______, domicilié ______ Genève,

requérants suivant requête de mesures provisionnelles en cessation de l'atteinte déposée au greffe de la Cour de céans le 25 novembre 2014, comparant tous par Me Jacques Roulet, avocat, boulevard des Philosophes 9, 1205 Genève, en l'étude duquel ils font élection de domicile,

et

UBER SWITZERLAND GMBH, ayant son siège ______ Zürich, p.a. Monsieur I______, ______ Zürich, citée, comparant en personne.


 

EN FAIT

A.            a. Par requête de mesures provisionnelles en cessation de l'atteinte du 25 novembre 2014, A______ SA, SOCIETE COOPERATIVE B______, ASSOCIATION C______, D______ Sàrl, G______, F______ et H______ (ci-après : les requérants) ont conclu, principalement, à ce qu'il soit fait interdiction à UBER SWITZERLAND GmbH (ci-après : UBER GmbH ou la citée) de déployer une quelconque activité en lien avec le transport rémunéré de personnes au moyen de véhicules légers sur le territoire du canton de Genève, notamment en organisant un tel service et en proposant de quelconques prestations en lien avec ladite organisation; de recruter, d'embaucher, de débaucher, ou, de tout autre manière, de s'affilier les services de chauffeurs actifs sur le territoire du canton de Genève; de mettre à disposition des chauffeurs actifs sur le territoire du canton de Genève l'application "Partenaire UBER"; de transmettre "aux chauffeurs UBER" actifs sur le territoire du canton de Genève les demandes de prise en charge émises par les utilisateurs de l'application UBER à Genève, lesdites interdictions devant être prononcées sous la menace de la peine d'amende prévue par l'art. 292 CP. Ils ont également conclu à ce qu'UBER GmbH soit condamnée à une astreinte de 20'000 fr. par jour en cas de transgression d'une interdiction prononcée, à ce qu'il soit dit que l'ordonnance déploiera ses effets jusqu'à droit jugé ou accord entre les parties dans la cause les opposant au fond, à ce qu'il soit dit que les requérants ne sont pas astreints à fournir des sûretés, à ce que les frais et les dépens de la cause soient mis à la charge de la citée et au déboutement de celle-ci, ainsi que de tous opposants, de toutes autres ou contraire conclusions.

b. Par mémoire de réponse expédié le 18 décembre 2014, UBER GmbH a conclu, procéduralement, à la recevabilité de sa détermination, au renvoi de l'écriture aux requérants pour rectification, ainsi qu'à la fixation d'un délai aux requérants 1 à 3 pour produire une procuration valable. Principalement, elle a conclu, sous réserve de la production d'une procuration valable dans le délai imparti, à ce que la requête des requérants 1 à 3 soit déclarée irrecevable, et à ce que le conseil des requérants soit condamné aux frais et dépens, ainsi qu'au déboutement des requérants, faute de légitimation passive d'UBER GmbH. Subsidiairement, elle a conclu au déboutement des requérants de toutes leurs conclusions et, plus subsidiairement encore, si la requête des requérants devait être admise, à ce que ceux-ci soient astreints à fournir des sûretés d'un montant minimum de
1'000'000 fr.. En tout état de cause, elle a conclu à ce que les frais judiciaires et dépens soient mis à la charge des requérants solidairement entre eux.

c. Dans une réplique du 12 janvier 2015 et une duplique expédiée le 26 janvier 2015, les parties ont persisté dans leurs conclusions, sous réserve pour la citée de celle visant à l'irrecevabilité de la requête des requérants 1 à 3, les procurations sollicitées ayant été produites.

d. Les parties ont été informées par courrier du greffe de la Cour de justice du
28 janvier 2015, de ce que la cause était gardée à juger.

B.            a. A______ SA est une société anonyme, de siège à Genève, dont le but est notamment l'exploitation d'une centrale de taxis pour la place de Genève. Elle se dit la plus importante centrale de diffusion d'ordres de courses de taxis dans le canton de Genève, avec près de 600 abonnés. Il existe cependant plusieurs autres centrales d'appel.

Au terme du contrat d'abonnement qui lie A______ SA à ses abonnés, celle-ci assure l'exploitation d'un central d'appels téléphoniques qui reçoit de la clientèle des commandes de courses et les distribue aux taxis des abonnés ou à ceux qu'ils ont confiés à leurs collaborateurs (art. 4.1.). Pour bénéficier des prestations fournies par la centrale, l'abonné doit payer une taxe mensuelle d'abonnement, fixée à 702 fr. 60 par véhicule (art. 8.1 et 8.3).

Aux termes de l'article 1.1. du "Règlement de la Centrale", applicable aux abonnés, tous les abonnés et leurs collaborateurs sont soumis aux dispositions de la Loi et du Règlement sur les services de taxi (…).

A______ SA offre gratuitement une application pour smartphone, qui permet au client de demander un taxi pour une course. Le chauffeur le plus proche se voit adresser la demande et l'accepte. Le prix de la course est fonction du montant qui apparaît sur le compteur horokilométrique et est réglé par le client au chauffeur.

b. SOCIETE COOPERATIVE B______ est une société coopérative, de siège à Genève, dont le but est de favoriser les intérêts économiques de ses membres, d'améliorer les services à la clientèle, ainsi que les conditions de travail des sociétaires.

Selon l'art. 2 al. 4 des statuts, la société a pour objet d'exploiter une société de services en rapport direct ou indirect avec la profession de chauffeur de taxi tels que centrale de diffusion de courses, réparations mécaniques, installation de matériel embarqué, leasing d'autorisations d'exploiter, mise à disposition de véhicules de remplacement (let. a), et d'une manière générale toutes les opérations commerciales, mobilières, immobilières ou financières, propres à favoriser la réalisation du but social et que la société pourra traiter directement, ou indirectement, soit pour son compte soit en participation ou pour le compte de tiers (let. b).

Seules les personnes physiques ou morales, titulaires d'un ou plusieurs permis de service public, sont admises comme sociétaires (art. 5 des statuts).

c. L'ASSOCIATION C______, de siège à Genève, est une association à caractère syndical dont le but principal est de défendre les intérêts de tous les professionnels de taxis sans distinction de leurs fonctions, qu'ils soient employés, fermiers, indépendants ou gestionnaires d'entreprise de taxis. Elle tend à se positionner en interlocuteur privilégié vis-à-vis de tout organisme traitant des sujets concernant les taxis de service public. Elle représente tous les membres et négocie pour eux en cas d'élaboration ou modification des lois et règlements régissant la profession de taxi ou toutes autres dispositions qui pourraient se rapporter à leur domaine d'activité (art. 3 des statuts).

Peuvent en être membres tous les chauffeurs indépendants de taxi de service public ainsi que les fermiers et employés desdits taxis (…) (art. 5 al. 1 des statuts).

F______ est la présidente de l'association.

d. D______ Sàrl, de siège à Genève, a pour but l'exploitation d'une entreprise de taxis et de garages automobiles, le commerce et la location de véhicules avec ou sans chauffeur, l'exploitation d'une auto-école et la formation de chauffeurs professionnels, ainsi que la prise de participation dans d'autres entreprises ou sociétés exerçant dans la branche du taxi.

e. G______, F______ et H______ sont chacun au bénéfice d'une autorisation délivrée par le canton de Genève d'exercer la profession de chauffeur de taxi indépendant avec permis de stationnement avec employés.

G______ et H______ sont en outre administrateurs de A______ SA et de SOCIETE COOPERATIVE B______.

UBER GmbH soutient que ces personnes n'exercent pas elles-mêmes une activité de chauffeur de taxi, G______ étant employé de A______ SA et de SOCIETE COOPERATIVE B______, H______ de A______ SA, et F______ organe de l'ASSOCIATION C______. Ceux-ci affirment exploiter individuellement des taxis de service public.

C.            a. UBER GmbH est une société à responsabilité limitée, inscrite au Registre du commerce de Zurich, dont le but est notamment de soutenir des entreprises, en particulier du groupe UBER, en offrant des prestations de service de transport au travers d'une application pour smartphone, et de fournir toutes les prestations directes ou indirectes y relatives. Elle est entièrement détenue par UBER INTERNATIONAL HOLDING B.V. (ci-après : UBER B.V.), à Amsterdam (Hollande), qui en est également l'associée, sans pouvoir de signature.

UBER GmbH occupe des bureaux à ______ à Genève depuis le 12 novembre 2014 (préalablement au ______).

Les requérants soutiennent que la citée offre et organise un service de taxis à Genève, ce que celle-ci conteste, assurant n'employer aucun chauffeur et ne posséder aucun véhicule. Elle dit se limiter à exercer une activité promotionnelle pour le groupe UBER, sans posséder une licence d'utilisation sur la technologie d'application UBER.

b. Le site internet www.uber.com propose divers modèles de transport, soit UberX, UberTAXI, UberBLACK, UberLUX et UberSUV.

Seul UberX est disponible à Genève. Le slogan attaché à cette formule est "Uber à prix mini". Les prix indiqués sont "prix de base CHF 4.00 + CHF 0.40 fr. par minute + CHF 2.20 par kilomètre, course minimum CHF 8.00, frais d'annulation CHF 8.00". Sous la rubrique mentions légales on peut lire "Uber is not a transportation provider."

b.a Aux termes des conditions d'utilisation "applicables à toute visite et utilisation du site web, au service et à l'application, ainsi qu'à toutes informations, recommandations et/ou services fournis directement ou indirectement par le site web, le service et l'application" il est prévu que le cocontractant est UBER B.V., société à responsabilité limitée établie aux Pays-Bas.

Le fonctionnement du "système UBER" y est décrit de la manière suivante :

"Uber propose des informations et permet d'obtenir des services de transport offerts par des tiers transporteurs, chauffeurs ou exploitants de parc de véhicules ("le transporteur"). Ces services peuvent être demandés par le biais de l'utilisation d'une application fournie par Uber, téléchargée et installée par vos soins sur votre téléphone portable (…)".

"L'application vous permet d'envoyer une demande de service de transport à un transporteur. Le récepteur GPS (qui doit être installé sur le téléphone portable (smartphone) sur lequel vous avez téléchargé l'application) détecte votre emplacement et envoie vos données de localisation au transporteur concerné. Le transporteur peut accepter ou refuser toute demande de service de transport, comme bon lui semble. Le transporteur est par ailleurs libre de décider d'utiliser ou non l'application pour recevoir les requêtes générées par le biais de l'application. Si le transporteur accepte une demande, l'application vous en avertit et vous communique des informations au sujet du transporteur (y compris son nom, le numéro d'immatriculation du véhicule et l'évaluation de son service à la clientèle) ainsi que la possibilité de contacter le transporteur par téléphone. L'application vous permet aussi de suivre la progression du transporteur vers le lieu de prise en charge, en temps réel".

"Pour éviter toute ambiguité : Uber n'est pas un fournisseur de services de transport; Uber n'est pas une entreprise de transport. Il appartient au transporteur d'offrir les services de transport qui peuvent être demandés par le biais de l'utilisation de l'application et/ou du service. Uber agit simplement en tant qu'intermédiaire entre le transporteur et vous. La prestation de services de transport par le transporteur est donc régie par le contrat (devant être) conclu entre vous et le transporteur. Uber ne sera jamais partie à ce contrat".

"L'utilisation de l'application et du service est gratuite. (…) Les tarifs pratiqués par le transporteur pour les services de transport sont indiqués sur le site Web et peuvent être consultés par le biais de l'application. (…) Uber vous facturera les services de transport qui vous sont fournis par le transporteur, pour celui-ci. Vous acceptez de payer tous les services de transport que vous achetez au transporteur. Vous reconnaissez qu'Uber peut débiter votre compte de carte de crédit que vous avez communiqué lors de votre inscription au service, pour les services de transport que vous avez demandé dans le cadre de votre compte (…)".

S'il le souhaite, le client peut indiquer à l'avance le lieu de destination et obtenir une estimation du prix de la course, qu'il peut accepter ou refuser. La course effective ne peut être facturée à un montant supérieur à celui maximum figurant sur l'estimation.

A la fin de la course, le client et le transporteur reçoivent sur leur smartphone le prix total de la course. Le montant est prélevé sur la carte de crédit du client.

b.b La partie qui fournit le service de transport est appelée "Conducteur", celle qui contracte avec UBER B.V. et qui assume la responsabilité du service de transport "Partenaire" (lequel peut employer des conducteurs).

Les conditions de partenariat stipulent notamment :

"Le Partenaire reconnaît et admet qu'Uber ne fournit aucun service de transport, et qu'elle n'est pas une société de transport ou de transport de passagers. Uber propose des informations et un outil permettant de relier les clients recherchant des services de conduite aux conducteurs susceptibles de fournir le service de conduite, et elle ne fournit pas et n'a pas l'intention de fournir des transports ou d'intervenir de quelque façon que ce soit comme une société de transport de passager." (art. 2.1.1).

"Uber fournit des informations au Conducteur par l'intermédiaire de l'Application Conducteur en indiquant l'emplacement du client ("A"). Le Client informe le Conducteur de la destination ("B")." (art. 4.2.1).

"Le Prix du billet pour le Service de conduite se trouve sur www.uber.com, sur l'Application, ou peut être communiqué à tout moment au Partenaire par Uber. Ces Prix sont TTC, la TVA étant due et devant être payée par le Partenaire au taux applicable du pays dans lequel est proposé le Service de conduite. Les Prix des billets sont des prix recommandés maximum. Le Partenaire est libre de facturer des prix inférieurs aux Clients." (art. 5.1.1).

"Le Prix du billet est généralement payé par le Client par carte de crédit. Le Partenaire autorise Uber à utiliser les informations de la carte de crédit du Client pour traiter le paiement du Prix du billet pour ce dernier et pour son compte. Le Partenaire est à tout moment responsable de tout préjudice lié au paiement par carte de crédit, comme l'utilisation de cartes de crédit fausses ou volées, de rejet de débit etc." (art. 5.1.2).

"Uber percevra une Commission par Trajet à un pourcentage tel que convenu dans le FEP (formulaire d'enregistrement de partenariat). Cette Commission est calculée sous forme de pourcentage du Prix du billet TTC, indépendamment d'un Prix du billet inférieur, tel que convenu éventuellement entre le Partenaire/Conducteur d'une part et le Client d'autre part pour un Trajet. Le Prix du billet (ou le prix inférieur tel que convenu avec le Client) sera perçu par Uber pour et pour le compte du Partenaire. La Commission sera payée par le Partenaire moyennant déduction du Prix du billet (ou du prix inférieur) lors de la perception du Prix du billet par Uber pour et pour le compte du Partenaire. (…) Le Partenaire accepte et s'engage à payer à Uber la Commission sur tous les Prix de billets payables dans le cadre du Service de conduite." (art. 5.2.1).

"(…) La TVA sera due et devra être payée par le Partenaire, sur la base dudit "mécanisme d'autoliquidation", mentionné sur les factures d'Uber." (art. 5.2.2).

"Uber exploite et le Partenaire accepte un système pour les reçus émis par Uber pour et pour le compte du Partenaire à l'intention du Client. Les reçus émis par Uber pour et pour le compte du Partenaire à l'adresse du Client seront envoyés en pièce jointe par e-mail ou mis à la disposition du Partenaire en ligne." (art. 5.4.2).

b.c La citée affirme que le service UberX proposé à Genève est spécifique à cette ville.

Elle explique que lorsqu'un chauffeur s'inscrit sur le site internet pour Genève, il reçoit un e-mail qui lui demande s'il est détenteur d'un permis de conduire suisse professionnel TPP avec la mention B121 et d'une carte de chauffeur professionnel de limousine ou taxi du canton de Genève (pour les propriétaires de véhicules immatriculés en plaques GE), s'il est propriétaire d'une voiture immatriculée en plaques professionnelles et équipée d'un tachygraphe, ainsi que la marque et le modèle de son véhicule. Il est précisé que si le véhicule n'est pas équipé de plaques professionnelles, l'accès au réseau UberX n'est pas possible.

Ceux qui disposent des autorisations légales nécessaires sont invités à transmettre à UBER, à l'adresse partenairesgeneve@uber.com, leur permis de conduire, leur carte de chauffeur professionnel, leur carte de dirigeant d'entreprise de TPP, leur carte d'identité, un extrait du Registre du commerce et leur permis de circulation. Il leur est également demandé de suivre une formation en ligne et de passer un test de connaissance de la ville en cliquant sur les liens mentionnés.

Les candidats qui satisfont les conditions requises sont invités à un entretien avec un "représentant d'UBER", dans les locaux de l'avenue de Champel, pour une séance de formation sur le fonctionnement de l'application, qui dure deux à trois heures.

Dans le guide du partenaire pour Genève, qui est passé en revue et qui leur est remis lors de cette séance, il est notamment indiqué, au titre des informations importantes, pour les « plaques taxi » qu'il faut enclencher le compteur au moment de démarrer la course et l'arrêter au moment de terminer la course, et qu'il faut expliquer aux passagers que le prix n'est pas celui au compteur, mais celui sur leur smartphone via l'application UBER, et que le compteur ne tourne que pour référence.

Pour les « plaques limousines », on peut y lire qu'au début de chaque course il faut expliquer au passager que le prix de la course est fixé par avance, à travers la fonction « estimation du prix » sur l'application et que si le prix à la fin de la course est supérieur au prix maximum indiqué lors de l'estimation, le prix sera ajusté en contactant UBER.

Les partenaires sont invités à contacter UBER à l'adresse partenairesgeneve@uber.com pour toute question importante ou problème lié à une course.

Dans la "présentation aux partenaires-octobre 2014", faite aux chauffeurs lors de l'entretien précité ou lors de leur formation en ligne, l'attention de ceux-ci est attirée sur le fait qu'ils sont des professionnels et qu'ils doivent respecter les heures maximum légales de travail ainsi que les temps de pause qui sont applicables dans le canton de Genève. La commission prélevée par UBER est de 20%. UBER fournit un I-phone par voiture. Au titre des avantages, il est notamment fait mention d'une équipe UBER locale, qui offre un support rapide et de qualité (ajustement, questions et problèmes gérés de manière locale), fournit les efforts marketing à la place des chauffeurs, d'un "Surge pricing", soit un mécanisme qui permet d'augmenter le prix des courses aux heures de forte demande, afin de maximiser les revenus sur ces périodes, et du fait que seuls les partenaires et les chauffeurs de premier ordre sont acceptés sur la plate-forme, et que ceux qui performent le mieux sont récompensés.

Il est procédé à des contrôles aléatoires des véhicules (systématiques pour ceux qui ont plus de dix ans) des chauffeurs.

Si, à l'issue de ce processus, le chauffeur est sélectionné, le compte chauffeur est activé et celui-ci peut utiliser l'application pour recevoir des commandes.

Les requérants soutiennent que parmi les chauffeurs sélectionnés, certains ont des véhicules immatriculés dans d'autres cantons ou en France, ce que la citée conteste, s'agissant de la seconde affirmation.

Dans un document confidentiel intitulé "soutiens partenaires Genève", on peut lire que pour le lancement de ses activités à Genève, UBER a mis en place des programmes propres à UBER Genève, temporaires et pouvant être modifiés, interrompus ou prolongés à tout moment, selon lesquels UBER offre à chaque chauffeur, pour chaque course réalisée un bonus de 5 fr.

Il ressort de courriels adressés aux "chauffeurs UBER" par l'équipe UBER Genève que les bonus à 15 fr. ont été réduits à 10 fr. dès le 24 novembre 2014, et à 8 fr. dès le 12 janvier 2015.

D. a. Dans la rubrique news du site internet du Service du commerce de Genève, on peut lire "Le Service du Commerce vous informe que l'activité de transport professionnel de personnes déployée par les chauffeurs ayant recours à la plateforme internet www.uber.ch, toutes catégories confondues (taxi public, taxi privé, limousine), viole plusieurs dispositions de la LTaxis et du RTaxis. Les chauffeurs effectuant des courses pour le compte de la société UBER s'exposent en conséquence à des sanctions administratives (…)".

b. Plusieurs chauffeurs ayant eu recours à l'application www.uber.ch se sont vus infliger des amendes notamment pour infractions :

- aux art. 34 al. 3 LTaxis, 46 al. 2 et 68 al. 2 RTaxis, qui stipulent que le feuillet établi par le département doit indiquer le tarif pratiqué lors de la course,

- aux art. 38 al. 2 let. c LTaxis et 42 al. 1 LTaxis, selon lesquels le prix de la course doit être calculé selon l'enregistrement au compteur horokilométrique agréé par le département et que ledit compteur doit indiquer le tarif dont le chauffeur fait usage lors de la course,

- aux art. 60 al. 3 RTaxis et 34 al. 3 LTaxis, lesquels prévoient que le prix de la course doit être constamment visible par le client lors du transport,

- à l'art. 53 al. 2 LTaxis, selon lequel la quittance à remettre obligatoirement au client doit être établie selon les données du compteur horokilométrique agréé par le département.

Ces décisions ont fait l'objet de recours, toujours pendants devant la Chambre administrative de la Cour de justice.

EN DROIT

1.             1.1 Aux termes des art. 5 al. 1 let. d CPC et 120 al. 1 let. a LOJ, la Chambre civile de la Cour de justice connaît en instance unique des litiges relevant de la loi fédérale contre la concurrence déloyale (ci-après : LCD; RS 241) lorsque la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr.

Cette compétence vaut également pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (art. 5 al. 2 CPC).

Le litige porte en l'espèce sur le comportement de la citée, dont les requérants soutiennent qu'il est contraire à plusieurs dispositions de la LCD. S'agissant de la valeur litigieuse, il y a lieu d'admettre, en l'état, qu'elle est soit indéterminée, soit supérieure à 30'000 fr. si un dommage devait effectivement résulter du comportement allégué de la citée.

Dès lors, la Cour de justice est compétente ratione materiae pour statuer en qualité d'instance cantonale unique.

1.2 Selon l'art. 13 al. 1 CPC et sauf disposition contraire de la loi, est impérativement compétent pour ordonner des mesures provisionnelles le tribunal compétent pour statuer sur l'action principale (let. a), ou celui du lieu où la mesure doit être exécutée (let. b).

Les actes de concurrence déloyale constituent des actes illicites (art. 2 LCD) et le tribunal du domicile ou du siège du lésé ou du défendeur ou le tribunal du lieu de l'acte ou du résultat de celui-ci est compétent pour statuer sur les actions fondées sur un acte illicite (art. 36 CPC).

En l'espèce la citée a son siège à Zurich, mais les effets allégués des actes illicites que les requérants lui reprochent au regard de la LCD devraient, le cas échéant, se déployer à Genève.

Partant, la Cour est également compétente à raison du lieu, ce que les parties ne contestent au demeurant pas.

2.             UBER GmbH conclut au renvoi de la requête (art. 132 al. 2 CPC) déposée par les requérants, au motif que celle-ci contient de nombreux allégués et moyens de preuve sans pertinence pour l'issue du litige, ou irrecevables.

2.1 L'art. 132 al. 1 CPC, qui dispose que le tribunal fixe un délai pour la rectification des vices de forme s'applique également aux actes illisibles, inconvenants, incompréhensibles ou prolixes (art. 132 al. 2 CPC).

Un acte est prolixe lorsque une partie se répand et se répète sur certaines questions, mais pas lorsqu'elle soumet au juge un état de fait, qu'elle tient de bonne foi pour utile. Dans le doute, il convient de faire preuve de retenue, au risque de violer le droit d'être entendu. La retenue s'impose également, puisque le tribunal n'est pas obligé de considérer tous les allégués, mais peut se contenter d'examiner les faits et questions pertinents et contestés (Gschwend/bornatico, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2e éd 2013, n. 29 ad art. 132 CPC).

La preuve a pour objet les faits pertinents et contestés (art. 150 CPC). Les faits notoires ou notoirement connus du tribunal et les règles d'expérience généralement reconnues ne doivent pas être prouvés (art. 151 CPC). Les innombrables renseignements figurant sur internet ne peuvent pas être considérés comme notoires (cf. ATF 134 III 224 consid. 7.2 p. 234, ATF 134 III 534
consid. 3.2.3.3 p. 539). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC).

2.2 En l'espèce, quand bien même la requête contient des éléments de fait qui ne concernent pas directement la citée, et partant, n'apparaissent pas nécessairement déterminants pour la solution du litige, et se réfère à de nombreux extraits de sites internet ou articles de presse, qui n'ont qu'une valeur probante limitée, il n'y a pas lieu de renvoyer l'acte à son auteur, sauf à faire preuve de formalisme excessif. La Cour limitera son examen aux faits et moyens de preuve pertinents, dans le cadre de son pouvoir d'appréciation.

3.             Celui qui requiert des mesures provisionnelles doit rendre vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte - ou risque de l'être -, et qu'il s'expose de ce fait à un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC). Un fait est rendu vraisemblable si le juge, en se basant sur des éléments objectifs, a l'impression que le fait invoqué s'est produit, sans pour autant devoir exclure la possibilité qu'il ait pu se dérouler autrement (ATF 132 III 715 consid. 3.1 p. 720; ATF 130 III 321 consid. 3.3 p. 325); le juge peut en outre se limiter à un examen sommaire des questions de droit (ATF 131 III 473 consid. 2.3 p. 476; ATF 108 II 69 consid. 2a p. 72) (ATF 139 III 86 consid. 4.2).

La vraisemblance requise doit également porter sur un préjudice difficilement réparable, qui peut être patrimonial ou immatériel (Bohnet, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n. 11 ad art. 261 CPC; Kofmel Ehrenzeller, KuKo-ZPO, 2010, n. 8 ad art. 261 CPC; Huber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm et al., éd., 2ème éd., 2013, n. 20 ad art. 261 CPC). La condition du préjudice difficilement réparable vise à protéger le requérant du dommage qu'il pourrait subir s'il devait attendre jusqu'à ce qu'une décision soit rendue au fond (ATF 139 III 86 consid. 5; 116 Ia 446 consid. 2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_901/2011 du 4 avril 2012 consid. 5; 4A_611/2011 du 3 janvier 2012 consid. 4).

Des simples allégations sont en règle générale impropres à rendre vraisemblable un préjudice difficile à réparer; le requérant doit au contraire fournir les éléments qui sont de nature à corroborer ses dires (Schlosser, Les conditions d'octroi des mesures provisionnelles en matière de propriété intellectuelle et de concurrence déloyale, in sic!, 2005, 347).

Le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment une interdiction (art. 262 let. a CPC).

La procédure sommaire est applicable (art. 248 let. d CPC).

4.             Les requérants soutiennent que la citée viole plusieurs dispositions de la LCD (art. 2, 3 al. 1 let. b, d, f et i, ainsi que 7 LCD), dans le but de s'approprier le marché du taxi, qu'ils occupent, et qu'elle leur cause un dommage important, en constante évolution, difficile à établir mais difficilement réparable, en s'appropriant des parts importantes de ce marché.

La citée conteste la légitimation active des requérants, dont elle souligne les positions différentes dans le processus économique, sa légitimation passive, dans la mesure où elle soutient ne pas être responsable des activités d'UBER à Genève, ainsi que toute violation de la LCD.

4.1 Le défaut de légitimation active (ou passive) est un moyen de fond et non une exception de procédure. Un tel moyen a le caractère d'une objection. Il doit être examiné d'office à la lumière des règles de droit matériel et non des règles de procédure (ATF 126 III 59 consid. 1a). Il s'agit d'un conflit sur la titularité du droit. En principe, seule est légitimée comme partie au procès celle qui est personnellement titulaire d'un droit ou contre laquelle personnellement un droit est exercé. Le défaut de légitimation active (ou passive) entraîne le rejet de l'action alors que le défaut de qualité pour agir ou pour défendre, condition d'ordre procédural, entraîne l'irrecevabilité de celle-ci (ATF 130 III 417 consid. 3.1, SJ 2004 I 533; ATF 126 III 59 consid. 1a; HOHL, Procédure civile, tome I, n. 435
p. 97 et n. 451, p. 100).

Selon l'art. 9 al. 1 LCD, est légitimé à agir celui qui, par un acte de concurrence déloyale, subit une atteinte dans sa clientèle, son crédit ou sa réputation professionnelle, ses affaires ou ses intérêts économiques en général, ou celui qui en est menacé. Sont ainsi légitimés à agir les sujets de droit qui participent à la concurrence économique et font valoir leurs propres intérêts économiques (Rüetschi/Roth, in Basler Kommentar, Bundesgesetz gegen den unlauteren Wettbewerb, 2013, n. 4 ad art. 9 LCD).

4.2 La LCD vise à garantir, dans l'intérêt de toutes les parties concernées, une concurrence loyale et qui ne soit pas faussée (art. 1 LCD). Cette loi ne concerne donc que le domaine de la concurrence, compris comme une compétition, une rivalité sur le plan économique entre des personnes qui offrent leurs prestations. Pour que les normes réprimant la concurrence déloyale s'appliquent, il ne suffit pas que le comportement incriminé apparaisse déloyal au regard de la liste d'exemples reproduits aux art. 3 à 8 LCD, mais il faut encore, comme le montre la clause générale de l'art. 2 LCD, qu'il influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. Autrement dit, l'acte doit influencer le jeu de la concurrence, le fonctionnement du marché. S'il n'est pas nécessaire que l'auteur de l'acte soit lui-même un concurrent, ni qu'il ait la volonté d'influencer l'activité économique, l'acte doit cependant être objectivement propre à avantager ou désavantager une entreprise dans sa lutte pour acquérir de la clientèle, ou à accroître, respectivement diminuer ses parts de marché. La LCD ne protège pas la bonne foi de manière générale, mais tend seulement à garantir une concurrence loyale (ATF 136 III 23, consid. 9.1; 133 III 431 consid. 4.1, JdT 2007 I 194; 131 III 384 consid. 3, JdT 2005 I 434; 126 III 198 consid. 2c/aa).

Aux termes de l'art. 2 LCD, est déloyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de toute autre manière aux règles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients. La clause générale de l'art. 2 LCD est concrétisée par la liste d'exemples figurant aux art. 3 à 8 LCD. Il n'est pas nécessaire de faire appel à cette clause si le comportement reproché tombe sous le coup de l'une des dispositions spéciales (art. 3 à 8 LCD), raison pour laquelle il convient de commencer par examiner l'applicabilité de ces dernières. Toutefois, il faut garder à l'esprit que celles-ci n'embrassent pas tous les comportements déloyaux possibles et imaginables, de sorte qu'un comportement donné peut mériter ce qualificatif même s'il n'entre pas dans leurs prévisions (ATF 132 III 414
consid. 3.1).

4.3 Agit de façon déloyale celui qui notamment donne des indications inexactes ou fallacieuses sur lui-même, son entreprise, sa raison de commerce, ses œuvres, ses prestations, ses prix, ses stocks, ses méthodes de vente ou ses affaires ou qui, par de telles allégations, avantage des tiers par rapport à leurs concurrents (art. 3 let. b LCD); prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d'autrui (art. 3 let. d LCD); offre, de façon réitérée, au-dessous du leur prix coûtant, un choix de marchandises, d'œuvres ou de prestations et met cette offre particulièrement en valeur dans sa publicité, trompant ainsi la clientèle sur ses propres capacités ou celles de ses concurrents; la tromperie est présumée lorsque le prix de vente est inférieur au prix coûtant pour des achats comparables de marchandises, d'œuvres ou de prestations de même nature (…) (art. 3 al. 1 let. f LCD); trompe la clientèle en faisant illusion sur la qualité, la quantité, les possibilités d'utilisation, l'utilité de marchandises, d'œuvres ou de prestations, en taisant les dangers qu'elle présente (art. 3 al. 1 let. i LCD).

4.3.1 Une indication inexacte n'est pas conforme à la réalité, alors qu'une indication fallacieuse n'est pas nécessairement fausse en elle-même, mais peut induire en erreur (Berger, in Basler Kommentar, op. cit., n. 50 et 51 ad art. 3 al. 1 let. b LCD).

Des informations lacunaires peuvent être considérées comme des indications fallacieuses, pour autant qu'il existe un devoir d'information, qui peut résulter de la loi, du contrat ou des circonstances (Berger, in Basler Kommentar, op. cit.,
n. 53 ad art. 3 al. 1 let.b LCD).

Pour tomber sous le coup de l'art. 3 al. 1 let. b LCD, les indications inexactes ou fallacieuses en cause doivent être propres à influencer la décision du client
(ATF 132 III 414 consid. 4.1.2).

La dissimulation de l'art. 3 al. 1 let. i LCD et la tromperie de l'art. 3 al. 1
let. b LCD sont des notions proches, que la doctrine cite souvent ensemble, et considère comme complémentaires (Meier-Gubser, Arbeitsrechtlicher Gedankenflug übers UWG, in AJP 2014 S. 1486, 1492).

4.3.2 S'agissant de l'art. 3 al. 1 let. d LCD, l'acte qui fait naître une confusion notamment avec les prestations d'autrui doit constituer un comportement trompeur ou contrevenir de toute autre manière aux règles de la bonne foi conformément à la condition générale de l'art. 2 LCD. Agit ainsi de façon déloyale celui qui égare le public en créant un risque de confusion avec un concurrent qui jouit d'une renommée. Il faut en juger selon la manière dont le public en général perçoit la prestation litigieuse, à moins qu'il faille prendre en compte la perception des cercles spécifiques de la branche en question (arrêt du Tribunal fédéral 4C.109/2000 du 26 juillet 2000, consid. 3a).

D'après la jurisprudence, la notion de danger de confusion est identique dans l'ensemble du droit des biens immatériels. Le risque de confusion signifie qu'un signe distinctif, à considérer le domaine de protection que lui confère le droit des raisons de commerce, le droit au nom, le droit des marques ou le droit de la concurrence, est mis en danger par des signes identiques ou semblables dans sa fonction d'individualisation de personnes ou d'objets déterminés. Ainsi, des personnes qui ne sont pas titulaires du droit exclusif à l'usage d'un signe peuvent provoquer, en utilisant des signes identiques ou semblables à celui-ci, des méprises en ce sens que les destinataires vont tenir les personnes ou les objets distingués par de tels signes pour ceux qui sont individualisés par le signe protégé en droit de la propriété intellectuelle (confusion dite directe). La confusion peut également résider dans le fait que, dans le même cas de figure, les destinataires parviennent certes à distinguer les signes, par exemple des raisons sociales, mais sont fondés à croire qu'il y a des liens juridiques ou économiques entre l'utilisateur de la raison et le titulaire de la raison valablement enregistrée (confusion dite indirecte; ATF 128 III 146 consid. 2a; ATF 127 III 160 consid. 2a) (ATF 131 III 572 consid. 3).

4.3.3 L'article 3 al. 1 let. f LCD suppose la réalisation de cinq éléments, qui doivent exister cumulativement, soit "l'offre d'un choix de marchandises", "de façon réitérée", "au-dessous du prix coûtant", "mettre cette offre particulièrement en valeur dans sa publicité" et "tromper la clientèle sur ses propres capacités" (Wickihalder, in Basler Kommentar, op. cit., n. 7 ad art. 3 al. 1 let. f LCD).

La vente d'un produit en-dessous de son prix normal de vente n'est pas en soi une pratique déloyale. Même la revente au-dessous du prix coûtant est licite, si elle ne trompe pas les clients sur ses propres capacités. Il serait inadmissible, en revanche, de casser les prix pour mettre des concurrents hors-jeu et reprendre leurs parts de marché (arrêt de la Cour de justice de Genève du 27 janvier 1989, consid. 2, in : RSPI 1990, 182).

4.3.4 Agit encore de façon déloyale celui qui, notamment, n'observe pas les conditions de travail légales ou contractuelles qui sont également imposées à la concurrence ou qui sont conformes aux usages professionnels ou locaux
(art. 7 LCD).

4.4 La loi genevoise sur les taxis et limousines du 15 mai 2005 (LTaxis; H 1 30) et son règlement (RTaxis, H 30.01) s'appliquent au transport professionnel de personnes au moyen de voitures automobiles sur le territoire du canton de Genève (art. 2 LTaxis). La loi a pour objet d'assurer un exercice des professions de transport de personnes au moyen de voitures automobiles et une exploitation des services de taxis et de limousines conformes, notamment aux exigences de la sécurité publique, de la moralité publique, du respect de l'environnement et de la loyauté dans les transactions commerciales ainsi qu'aux règles relatives à l'utilisation du domaine public.

Le service de transport est exercé par des voitures désignées comme taxis et à défaut comme limousines dont l'activité est soumise à l'autorisation préalable du département de la sécurité et de l'économie (art. 2 al. 2 LTaxis).

Le département peut délivrer des autorisations d'exploiter un taxi de service privé ou public ou une limousine en qualité d'indépendant, une entreprise de taxis de service public ou de limousines (art. 9 LTaxis).

Seuls les taxis de service public disposent d'un usage commun accru du domaine public leur permettant de s'arrêter aux stations de taxis dans l'attente de clients et d'utiliser les voies réservées aux transports en commun ainsi que d'emprunter les zones ou les rues dans lesquelles la circulation est restreinte (art. 19 al. 2 LTaxis).

L'exploitation d'une centrale d'ordre de taxis est également soumise à autorisation, laquelle pose des exigences en matière de nationalité, de solvabilité, d'inscription au Registre du commerce, de nombre de taxis affiliés, etc. (art. 13 LTaxis,
art. 8 RTaxis).

Les conducteurs de véhicules étrangers et d'autres cantons doivent aussi obtenir des autorisations du département pour exercer une activité sur le territoire du canton. La prise en charge de clients sur le territoire genevois par des véhicules d'autres cantons est limitée et n'est possible qu'à la condition qu'ils aient été commandés à l'avance par ces clients. Sous réserve des conventions internationales, les taxis et les limousines étrangers n'ont pas le droit de prendre en charge des clients sur territoire genevois (art. 19 LTaxis).

L'art. 34 al. 3 LTaxis prévoit que sont affichés à la vue des passagers, les tarifs pratiqués par le taxi, le prix de la course, la mention de l'obligation faite au chauffeur de remettre d'office une quittance, le numéro d'immatriculation du taxi, la désignation de l'entreprise si elle est détentrice du véhicule ainsi que le numéro d'appel téléphonique général ou, le cas échéant, de la centrale d'ordres de course ou de l'entreprise.

L'al. 4 de cette même disposition stipule que les chauffeurs remettent d'office à leur client, chaque fois qu'ils encaissent le prix d'une course, une quittance comportant, outre le prix, le numéro d'immatriculation du véhicule, l'adresse et le numéro d'appel téléphonique de la centrale ou de l'entreprise à laquelle le véhicule appartient ou un numéro de téléphone personnel si le chauffeur est indépendant et sans centrale. Ils conservent une copie de la quittance.

Les tarifs des taxis sont déterminés selon l'enregistrement du compteur horokilométrique, calculé dans les limites maximales imposées par le Conseil d'Etat (art. 42 al. 1 LTaxis).

Les exploitants d'une entreprise de limousines doivent, avant d'effectuer tout transport, avoir convenu de la prestation et de son prix (…) (art. 35 al. 3 LTaxis).

Les taxis doivent accepter toutes les courses, quel que soit le lieu de prise en charge ou de destination dans le canton (art. 39 al. 1 LTaxis).

4.5.1 En l'espèce, dans la mesure où il est vraisemblable que toutes les parties interviennent d'une manière ou d'une autre sur le marché du transport professionnel à Genève, elles paraissent légitimées à agir ou défendre. A cet égard, s'il est vrai que la citée n'est pas le cocontractant des personnes souscrivant l'application (il s'agit d'UBER B.V. en Hollande), il n'empêche que c'est grâce à son intervention active, ou celle de personnes qui œuvrent dans des locaux dont elle dispose à Genève, et dont on peut présumer qu'elles sont ses employées, que les intéressés se voient donner un accès à l'application. C'est la citée qui veille à la sélection et au contrôle des candidats, ainsi qu'à leur motivation (sous la dénomination "votre équipe UBER Genève"), par l'envoi régulier de messages d'encouragement, notamment relatifs aux bonus. Elle admet d'ailleurs que s'il était fait droit aux conclusions des requérants, elle subirait un dommage, ce qui démontre, de manière vraisemblable, son implication dans le processus.

Cela étant, il n'y a pas lieu d'examiner plus avant la question de la légitimation active ou passive des parties, au vu des considérations qui suivent.

4.5.2 La Cour considère que les requérants n'ont pas rendu vraisemblable que la citée aurait fourni des indications inexactes ou fallacieuses sur elle-même, ses prestations ou ses prix ou qu'elle aurait dissimulé des éléments importants. Il apparaît en effet que les indications fournies sur l'application UBER, à la diffusion de laquelle la citée participe activement, correspondent à la réalité. Il n'a pas été rendu vraisemblable que les tarifs annoncés ne sont pas appliqués. A aucun moment, il n'est fait mention sur UberX, seul disponible à Genève, d'un service de taxi. Au contraire, tant sur le site internet que dans les conditions d'utilisation de l'application, il est précisé qu'Uber n'est pas un transporteur. Le seul slogan "plus simple et plus fiable qu'un taxi pour un prix comparable", contenu sur le site général d'UBER, à l'exclusion de celui valable pour Genève, ne saurait, prima facie, emporter violation de l'art. 3 al. 1 let. d ou i LCD. L'utilisateur de l'application reçoit le nom et les coordonnées du chauffeur qui va se charger de la course, ainsi que le numéro de sa plaque d'immatriculation (cas échéant autre que GE). Les qualités du transporteur (taxi public, taxi privé, limousine) ne sont pas fournies, sans que l'on puisse pour autant retenir, au stade la vraisemblance, qu'une indication fausse ou fallacieuse est donnée, UBER n'émettant aucune garantie sur ce point dans ses conditions d'utilisation ou autres communications. Il est d'ailleurs vraisemblable que le citoyen moyen ignore les restrictions imposées aux chauffeurs professionnels, en fonction du type d'autorisation dont ils bénéficient (taxi public, privé ou limousine, immatriculation dans un autre canton ou pays), de sorte qu'il est vraisemblable que ces différences ne dictent pas son choix et qu'en conséquence l'absence de précision sur ce point est sans incidence sur la concurrence.

Il n'y a pas de confusion possible entre les différentes parties. Les requérants ne rendent pas vraisemblable que le consommateur pourrait croire qu'il y a des liens juridiques ou économiques entre elles, et que la citée profiterait de la sorte de la renommée de l'un ou l'autre des requérants. Le simple fait que l'utilisation de l'application revienne vraisemblablement à recourir à une centrale d'appels de transport ne peut à lui seul générer une confusion que la loi veut empêcher. Il existe d'ailleurs plusieurs centrales d'appel à Genève.

Il n'est pas contesté que les transporteurs qui ont souscrit l'application UBER, par l'intermédiaire de la citée, se sont vus offrir des "bonus" sur chaque course effectuée, afin de les inciter à multiplier leurs prestations. La citée a rendu vraisemblable que ce système de "bonus" n'était pas destiné à durer. Il est de surcroît sans incidence sur le prix que paie le consommateur, dont il n'est pas rendu vraisemblable qu'il serait inférieur au prix coûtant. A cet égard, il n'apparaît pas que le transporteur qui travaille avec l'application UBER le fait à perte, même s'il n'est pas contesté que le tarif appliqué est inférieur à celui, maximum, prévu par la LTaxis. Une violation de l'art. 3 al. 1 let. f n'a ainsi par été rendue vraisemblable par les requérants.

Les requérants n'ont pas non plus rendu vraisemblable que la citée tromperait la clientèle en faisant illusion sur la qualité des prestations fournies ou en taisant les dangers qu'elles présentent. Il ressort au contraire des éléments figurant au dossier que les informations données au client via l'application UBER sont exactes et claires : le temps d'attente, le montant prévisible de la course, le nom et les coordonnées du chauffeur sont fournies, sans tromperie.

Dans la mesure où il est rendu vraisemblable que la citée n'emploie pas de transporteurs, aucune violation de l'art. 7 LCD ne saurait lui être reprochée.

4.5.3 Les requérants ont rendu vraisemblable que les transporteurs qui recouraient à l'application UBER, ou à tous le moins certains d'entre eux, ne respectaient pas les dispositions de la loi sur les Taxis. Il n'est en effet pas contesté que des chauffeurs d'autres cantons effectuent des transports rémunérés dans le canton de Genève, via l'application UBER. Il est en outre notamment rendu vraisemblable que la facturation du trajet ne se fait pas selon le montant affiché sur le taximètre, et qu'aucune quittance conforme à la LTaxis n'est remise au client. Les chauffeurs sont libres d'accepter ou de refuser une demande de course reçue via l'application. Des sanctions ont d'ailleurs été prononcées contre certains chauffeurs par les autorités administratives compétentes, même si elles ne sont pas définitives.

Il est également rendu vraisemblable que les services rendus par l'application UBER sont comparables à ceux d'une centrale d'appels, dans la mesure où elle permet la mise en relation d'un client avec un transporteur en vue d'une course rémunérée, et que la citée n'a pas requis ni obtenu d'autorisation d'exploiter une centrale d'appels dans le canton.

Se pose dès la question de savoir si ce comportement, qui consiste à favoriser, pour ne pas dire inciter, des chauffeurs à exercer une activité en s'affranchissant des autorisations ou règles applicables à la profession, ou à exercer, fut-ce indirectement, une activité analogue à celle d'une centrale d'appels, sans autorisation idoine, n'influe pas sur les rapports entre concurrents de manière contraire aux règles de la bonne foi, et partant déloyale, au sens de l'art. 2 LCD.

Il n'y a cependant pas lieu, à ce stade, de trancher ce point, dans la mesure où les requérants n'ont pas suffisamment allégué, et encore moins rendu vraisemblable, le dommage qui en résulterait pour eux.

S'agissant par exemple de A______ SA, centrale d'appels, celle-ci n'a pas allégué ni rendu vraisemblable que depuis l'arrivée de la citée dans le canton, elle aurait perdu des abonnés ou enregistré une diminution des appels reçus, et qu'il en serait résulté pour elle une diminution de son chiffre d'affaires.

Les autres requérants n'ont pas non plus allégué ou rendu vraisemblable que depuis l'arrivée de la citée à Genève leur activité ou celle de leurs membres aurait baissé, et que leurs revenus auraient en conséquence diminué.

Même si, dans le cadre des mesures provisionnelles, un degré de preuve limité à la vraisemblance est suffisant s'agissant du dommage subi et de son caractère difficilement réparable, l'allégation toute générale selon laquelle il est évident que l'arrivée d'UBER sur la marché genevois aura pour conséquence de priver les requérants de parts de marché difficiles à récupérer est insuffisante.

Il faut encore relever que le Service du commerce, qui veille au respect de la loi sur les Taxis, est intervenu et vraisemblablement continue d'intervenir à l'encontre des chauffeurs qui ne respectent pas les règles de la profession, et que dans cette mesure le caractère irréparable du dommage dont les requérants se disent victimes est discutable, puisque l'intervention des autorités administratives compétentes serait de nature à le faire cesser.

Les requérants seront en conséquence déboutés de toutes leurs conclusions, sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les autres arguments des parties.

5.             Les frais judiciaires, seront arrêtés à 5'000 fr. (art. 95 al. 1 let. a, art. 96 CPC, art. 26 et 13 RTFMC, E 1 05.10) et mis solidairement à la charge des requérants qui succombent (art. 106 al. 1 CPC).

Ils sont compensés avec l'avance fournie par eux qui reste acquise à l'Etat (art. 111 al. 1 CPC).

Les requérants seront en outre condamnés, solidairement entre eux, à verser à la citée 5'000 fr. à titre de dépens (art. 84 et suivants RFTMC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable la requête de mesures provisionnelles déposée le 25 novembre 2014 par A______ SA, SOCIETE COOPERATIVE B______, ASSOCIATION C______, D______ Sàrl, F______, G______ et H______.

Au fond :

Déboute A______ SA, SOCIETE COOPERATIVE B______, ASSOCIATION C______, D______ Sàrl, F______, G______ et H______ des fins de leur requête.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires à 5'000 fr., et les met à la charge des requérants, conjointement et solidairement entre eux.

Dit qu'ils sont compensés par l'avance fournie par les requérants, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne les requérants, solidairement entre eux, à verser à la citée 5'000 fr. à titre de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD et Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Nathalie DESCHAMPS, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Nathalie DESCHAMPS



Indication des voies de recours
:

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;
RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.